Comments on L'extrême-droite a d'ores et déjà gagné

Ruxor (2024-08-06T15:41:03Z)

@ayola:

Mon propos était de donner à la fois une borne inférieure de la souveraineté du peuple (« toute opinion logiquement cohérente, non contradictoire avec des engagements passés, et partagée de façon claire et durable par une immense majorité du peuple après un débat serein et éclairé, doit devenir Loi », ça ne veut pas dire que ce sont les seules choses qui doivent devenir Loi) et une borne supérieure (une majorité de 50% sur un seul vote, c'est le strict minimum qu'on peut exiger, et je trouve que ce n'est pas suffisant, parce que ça conduit à la tyrannie de la majorité). L'optimum est quelque part entre les deux, et forcément la frontière est floue (<URL: http://www.madore.org/~david/weblog/d.2023-03-24.2745.sophisme-sorites.html#d.2023-03-24.2745 >), donc comme nous ne sommes pas en train d'écrire une constitution, ça ne me semble pas très intéressant de décider exactement où elle passe.

La question est engagements passés est délicate, oui, parce que d'un côté, l'engagement d'un pays doit être quelque chose d'extrêmement sérieux si on veut que sa parole soit respectée, c'est la base de tout le droit international (« pacta sunt servanda »), et la variabilité de l'opinion publique ne permet pas de tenir ce genre d'engagements si la majorité d'un jour peut défaire ce que la majorité de la veille a fait ; de l'autre, je suis d'accord qu'on ne peut pas accepter qu'un pays soit engagé pour les siècles et les siècles par la parole que leurs ancêtres ont donnée, si cette parole ne correspond plus du tout aux réalités du jour. Encore que quand il s'agit de droits de l'homme, le fait d'avoir un cliquet irréversible n'est pas forcément une mauvaise chose. Mais bon, sinon, la première chose serait peut-être de ne pas prendre des engagements qui n'ont pas de porte de sortie ; et si on en prend, il est toujours possible de négocier avec l'autre partie ou les autres parties, pour en créer une (pacta sunt servanda, mais si toutes les parties contractantes sont d'accord, le traité peut être révisé). Après, je ne suis pas forcément contre le principe d'avoir un mécanisme pour renier solennellement sa parole, tant que ce mécanisme n'est pas facile (on peut imaginer plein de choses, comme par exemple plusieurs referendums espacés dans le temps, avec une exigence de majorité qualifiée et/ou une proportion minimale de voix favorables calculée sur les inscrits, pour s'assurer que l'électorat prend bien conscience de sa responsabilité, et aussi que les autres parties du traité sont convenablement notifiées du changement qui se prépare et qui sera peut-être considéré comme une trahison), mais encore une fois, nous ne sommes pas en train d'écrire une constitution, donc ça n'a pas grand intérêt de déterminer des modalités exactes.

✱ Par contre, il y a un point important que je veux souligner : quand un homme (ou un parti) politique prétend qu'il faut lui donner tel ou tel pouvoir exceptionnel, telle ou telle dérogation par rapport à un principe général du droit, telle ou telle exception à la Constitution ou à un traité, parce que c'est une condition « sine quā non » pour mettre en œuvre telle ou telle réforme… il ne faut surtout pas le croire sur parole.

Les politiciens veulent une chose, c'est le pouvoir. Ils ne sont pas Cincinnatus. Évidemment, les règles (et les juges…) qui limitent le pouvoir ne leur plaisent pas. Ils sont engagés dans un marchandage permanent avec les électeurs : « donne-moi ce pouvoir et en échange je te donnerai telle réforme qui te plaira ». Comme dans tout marchandage, on essaie toujours d'obtenir plus en cédant moins : faire confiance à un politicien qui prétend qu'il a besoin de tel pouvoir exceptionnel pour faire telle politique, c'est comme accepter le premier prix proposé par un marchand à la sauvette.

Évidemment que le politicien va essayer de marchander le maximum de pouvoirs pour lui. D'abord, de façon évidente, parce qu'il aime le pouvoir. Mais aussi, de façon un peu plus subtile, parce que s'il demande beaucoup et qu'il obtient moins, il pourra toujours mettre l'échec de ses politiques sur le compte de ce qu'il n'a pas reçu : la fonction politique première du Conseil constitutionnel et de toutes sortes d'autres cours souveraines, c'est, en fait, de servir de boucs émissaires aux politiques si leurs politiques échouent — « nous n'avons pas pu frobniquer tous les foobars bleutés parce que le Conseil constitutionnel nous a mis des bâtons dans les roues » ; ce qui est désolant, c'est que les électeurs avalent ça assez facilement. La troisième raison, bien sûr, c'est juste la commodité : pourquoi s'embarrasser de chercher à concilier tel principe du droit avec telle politique quand on peut demander l'abolition du principe et ne pas se poser de questions ?

Ce reproche concerne tous les bords politiques : la gauche (« on ne peut pas appliquer notre politique économique à cause des règles européennes », « on ne peut pas lever les impôts que nous voudrions à cause de l'interprétation par le Conseil constitutionnel de l'égalité devant l'impôt et du principe de propriété »), l'extrême-droite (« on ne peut pas appliquer notre politique migratoire à cause de la convention relative au statut des refugiés », « la Cour européenne des droits de l'homme veut nous empêcher de lutter efficacement contre le terrorisme »), le centre (« on ne peut pas concilier la liberté de mouvement avec la lutte contre la pandémie de covid »), les écologistes (« la lutte contre le réchauffement climatique va exiger des réformes profondes de l'état de droit ») et j'en passe. Je pars du principe que ce sont tous des menteurs ou des incompétents jusqu'à preuve du contraire. Les moyens permis par l'état de droit, en disposant juste du pouvoir législatif, malgré les contraintes de la Constitution et des traités, sont incroyablement étendus, peut-être même supérieurs à ce dont disposait l'état de Louis XIV (lequel n'avait, en fait, qu'une administration fort restreinte) : jouer à « ouin ouin ouin je n'ai pas assez de pouvoirs pour faire ce que je veux faire » c'est montrer son incompétence ou sa mauvaise foi. Et de fait, quand on regarde les limites que mettent les juges (ou les traités et autres normes supérieures), elles sont extrêmement modestes et ce sont les politiciens qui les brandissent en les déformant pour essayer de manipuler l'opinion publique.

Les politiciens sont, globalement, trop incompétents et/ou trop paresseux pour essayer de réfléchir sérieusement à comment concilier leur plan d'action avec les impératifs des normes préexistantes. C'est toujours plus facile d'y aller en mode bulldozer sur la solution de facilité. Ça se voit d'ailleurs sur d'autres questions : quand il y a des manifs, il est bien plus facile d'envoyer les forces de l'ordre taper dessus avec des moyens lourds que de séparer intelligemment les éléments perturbateurs et le gros de la manif ; quand il s'agit de faire des JO dans Paris, on choisit la solution de facilité, boucler toutes les zones un peu problématiques. Le fait que ces choses aient été permises par l'état de droit illustre d'ailleurs qu'il laisse énormément de latitude au pouvoir en place — lequel en profite.

Parfois ça va encore plus loin, et le but de la mesure proposée est justement de servir de prétexte pour obtenir telle ou telle dérogation, donc tel ou tel pouvoir supplémentaire. Il ne faut pas se dire que c'est toujours le cas (ça commence à tomber dans le complotisme), mais il faut au moins garder cette possibilité à l'esprit : les politiciens manipulent volontiers l'opinion pour faire croire que leurs réformes sont nécessaires et importantes, et qui, comme par hasard, nécessitent des moyens exceptionnels.

Bref, quand un politicien dit qu'il a besoin qu'on modifie la Constitution ou qu'on change un traité ou qu'on ignore un juge, pour appliquer telle ou telle politique, on doit se dire deux choses : ① qu'il est probablement menteur et qu'il cherche à accroître son pouvoir ou au moins sa facilité ou à masquer son incompétence, et que tout ceci fait partie d'un marchandage, et aussi, n'oublions pas, ② que la politique qu'il propose n'est peut-être pas, du coup, une bonne idée que ça si elle nécessite vraiment des dérogations à des règles qui ont été imaginées pour une raison, surtout s'il s'agit de droits de l'homme. (Si on a absolument besoin de piétiner les droits de l'homme pour appliquer sa politique, il faut au moins s'arrêter une minute et se demander « are we the baddies? », <URL: http://www.youtube.com/watch?v=ToKcmnrE5oY >.)

ayola (2024-08-06T11:18:00Z)

Pardon de tenter de revenir à la charge encore une fois, mais vous le mentionnez plusieurs fois et cela est tentant:
vous dites "…non contradictoires avec des engagements passés".
Cela semble une allusion fine aux jurisprudences européennes que j'avais évoquées, et dont l'abolition par référendum sera une occasion de débattre de la "tyrannie de la majorité", car c'est une condition sine qua non pour mettre en oeuvre les réformes permettant d'arrêter l'immigration qu'envisage l'extrême droite (et aussi Reconquête).

