Note : Ces quatre nouvelles ne sont pas de moi (mais leur auteur, qui m'a donné la permission de les reproduire ici, préfère rester anonyme ; nous l'appellerons Aylleté Fonnome). Elles sont à mettre en parallèle avec quatre nouvelles que j'avais moi-même écrites auparavant.
Contemplant le champ de bataille autour de lui, Calvin ne put que constater l'étendue des dégats. Ici et là résonnaient encore quelques coups de canons, mais il était impossible de discerner leur provenance. Calvin se rappela la bataille, les cris, et les injures. Il se rappela aussi la course contre les rangées ennemies, la haine qui l'envahissait, et la balle. Sa chute. Il haïssait cette balle. Mais il n'avait pas pu l'éviter. Rassemblant ses dernière forces, il se mis debout, leva le poing, maudit cette balle, qui l'arrachait à la vie, et retomba lourdement sur le sol.
Après avoir passé une vie à combattre comme mercenaire, Alban vient enfin de se retirer définitivement. Pendant toute sa vie, il a rêvé de devenir un bon combattant, et enfin, après 23 ans d'entraînement, il a vaincu son plus grand ennemi : Mordhul. Rien d'autre n'avait compté, pendant tout ce temps, que de pouvoir un jour le voir mort, à ses pieds. Et en se rappelant son combat, et la manière dont il avait obtenu cette difficile victoire, il est fier. Il se souvient du coup fatal, celui par lequel Mordhul est devenu du passé. Et il ne regrette rien. Rien, dans sa conduite, n'aurait pu le faire changer d'avis. Il veut se sentir apaisé, il veut sentir en lui la satisfaction d'avoir vaincu. Mais non, il ne peut sentir en lui que la haine. Alors il se lève, va chercher son gourdin au mur, et sort.
En regardant au loin par dessus les murs de l'abbaye, il sera bientôt possible de distinguer le nuage de poussière qui se lèvera au passage de son cheval. Dessus se trouvera Gabrièle. Depuis toujours, Gabrièle est calme. Et depuis toujours, elle chevauche avec le même cheval, infatigablement. Et aujourd'hui comme depuis toujours, en descendant de cheval, elle appelera les membres de l'abbaye à venir l'écouter. Alors tous se réuniront autour d'elle, autour de son cheval. Chacun viendra avec sa manière d'aimer Dieu, et avec sa foi. Alors elle expliquera, avec des mots que seule elle pourrait trouver, pourquoi Dieu est mort. En réalité, pas plus que les autres fois, elle ne saura pourquoi elle dit cela. Elle ne comprendra pas non plus de quel droit elle s'autorise, comme à chaque fois, à retirer la seule raison de vivre à ces gens. Elle ne pensera même pas que si son père ne lui avait pas été enlevé par la dernière croisade, toute sa haine envers ce Dieu n'aurait pas existé.
Assis sur son fauteuil translucide, Erwan regarderait son empire. En trois années seulement, il aurait réussi à accumuler la plus grande fortune du monde. Tous les journaux auraient déjà parlé de lui, de partout sur terre. Il contrôlerait la plus grande usine entièrement cybernétique au monde, et surtout la première. Les gens se seraient moqué de sa folie dans les débuts, et certains auraient souri en voyant l'entreprise de développer au fur et à mesure, mais tous seraient désormais respectueux devant son oeuvre. Lui qui n'avait jamais pu entretenir de relation avec ses contemporains, il serait à présent adulé par la foule. Certaines femmes se battraient pour s'accorder ses faveurs. Et pourtant, il serait indifférent à tout cela. Pour lui, à ce moment là, et malgré sa fortune, il ne resterait que la tristesse, de n'avoir jamais été apprécié pour lui-même. En soupirant de désespoir à l'idée de ce monde qui n'avait jamais existé, Erwan considéra longuement la gélule. Puis il la porta à ses lèvres.