Je me suis posé tout à l'heure (après une fin d'après-midi bien
solitaire, donc déprimante) la question, sans doute malsaine, de
savoir ce qui se passerait si je disparaissais : je veux dire, qui
remarquerait quelque chose au bout de combien de temps, et qui s'en
inquiéterait. (Pas besoin de faire une fugue : juste cesser de lire
mon mail et de répondre au téléphone, en gros. Je précise que je ne
ferai pas l'expérience, parce que je tiens à ce qu'on puisse
légitimement penser que si cela m'arrive c'est qu'il s'est
passé quelque chose de grave, donc je ne veux pas jouer au garçon qui
a crié au loup
. Peut-être vaut-il mieux ne pas savoir la
réponse, de toute manière.)
La réponse personne avant longtemps
(ne remarquerait, ou au
moins ne s'inquiéterait) est à double tranchant. D'un côté elle est
rassurante, parce qu'elle signifie qu'on peut, notamment, décider
aujourd'hui je ne fais rien
sans que l'Univers s'arrête de
tourner ; en quelque sorte, c'est une forme de liberté, et je
pense qu'il n'est pas raisonnable de souhaiter être irremplaçable.
Mais au verso, cela est inquiétant pour deux raisons : concrètement,
parce que cela signifie que si on a un accident on a le temps de
mourir bien avant l'arrivée des secours ; mais surtout, moralement,
parce que c'est une façon de se sentir « inutile ».