Il y avait ce soir une assemblée générale du COF (association des
élèves de l'ENS) pour réforme des statuts. Le genre
de choses qu'il est difficile de mener, parce qu'il s'agit de
synthétiser les avis d'un grand nombre de personnes qui ont tous des
avis complètement différents sur un nombre important de points (mode
d'élection des institutions, date de ces élections, attributions des
postes, etc.), et en plus les normaliens sont une bande de pinailleurs
jésuites et nomicistes, ce qui
n'arrange rien ; mais, là, le bureau de l'association n'avait fait
aucun travail préliminaire sérieux, n'avait ni synthétisé les
propositions qui avaient été faites (et elles étaient intelligentes et
documentées) ni préparé un jeu de modifications qui se tiennent
(préférant amender en direct les statuts pendant l'assemblée générale
elle-même — en tapant du code HTML pourri sous
WordPad sous Windows !). Le comble du ridicule a mes yeux a été
atteint lorsque le président a réussi, à la faveur du transfert
(essentiellement technique) d'un article depuis les statuts de
l'association vers le règlement intérieur, à en faire voter une
modification qui n'était pas annoncée à l'ordre du jour (et encore, le
changement a failli passer complètement inaperçu et être voté en
bloc) : essentiellement, jusqu'à présent, une assemblée générale de
l'association pouvait voter une dérogation permettant à un non-élève
de l'École (par exemple un ancien élève, ou simplement quelqu'un qui
fréquente habituellement l'établissement) de se présenter aux
élections du bureau — la modification du règlement interdit
maintenant de telles dérogations ; le ridicule vient du fait qu'une
assemblée extraordinaire votant à une heure du matin à douze voix
contre onze (sur une association qui comprend plusieurs centaines
de membres, mais il n'y a pas de quorum de représentation) prétend
ainsi limiter les pouvoirs des assemblées générales suivantes. (Par
ailleurs, je relève l'habituelle confusion mentale entre il est une
mauvaise chose que <quidlibet>
— en
l'occurrence, élire un non-élève au bureau — et il faut
interdire <quidlibet>
. Mais passons.)
C'est le genre de choses qui me fait penser, de plus en plus, que
la démocratie est un système absurde, même sur un petit
groupe (et même lorsque les gens qui le constituent sont
censéments « intelligents » — avec une bonne définition de
intelligents
). Je suis un des principaux auteurs des statuts
d'une association (la refonte
complète desquels a été menée, à la différence de celle que je décris
ici, avec une bonne concertation préalable), dont je suis globalement
assez fier, mais je me dis que, finalement, si je devais fonder une
nouvelle association, j'adopterais plutôt un principe dictatorial dans
son organisation (ce que, pour autant que je sache, la loi de
1901 permet tout à fait).