Je viens de[#] voir passer
sur Twitter⌫𝕏 encore je ne sais quel fait divers retweeté par
quelqu'un qui cherchait sans doute à en tirer une conclusion sur notre
société. (Je ne sais plus de quoi il était question, mais typiquement
le fait divers prend la forme d'une violence commise par ou contre tel
ou tel groupe dont on voudrait laisser penser qu'il est sujet ou objet
de violences, et la conclusion plus large est quelque chose
comme tout va mal
.) Ou plutôt, à provoquer une émotion dans
laquelle une conclusion éclora sans passer par l'étape de
raisonnement.
[#] Enfin, je venais
de
quand j'ai écrit ce paragraphe. Mais ce billet, parmi beaucoup
d'autres à moitié écrits, traînait dans mes cartons virtuels depuis un
moment, donc je ne sais même plus à quel moment je fais référence.
Peu importe : entre temps j'ai vu passer plein d'autres faits divers
tout aussi peu dignes qu'on s'intéresse à eux.
Puisqu'il est question d'émotion, justement, je voudrais dire la
mienne contre tout ce qui ressemble aux faits divers : à ceux qui les
rapportent, à ceux qui les reproduisent, et à ceux qui, consciemment
ou inconsciemment, cherchent à manipuler l'opinion publique avec. (Et
je précise que je ne suis pas exempt de ces reproches : c'est
justement parce que, sans doute comme tout le monde, je suis moi-même
parfois tenté de m'émouvoir d'un fait divers, voire de le « partager »
sur les réseaux sociaux, et d'autant plus que le fait divers s'aligne
avec mes préconceptions politiques, que je dois travailler pour lutter
contre ce poison du cerveau humain, et ce billet est là pour ça.)
Mon reproche contre le concept de fait divers peut être résumé dans
l'explication suivante, dont la concision provocatrice retire un peu à
la précision, mais qui résume néanmoins de façon assez percutante le
cœur du problème :
Si on en parle aux infos, c'est que c'est très atypique.
Si
c'est très atypique, c'est que ça n'a aucune importance.
(Il va de soi que je parle là des faits divers —
expression française forte utile et que je ne sais d'ailleurs pas
traduire en anglais. Un événement de portée géopolitique, par
exemple, n'est pas sujet à ce reproche : il est significatif en
lui-même, pas en ce qu'il prétend représenter un phénomène plus
large.)
Je résume ce résumé par le titre de ce billet (inspiré d'une
citation qui, comme toutes les meilleures
citations, est
apocryphe
voire complètement
inversée, le pluriel d'anecdote
n'est
pas données
) : le pluriel de fait divers
n'est
pas statistiques
.
Tout fait divers, donc, est un mensonge. Pas parce qu'il
est faux (il y en a plein qui sont des légendes urbaines,
mais ce n'est pas ça mon propos : admettons pour les besoins de
l'argument que les faits soient exacts et fidèlement
rapportés), mais en ce qu'il suggère qu'il est représentatif alors
qu'il ne l'est pas : s'il était représentatif, il serait banal et on
n'en parlerait pas. Donc il ment même s'il dit la vérité. Ce qui est
sans doute la meilleure façon de mentir. Pour invoquer une autre
citation (qui, pour une fois, n'est pas apocryphe, c'est d'Asimov
dans Forward the
Foundation) : The closer to the truth, the
better the lie, and the truth itself, when it can be used, is the best
lie.
Le fait divers, donc, vise à manipuler notre émotion. C'est un
défaut du cerveau humain que les statistiques n'arrivent pas
facilement à susciter notre émotion. (Ou alors il faut pour ça les
tourner sous une forme trompeuse : les phrases du style toutes
les X minutes, en France, <telle chose se
produit>
sont une manipulation pour donner aux statistiques la
même coloration émotionnelle que les faits
divers[#2].) Et aussi que les
émotions sont si puissantes pour provoquer une réaction de notre part.
Nous avons besoin de faits concrets, pas de chiffres.