Ruxor (2024-08-06T10:08:01Z)

@ayola:

Je laisse passer ces deux liens, mais j'avais déjà donné le premier ; et je signale, concernant le second, que le terme utilisé en statistiques pour lorsqu'un facteur est corrélé à la fois aux variables explicatives mesurées (p.ex., « nombre d'immigrés ») et à la variable dépendante qu'on cherche à comprendre (p.ex., une mesure d'insécurité) est le terme de « confondant » ou « facteur de confusion » (p.ex., le sexe, l'âge, le niveau d'étude, la catégorie socio-professionnelle, le lieu de résidence, etc.) ; donc quand ce lien parle de « modèle multivarié », c'est bien essentiellement la même chose que ce que j'appelais « contrôler les variables confondantes ». Ensuite, toute mesure proposée sur la base de ces statistiques doit se demander si on peut agir sur chacune de ces variables (l'éducation et le cadre de vie sont, par exemple, des leviers d'action à prendre en compte dans n'importe quelle discussion sur l'insécurité, quels que soient ses auteurs).

Sur le reste, je ne suis pas hostile à la discussion, mais je ne sais pas si j'ai grand-chose à ajouter par rapport à ce que j'ai déjà dit…

Est-ce que le peuple est ou doit être souverain ? Oui, mais je répète que « le peuple », ça ne veut pas dire « 50% du peuple, sur un seul vote » : comme je l'ai dit, toute opinion logiquement cohérente, non contradictoire avec des engagements passés, et partagée de façon claire et durable par une immense majorité du peuple après un débat serein et éclairé, doit devenir Loi — mais on ne peut pas impudemment retirer toutes ces modalités. C'est la distinction que je fais entre souveraineté du peuple et tyrannie de la majorité.

Non seulement c'est le fonctionnement de la démocratie française actuelle de mettre des limites et des contre-pouvoirs à l'expression de la souveraineté immédiate du peuple (je ne dis pas que ce sont les meilleurs ni les mieux pensés), donc contre la tyrannie de la majorité ; mais c'est même le cas de *toutes* les démocraties qui me viennent à l'esprit.

Aux États-Unis, on a la séparation des pouvoirs et la Cour suprême de l'union chargée de faire valoir la Constitution même contre les lois du Congrès : et je renvoie aux passages que j'ai souvent cités de Tocqueville (“De la démocratie en Amérique”) concernant le rôle de cette Cour dans la protection contre ce qu'il a baptisé la tyrannie de la majorité. Au Royaume-Uni, il y a la chambre des Lords, sur le sujet de laquelle Churchill a dit des choses intéressantes dans un discours prononcé le 11 novembre 1947 à la chambre des Communes (c'est le fameux discours où il dit que la démocratie est la pire forme de gouvernement exceptées toutes ces autres formes qui ont été essayées ici et là) et dont j'ai cité des extraits dans le billet <URL: http://www.madore.org/~david/weblog/d.2015-06-28.2304.html#d.2015-06-28.2304 > (notamment quand il attribue la souveraineté « not to spasmodic emotions of the electorate, but to the settled, persistent will of the people »). En fait, la grande majorité des pays du monde utilise une Constitution pour garantir un certain nombre de droits mis à l'abri de l'atteinte trop immédiate de la majorité. Même la Suisse, qui est généralement vue comme l'exemple ultime de la majorité directe, y met des limites (le Tribunal fédéral a une jurisprudence compliquée en la matière, mais pour simplifier, par exemple, les droits de l'homme garantis par des traités internationaux peuvent l'emporter sur le droit interne suisse même constitutionnel) ; et c'est d'ailleurs à ce titre que le Tribunal fédéral a renversé la décision de l'assemblée du (demi-)canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures de ne pas accorder le droit de vote aux femmes en 1990 (alors que c'était une décision directe des électeurs du canton). Même en Israël, qui n'a pas vraiment de Constitution et où la Knesset est la seule assemblée donc dotée de la totalité du pouvoir législatif, la Cour suprême d'Israël impose des limites à ce qu'elle peut faire (et une tentative récente pour la museler a eu les conséquences qu'on sait).

C'est aussi le cas historiquement : à part entre 1793 et 1795 où il y avait effectivement une assemblée unique et toute puissante, la France a toujours prévu des sortes de contre-pouvoirs (encore une fois, pas forcément les mieux pensés) pour éviter cette situation. (La constitution du Directoire met même des efforts absolument incroyables à fragmenter le pouvoir pour le rendre inopérant.)

Les même constitutionnels français élus en 1789 qui écrivaient « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément » ont adopté, deux ans plus tard, une Constitution (la première qu'ait connu la France, donc) qui accordait un droit de véto absolu et illimité à un monarque non élu. Manifestement ce n'était pas considéré comme une contradiction.

Et la démocratie athénienne, souvent considérée comme le fondement du genre, avait une procédure compliquée de « γραφὴ παρανόμων » qui visait à empêcher l'assemblée du peuple de passer des décrets contraires aux Lois (lesquelles n'étaient pas vraiment, ou en tout cas pas immédiatement, sous le contrôle du peuple).

Bref, la souveraineté des opinions logiquement cohérentes, non contradictoires avec des engagements passés, et partagées de façon claire et durable par une immense majorité du peuple après un débat serein et éclairé, — indiscutablement, oui. La souveraineté immédiate de 50% du peuple : non, c'est la définition de la tyrannie de la majorité, et je ne vois essentiellement aucun modèle, ni contemporain ni historique, qui la justifie — au contraire, je vois toutes sortes de mécanismes (certains bien pensés, d'autres non) imaginés pour créer des contre-pouvoirs.

J'ajoute que je ne vois même pas l'*intérêt* ni le fondement moral que ça aurait de donner à une majorité le même pouvoir que les souverains absolus de l'Ancien régime (le droit de mettre à mort n'importe qui, par exemple). Les électeurs n'ont pas envie d'être des micro-Louis XIV, je pense, et ce n'est pas non plus parce qu'une opinion est partagée par une majorité qu'elle en devient (moralement ou techniquement) juste pour autant.

Selon moi, le but d'une société équilibrée est de garantir un certain nombre de droits fondamentaux, *en gros* ceux énumérés dans différentes déclarations de droits de l'homme nationales ou internationales, comme le droit à un procès équitable ou l'égalité devant la Loi, ce genre de choses. L'intérêt de la démocratie, c'est juste que c'est le SEUL régime qu'on connaisse qui soit compatible avec ces droits : TOUS les autres les bafouent systématiquement (dont certains structuralement : si on a un monarque non symbolique, alors évidemment, tout le monde n'est pas égal devant la Loi), tandis que la démocratie ne les bafoue que PARFOIS. Mais pour ce qui est de l'exercice du pouvoir, ce qui est important n'est pas que chacun puisse voter pour l'exprimer, c'est que chacun ait les mêmes chances d'accéder aux fonctions de pouvoir (chef de l'exécutif, membre de la législature, juge) : ce n'est pas le vote qui importe, c'est l'ouverture de ces fonctions (le fait qu'elles ne soient pas réservées à une oligarchie), et c'est surtout dans ce sens-là que je comprends la souveraineté du peuple. Le vote est juste le seul moyen qu'on ait trouvé par lequel on arrive à maintenir ces principes. Mais je n'en conclus certainement pas que ce soit souhaitable ni moralement justifié de permettre à 50% des électeurs de faire ce qu'ils veulent.

Donc voilà ce que j'ai à dire sur le pouvoir du peuple (mais j'ai l'impression d'avoir répété plein de choses que j'ai déjà dites, notamment dans <URL: http://www.madore.org/~david/weblog/d.2009-12-06.1712.but-democratie.html#d.2009-12-06.1712 > — où je suis encore étonamment assez d'accord avec moi-même).

Sinon, sur le sens des mots, je pense avoir été assez clair sur mon interprétation : les « citoyens », ce sont les citoyens, les « hommes » c'est tout le monde (et, concrètement, tout le monde qui est sous le pouvoir de l'État dans lequel le droit concerné s'exerce, donc tous les résidents, même temporaires) ; la « nation » c'est une abstraction qui n'a pas de sens précis (qui inclut tout ce qui se rattache à un pays, y compris le territoire ou bien des éléments immatériels), et en tout cas on ne peut pas conclure que la nation n'est formée que des gens qui ont la « nationalité » (ce dernier terme est juste un synonyme de citoyens) ; quant à la « fraternité », elle concerne potentiellement tous les hommes (car tous les hommes sont frères), mais évidemment c'est surtout à la personne qui l'exerce d'en définir les contours précis, car la fraternité n'est pas un devoir d'ordre légal mais moral (en revanche, ce qui est d'ordre légal c'est qu'on ne peut pas la condamner, et au titre de cette protection il faut lui donner l'acceptation raisonnable la plus large).

ayola (2024-08-06T05:22:26Z)

@Ruxor
On peut (ou on doit) effectivement clore un sujet global pour lequel on a pu néanmoins considérer le sujet de l'immigration sous plusieurs aspects, que hélas vous n'avez pas traité assez, du moins à mon avis:
- le sens du mot "national" qui selon vous doit être décidé par un juge, quitte à attribuer la citoyenneté à la terre entière
- le sens du mot souveraineté pourtant établi comme le pouvoir au peuple, constitutionnellement, par la constitution

Quelques éléments:
- le sentiment d'insécurité,

https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques-de-presse/insecurite-et-delinquance-en-2023-premiere-photographie

- la surreprésentation des étrangers dans la criminalité (un point de vue suisse)
https://asile.ch/prejuge/criminalite/1-le-point-de-vue-dun-criminologue/

Ruxor (2024-08-05T23:22:39Z)

Bon, j'ai passé deux ans à traquer et dénoncer les erreurs scientifiques et les mauvaises stats de tous ces gens qui avaient des opinions préformées au sujet du covid, je n'ai vraiment pas envie de me lancer dans le même jeu pour l'immigration et l'insécurité, qui est un sujet qui ne me passionne pas des masses. D'autre part, déjà quand on utilise des termes lourdement chargés comme « ouvrir les vannes » ou « immigration de masse », c'est assez mal parti pour faire preuve de rigueur épistémologique et d'absence de préjugés.

