Nous sommes de plus en plus habitués à avoir tout le savoir du
monde à notre portée : qu'on veuille savoir les propriétés d'une
substance chimique bizarre ou les dates d'un personnage très
médiocrement célèbre, Wikipédia aura la réponse ; qu'on cherche des
informations scientifiques plus détaillées, on trouvera cachés sur des
sites russes une quantité phénoménale de livres diffusés contre la loi
(après avoir vérifié sur Google books le livre qu'on cherche
vraiment) ; qu'on cherche à savoir ce qu'il y a à presque n'importe
quel endroit intéressant de la planète, Google maps ou Google street
view seront passés par là ; qu'on cherche à reconnaître une image ou
une musique, on se tourne vers Google images, Shazam (OK,
c'est pas vraiment Internet) ou Musipedia ; tout cela était
inimaginable il n'y a même pas quinze ans. Mais il y a encore des
questions pour lesquelles Internet n'est pas trop au point. Bien sûr
il y a celles pour lesquelles on aura du mal à trouver la réponse où
qu'on cherche (même si ce ne sont pas forcément des questions
difficiles a priori) : par exemple des questions comme quel
temps faisait-il à Paris le 15 mars 1966 ?
(date choisie au pif,
peut-être que pour certaines ce sera plus facile, mais en général,
répondre à une question pareille demandera un effort assez énorme ;
mais je ne désespère pas qu'un jour on commence à constituer une
immense base de données de la météo passée partout dans le monde). Ou
même des questions dont la réponse est certainement dans des livres
mais n'a pas été encore reprise sur Internet. J'allais citer les
déclinaisons du vieux slavon comme exemple du genre de choses
absolument indispensable qu'Internet ne connaît pas trop, mais en
fait il
a progressé ; ce n'est pas grave, on doit encore pouvoir trouver
d'autres exemples.
Bref. Quelqu'un a posé la question d'identifier les trois statues qui ornent la façade nord de la gare qui est maintenant le musée d'Orsay (bon, sa question partait de la photo, mais identifier qu'il s'agit du musée d'Orsay, ça c'était facile), et j'ai pris ça un peu pour un défi. Wikipédia en français donnait une information partiellement fausse (et sans source), selon laquelle ces statues représentent les villes de Bordeaux, Orléans et Nantes, et cette information a été recopiée un nombre assez important de fois ; mais ceci ne dit ni le nom du sculpteur ni quelle statue représente quelle ville, et par ailleurs, il y avait une certaine confusion possible quant à la façade concernée. J'avoue que, pour ma part, je n'ai pas réussi à trouver : j'ai eu confirmation via un document sur des travaux de rénovation que les statues de la façade nord représentaient bien des villes, mais pas plus. Un de mes amis, cependant, a été plus fort que moi : les statues représentent en fait Bordeaux, Toulouse et Nantes comme cette page l'atteste, et celle-ci décrit un peu les symboles de chaque statue ; et cette page nous apprend qu'elles sont l'œuvre respectivement de Jean-Baptiste Hugues, Laurent-Honoré Marqueste (confirmation ici) et Jean-Antoine Injalbert (ces sculpteurs à trois noms dont la France de l'art nouveau semble avoir eu le secret). On a pu corriger Wikipédia en conséquence (et noter les références, dont la moitié dont d'ailleurs été immédiatement virées mais s'agissant de Wikipédia en français je ne suis pas étonné).
Ouf, le savoir est bien sur Internet, finalement, mais il est difficile à trouver. Bon, alors voici un défi semblable pour mes lecteurs : à la façade de l'Hôtel de Ville de Lyon, place des Terreaux, il y a deux statues dans le style antique qui surplombent la balustrade (de part et d'autre du bas-relief représentant Henri IV à cheval — ça c'est facile à trouver — mais plus haut que lui) : qui sont ces personnages (Jupiter et Minerve ?), et qui en est le sculpteur ? (C'est peut-être très facile, en fait : tout ce que je peux dire c'est que lors de mon dernier passage à Lyon je n'ai pas trouvé en cinq minutes avec mon téléphone mobile.)