[English translation follows.]
L'image ci-dessus[#][#2], que j'appelle un icosaèdre
psychédélique
, est le résultat d'une tentative partiellement
accidentelle pour produire de l'art mathématique sur ordinateur. Je
vais expliquer un petit peu comment elle est construite.
Il est bien connu qu'on peut identifier les nombres complexes étendus par ∞ (infini dans toutes les directions à la fois) avec la sphère unité (dite sphère de Riemann dans ce contexte) par la projection stéréographique : on identifie ∞ avec le pôle nord (0,0,1) de la sphère, et tout complexe z avec le point (u,v,w) (vérifiant u²+v²+w²=1) tel que z=(u+i
v)/(1−w). Dans ces conditions, les douze points de la sphère qui sont sommets d'un icosaèdre régulier (positionné de façon évidente), les vingt points qui sont centres de ses faces (sommets du dodécaèdre dual) et les trente points milieux des arètes correspondent à autant de nombres complexes (en fait, seulement onze complexes pour les sommets, puisque ∞ en est un). Il existe une fonction rationnelle de degré soixante, et une seule, à savoir f(z) = [z (z10 + 11 z5−1)]5 ÷ 1728 [−(z20+1)+228 (z15−z5)−494 z10]3, qui prend la valeur 0 (avec multiplicité 5) sur les sommets de l'icosaèdre, la valeur ∞ (avec multiplicité 3) au centre des faces, et la valeur 1 (avec multiplicité 2) au milieu des côtés. Cette fonction f (une application 60-vers-1 de la sphère de Riemann vers elle-même, donc — 60 étant l'ordre du groupe des isométries directes d'un icosaèdre, ou groupe alterné sur cinq éléments) s'appelle l'invariant icosaédral et possède de nombreuses propriétés fascinantes (il joue un rôle central, notamment, dans la résolution de l'équation du cinquième degré). Si on colorie un point de la sphère de Riemann d'après son image par l'invariant icosaédral (plus exactement, on part d'un coloriage simple quelconque de la sphère, et on effectue la transformation inverse de ce coloriage par l'invariant icosaédral), on obtient un coloriage ayant le groupe des symétries d'un icosaèdre (donc qui ressemble vaguement à un icosaèdre, ou un dodécaèdre, ou quelque chose entre les deux — projeté stéréographiquement sur le plan). Ici, pour générer mon image, j'effectue deux transformations de ce genre, composées avec des rotations aléatoires de la sphère (les rotations de la sphère de Riemann correspondent à l'action du groupe spécial unitaire d'ordre 2) ; ce sont uniquement ces rotations qui déterminent la variation d'une image à l'autre.D'un certain point de vue, ce genre de construction est analogue en géométrie sphérique des limites circulaires de M. C. Escher (qui sont des constructions en géométrie hyperbolique). Par ailleurs, l'invariant icosaédral pourrait être un sujet d'inspiration pour d'éventuels agrégatifs qui passeraient sur la leçon Utilisation des nombres complexes en géométrie…
[#] Image qui est générée dynamiquement par un programme en utilisant divers nombres aléatoires : autrement dit, à chaque fois que vous rechargez (faites quelque chose comme view image puis reload sur votre navigateur — mais n'en abusez pas non plus) l'image sera potentiellement différente.
[#2] Je précise par ailleurs que cette image n'est pas une fractale.
[Traduction anglaise de ci-dessus.]
The above image[#][#2], which I call a
psychedelic icosahedron
, is the result of a partially
accidental attempt to produce mathematical art on a computer. I shall
explain something of how it is made.
It is well known that the complex numbers, extended by ∞ (infinity in every direction) can be identified with the unit sphere (called the Riemann sphere in this context) by the stereographic projection: identify ∞ with the north pole (0,0,1) of the sphere, and any complex z with the point (u,v,w) (satisfying u²+v²+w²=1) such that z=(u+i
v)/(1−w). Under these conditions, the twelve points of the sphere that are vertices of a regular icosahedron (positioned in the obvious manner), the twenty points which are center of its faces (vertices of the dual icosahedron) and the thirty midpoints of the edges correspond to as many complex numbers (actually only elevel complex numbers for the vertices, because ∞ is one). There exists a rational map of degree sixty, and only one, namely f(z) = [z (z10 + 11 z5−1)]5 ÷ 1728 [−(z20+1)+228 (z15−z5)−494 z10]3, taking the value 0 (with multiplicity 5) on the vertices of the icosahedron, the value ∞ (with multiplicity 3) on the center of the faces, and the value 1 (with multiplicity 2) on the midpoints of the edges. This function f (a 60-to-1 map of the Riemann sphere to itself—60 being the order of the group of orientation-preserving isometries of an icosahedron, or alternating group on five elements) is called the icosahedral invariant and possesses many remarkable properties (it plays a central role, in particular, in the resolution of the equation of the fifth degree). If one colors a point of the Riemann sphere according to its image by the icosahedral invariant (more precisely, start with an arbitrary simple coloring of the sphere, and take its inverse image by the icosahedral invariant) we get a coloring having the symmetry group of an icosahedron (so it looks vaguely like an icosahedron, or a dodecahedron, or something in between—projected stereographically on the plane). Here, to generate the image, I took two such transformations, composed with random rotations of the sphere (rotations of the Riemann sphere correspond to the action of the special unitary group of order 2); only these rotations determin the variation from one image to another.From a certain point of view, this kind of construction is analogous, in spherical geometry, to the circular limits of M. C. Escher (which are hyperbolic geometry constructions). Furthermore, the icosahedral invariant could be a subject of inspiration for candidates to the agrégation who would be presenting the lesson on Use of complex numbers in geometry…
[#] Said image is dynamically generated by a program using various random numbers: in other words, every time you reload (try something like view image and then reload on your browser—but don't abuse of it) the image is possibly different.
[#2] I would also like to point out that this image is not a fractal.