En tout cas, la charge de la preuve est du côté des gens qui prétendent qu'il y a un problème (p.ex., trop d'immigration en France, ou trop d'insécurité, ou que sais-je) et qu'il faut appliquer tel ou tel remède (p.ex., plus de contrôles au frontières). C'est à la personne qui met en avant une mesure de proposer une étude d'impact qu'on puisse ensuite critiquer. Je n'ai pas l'intention de faire de travail, mais quelques points sur lesquels on pourra exercer sa vigilance sont par exemple les suivants :

‣ Devant l'affirmation qu'il y aurait une importante augmentation migratoire en France : pour commencer, est-ce vraiment le cas ? (Les données que je trouve après une recherche rapide, par exemple <URL: https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212 >, ne le suggèrent pas vraiment, mais évidemment c'est compliqué à juger vu que 2020–2021 était exceptionnelles, et on ne sait pas si elles entraînent un rattrapage. Pour des données à plus long terme, j'ai trouvé <URL: https://www.immigration.interieur.gouv.fr/content/download/136635/1081382/file/IM_n_109_Les_immigres_francais_1968_2019.pdf > qui ne suggère pas non plus une particulière explosion.) Si oui, à quoi est-elle due ? (Je n'ai pas l'impression qu'il y ait eu un assouplissement particulier de la politique migratoire, mais j'ai peut-être raté un épisode. Si la cause est géopolitique, cela suggère sans doute de rechercher en priorité une action géopolitique.)

‣ De même, devant l'affirmation qu'il y aurait une importante augmentation de l'insécurité en France : est-ce vraiment le cas ? (Idem, une recherche rapide me fait tomber sur <URL: https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Actualites/Insecurite-et-delinquance-en-2023-une-premiere-photographie-Interstats-Analyse-n-64 >, et on voit assez peu de tendance générale dans l'évolution, sauf dans la catégorie « coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus », mais celle-ci semble venir essentiellement de l'augmentation des violences intrafamiliales, ce qui ne correspond pas à l'idée qu'on a en tête en parlant d'« insécurité ». Évidemment, dans tous ces cas, à la hausse comme à la baisse, il faudra s'interroger sur le biais d'observation, c'est-à-dire la part évaluée vs. la part réelle.)

‣ S'agissant du sentiment d'insécurité : est-il lié à l'insécurité elle-même ou à la représentation de l'insécurité ? Comme je l'ai dit, pour plein de sujets, la représentation mentale qu'on se fait du risque est quasiment sans rapport avec le risque lui-même (mais, par exemple, avec une représentation médiatique du risque) ; maintenant, il est vrai que ce sont des domaines où le risque est très rare (terrorisme, accidents d'avion…) : pour l'insécurité « du quotidien », je ne sais pas ce qu'il en est, mais en tout cas, on ne peut pas tenir pour acquis que ce soit forcément lié à un phénomène réel. (J'ai vu passer des données, mais je ne sais plus où et je ne sais pas ce qu'elles valaient, sur le fait que le sentiment d'insécurité n'est pas du tout réparti géographiquement ni temporellement comme l'insécurité elle-même dans de nombreux pays.) D'ailleurs, même le sentiment d'insécurité, il n'est pas clair qu'il varie beaucoup (de nouveau, chiffres trouvés rapidement : <URL: https://www.observationsociete.fr/modes-de-vie/divers-tendances_conditions/le-sentiment-dinsecurite-ne-progresse-pas-en-france/ >), donc il s'agit aussi de distinguer le sentiment d'insécurité de la préoccupation d'insécurité.

‣ S'agissant du lien entre migration et insécurité : là aussi, tout reste à démontrer. Mais je souligne surtout qu'il ne suffit absolument pas d'établir une corrélation pour conclure à un lien causal. (Et bien sûr il est idiot de prétendre qu'une corrélation suffit à éclairer l'action : si tel était le cas, la solution évidente aux problèmes posés par les étrangers en situation irrégulière serait de régulariser et de nationaliser tous les étrangers, qui, cessant d'être des étrangers en situation irrégulière, ne poseraient plus de problèmes d'étrangers en situation irrégulière ! mais justement, il faut comprendre les causes, et pas juste les corrélations.) Par exemple, si on constate que les quartiers à forte proportion de population immigrée sont ceux avec la plus forte insécurité, il y a évidemment au moins deux schémas causaux possibles (en caricaturant) : soit que la population immigrée cause l'insécurité, soit qu'on loge les immigrés dans les quartiers avec la plus forte insécurité (par exemple parce que c'est moins cher ; mais évidemment, il peut y avoir toutes sortes de cycles vicieux qui se mettent en place ensuite) ; et ils ne conduisent pas à imaginer le même genre d'actions ensuite. Au minimum, il faut évaluer les variables socioéconomiques probablement confondantes (les immigrés n'habitent pas les mêmes quartiers que les autochtones, ils n'ont pas le même âge ni le même niveau de vie, etc.) et chercher à les contrôler. D'autre part, il faut s'interroger sur les biais d'observation (par exemple dans la réaction de la police). Il y a quelques réflexions dans ce genre sur <URL: http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2023/let436.pdf >.

‣ S'agissant des coûts économiques : il s'agit évidemment d'évaluer les bénéfices en même temps que les coûts, et de définir soigneusement une fonction d'utilité. L'OCDE a mené une étude sur l'impact budgétaire de l'immigration entre 2006 et 2018, <URL: https://www.oecd-ilibrary.org/sites/da2bbd99-fr/1/3/4/index.html?itemId=/content/publication/da2bbd99-fr&_csp_=1615c4d6ed66d1cf807999e0be8f49f6&itemIGO=oecd&itemContentType=book#chapter-d1e27877 >, et on se rend compte en la lisant du nombre de variables différentes qu'on peut prendre en compte que quiconque prétend que les immigrés coûtent tant sans prendre le soin d'expliquer soigneusement ce qu'il mesure exactement est juste un idéologue. Et si on étend des coûts strictement budgétaires aux coûts économiques et sociaux plus largement (par exemple : quels métiers exercent les immigrés, et comment se restructure le marché de l'emploi si on varie le flux ; quelle est leur contribution dans les problèmes comme le vieillissement de la population française ou le tassement de sa natalité), c'est encore plus délicat à évaluer, mais c'est certain qu'un jugement à l'emporte-pièce (que ce soit « les immigrés prennent des emplois aux autochtones » ou au contraire « les immigrés occupent les emplois dont les autochtones ne veulent pas ») ne sert qu'à alimenter un débat politique stérile.

‣ Et enfin, il reste à envisager les modes d'action. Si on admet, par exemple, qu'on veut restreindre l'immigration, il reste à savoir quelles mesures le permettent, et quel est leur coût à elles, parce qu'elles en ont certainement, qu'il s'agisse de mesures de police aux frontières, de lutte contre les passeurs, d'aide au développement des pays à la source, ou que sais-je encore.

Voilà qui est déjà fort long, et je n'ai rien dit du tout, juste dit les choses qu'il faut examiner de façon critique. Mais le fait que pour un sujet qui accapare tellement le débat politique on trouve des études aussi indigentes montre bien, à mon avis, que quand on parle d'immigration c'est rarement pour se pencher de de façon sérieuse sur la question de façon sérieuse et scientifique mais juste de marquer des points politiques. (Alors que quand on veut des infos précises et des études sérieuses sur la dette publique française, le changement climatique, le marché de l'empoi, ou toutes sortes d'autres sujets importants, ce n'est pas très difficile.) C'est en gros ça que je veux dire quand je parle d'hystérie au sujet de l'immigration : manifestement, plus les gens en parlent, moins ils en savent.

Ceci étant, c'était une erreur de ma part d'avoir laissé la discussion porter là-dessus, donc je déclare ce sujet clos. Je suis sûr que les gens qui veulent en parler peuvent trouver un autre forum pour le faire.

ayola (2024-08-05T15:46:36Z)

@Ruxor @Apokrif
Au sujet des statistiques et de la corrélation/cause.
La comparaison entre les sur-représentations 1) des hommes et 2) des étrangers dans les prisons est particulièrement éclairante. Dans les deux cas, il ne s'agit pas de corrélation mais de la non infirmation, et donc de confirmation provisoire de deux théories assez classiques:

1) Par opposition aux femmes, les hommes manifesteraient beaucoup plus (statistiquement) de comportements aventureux, exploratoires et indépendants des conventions sociales que les femmes. Cela se manifeste par les fameuses surreprésentations, qu'il n'est pas classique (ni apprécié) de mettre en avant: celles qui concernent la criminalité et la violence en général et celles qui concernent l'inventivité, scientifique ou artistique.

