Insensible au spectacle étalé sous ses yeux,
Lentement le soleil regagne sa demeure
Nocturne. Et sur la plaine une voix seule pleure :
Un poing se dresse, en rage, il menace les dieux.
Le grenat enflammé dont se parent les cieux
Reflète le vermeil, avant que le jour meure
À grands torrents d'ichor répandu dans une heure,
Maudissant de son flot jusqu'au nom de ces lieux.
Mais la nuit est venue, et le calme avec elle,
Dérobant aux regards cette scène cruelle,
Offrent aux guerriers morts leur repos mérité :
Demain ils renaîtront grâce à la magie blanche
D'un drame épique neuf par le barde chanté
Dont les refrains seront l'hymne de la revanche.
Va, et suis ton chemin, fier coursier des Destins,
Traverse la forêt en suivant le layon,
Traverse la cité perdue dans les nuages,
Longe le lac d'azur venu du fond des âges,
Monte sur la montagne où tout touche à sa fin,
Regarde le soleil qui t'envoie un rayon.
Guettant avec angoisse l'arrivée de la mort,
Un par un les soldats succombent à leur sort,
Et tombent par milliers sous les coups de l'épée :
Rêvant d'inscrire un nom dans la grande épopée,
Retenus malgré eux dans l'horrible charnier
Et ne pensant qu'à fuir, tombent tous les guerriers.
L'Empereur au jardin contemple les étoiles,
L'eau goutte à goutte tombe et brise le diamant,
Argus fermant un œil ne dort jamais vraiment,
Et Égée sur la mer cherche des yeux la voile.
Mais petit à petit l'araignée fait sa toile :
Lachésis, Atropos n'auront jamais d'amant,
L'aimant à tout jamais repoussera l'aimant,
Et petit à petit meurt le feu dans le poêle.
Revenue d'outre-tombe
La mémoire des dieux
Comme un soupir d'adieu
Dans l'immensité tombe.
Et l'oiseau de cristal
En silence s'élance
Et entre dans la danse
C'est le souffle vital.
Un bruissement de feuilles
Éclate dans l'azur
Et partout ce son dur
Ange qui se recueille
Éclabousse les yeux
Du porteur de la lance
Et va tenter sa chance
Sur le sommet des cieux.
Dernière modification : $Date: 2002/06/17 22:41:44 $