David Madore's WebLog: Des difficultés — et du plaisir — d'enseigner

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(mardi)

Des difficultés — et du plaisir — d'enseigner

Soit un problème de logique de base. Comment expliquer à des étudiants de première année de DEUG le fait suivant (en gros) : un réel positif est nul si et seulement si il est inférieur à toute quantité strictement positive (cela étant écrit avec des quantificateurs) ? Ils arrivent bien à comprendre que si a est nul alors, pour tout h strictement positif, a est inférieur à h ; mais la réciproque pose nettement plus de problèmes, parce qu'ils veulent systématiquement, dans leur tête, déplacer le quantificateur universel : au lieu de comprendre que si a (positif) est inférieur à toute quantité h strictement positive, alors a est nul (ce qui est vrai), ils lisent que pour tout h strictement positif, si a (positif) est inférieur à h, alors a est nul (ce qui est manifestement faux) — et ils sont combatifs ! ils sortent des contre-exemples (mais si a vaut 2 et h vaut 3 ?). Moi je vois bien la différence, la subtilité logique, l'erreur dans laquelle ils tombent, mais arrivé-je à l'expliquer ? Je peux prendre la contraposée, ça les convainc intellectuellement, mais pas intuitivement ; je peux souligner la place du quantificateur et le parenthésage, ça ne leur parle pas ; je peux réécrire l'implication par des transformations logiques, ça les perd ; et ainsi de suite.

Mais je crois que j'ai fini par y arriver. Peut-être pas avec tous les étudiants, malheureusement, mais au moins avec certains. L'un d'eux (S.) me propose un « contre-exemple » à l'implication demandée : je l'écris au tableau en regard de l'affirmation, et je lui fais voir que son contre-exemple ne vérifie pas la prémisse de l'implication, parce qu'on n'a pas a inférieur à h pour tout h (on a certes a inférieur à 10, inférieur à 5, mais pas inférieur à un dixième, un centième, un millième et un millionième : et s'il doit être inférieur à tout ça à la fois, c'est bien qu'il est nul). Et là j'ai vu un sourire éclairer son visage (et c'est à peine une métaphore : c'était vraiment radieux). Je ne suis pas sûr qu'il ait parfaitement compris, mais je suis sûr que ce sourire était beau à voir — et faire sourire un DEUG en lui parlant de maths, croyez-moi, ce n'est pas facile. Et rien que pour ce sourire, ça valait la peine d'enseigner. Je suis content de moi.

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