Mais tout cela n'est basé que sur des statistiques.

2) L'immigration de masse en cours, les flux actuels sont les plus importants notés depuis la deuxième guerre mondiale, sont le fait de personnes en déplacement, supportant des difficultés variées pour accomplir leurs migrations et sont majoritairement, comme de juste, des hommes. Cela explique très bien leur surreprésentation (qui n'est pas niable) en prison, le facteur précédent (le fait qu'ils soient des hommes) ajoutant aux difficultés qu'éprouvent ces personnes et qui accroit d'autant leur désocialisation et donc la propension à ce qu'ils commettent des délits (et des crimes).

Note: on parle bien ici de "propension", c'est-à-dire qu'une partie de ces personnes, inférieure en nombre à la moitié d'entre elles, une "minorité" donc, mais une minorité plus grande que celle à laquelle on s'attendrait statistiquement, est concernée. Il ne s'agit pas de "toutes", mais de "certaines", et cela dans un contexte qui est de circonstance (l'immigration est davantage masculine et d'avantage à socialement à problème) et non pas d'essence.

La question est la "causalité" au phénomène, causalité entre immigration et criminalité, qui selon l'évidence vient d'être démontrée de manière assurée, quelles que soient les condamnations qu'on pourrait encourir à l'affirmation en question, l'affirmation de l'évidence pouvant hélas (Zemmour fut condamné pour cela) être pris pour un "appel à la haine".

De fait, les flux actuels d'immigration sont bien causes d'une criminalité supplémentaire. Elle est actuellement considérée comme un prix à payer pour un bien à venir qui devrait être supérieur, ou bien encore comme le cout supportable du refus de transiger avec ses principes ou bien en fait et en réalité, comme l'inévitable conséquence de ce à quoi on a décidé de ne pas s'opposer.

Hésitant entre les deux dernières interprétations, on notera le côté "moral"(ou plutôt "immoral") des choses: le principe de fraternité imposant qu'on aide un étranger à accomplir ses désirs, ou bien l'impossibilité de supporter le cout d'une répression envers des étrangers majoritairement pacifiques fait qu'on accepte que des violences supplémentaires nous soient imposées, au hasard des mauvaises rencontres. Tout n'est que statistiques.

Thomas (2024-08-05T08:27:15Z)

J'ajoute juste une dernière chose car je ne l'ai pas dit assez explicitement :
quand je parle d'humanisme, ce n'est pas pour faire dans la grande naïveté.

Il y a des gens qui abusent du système de soin français et la situation dont on m'a parlé à Annecy semble en être un exemple (je suis incapable d'en chiffrer l'ampleur).

Il y a des gens qui "abusent" de certains aspects du droit français ou européen, la situation à Mayotte en est un exemple flagrant.

Pour autant, je ne saurais me satisfaire d'une proposition qui reviendrait plus ou moins à dire "on laisse les gens crever dans la rue s'ils n'ont pas les bons papiers" ou "on coule des bateaux avec des gens dedans".

Je pense que, ce n'est pas de l'humanisme "exacerbé et aveugle" que d'attendre une meilleure réponse que celle-ci.

Tout cela étant très compliqué, je n'ai pas de solution à proposer. Je pense néanmoins, peut-être naïvement, que pour affronter ce genre de problèmes il faut avoir le courage de regarder la situation dans sa globalité, ce que les positionnements politiques actuels de gauche ou droite (ajoutez "extrême-" si ça vous chante) ne permettent pas.

Quant au peuple oracle/souverain, il semble terroriser simultanément la gauche (qui a peur que si on lui présente les choses objectivement il devienne un monstre inhumain) et la droite (qui a peur que, pris dans un excès d'empathie, il ne soit plus capable de voir certaines difficultés).

Peut-être ces deux bords ont-ils raison ? Peut-être sommes-nous trop bêtes pour affronter des situations dans lesquelles la réflexion rationnelle ne nous donne aucune réponse simple et évidente et qu'il est donc nécessaire de présenter une réalité alternative simple et facile à digérer ? C'est tout de même un peu triste…

Thomas (2024-08-04T20:42:06Z)

@Apokrif @ayola effectivement, le programme de Reconquête comporte d'autres choses que l'immigration. Évidemment, tous les programmes évoquent différents sujets, c'est un passage obligatoire. Reste que lorsque EZ s'exprime c'est son sujet principal (cf <URL: https://www.dailymotion.com/video/x90rbyq> par exemple).

Je suis plutôt d'accord avec différents intervenants ici et je me répète : il existe plusieurs psychoses collectives qui sévissent actuellement dans ce pays.

* La psychose du déni, qui consiste à passer sous silence certains problèmes liés à l'immigration. Cette psychose est souvent accompagnée d'autres troubles : obsession pour les minorités "opprimées", etc.
Politiquement, ça donne des partis qui dans leurs programmes aux Européennes vont par exemple mentionner systématiquement le secours aux migrants en Méditerranée mais jamais le côté "non accueillant" des frontières (là où, par ex., le parti présidentiel mentionnait un renforcement de Frontex).

* La psychose de la peur, qui consiste à attribuer aux immigrés une volonté de conquête (d'ailleurs, le parti susmentionné s'appelle Reconquête, ce n'est pas moi qui l'invente), là où en réalité il s'agit principalement d'être humains qui veulent vivre décemment (notez qu'en disant cela, je ne dis pas qu'il faudrait ou pas les accueillir).
Politiquement, cela donne des partis qui retirent de leurs programmes toute considération humaniste.

Les gens atteints par l'une ou l'autre de ces psychoses ne se rendent plus compte de ce qu'ils font et imaginent un monde alternatif dans lequel tout se lit en fonction de leurs positionnements respectifs. Ceux atteints par la première psychose vont être prêts à toutes les contorsions pour ne pas froisser les adeptes de la religion musulmane, car ils rentrent dans leur concept de victimes opprimées. En revanche, ils ne se gêneront pas pour moquer les catholiques à la moindre occasion, car ceux-ci représentent l'oppresseur historique.

Ceux atteints par la seconde psychose invoqueront la laïcité à l'envie pour dénoncer la religion musulmane, mais seront les premiers à se revendiquer des valeurs catholiques de la France.

Je ne parle même des positionnements ultra-caricaturaux des uns et des autres autour du conflit Israelo-Palestinien…

Bref, ce paysage politique n'a à mon sens plus vraiment de logique ou de lien avec la réalité, tant à gauche qu'à droite.
Cela ne signifie évidemment pas qu'il suffit d'arriver en se prétendant du juste milieu et en parlant de "en même temps" pour avoir raison, mais je pense que dans ce contexte il serait sage d'arrêter la surenchère.

Apokrif (2024-08-04T20:26:52Z)

> l'interrogation est biaisée

Non.

> Mais en tout état de cause, c'est à la personne qui propose une réforme de mettre en avant une étude sérieuse qui appuie sa proposition.

A ma connaissance, aucune étude sérieuse derrière les décisions d'ouvrir les vannes :-/

> mais de telles statistiques montreront surtout que si on ne sait pas contrôler les variables confondantes, comme le contexte géographique et socio-économique, il ne faut pas faire de statistiques ; en tout cas, elles ne permettent certainement pas de dégager de lien de cause à effet.

Erreur fréquente: on ne cherche pas nécessairement une causalité, une corrélation suffit pour nous éclairer.

> C'est d'ailleurs intéressant de remarquer que les gens réagissent très différemment si on signale que les hommes — je veux dire les individus de sexe masculin — sont probablement aussi surreprésentés dans toutes sortes de catégories d'infractions.)

Répondu par commentaire distinct (pourquoi utilisez-vous un terme relatif au genre pour désigner les mâles ?), mais il n'est peut-être pas inutile (devant la fréquence de l'argument _ad _Fourniretum_) de rappeler cette évidence: les Français sont chez eux en France, où il y a déjà suffisamment de malfaiteurs pour qu'on n'ait pas besoin en plus d'en importer.

> De telles statistiques n'ont pas pour objet d'éclairer le débat

Si.

> Ça se voit en regardant la faible corrélation temporelle ou spatiale entre l'insécurité et le sentiment d'insécurité ou en confrontant l'évaluation par sondages de différentes variables (du genre « selon vous, quel est la proportion d'étrangers dans ce pays ? ») à la réalité.

Pas compris. Voulez-vous dire que les Français s'accoutument à l'insécurité et donc la minimisent ? Ou qu'on a tort de réduire les populations issues de l'immgration aux gens ne possédant pas la CNI française ? Ou encore, que la proportion des étrangers dans la population délinquante est plus faible que leur proportion dans la population générale ? Ou bien que des organismes publics doivent produire des statistiques claires sur la part de telle immigration dans tels méfaits ?

(mon message du 3 août a.également causé un obscur message d'erreur parlant de spam)

Apokrif (2024-08-04T19:52:11Z)

@Ruxor, @Jeanas: précision: les stats ne portent pas réellement sur le genre mais (ce qui est différent) sur l'assignation de genre.

Voulez-vous dire qu'il faut avoir des stats nationales, des discriminations nationales en matière électorale, des discours stigmatisant des nationalités, des catégories sportives par nationalité, et s'abstenir de dénoncer les discriminations nationales commises par la police ou la justice, c'est-à-dire étendre à la nationalité ce qu'on fait pour le genre ?

jeanas (2024-08-04T17:10:01Z)

> C'est d'ailleurs intéressant de remarquer que les gens réagissent très différemment si on signale que les hommes — je veux dire les individus de sexe masculin — sont probablement aussi surreprésentés dans toutes sortes de catégories d'infractions.