[#2] Bien garder ça à
l'esprit : si quelqu'un vous dit qu'il y a <tant> de <tel
fait> par an en France, c'est peut-être vrai et honnête ; mais si
on vous dit que <tel fait> se produit toutes les <tant> de
minutes en France, c'est toujours un mensonge même si le
chiffre est vrai : c'est un mensonge en ce que c'est une manipulation
pour que le chiffre paraisse plus important qu'il l'est. Parce qu'il
n'y a tout simplement aucune raison légitime de tourner une fréquence
sous cette forme.
Je ne dis pas que les statistiques ne peuvent pas mentir, bien sûr,
et d'ailleurs je viens à l'instant de donner une manière de les
manipuler. (Là aussi vous vous doutez bien qu'il y a
une fameuse citation apocryphe pour nous
le rappeler.) Mais les statistiques ont au moins en principe le
pouvoir de dire quelque chose de vrai et de représentatif, ce que le
fait divers n'a pas. Les statistiques traduisent parfois une
vérité collective intéressante : le fait divers ne le
font jamais.
L'exemple le plus flagrant de la manipulation de nos émotions par
ce qui n'est pas statistiquement représentatif est celui des actes
terroristes et de l'importance qu'on leur accorde. (Je renvoie
à cette vidéo plutôt bien faite
pour un développement plus poussé de ce point.)
La réalité statistique du terrorisme, dans le monde
occidental, est qu'il est insignifiant : si vous vivez en France, vous
avez moins de 0.01% de
chances[#3] de mourir dans un
attentat terroriste. Or les médias traitent chaque acte terroriste
comme un sujet majeur, ce qui est exactement ce que recherchent
les terroristes, et ce qui donne à ces derniers une victoire
retentissante à chaque fois, en ce qu'ils réussissent effectivement,
avec cette complicité des médias, à terroriser des gens qui,
regardant ces infos anxiogènes, sont souvent convaincus qu'ils sont
eux-mêmes menacés[#4] par le
phénomène alors qu'ils ont grosso modo autant de chances de mourir,
disons, tués par une vache. J'ajoute, puisque c'est aussi le propos
de ce billet, que les politiques préconisant une réponse
forte[#5] au terrorisme sont
les alliés
objectifs[#6] des
terroristes : les premiers fournissent aux seconds l'attention et la
terreur qu'ils recherchent, et les seconds fournissent aux premiers
leur agenda politique (donc le pouvoir qui va avec).
[#3] Estimation
passablement conservatrice : en France, il semble qu'il y ait eu moins
de 600 morts de terrorisme au cours des 50 dernières années, sur
environ 30 millions de morts au total pendant ce demi-siècle, donc les
chances de mourir du terrorisme, en France, seraient plutôt autour de
0.002%. Mais pour d'autres pays européens, 0.01% est plus
représentatif, et si on prend la pire année pour la France, on monte à
presque… 0.03% (pour être bien clair, ça veut dire en gros que
si chaque année répétait celle des attentats de 2015, la
probabilité d'un Français générique de mourir du terrorisme
sur toute votre vie serait autour de 0.03% ; je ne parle pas
de 0.03% par an, ce qui serait beaucoup plus, mais plutôt de 0.0003%
par an, soit 0.03% sur toute une vie, en prenant le pire chiffre des
50 dernières années).
[#4] De même qu'on a
des règles qui imposent que toute pub pour de la bouffe soit
accompagnée
d'une injonction un chouïa paternaliste, je me dis parfois
qu'il ne serait pas mal d'obliger tout reportage ou sujet d'actualité
mentionnant le terrorisme d'être accompagné d'un message disant
substantiellement : ce sujet ne vous concerne pas : vous n'allez
pas mourir du terrorisme, vous allez très probablement mourir du
cancer ou d'un accident cardiaque ou vasculaire
.
[#5] Réponse forte, en
fait, généralement constituée d'un théâtre de mesures absolument
dénuées d'effets réels contre le terrorisme : il s'agit
d'une comédie
sécuritaire dont le but est simplement de rappeler au grand public
que le sujet est censé être Important et que des gens prennent des
Mesures.
