Il m'arrive de me rendre compte assez brutalement que je n'ai pas
fait telle ou telle chose depuis longtemps (alors qu'à d'autres
moments cela m'arrivait plus ou moins fréquemment), et que ça me
manque. Par exemple, j'aime bien me promener dans Paris, mais ça fait
un bon moment que je ne l'ai pas fait (la dernière fois c'était au nouvel an, et ce n'était pas
terrible, en fait, comme balade) ; ça fait aussi longtemps que je ne
suis pas sorti le soir (pour n'importe quelle définition raisonnable
de sortir
— autrement que pour aller au cinéma, et
encore), que je n'ai pas lu un livre à l'extérieur, que je n'ai pas
pris un café en terrasse, et plein d'autres choses encore (dont
certainement beaucoup qui ne me viennent pas à l'esprit, mais qui me
manqueront vraiment quand j'y penserai).
Un peu plus sérieusement que tout ça, ça fait trop longtemps que je n'ai pas été amoureux, et c'est dommage. Je n'ai jamais connu, en matière d'amour, que des déceptions amères, des fantasmes unilatéraux, des échecs douloureux, pourtant il y a à mon cœur quelque chose de profondément beau à être amoureux (mais je ne sais pas si j'en suis convaincu au point de m'efforcer à plus fréquenter untel ou untel dont je sais que je pourrais facilement m'attacher, lorsque je n'ai aucune chance avec).
Ceci étant, toutes ces choses que je n'ai pas faites depuis
longtemps et auxquelles je pense, j'ai au moins l'espoir de pouvoir
les refaire tôt ou tard. Je crois que la chose la plus terrible,
moralement, c'est quand on se dit qu'on ne pourra jamais plus
refaire ceci ou cela (soit parce qu'on en a définitivement perdu la
possibilité, soit parce que la chose elle-même n'existe plus, soit
pour toute combinaison de ce genre). C'est la plus cruelle
condamnation qui puisse exister, le jamais plus
(oui, oui, je
connais le poème de Poe). Peut-être que je devrais quand même
m'efforcer de tomber amoureux (pour la Saint-Valentin,
peut-être ? ).