C'est drôle, j'ai failli prendre cet exemple, mais je n'avais pas le courage d'écrire un commentaire vraiment argumenté.

Dans les prisons françaises, les hommes ne sont pas juste surreprésentés, ils ont carrément un monopole : à peine 3% des détenus sont des femmes (voir par exemple <URL:https://oip.org/decrypter/thematiques/femmes-detenues/>).

ayola (2024-08-04T16:21:11Z)

@thomas vous dites:
"
À écouter ce que raconte un parti comme Reconquête, tous les problèmes de notre pays seraient liés à ce sujet.

Là, il y a sans doute une forme de psychose."

Ce que vous dites n'est pas exact, pire, cette citation constitue ce qu'on appelle un "homme de paille" (description fausse + condamnation évidente).

Les partis "anti immigrationnistes" ont d'autres préoccupations fondamentales dont l'éducation et la politique économique européenne.

Pour ce qui concerne la question de l'immigration, la chose est complexe, car
les questions à débattre sont a) la caractérisation de la situation, quantification de l'immigration et de ses inconvénients présents et à venir
b) la prise en compte de l'opinion générale sur ces sujets, c) la définition de politiques à mener, y compris c) les freins constitutionnels à certaines.

Pour l'instant, a) la question est largement niée dans l'ensemble élitaire de la société politique, l'immigration étant considérée positive, ou inévitable; b) une regrettable défiance envers les opinions majoritaires s'est développée parmi cette élite, vous en êtes, me semble-t-il, un exemple; c) les politiques à mener vont très au-delà des mesures pourtant déjà multiples considérées à l'assemblée en 2023 c) la question des freins constitutionnels, sujet de notre conversation, ne fut abordée que brièvement par Laurent Fabius en 2022 qui évoqua précisément son opposition aux propositions du parti Reconquête sur le sujet.

Selon moi, la question de la "psychose" concerne donc plutôt l'humanisme exacerbé et aveugle qui est en train d'étouffer la démocratie qui est d'abord évaluation libre, débat libre et décision libre.

Apokrif (2024-08-04T16:12:47Z)

@Thomas: "À écouter ce que raconte un parti comme Reconquête, tous les problèmes de notre pays seraient liés à ce sujet."
Je ne me souviens pas avoir entendu Reconquête dire ça, une source SVP ?

"Elle m'a dit : on les soigne, on ne va pas laisser des gens crever dans la rue !"
Faux dilemme: on peut aussi les renvoyer chez eux, ou les remettre à leur consulat qui les fera soigner, ou encore présenter la facture à leur pays (et, si refus de paiement, faire pression par refus ou taxation de visas ou titres de séjour, ou réduction de l'aide au développement).

ayola (2024-08-04T15:58:47Z)

@Ruxor
Vous semblez mentionner l'"aporie de la démocratie", qu'il faut effectivement rendre impossible et qui permettrait à une majorité travestie en "peuple souverain" de rendre la démocratie impossible en supprimant le principe fondamental de l'élection régulière; l'article 6 de la déclaration des droits ("La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation.") empêche cela.

Par conséquent, on ne voit pas bien la nécessité d'y ajouter une conception "faible" de la souveraineté du peuple et le système constitutionnel actuel, correctible de manière acceptable comme vous le mentionnez d'ailleurs, devrait satisfaire tout le monde sans restrictions.

Les divergences à ce sujet peuvent ainsi être réglées en appliquant la loi de la majorité, sans qu'il y ait lieu d'agiter une "menace fantôme" quelconque.
Il est donc parfaitement acceptable de considérer réversibles après procédure démocratique, naturellement, certaines dispositions constitutionnelles y compris les décisions contestables (dont "le principe de fraternité") qui doivent pouvoir être revues de par la loi (c'est cela le principe de souveraineté).

Naturellement, le véritable problème est en fait la remise en cause possible des jurisprudences liées aux traités passés, indispensable pour mener les politiques nécessaires concernant l'immigration.

Je voudrais insister sur ce point qui est LE débat politique à venir, très au-delà des accusations moralistes variées destinées à masquer l'essentiel. La question de la "souveraineté du peuple" est donc essentielle et on devrait en entendre parler encore.

Pardon de vous rappeler que vous n'avez pas répondu à la question du sens des mots "nation" et "citoyen" tels que mentionnés dans la déclaration des droits de l'homme: s'étendent-ils vraiment à la terre entière selon vous ?

Ruxor (2024-08-04T15:36:33Z)

@Apokrif:

Non, parce que, en accord avec votre façon habituelle de troller en posant des questions insidieuses sur un ton faussement naïf, l'interrogation est biaisée pour commencer. (Je prends quand même le temps d'y répondre un peu, parce que j'ai du temps à tuer, mais ça ne le mérite pas.)

Il est évidemment légitime de souhaiter une étude utilitariste comparant rationnellement les coûts et bénéfices de telle ou telle politique migratoire. Ceci impliquerait de comparer des politiques précisément définies et d'évaluer les différents aspects qui vont avec : le coût de la politique elle-même et les coûts et bienfaits de ses conséquences, sans oublier de tableaux (économique, sociétal, juridique, etc.). Si on se concentre juste sur l'évaluation des coûts de l'immigration illégale (sans évaluer les coûts de toute mesure tendant à la limiter), c'est aussi absurde que, pendant la pandémie, quand les zérocovidiens mesuraient les effets de la covid pour justifier leurs politiques préférées sans jamais évoquer les questions des coûts et de l'efficacité de la politique en question (p.ex., confinements stricts). On ne peut pas être utilitariste en ne mesurant qu'un seul aspect du phénomène sur lequel on prétend agir.

Mais en tout état de cause, c'est à la personne qui propose une réforme de mettre en avant une étude sérieuse qui appuie sa proposition.

Évidemment, il est facile de faire des statistiques partielles montrant toutes sortes de choses qui, quoique factuellement justes, sont profondément trompeuses, au point d'être mensongères, dans ce qu'elles suggèrent. (Par exemple, on peut certainement trouver des statistiques montrant que les immigrants sont surreprésentés dans toutes sortes de catégories d'infractions : mais de telles statistiques montreront surtout que si on ne sait pas contrôler les variables confondantes, comme le contexte géographique et socio-économique, il ne faut pas faire de statistiques ; en tout cas, elles ne permettent certainement pas de dégager de lien de cause à effet. C'est d'ailleurs intéressant de remarquer que les gens réagissent très différemment si on signale que les hommes — je veux dire les individus de sexe masculin — sont probablement aussi surreprésentés dans toutes sortes de catégories d'infractions.) De telles statistiques n'ont pas pour objet d'éclairer le débat mais de polariser l'opinion. (Et, oui, il existe évidemment aussi des statistiques parfaitement trompeuses dans le camp des « pro-immigration ». Pendant le covid aussi on avait toutes sortes d'études idiotes montrant tout et n'importe quoi en regardant les choses par le petit bout de la lorgnette.)

En tout état de cause, ① la question de fond ne m'intéresse pas des masses (ce qui ne m'empêche pas de constater que ceux qu'elle intéresse sont généralement complètement biaisés, et généralement d'autant plus que leur intérêt porte sur cette question), et ② la raison de l'hystérie a très peu de rapport avec un débat rationnel, voire avec la réalité, sur le sujet.

Concernant ②, c'est un fait que l'opinion publique sur un sujet comme, disons, l'insécurité ou l'immigration (ou le lien entre les deux), n'a qu'un rapport extrêmement ténu avec la réalité de ces choses. Ça se voit en regardant la faible corrélation temporelle ou spatiale entre l'insécurité et le sentiment d'insécurité, ou en confrontant l'évaluation par sondages de différentes variables (du genre « selon vous, quel est la proportion d'étrangers dans ce pays ? ») à la réalité. L'esprit humain évalue les dangers de façon purement anecdotique (sur ce dont il a entendu parler) et pas en référence à des stats sérieuses : c'est pour ça que les gens ont peur de prendre l'avion mais pas la voiture, c'est pour ça que s'inquiètent du terrorisme alors qu'ils sont fumeurs, et ainsi de suite. L'opinion publique sur l'insécurité ou l'immigration n'a qu'un rapport extrêmement ténu avec la réalité de l'insécurité ou l'immigration dans le pays/continent : donc, même s'il est en effet légitime d'avoir un débat sur la réalité de la question de fond, et de se demander si on doit agir dessus de telle ou telle façon, ce n'est pas ça qui aidera à changer l'opinion publique, formée d'une série d'anecdotes non représentatives, amplifiées voire déformées de façon plus ou moins volontaire, et qui est, à ce stade, largement déconnectée de la réalité.