[#6] J'aime bien
rappeler que quand deux groupes se font publiquement et ostensiblement
la guerre, souvent ces deux groupes sont des alliés objectifs, en ce
que les deux ont en fait un but commun, qui est de faire croire que le
sujet sur lequel ils se font la guerre est un sujet grave, important
et central, que l'attention de l'opinion doit se focaliser dessus (ou
bien il peut s'agir de cimenter chacun des deux groupes dans
l'essentialisme qui les définit). Cette analyse est parfois simpliste
(dans une vraie guerre, ce sont surtout les fractions les plus
radicales des deux belligérants qui sont alliées, ça ne veut pas dire
que toute la guerre est factice), mais il est au moins bon de l'avoir
à l'esprit quand on nous présente un débat entre des positions
prétendument « opposées ». En l'occurrence, l'alliance objective
entre terroristes et adeptes de la manière forte contre le terrorisme
me paraît assez évidente.
Certains sont sans doute tentés de répondre sur l'importance des
symboles, ou quelque chose comme ça. (En mode avocat du
diable : quelle sordide façon de décerner l'importance des sujets
que de compter le nombre total de morts et de ne regarder que ça ! ce
sont les symboles qui comptent
.) Or c'est un peu le
problème, justement : les terroristes essayent de nous manipuler par
la portée symbolique de leur acte, et accepter de la reconnaître,
accepter de s'en émouvoir plus que ce que sa réalité statistique
extrêmement mineure le justifie, c'est justement entrer dans leur jeu.
J'ai parlé ici du terrorisme, mais c'est globalement le problème des
faits divers : la naissance d'une émotion collective qui, même si elle
n'est pas provoquée délibérément, sera exploitée par les
politiques. C'est le principe du un fait divers, une loi
(la
loi n'est généralement même pas la finalité de la manœuvre — parfois
elle l'est si c'est une loi liberticide, mais en général le but de la
gesticulation est simplement de récupérer du capital de sympathie
politique sur l'air de voyez, moi je m'occupe de ce problème dont
personne ne s'occupait jusqu'ici
).
Et cette émotion collective vient avec une injonction de la
ressentir : qui oserait répondre à l'émotion suscitée par le viol du
petit Machin (7 ans) par le cousin de sa belle-tante en disant mais
on s'en fout, de ce fait-divers sordide !
? Si vous dites ça, on
vous traite de monstre, d'insensible, de scientifique déshumanisé qui
ne sait lire le monde que derrière de froides statistiques, etc. (et
si on tient un discours de ce genre face à un acte terroriste, la
réaction est encore pire[#7]).
Les gens qui disent ça confondent le fait de ressentir une émotion
(oui, généralement, je suis désolé d'apprendre ce qui est arrivé au
petit Machin) et le fait d'en faire un spectacle public d'importance
nationale.
[#7] Essayez un peu de
défendre la position selon laquelle la réponse à faire au terrorisme
c'est l'ignorer complètement, et pourrez mesurer, aux réactions
indignées que cela provoque, l'étendue de la victoire psychologique
des terroristes dans leur bataille pour l'attention. (Notons que je
ne défends pas cette position : je pense qu'il y a des choses
qu'on peut faire contre le terrorisme, mais elles sont plutôt de
l'ordre de l'infiltration. Mais ce n'est ni le propos de ce billet ni
quelque chose sur quoi je pense être compétent, donc je ne développe
pas.)
Je le sais parce que je tiens de feu
mon papa cette attitude de rejet du fait divers et d'attachement
aux statistiques, et je voyais bien les réactions irritées voire
véritablement courroucées que cette attitude pouvait provoquer. Il
est vrai qu'il ne cachait pas son mépris pour tout ce qui est
anecdotique, et qu'il demandait bien ostensiblement, et avec un mépris
parfois un peu provocateur, la fréquence de n'importe quel fait qu'on
lui rapportait. (Et il est aussi vrai qu'il n'était pas toujours
parfaitement cohérent avec ses propres principes.)
