J'ai craqué pour le joujou de geek (ce sera mon cadeau d'anniversaire à moi-même) et je me suis acheté un récepteur GPS (portable, bien sûr, pas un truc pour voiture) : précisément, il s'agit d'un eTrex Venture CX de Garmin que j'ai eu pour environ 300€ au Vieux Campeur. La fonctionnalité de base que je voulais c'est simplement de pouvoir indiquer la position dans différents systèmes de coordonnées (latitude+longitude et UTM surtout) pour pouvoir la relever ensuite sur une carte ou Google Local, l'altitude et la vitesse approximatives, et l'heure précise. Ça ça s'obtient pour une centaine d'euros. Ensuite il y a pouvoir enregistrer des points marqués et un chemin, et les communiquer avec l'ordinateur.
En pratique ça fonctionne vraiment très bien. Le GPS
était assez mauvais à ses débuts parce que le gouvernement américain
le brouillait intentionnellement, mais maintenant (depuis la décision
de Clinton de couper ce brouillage en 2000, et grâce aussi aux progrès
techniques) on a assez facilement une précision de 3–5m en
terrain dégagé (le facteur principal d'imprécision étant alors
semble-t-il l'état de l'ionosphère). Et ça
marche encore souvent assez bien même en ville ou dans des
circonstances pas forcément optimales (depuis ma fenêtre, j'ai pu
enregistrer le parcours du TGV entre Chambéry et Paris :
et pour ce que j'ai contrôlé sur Google Local il est fiable —
d'ailleurs je confirme que ces TGV font des pointes à
300km/h sur lignes à grande vitesse et à 160km/h sur d'autres lignes).
Et c'est vraiment utile, quand on se promène, pour lire une carte
IGN au 1:25000 (en supposant que celle-ci soit marquée
compatible GPS
, c'est-à-dire qu'elle ait la grille
kilométrique UTM imprimée : on demande au
GPS d'afficher les coordonnées UTM et on
repère les derniers chiffres comme une position dans le carreau).
Le positionnement est un peu lent à la mise en route parce que pour
chacun de la douzaine de satellites théoriquement visibles à un
endroit donné il va falloir (avant de pouvoir s'en servir
effectivement pour se localiser) acquérir un éphéméride,
c'est-à-dire ses paramètres orbitaux extrêmement précis, valables pour
quatre heures, et cela demande en gros[#] une dizaine de secondes de
réception continue du satellite en question (ensuite, dès que le
satellite sera visible, même brièvement, le récepteur pourra en tirer
des informations utiles). Du coup, ça ressemble à un petit jeu : on
voit les satellites d'abord clignotants sur l'écran (c'est-à-dire
qu'on n'a pas leur éphéméride complet) et on se demande quand on va
réussir à les avoir
(ils sont alors marqués en bleu sur l'écran
de mon récepteur).
Au niveau technique, je trouve que ce système est un exploit. C'est le genre de choses que j'aurais imaginées théoriquement possibles mais pratiquement irréalisables (se positionner au mètre près sur la Terre en mesurant la différence de temps de venue de signaux depuis des satellites qui tournent à 20000km d'altitude, surely you're joking), et c'est vraiment épatant de voir que ça fonctionne. Pour autant, il y a l'air d'avoir pas mal d'aspects bizarres ou mal pensés dans le système, et l'article Wikipédia donne parfois envie de se frapper la tête contre les murs : mais bon, vu que Galileo n'est pas encore à l'ordre du jour et que le système russe équivalent permet de se positionner à 100m et les jours pairs seulement, on s'en tient au GPS qui a le bon goût de marcher.
La communication avec l'ordinateur fonctionne plutôt bien[#2]. Par contre, là où je suis déçu, c'est pour ce qui est des cartes.