Ruxor (2024-08-04T14:22:13Z)

@ayola:

Je considère surtout que le mot « souveraineté » est un mot qui veut tout et donc rien dire : dès qu'on gratte un peu, on va tomber sur les paradoxes déjà connus des théologiens chrétiens quand ils discutaient l'omnipotence de Dieu (Dieu est-il capable de faire un objet si lourd que Lui-même ne puisse pas le soulever ? → le souverain a-t-il le pouvoir de limiter sa propre souveraineté à l'avenir ?). En pratique, c'est une tentative pour abstraire les pouvoirs des souverains absolus de l'Ancien régime, lesquels étaient déjà contraints par toutes sortes de coutumes, et à pour les transposer à un groupe entier. Mais il est parfaitement possible et même fréquent pour un groupe de vouloir des choses logiquement contradictoires ou physiquement impossibles : en réalité, l'opinion d'un groupe dépend, de tout point de vue, de la manière dont on lui pose les questions (à la fois la formulation et la procédure), et en démocratie, le « Peuple Souverain » s'exprime comme l'oracle de Delphes, par des borborygmes dont les grands prêtres se chargent de donner la signification qui les arrange comme ils se sont chargés, en amont, de poser la question qui les arrange.

Donc, ça dépend vraiment ce qu'on appelle la « souveraineté du peuple ». Si on lui donne le sens faible que tout pouvoir doit, par un jeu d'élections et de nominations, émaner *in fine* du peuple, et que toute opinion logiquement cohérente, non contradictoire avec des engagements passés, et partagée de façon claire et durable par une immense majorité du peuple après un débat serein et éclairé, doit devenir Loi, alors je suis d'accord avec ce sens faible, et je crois que tout le monde l'est (concrètement, par exemple, en France, il est possible de modifier la Constitution pour contourner un avis problématique du juge constitutionnel, ou de dénoncer un traité problématique : c'est rendu délibérément difficile, précisément parce qu'on veut s'assurer que ce n'est pas une lubie passagère mais une volonté claire et durable). Si on lui donne le sens fort qu'une majorité parlementaire a le droit de tout faire et de tout défaire, alors non, je ne suis pas d'accord, et ce n'est pas l'interprétation habituelle de la Constitution française. En tout cas, il n'y a rien dans le concept de souveraineté du peuple qui dit que cette souveraineté doit s'accorder à une simple majorité de 50%.

Et sur le sens précis des mots de la déclaration de 1789 (ou d'un autre texte), je m'en remets par défaut au juge constitutionnel, dont c'est, précisément, le boulot d'éclaircir les textes qui ne sont pas clairs. Ce qui ne veut pas dire que toute personne qui a une opinion différente a forcément tort (enfin, philosophiquement, parce que juridiquement elle a, par définition, tort), mais qu'il certainement qu'il faut un peu plus que « ceci est le sens des mots qui m'arrange, moi » pour (me) convaincre.

Thomas (2024-08-04T06:17:41Z)

La "psychose collective" existe-t-elle vraiment ? Ou, plutôt, son ampleur est-elle celle qu'on lui attribue ?

Pour moi, une partie du problème est plutôt qu'autour du sujet de l'immigration le paysages politique s'est construit d'une façon plutôt malsaine :
l'extrême-droite en a fait son sujet principal et lui attribue une volonté conquérante et toutes sortes de maux.

À écouter ce que raconte un parti comme Reconquête, tous les problèmes de notre pays seraient liés à ce sujet.

Là, il y a sans doute une forme de psychose.

D'un autre côté, il y a une autre forme de psychose, celle des gens qui font comme si l'immigration ne posait absolument aucune difficulté, que tout se passait toujours bien.

Lorsque cette position est motivée politiquement (par exemple pour s'assurer que le sujet soit tabou pour le centre et la droite classique de façon à ce diviser leur électorat), on peut comprendre ce positionnement (et, peut-être, se lamenter du fonctionnement de ce monde politique ?).

Mais sinon, pourquoi est-il si compliqué d'admettre que ce phénomène n'est ni une "chance" ni une malchance, mais un phénomène complexe.

Il me semble que l'on pourrait faire cela, tout en défendant des idéaux humanistes universels.

Sinon, voici une petite anecdote en lien avec la discussion qui précède :

---

Je discutais avec une amie qui est médecin à l'hôpital public d'Annecy et qui m'expliquait qu'une partie non négligeable de leurs patients sont des étrangers qui se retrouvent là de différentes façons dont :
- des gens très malades qui auraient besoin d'une greffe d'organe et à qui des réseaux de passeurs d'Europe de l'est font miroiter ce type de "soins gratuits" en France
- des SDF mourants de Suisse qui sont déposés, parfois par taxis suisses (!), sur le sol français afin de recevoir des soins.

Elle m'a dit : on les soigne, on ne va pas laisser des gens crever dans la rue ! (précision : par contre, les gens à qui les réseaux de passeurs ont fait miroiter une greffe gratuite n'en ont pas, car ça ne se pratique pas comme ça).

Je trouve cette position humaniste d'une personne directement confrontée à certains phénomènes compliqués liés au sujet "étrangers" absolument admirable.
---

En revanche, la position de ceux que j'observe entretenir systématiquement un discours de déni vis-à-vis de certains "problèmes" (il y a bien sûr débat sur l'ampleur de ces problèmes), je la trouve passablement détestable car :
- Elle contribue à mon sens à faire qu'aucune discours politique réaliste ne puisse émerger autour de ces sujets et, ce faisant, à faire grandir l'électorat du principal parti d'extrême-droite en France.
- Elle est, je trouve, une position assez lâche dans le sens où : elle est moralement facile puisqu'elle se réfère à des idéaux universalistes (ce qui en soit est bien) mais elle ne tient pas compte de la difficulté du chemin pour arriver à un monde qui implémente ces idéaux. Elle semble d'autant plus lâche quand cette position est tenue par des gens qui ne contribuent pas par leurs actions directes à "mettre les mains dans le cambouis" pour améliorer les choses.

Bref, tout cela pour dire que oui, on peut se moquer des gens d'extrême-droite qui jouent sur les peurs et autres et oublient une forme de "devoir d'humanité" mais, on peut aussi se moquer d'autres positionnements et utiliser à l'égard des gens qui les tiennent des qualificatifs comme "gauche caviar", "hors sol", etc. car ils l'ont bien mérité.

Pour ma part, j'espère que la situation dans mon pays s'améliorera et qu'on arrivera à surmonter les défis posés par l'immigration sans sacrifier notre humanisme. Ne mettant pas beaucoup les mains dans le cambouis et pouvant témoigner de la difficulté du sujet, je me garderai de me moquer de qui que ce soit !

ayola (2024-08-03T05:56:34Z)

@jeanas
Tout à fait ! Le Conseil constitutionnel a maintenu comme délit l'aide à l'entrée, se contentant d'innocenter Cédric Herrou pris à transporter des clandestins…
Le débat sur l'application de la fraternité à la terre entière, pourvu qu'elle ait pris au préalable la précaution de traverser la frontière française sans être vue, se pose par contre avec la même acuité.

La décision est là :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018717_718QPC.htm

On remarquera le point 8 qui fait découler du principe de fraternité "la liberté d'aider autrui". On a échappé à l'obligation…

Sinon, la discussion porte aussi sur la notion d'"appel d'air", des conceptions aussi dégénérées de la charité motivant certainement des communautés africaines entières à s'organiser pour envoyer en Europe les meilleurs d'entre eux, porteurs d'économies familiales destinées à être remises à des passeurs le long d'une route dangereuse dont les risques, dignes de l'antiquité, sont la mort en mer ou dans le désert, et la mise en esclavage par ces passeurs, que ce soit en Afrique (des marchés aux esclaves sont organisés en Libye) ou en Europe même, l'esclavage n'étant qu'un bas salaire destiné à rembourser une dette.

Les naufrages dus aux voyages du Sénégal aux Canaries ont fait des centaines de morts en 2023. Belle fraternité, qui pousse à l'aventure !

Apokrif (2024-08-03T01:08:33Z)

@Ruxor: voulez-vous dire que les infractions commises par les immigrés illégaux, ou les ressources consacrées à leur prise en charge médicale, sont négligeables ? Si c'est le cas,il existe peut-être des études sociologiques (plutôt que des slogans mièvres genre "la grande créolisation est une chance car ton kébab est italien") allant dans ce sens ?

(Pourquoi l'URL, qui fonctonne, https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Oracle/semaine_32_2013#B%C3%A2ton_et_carotte_pour_l'accueil_des_gens_du_voyage_et_la_construction_de_logements_sociaux dans "website URL" donne-t-elle un message d'erreur ?

jeanas (2024-08-02T19:32:03Z)

@Ruxor : Au sujet de cette décision du conseil constitutionnel, que je viens de lire, je signale qu'elle est en fait plus subtile qu'une censure du délit de solidarité.

<URL:https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018717_718QPC.htm>
<URL:https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2018-717718-qpc-du-6-juillet-2018-communique-de-presse>

En gros, la loi prévoyait un délit d'aider « l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers » d'un étranger, avec une exception ⓐ pour la famille proche, le conjoint éventuel et sa famille proche, et ⓑ pour un acte de solidarité désintéressé limité aux domaines de l'alimentation, l'hébergement, le soin médical, le conseil juridique ou « toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de [l'étranger] », MAIS l'exception était limitée au cas de l'aide au séjour.

Le conseil constitutionnel a jugé que l'exception ne pouvait pas être limitée au séjour et devait s'appliquer au moins aussi à la circulation, mais pas forcément à l'entrée.