Encore une fois, je ne prétends certainement pas être moi-même
exempt de reproches : il m'est certainement arrivé de rapporter,
propager ou amplifier des faits divers (voire de les déformer) : moi
aussi j'ai des émotions et moi aussi on peut me manipuler avec elles,
et le terrorisme y parvient dans une certaine mesure. Ce que je
décris ici est surtout une discipline que j'essaie de m'imposer (et si
je cherche à me l'imposer, c'est bien parce qu'elle ne m'est pas
naturelle, et j'échoue souvent à obéir à mes règles). Il ne s'agit
pas de ne jamais évoquer de fait divers, mais au moins de faire la
démarche de me demander, à chaque fois que j'en rencontre un, quelque
chose comme ceci :
- Est-ce que ce fait est représentatif en plus d'être
matériellement exact ? De quoi est-il représentatif
exactement ?
- Est-ce que je dispose des éléments de contexte suffisants pour
interpréter le fait rapporté ? Quelle sélection des faits a été
apportée par la narration que j'ai reçue ? Quels sont les biais de la
source dont je le tiens ?
- Qui a sélectionné le fait rapporté parmi d'autres qui sont
semblables ? Qui a choisi de parler précisément de celui-là
et pas d'un autre ? Quelle est l'intention derrière ce choix, qui
n'est pas neutre ?
- Est-ce que je peux trouver des statistiques sur le phénomène qui
semble impliqué par le fait rapporté ? Que me disent ces statistiques
sur l'importance du phénomène ? Que me disent-elles sur la typicité
du fait rapporté ?
- Quelle émotion fait naître en moi le fait rapporté ? Dans quelle
mesure cette émotion est-elle provoquée ou amplifiée par la narration
que j'ai reçue ? Cette émotion sert-elle des intérêts autres que ceux
de l'information pure ? Lesquels ?
La liste n'est pas exhaustive, évidemment (et je mélange là des
questions qui visent à stimuler différentes sortes de scepticisme,
dont certains s'appliquent bien plus largement qu'aux faits
divers[#8]). Mais il me semble
que le débat public serait beaucoup plus sain si chacun faisait au
moins un effort honnête de pratiquer cette petite gymnastique à chaque
fois qu'il s'agit de cliquer sur le bouton reposter
d'un
message qui nous émeut.
[#8] Et bien sûr tout
ceci s'ajoute au scepticisme dont il est pertinent de faire preuve sur
les faits eux-mêmes (viennent-ils d'une source fiable ? les images ne
sont-elles pas générées par IA ? etc.).
Tout propos catégorique mérite bien sûr d'être nuancé (y compris
cette phrase-ci). Il y a quand même des cas où un fait divers peut
nous apprendre quelque chose.
D'abord, quand le fait divers est représentatif et typique d'un
phénomène qui est effectivement statistiquement pertinent : il n'est
tout de même pas vrai que tout ce qui est relaté aux infos (ou propagé
sur les réseaux sociaux) est atypique, et même s'il est atypique il
peut l'être pour des raisons orthogonales à ce qui le rend
significatif (par exemple si une célébrité est victime d'un phénomène
banal, ça rend le fait divers newsworthy tout en
restant représentatif du phénomène banal). On peut admettre qu'un
fait divers serve, dans un discours, à illustrer un phénomène
statistique, à rendre plus « parlantes » les statistiques. Mais ceci
n'excuse en rien de ne pas chercher les statistiques.
Ensuite, quand un fait divers montre que quelque chose
est possible alors qu'on pensait que c'était simplement
impossible (ou que quelque chose existe alors qu'on n'y avait
jamais pensé) : les statistiques sont alors par définition impossibles
à faire puisqu'on a affaire à un hapax. La réaction saine,
alors, est de se dire tiens, il est peut-être pertinent de
s'intéresser à ce phénomène à l'avenir, par exemple pour chercher à
savoir s'il est en train d'apparaître ou si c'est un événement qui se
produit une fois tous les millions d'années
.
Et bien sûr, une morale à tirer de tout ça c'est l'importance de
l'enseignement scientifique (et notamment des stats de base et des
ordres de grandeur). Il me semble indispensable que tout citoyen
sache calculer un ordre de grandeur pour répondre à un problème du
style : si ce problème, qui touche un groupe de personnes dont je
fais partie et représentant environ 1% de la population, se produit
environ une fois par mois en France et affecte une vingtaine de
personnes à chaque fois, au bout de combien de temps dois-je moi-même
m'attendre à en être victime ?
