Un de mes amis (François Kahn) a eu (ou va avoir très
prochainement) son compte informatique à l'ENS fermé suite à des
plaintes relatives au contenu de sa page Web (ce lien
risque de ne pas être valable très longtemps, et pour cause) : une
parodie qu'il avait faite il y a six ans a été prise au sérieux parce
qu'il a eu le malchance d'utiliser un nom qui à l'époque n'existait
pas et qui a été emprunté depuis par un groupe monarchiste (cité dans
une enquête sur des tentatives d'attentat), des gens ont été assez
obtus pour ne pas comprendre le caractère humoristique de cette page
(ou pour regarder à quelle date elle avait été écrite) et ils ont
protesté auprès du fournisseur d'accès de l'ENS (Renater) pour incitation à la
haine raciale
, fournisseur qui a retourné la protestation auprès
de l'École, dont l'administration a ordonné au service de prestations
informatiques de fermer illico le compte (François étant, comme moi,
ancien élève et non plus en cours de scolarité, ce compte était une
tolérance).
On ne peut pas vraiment en vouloir à l'École d'avoir fermé un compte qu'elle maintenait par « pure gentillesse », mais on peut lui reprocher sa frilosité. On peut surtout regretter qu'on soit arrivé à une situation où la liberté d'expression, sur le Web, est un vain mot : n'importe qui peut faire fermer n'importe quelle page personnelle, il suffit de parler vaguement d'injures à caractère racial, ou de violation de copyright, ou n'importe quoi de la sorte ; n'importe quel fournisseur d'accès préférera fermer dans le doute plutôt que vérifier quoi que ce soit. Et la LEN ne va pas arranger les choses, c'est le moins qu'on puisse dire ! Surtout, n'essayez pas de faire d'humour ou de caricature, il y aura toujours des gens assez idiots pour prendre cela au sérieux. C'est aussi dans l'optique de ce genre de problèmes que je suis très sceptique quant à l'idée de pénaliser les propos homophobes — je préférerais largement dépénaliser les propos racistes, ou en tout cas inscrire en toutes lettres dans la loi un certain nombre de garde-fous pour empêcher de semblables situations ridicules et mettre un peu les humoristes à l'abri des poursuites abusives.
Par ailleurs, il est clair que la fermeture de mon compte à
l'ENS est une menace qui flotte vaguement au-dessus de ma
tête (je suis rentré à l'École en 1996 et sorti en 2000). Cela
m'ennuierait bien : mettre en place toutes les redirections
nécessaires, si je devais me faire héberger ailleurs, serait
très pénible ; rien que pour ça, je me suis battu pour
conserver mon :8080
dans mon URL alors que
toutes les autres pages élèves de l'École l'ont perdu (il faut dire
que je suis très fortement attaché à la stabilité des URL). Je
devrais songer à m'acheter un nom de domaine, d'ailleurs, un de ces
jours ; encore faut-il faire un choix à ce sujet.