Ça n'invalide pas ton propos que la présence de la fraternité dans la devise n'est pas qu'un vœu pieux mais a de vraies conséquences.

ayola (2024-08-02T19:22:46Z)

@Ruxor Il y a effectivement débat sur la réalité ou non d'un problème géopolitique et social effectif, ou d'une simple psychose collective à combattre.

Mais se pose aussi le problème de la conception qu'on a de la démocratie (le peuple est-il souverain ou non?) sachant le droit et son élaboration sont aussi soumis à des lois. Vous n'avez pas répondu sur ce point: la souveraineté du peuple est elle constitutionnelle ou pas ?

Et puis il y a celui de la signification des mots.

Sur ce point, vous n'avez pas répondu, et semblez toujours considérer que les droits du citoyen s'étendent à ceux des hommes en général, d'après une interprétation particulière de la déclaration de 1789. Vous la maintenez ou pas ?

Ruxor (2024-08-02T18:42:24Z)

@ayola:

Oui, la vraie question est comment on guérit la population française, et plus généralement européenne, de cette psychose qui en a saisi une partie, celle de la menace d'une immigration illégale sensée venir, selon les différentes variantes de cette psychose, abuser du système social, commettre toutes sortes de méfaits, et/ou carrément remplacer la culture française ou même la population française par la sienne. Au-delà des questions de droit et de philosophie politique que ça soulève (que faire dans une démocratie quand la majorité est sous l'emprise d'une hystérie collective ?), cela fournit une incitation aux politiques, dont certains n'ont pas hésité à se servir, à alimenter et exploiter la dite psychose pour favoriser leur propre marche vers le pouvoir (ou maintien au pouvoir).

On prend d'ailleurs plus de recul sur les mécanismes derrière quand on regarde la propagande d'État russe, qui utilise les mêmes ficelles vis-à-vis de l'Occident accusé des pires dépravations et de menacer les valeurs traditionnelles russes.

Évidemment, si je connaissais moyen de dissiper de tels mirages, je m'y emploierais. À défaut, tout ce que je peux faire, c'est espérer qu'elle ne saisisse pas trop de monde, et que l'état de droit tienne bon. Mais ça n'a pas l'air bien parti : on finira certainement par être gouvernés par des gens qui, sans probablement y croire eux-mêmes, entretiennent activement pareilles idées.

ayola (2024-08-02T14:18:43Z)

@Ruxor: Pardon, mais ce n'est pas moi qui ai "décidé" que les simples résidents n'appartiennent pas à la Nation, mais bien ceux qui ont décidé de l'acception du mot "nationalité", qui ne me semble pas ambigu à cet égard.

Il est vrai par contre que la charité que je critique ne s'applique qu'à la partie de la terre entière qui a réussi à mettre un doigt de pied à l'intérieur de nos frontières, investissement qui donc rapporte immédiatement. Cela s'appelle le flux de l'immigration incontrôlée (entre 600 et 900K clandestins en France en 2023, d'après le ministère de l'intérieur 11/2023), le flux étant en significative augmentation en 2023, (Frontex 03/2024).

Sans incriminer directement le juge constitutionnel français dans cette explosion délirante, elle semble absolument incontrôlée, voire encouragée et organisée par toutes les ONG et tous les systèmes d'assistance, quand ce n'est pas par les institutions européennes elle-même. Je rappelle qu'une très large majorité des populations "nationales" en Europe sont inquiètes de cette situation, et cette inquiétude vous semble donc une menace pour l'État de droit.

"C'est votre interprétation, mais c'est justement et précisément le rôle du juge, quand le texte n'est pas clair".
Je ne pense pas que le texte ne soit pas clair, et je ne pense pas que le juge ait vocation à attribuer la nationalité française à toutes les personnes présentes sur le territoire illégalement, comme vous le savez, il est soumis aux lois.

"Si la déclaration de 1789, qui distingue soigneusement les « hommes » et les « citoyens » jusque dans son titre, voulait n'accorder de droits qu'aux citoyens, elle n'aurait pas commencé par la phrase « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »."

Vous oubliez l'article 2 :
"Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme."
Vous sous-entendez donc que l'État français est en charge du respect des droits de l'homme sur la terre entière.

et l'article 12 , qui semble faire justice de votre extension (involontaire) du statut de citoyen à la terre entière:

"La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement … "

Ruxor (2024-08-02T08:58:41Z)

@ayola: Vous avez décidé, d'une part, que « la nation » se limite aux citoyens, et pas, par exemple, aux résidents (ce qui n'est pas la même chose que « la terre entière »), et d'autre part, que la fraternité ne s'exerce qu'au sein de la nation et pas de l'espèce humaine. C'est votre interprétation, mais c'est justement et précisément le rôle du juge, quand le texte n'est pas clair, de dire quelle est la bonne interprétation. Si la déclaration de 1789, qui distingue soigneusement les « hommes » et les « citoyens » jusque dans son titre, voulait n'accorder de droits qu'aux citoyens, elle n'aurait pas commencé par la phrase « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».

ayola (2024-08-02T07:44:41Z)

Au sujet du "délit de fraternité".
La fraternité, élément de la devise de la République, est précisément
la partie "nationale" de la devise, celle qui met en avant ce qui lie
entre eux les "frères" au sein de la Nation, ceux qui se partagent les
fruits de l'activité de la Nation, en excluant donc les personnes
étrangères à la Nation.
Renoncer à punir le fameux "délit" c'est donc consacrer que la fraternité s'étend à la terre entière et qu'il n'y a plus de Nation, ce qui plus ou moins ce que vous suggérez. La conséquence est que la totalité de notre avoir devra être consacré à cette distribution fraternelle, celle-ci exigeant des moyens supérieurs aux nôtres et entrainant la destruction de la Nation.
Par ce qu'établi par les juges constitutionnels, défenseurs suprêmes d'un droit national, le nouveau principe est donc destructeur de la Nation et donc du droit. La cour constitutionnelle a donc gravement failli à sa mission et ses juges devraient être punis.

Pour ce qui concerne le principe de souveraineté, il n'est pas supérieur aux lois, il fait partie des lois et se trouve même inscrit dans la constitution:

Article 3
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum.

Mettre en balance État de droit et souveraineté est tout simplement une erreur, à moins bien sûr qu'il ne soit une habileté qui permet à l'inverse exact de ce que vous dites d'instaurer la dictature du droit en changeant cet article, le juge constitutionnel pouvant tout, il a bien changé la devise de la République…

Dyonisos (2024-07-06T13:44:16Z)

J'ai changé d'avis depuis que je ne trouvais guère de plausibilité aux deux options que tu évoquais en cas de majoritéé relative (hier les derniers sondages montraient d'ailleurs que, si on se fie à eux, ce n'était pas si probable que cela, la fourchette haute du front populaire dépassant assez nettement celle bas du RN, même si la moyenne du dernier reste supérieur):
1) Un gouvernement technique entendu au sens du vote du budget et d'expédition des affaires courantes pourrait être viable dans la mesure où, à part peut-être les troupes mélenchonistes, il ne semble pas y avoir une volonté de recourir à des motions de censure systématiques pour faire tomber les gouvernements. Cette option dépendrait aussi naturellement de l'attitude adoptée par le RN.
2) Un grand gouvernement de coalition allant des communistes à LR, c'est ce à quoi je n'avais pas pensé et qui est depuis souvent évoqué. Là encore, si c'est ce qui se produit, ça dépendrait de l'existence d'une volonté conjointe ou non du RN et des LFIstes (si on se base sur ce qui est antérieur, il est probable que LFI ne voterait pas une motion de censure déposée par le RN mais l'inverse ne va pas du tout ce soi puisqu'il a déjà voté des motions de censure provenant de la "gauche") de faire tomber ou non le gouvernement, ainsi que du fait qu'ils réuniraient ou non à eux deux la majorité absolue.
Tout ça reste très opaque et va beaucoup dépendre du rapport de forces effectif au sortir des urnes.

jeanas (2024-07-04T22:26:24Z)

@m_a_n_u : « Lire ici que Mélenchon serait plus dangereux que Le Pen » → Gné, quoi ? David a écrit très explicitement l'exact contraire…

Joe l'indien (2024-07-04T12:29:48Z)

@manu

On n'a pas nécessairement besoin d'écouter les dominants pour se faire un avis sur Mélenchon. On peut aussi l'écouter parler et se faire son avis sur le personnage. Les dérives autoritaires existent aussi bien à gauche qu'à droite.

m_a_n_u (2024-07-04T08:16:05Z)

Lire ici que Mélenchon serait plus dangereux que Le Pen en dit long sur le travail de sape des dominants.

Pour rappel, l'Europe à déjà essayé le facisme avec les résultats que l'on sait…

La France a déjà essayé aussi un programme foncièrenent de gauche, qui nous a légué : les congés payés, la sécurité sociale — incluant les assurances maladie, vieillesse et chômage — la SNCF, EDF, Les PTT, l'hopital public, la fonction publique, etc.

Si vous n'arrivez toujours à pas distinguer à l'aune des faits où se situe le véritable péril, je suis triste pour vous.

Ptitboul (2024-07-02T08:47:00Z)

Autre commentaire, sur "si le spectre politique français est organisé selon un axe de dimension 1 (…) le spectre politique est peut-être plutôt un triangle (…)".
Je pense que ce propos est assez bien illustré par les figures de l'article https://iscpif.fr/chavalarias/?p=3457, qui a une approche presque scientifique de la chose (représentation du spectre politique français en utilisant le retweet comme mesure de proximité).