(réponse en supposant une uniforme
distribution[#9] : 70 millions
× 1% / 20 × 1 mois ≈ 3000 ans) ou, en plus simple, si une personne
par minute est victime de tel phénomène en France, au bout de combien
de temps dois-je moi-même m'attendre à en être victime ?
(réponse
en supposant une uniforme distribution : 70 millions de minutes ≈
130 ans). Je pourrais raconter des anecdotes de gens qui sont
incapables de convertir de tête 70 millions de minutes
en 130 ans
(au moins approximativement !) ou échoueraient à
répondre à ce genre de questions pour telle ou telle autre raison,
mais ce serait, justement, des anecdotes destinées à provoquer votre
émotion indignée : pour rester dans le sujet, je voudrais plutôt voir
des statistiques sérieuses à cet égard.
[#9] Bien sûr,
l'hypothèse d'égale distribution est critiquable et doit être
critiquée, à l'aune du phénomène particulier. C'est justement ce
qu'un enseignement scientifique correct doit fournir : des clés pour
utiliser, formuler et critiquer ce genre d'hypothèse.
L'autre chose importante à mettre dans les mains de tous les
citoyens, outre une culture scientifique de base, c'est l'accès à des
statistiques claires et de qualité contre lesquelles comparer leurs
impressions tirées des anecdotes sur le monde.
J'aime donner l'exemple suivant : beaucoup de gens sont persuadés
(et pour le coup ce n'est pas anecdotique, j'avais trouvé des
statistiques sérieuses à l'appui de cette affirmation, même
si je ne les retrouve plus) que le monde est beaucoup plus violent
qu'autrefois. Cette impression résulte largement de l'information
immédiate et « brute » à laquelle nous avons accès. Or selon à peu
près n'importe quelle métrique raisonnable, nous vivons à une époque
tout à fait paisible, et selon certaines, même, possiblement la plus
paisible que l'Humanité ait jamais connue. Voyez par
exemple ce graphe pour ce qui est de la mortalité par guerre,
et cette estimation ainsi
que celle-ci des homicides, pour des perspectives historiques
plus larges. Ça ne veut certainement pas dire que le monde n'est pas
bourré de problèmes, ni que la violence n'en est pas un sérieux, ni
qu'elle n'est pas en train de ressurgir (et on peut certainement
trouver des statistiques bien plus nuancées que celles que je viens de
lier), mais l'impression émotionnelle qui résulte de la consommation
de l'actualité n'en est pas moins profondément trompeuse.
Donc j'aime bien faire la pub, et j'en profite pour le faire ici,
pour le site
Web Our
World in Data, qui avec Wikipédia (et malgré toutes les
imperfections de l'un ou de l'autre) est un de ceux qu'il est le plus
urgent de mettre entre toutes les mains et d'encourager tout le monde
à consulter comme source d'information raisonnablement honnête,
généralement fiable et typiquement facile à comprendre.
Je conclus par la remarque suivante tendant à justifier le titre de
ce billet sous un angle légèrement différent : non seulement
l'accumulation d'anecdotes ne va pas conduire à une représentation
mentale fidèle du monde parce que chacune de ces anecdotes est
atypique, mais aussi, et même en l'absence de volonté de manipulation
émotionnelle, même leur agrégation n'est toujours pas représentative.
Ceci résulte notamment d'une asymétrie fondamentale de l'information :
les mauvaises nouvelles ont tendance à venir de façon
soudaine (ceci ne vaut pas que pour les faits divers : guerres et
catastrophes arrivent de façon soudaine), et l'actualité est dominée
par ce qui est soudain et nouveau ; tandis que les bonnes nouvelles
sont presque toujours lentes et incrémentales (les informations du
style cette année l'espérance de vie à la naissance a de nouveau
augmenté d'un mois
ou le nombre de morts par homicide continue
sa baisse progressive
ne font pas les actualités).