Soit un problème de logique de base. Comment expliquer à des
étudiants de première année de DEUG le fait suivant
(en gros) : un réel positif est nul si et seulement si il
est inférieur à toute quantité strictement positive
(cela étant
écrit avec des quantificateurs) ? Ils arrivent bien à comprendre que
si a est nul alors, pour tout h strictement
positif, a est inférieur à h ; mais la
réciproque pose nettement plus de problèmes, parce qu'ils veulent
systématiquement, dans leur tête, déplacer le quantificateur
universel : au lieu de comprendre que si a (positif) est
inférieur à toute quantité h strictement positive, alors
a est nul
(ce qui est vrai), ils lisent que pour
tout h strictement positif, si a (positif) est
inférieur à h, alors a est nul
(ce qui est
manifestement faux) — et ils sont combatifs ! ils sortent des
contre-exemples (mais si a vaut 2 et h vaut
3 ?
). Moi je vois bien la différence, la subtilité logique,
l'erreur dans laquelle ils tombent, mais arrivé-je à l'expliquer ? Je
peux prendre la contraposée, ça les convainc intellectuellement, mais
pas intuitivement ; je peux souligner la place du quantificateur et le
parenthésage, ça ne leur parle pas ; je peux réécrire l'implication
par des transformations logiques, ça les perd ; et ainsi de suite.
Mais je crois que j'ai fini par y arriver. Peut-être pas avec tous les étudiants, malheureusement, mais au moins avec certains. L'un d'eux (S.) me propose un « contre-exemple » à l'implication demandée : je l'écris au tableau en regard de l'affirmation, et je lui fais voir que son contre-exemple ne vérifie pas la prémisse de l'implication, parce qu'on n'a pas a inférieur à h pour tout h (on a certes a inférieur à 10, inférieur à 5, mais pas inférieur à un dixième, un centième, un millième et un millionième : et s'il doit être inférieur à tout ça à la fois, c'est bien qu'il est nul). Et là j'ai vu un sourire éclairer son visage (et c'est à peine une métaphore : c'était vraiment radieux). Je ne suis pas sûr qu'il ait parfaitement compris, mais je suis sûr que ce sourire était beau à voir — et faire sourire un DEUG en lui parlant de maths, croyez-moi, ce n'est pas facile. Et rien que pour ce sourire, ça valait la peine d'enseigner. Je suis content de moi.