Ptitboul (2024-06-30T22:35:12Z)

Quand tu écris "la gauche n'applique jamais son programme" c'est un résumé à mon avis un peu rapide et qui oublie les deux premières années qui ont suivi l'élection de Mitterrand, et ensuite la « pause dans les réformes ».

Et bien sûr ta phrase est conçue pour s'appliquer à la France, mais l'exemple du Venezuela montre un exemple de prise de pouvoir par la gauche qui est un facteur expliquant en quoi Mélenchon peut être considéré comme aussi dangereux que l'extrême droite.

Autre remarque : "la proposition fort raisonnable du Nouveau Front Populaire de simplifier le changement de sexe à l'état-civil". Je suis surpris que tu trouves cette proposition raisonnable, alors qu'il aurait été bien plus simple que le NFP propose de supprimer la mention du sexe sur l'état civil.

Apokrif (2024-06-30T14:05:33Z)

Après les films et séries sur pandémies, zombies et confinement, parlons fiction politique :-)

https://x.com/Geometriquement/status/1807412600579190982

N (2024-06-30T09:28:02Z)

Merci pour ta sincérité. Et pourquoi pas ajouter à cette analyse politique l'analyse des outils de propagande : télé, journaux, réseaux sociaux… pour moi c'est très important ! Parfois, je me sens impuissant en constatant que les gens les plus cités dans les médias (~= les gens soutenus par les plus riches) sont toujours ceux qui gagnent les élections depuis quelques décennies…

Je serais aussi curieux de comprendre si ce que tu dis s'articule, se confond ou se distingue des propositions de la page <URL:https://en.wikipedia.org/wiki/Radical_democracy>

Et enfin, ton propre rôle dans tout ça ? J'ai l'impression que l'ère de l'illibéralisme a plongé beaucoup de fonctionnaires dans une sorte de léthargie… Mais cela dit, merci pour ton texte, qui propose au moins une forme d'horizon : l'état de droit ! On a besoin d'horizons nouveaux !

Moi je pense que les politiques d'austérité et la concentration de la richesse affaiblissent la démocratie. Toi qui aimes tant les chiffres, ça ne t'alarme pas : l'indice de Gini, la part du patrimoine détenu par les 1%, l'écart salarial, l'indice de concentration de Palma, le coefficient de Theil… Je serais curieux aussi de te lire là-dessus.

Bon dimanche ! Une balade en forêt s'impose ?

Dyonisos (2024-06-30T08:59:08Z)

Et sur l'autre option que tu évoque du gouvernement technocratique et qui est souvent mentionnée dans la presse, je ne vois pas non plus ce que ça signifie et je ne comprends pas comment il pourrait ne pas être renversé par une motion de censure : comment ce gouvernement "technique" pourrait-il persister si par technocratique on entend l'application de la même politique que celle de Macron (en gros, se voulant favorable) aux intérêts du marché comme lorsqu'en Italie 'ancien président de la BCE a été rappelé suite à la pagaille résultant des élections ? Où est la base de députés pour que ce type de gouvernement ne soit pas rejeté sur le champ ? Je ne vois pas. Et donc je ne sais pas du tout ce qui peut se passer dans le cas de la majorité relative du RN.

Dyonisos (2024-06-30T08:51:47Z)

Je ne suis pas d'accord avec toi quand tu écris au début de ton billet qu'en cas d'absence de majorité absolue du RN, il y aura une majorité entre le centre droit et le bloc de gauche. Je ne suis pas oracle et je n'ai pas d'idée sur la formule de substitution qui s'imposerait alors mais les tensions et oppositions sont beaucoup trop fortes entre une grosse portion des LFistes et, mettons, ce qui va rester des macroniens et de la droite "classique" pour qu'une majorité, même de blocage, se fasse jour à mon sens. Je ne pense d'ailleurs pas qu'au sein même du cartel du front de gauche, une fois passées les questions de survie électorale, ce tissu de contradictions sur des questions essentielles persiste bien longtemps…
Je pense pour tout dire que si le RN n'aura pas de majorité, eh bien, il n'y aura pas de majorité tout court et je ne sais pas comment la crise institutionnelle va pouvoir être gérée/dépassée si c'est ce qui se présente. Mais je ne crois pas à l'hétéroclisme extrême de ta majorité de substitution.

Joe l'indien (2024-06-29T19:48:03Z)

> si le Rassemblement national perd maintenant, il gagnera en popularité et sera quasi-certain de gagner en 2027, et s'il gagne maintenant, il gagnera en popularité et sera quasi-certain de gagner en 2027

J'ai l'impression que tu as un biais fortement pessimiste (c'était déjà le cas sur Trump ou la pandémie…). En tous cas, je ne vois pas pourquoi le RN devrait nécessairement gagner en popularité.

Les résultats aux élections européennes ne vont pas nécessairement se transposer aux présidentielle. Je pense qu'il y a quand même une peur du RN, et que les gens s'inquiètent un peu plus des conséquences de ce vote pour des élections importantes. Les partis adverses misent à fond sur cette peur et c'est quand même un handicap suffisant pour le RN pour les empêcher d'avoir une majorité.

Je ne dis pas que c'est impossible qu'ils gagnent, mais ça va beaucoup dépendre des autres candidats. Face à un duel contre Mélenchon, ce ne sera pas pareil que contre un candidat de gauche modérée, ou quelqu'un qui répondrait à certaines inquiétudes des électeurs du RN (immigration et sécurité).

Personnellement, j'ai un peu plus peur de Mélenchon que de Le Pen, et pourtant je me considère plutôt sympathisant de gauche et pas du tout séduit par les propositions de préférence nationale. A choisir, je préfèrerais Bardella premier ministre que Mélenchon qui me semble plus enclin à une dérive autoritaire. Je pense aussi que le mal que pourrait faire le RN est un peu exagéré. Il y a suffisamment de contre pouvoirs en France. Je pense plutôt qu'ils ne pourront rien faire du tout ! toutes leurs propositions susciteront des levées de bouclier.

ooten (2024-06-29T13:35:53Z)

Le Front Populaire était une marque déposée par le PCF qui une fois échue a été reprise et déposée par la revue souvereniste <URL: https://frontpopulaire.fr > cofondée par Michel Onfray qui, dit-il, n'aurait pas fait opposition à son utilisation par les partis de gauche.

egan (2024-06-29T11:59:10Z)

>>>Il s'en est suivi la semaine politique sans doute la plus folle que la France ait jamais connue.

Cette affirmation est tellement ridicule, grotesque et hyperbolique que j'ai arrêté de lire à cet endroit.
Bon non ce n'est pas vrai, j'ai continué le post jusqu'à la fin mais franchement j'ai été tenté.

Subbak (2024-06-29T08:24:10Z)

Je suis assez surprise de te voir céder aux sirènes du "ce programme est irréaliste" au sujet du NFP, alors qu'économiquement il ne remet pas en question grand chose…

Quand à la circo où tu votes, si c'est bien la 10ème de Paris qui s'apprête à réélire Rodrigo Arenas (l'autre circo du 13ème arrondissement a Sandrine Rousseau, qui n'est pas LFI), elle comporte des quartiers très populaires dans l'Ouest du 14ème le long des voies de Montparnasse. C'était très visible quand j'enseignais à François Villon, le lycée (et collège) le plus proche de ce coin.

Sauf erreur de ma part, au moins une partie du quartier chinois du 13ème arrondissement se trouve également dans la 10ème circonscription, même si l'essentiel est dans la 9ème. Si tu veux une circo bobo dans la coin, la 11ème (comprenant toute la partie du 14ème arrondissement qui n'est pas dans la 10ème circo, plus le sud du 6ème arrondissement) est ce que tu cherches. La députée sortante est Modem, la candidate du Nouveau Front Populaire[#] est PS, et Glucksmann était en tête lors des européennes.

[#] : Je suis surprise que tu ne mentionnes pas à quel point c'est agaçant cette manie d'appeler les nouveaux partis "nouveau". Certes la NUPES n'a pas duré longtemps, mais le "Nouveau Parti Anticapitalise", qui était censé être un nom provisoire en 2007, non seulement a toujours ce nom, mais a scissionné deux fois et les résultats de la dernière scission s'appellent encore tous deux NPA (on les distingue par le nom du périodique qu'ils publient, donc il y a le "Nouveau Parti Anticapitaliste - Révolutionnaire" et le "Nouveau Parti Anticapitaliste - l'Anticapitaliste"). Le nom "Front Populaire" n'est à ma connaissance pas une marque déposée, ils auraient pu le reprendre sans accoler un adjectif devant.

Typhon (2024-06-28T19:39:37Z)

Pierre Gentillet semble avoir en tête un leitmotiv Maurassien "politique d'abord" (que De Gaulle aimait aussi, paraît-il, à citer)


You can post a comment using the following fields:
Name or nick (mandatory):
Web site URL (optional):
Email address (optional, will not appear):
Identifier phrase (optional, see below):
Attempt to remember the values above?
The comment itself (mandatory):

Optional message for moderator (hidden to others):

Spam protection: please enter below the following signs in reverse order: bd23c8


Recent comments