Je m'attendais, en achetant l'appareil, à pouvoir ensuite aller sur le site Web de l'IGN, choisir une région qui m'intéresse, payer une somme comme 10€ et avoir en échange un fichier à mettre sur la carte mémoire (µSD) du GPS contenant les informations géographiques et topographiques de la région en question. Las ! L'IGN ne vend que des CD à 100€ pièce (pour Windows uniquement, bien sûr) contenant des cartes pour ce GPS (et encore, ils n'étaient pas capables de m'assurer avec certitude que ça fonctionnerait bien avec ce modèle précis). Manifestement il y a des gens trop stupides pour comprendre que le principe de vendre des informations en ligne c'est justement de vendre ces informations, pas de vendre des CD contenant ces informations (ou en tout cas, pas d'obliger les gens à acheter obligatoirement de tels CD). Du côté du fabricant (Garmin), ce n'est guère mieux, c'est plus cher, et de toute façon il est américain alors l'Europe l'intéresse très peu. Je ne vais sûrement pas payer pour ces trucs sans une bonne assurance que je pourrai en faire quelque chose.
Tout espoir n'est pas perdu, cependant, parce que même si l'IGN échoue ici lamentablement dans sa mission de service public (je trouve que les cartes de la France produites par un organisme public de ce genre devraient être téléchargeables librement et sous un format ouvert, sans logique de rentabilité d'autant que le coût principal du relevé de la base doit déjà être amorti ; mais ce n'est pas demain la veille que ça se produira), d'autres, bénévolement, tâchent de s'y substituer[#3]. Je pense surtout au projet OpenStreetMap : il s'agit d'une sorte de Wiki sauf que cette fois le but est de cartographier le monde (je ne saurais dire si c'est plus ou moins ambitieux que Wikipédia…). Ce sont surtout des Anglais qui font ça : pour l'instant les données en France (même à Paris) sont pratiquement inexistantes (il n'y a que quelques rues du centre de Paris — et encore, sans les noms), mais à la limite les données ce n'est pas le plus important : le plus important c'est d'avoir mis au point un format de données et une infrastructure pour en faire quelque chose (produire des cartes avec Mapnik ou Osmarender, éditer les données en ligne ou avec JOSM, et il y a même un utilitaire, Mkgmap, pour convertir les données au format propriétaire de Garmin). Donc je devrais pouvoir avoir[#4] au moins les grands axes à Paris et surtout je vais pouvoir contribuer à y rajouter quelques données manquantes.
(L'ironie de l'histoire c'est qu'il y a déjà un plan libre de Paris beaucoup plus complet ici ; mais convertir le format SVG dans lequel il se trouve en de vraies données cartographiques risque d'être délicat. Au moins, je crois qu'il n'y a pas de problème gratuit d'incompatibilité de licence.)
[#] Plus exactement, si j'ai bien compris, il faut acquérir deux sous-trames (précises) complètes parmi les cinq qui composent le message de navigation : et chaque sous-trame prend six secondes à être transmise et est transmise toutes les trente secondes.
[#2] Précision
technique, donc : sous Linux, j'utilise le module
garmin-gps
(généré par
CONFIG_USB_SERIAL_GARMIN
et qui fait apparaître un
périphérique /dev/usb/ttyUSB0
) et le logiciel gpsbabel
(sur le
périphérique en question) pour lire et sauvegarder les points (waypoints) et les routes (tracks). La lecture marche parfaitement, l'écriture
échoue parfois aléatoirement (mais en insistant ça semble bien se
passer).
[#3] Je propose d'ailleurs ça comme preuve qu'un service public à échoué : lorsque des gens se mettent à refaire bénévolement (et sans moyens) le boulot c'est vraiment qu'il y a un problème. Il serait intéressant de savoir ce qui se passerait si on commençait à demander des subventions publiques pour ça, d'ailleurs. Est-ce que c'est possible d'obtenir des subventions pour refaire correctement quelque chose qu'un service public existant fait trop mal ?
[#4] Je parle au futur (enfin, avec plein de modalités) parce que je n'ai pas encore acheté la carte µSD pour mettre les données sur le GPS. Mais quelqu'un a réussi à faire exactement ce que je veux faire, donc ça devrait marcher.