David Madore's WebLog: Un peu d'éducation civique

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(samedi) · Équinoxe de Printemps (2004-03-20T06:48:34.08Z) · Nouvelle Lune

Un peu d'éducation civique

Demain, une quarantaine de millions d'électeurs français sont appelés aux urnes pour renouveler les conseils régionaux et (en partie) les conseils généraux. Comme apparemment tout le monde n'est pas très au courant de ce pour quoi on vote ou comment se passe le scrutin, voici un petit crash-course sur le sujet pour les lecteurs concernés de ce blog.

La France est divisée en vingt-six régions (vingt-deux en France métropolitaine, dont la Corse qui a un statut un peu spécial juste pour embêter tout le monde, et quatre régions en outremer) qui regroupent ses cent départements (quatre-ving-seize en France métropolitaine, et quatre en outremer). Chaque région est dotée d'un conseil régional (sauf la Corse où il y a à la place l'assemblée de Corse, mais à part le nom personne ne doit connaître la différence avec un conseil régional). Ces conseils sont élus pour six ans. Chaque département est doté d'un conseil général (sauf Paris, dont le conseil de Paris fonctionne à la fois comme conseil municipal et comme conseil général), élu également pour six ans mais renouvelable par moitié tous les trois ans. (Noter qu'il ne faut pas confondre ces différents conseils, qui sont des collectivités locales, avec les représentants de l'État dans les régions et départements, c'est-à-dire les préfets de régions ou commissaires de la République, et les préfets.)

Le mode d'élection des conseils est très différent. Les conseils régionaux sont élus sur un scrutin de liste sur l'ensemble de la région, c'est-à-dire que tous les électeurs de la région choisiront une liste parmi un certain nombre proposées, toujours les mêmes dans la région. La répartition des sièges entre les listes est faite à la proportionnelle avec un certain nombre de complications (dont une prime de 25% à la majorité). Les conseils généraux, eux, sont élus par un scrutin uninominal par cantons (d'où le nom de cantonales donné à ces élections où on élit un conseil général dont le pouvoir est départemental — vous suivez ?). C'est-à-dire que chaque canton du département (qui correspond à une ou un petit nombre de communes) va élire un membre du conseil général, tout à fait indépendamment des autres. Mais comme on renouvelle chaque conseil général par moitié, seule la moitié des cantons de chaque département vote, demain. Chacun de ces deux scrutin est à deux tours : ce qui veut dire que demain on votera (dans la moitié des cantons) à la fois (mais séparément) pour les régionales et pour les cantonales, et pareil le dimanche suivant (exception faite des cas où un second tour n'est pas nécessaire).

Voyons un peu plus en détail, en commençant par les régionales. Le scrutin est à deux tours, donc : un second tour aura lieu sauf si une liste obtient la majorité absolue des voix dès le premier tour. Peuvent se maintenir au second tour les listes ayant obtenu au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour (ainsi, éventuellement, que les deux premières listes même si elles ne vérifient pas cette condition) ; celles ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés peuvent fusionner (librement) avec d'autres listes qui se maintiennent ; c'est également le seul de 5% au premier tour qui est nécessaire pour être représenté au conseil régional dans le cas où il n'y a qu'un seul tour. Pour répartir les sièges, on commence par attribuer 25% (arrondi à l'entier supérieur) des sièges du conseil à la liste ayant obtenu le plus de voix au tour final : c'est la prime à la majorité ; le reste des sièges est réparti entre les listes (toutes les listes au second tour, ou seulement celles ayant obtenu au moins 5% des voix s'il n'y a eu qu'un tour) par la méthode de la proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne. Ce terme signifie qu'on commence par répartir les sièges proportionnellement au nombre de suffrages exprimés, en arrondissant à l'entier inférieur ; et pour répartir les sièges qui restent, on les considère tour à tour et, pour chacun, on divise le nombre de voix de chaque liste par le nombre de sièges déjà attribués à la liste en question (parmi ceux qui sont répartis à la proportionnelle) plus un et on attribue le siège à la liste ayant la plus forte moyenne ainsi formée. La prime à la majorité sert à stabiliser l'exécutif régional : il suffit à la liste de tête d'avoir le tiers des suffrages exprimés pour avoir la moitié des sièges au conseil régional (25% de prime, plus le tiers des 75% restant) et donc pouvoir élire un président capable d'appliquer son programme, et cela sera donc nécessairement le cas s'il n'y a que trois listes (ou moins !) au second tour. La méthode de la plus forte moyenne est simplement une façon équitable de répartir les restes (et elle possède des propriétés mathématiques intéressantes, mais il n'est pas utile de rentrer dans ces détails).

Mais ce n'est pas la fin des subtilités ! Une fois le nombre de sièges de chaque liste déterminé, il faut encore savoir qui siègera effectivement au conseil. Normalement, dans une élection à la proportionnelle, cela se fait simplement en prenant les premiers de la liste. Mais ici les choses sont plus compliquées : les listes sont divisées en sections départementales (une pour chaque département de la région), et si une liste doit bénéficier de n sièges, plutôt que de prendre les n premiers, on répartir ces n sièges entre sections départementales proportionnellement au nombre de suffrages exprimés dans les différents départements (et, de nouveau, avec la règle de la plus forte moyenne). Cela fait que si le département X vote plutôt pour la liste A et le département Y pour la liste B, les élus de la liste A seront plutôt ceux de la section départementale du département X, et ceux de la liste B ceux de la section départementale Y de cette liste. (Soit dit en passant, on a un petit problème avec le nombre de candidats : si jamais dans une région un département devait voter massivement pour une certaine liste tandis que tous les autres départements s'abstenaient massivement, il n'y aurait pas assez de noms sur la section départementale de la liste en question pour remplir tous les sièges. Espérons que ce cas ne se produira pas !)

Pour les conseils généraux, heureusement, les choses sont plus simples (mais le scrutin est aussi sans doute fondamentalement moins juste) : chaque canton élit un conseiller général (plus un suppléant). Le bulletin ne porte qu'un seul nom. Un candidat peut être élu au premier tour s'il a obtenu la majorité absolue des suffrages, et sinon il y a un second tour de scrutin entre les candidats pour qui ont voté au moins 10% des inscrits (y compris les deux premiers candidats à l'issu du premier tour, même s'ils ne vérifient pas cette condition).

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