Comments on Fragment littéraire gratuit #75 (abjuration)

Pourquoi *QUE* deux ? Y a-t-il un "timing" à respecter ?

L'hypersensibilité à la pression des autres, c'est un handicap très lourd.
Je suis contre l'héroïsme sur ordre mais je suppose que la nécessité fait loi, comme pour G.
Même si tout le monde n'en comprend pas la nature profonde et apparamment injuste. Perplexe je reste.

Et ton nouveau roman, à ce propos ?

salut, je te lis régulièrement, et j'apprécie vraiment. Mais je me demande comment tu conçois tes fragments littéraires. Forment-ils un récit à eux tous ? (ce que dément le terme "fragment"). Sont-ils des instantanés littéraires qu'il faudrait savoir lire sans contexte particulier ?
Bye
nico

L'expression "avoir raison" est d'ailleurs étrange car, si on est dans la raison, si on demande raison, on n'obtient pas forcément raison, et on ne voit pas trop l'objet du verbe 'avoir'. qui serait comme une envie ou une faim, ou même un froid. Quand on dit "il avait raison", c'est justement qu'il n'avait pas obtenu raison et que c'est seulement maintenant qu'il *a* raison.
Pour être retenu par l'Histoire, pour traverser les filtres des époques successives, il faut au départ être reconnu, fût-ce pour de mauvaises raisons. Il y a sans doute beaucoup de gens qui "avaient raison" et ont été oubliés par l'Histoire. Il y a tous ceux qui sont mal nés, de classe sociale ou ethnie de statut inférieur. Il y a toutes celles dont le sexe est faible, ou beau, mais pas vrai (la société ne confond pas ce beau avec le vrai). Il y a ceux qu'elle a failli oublier, tel Karl Krauss, philosophe éclipsé par son rival proto-nazi Heidegger, ou bien Bolzano en tant que philosophe éclipsé par le mathématicien. Il y ceux qu'elle aurait bien pu ne jamais reconnaître: Einstein, ingénieur de 3ème classe au bureau des brevets, doit beaucoup de son salut à Planck; si la discipline avait été moins formalisée, ou si le nazisme était arrivé avant qu'il ne soit connu… On pourrait imaginer que Galilée ne soit que le dernier d'une longue série de penseurs, d'abord ostracisés comme fous, puis à mesure que l'idée devient de plus en plus vraisemblable, persécutés puis exécutés par l'Église. Galilée abjure mais il *a* déjà raison, y compris sans doute pour l'Inquisition qui est plus cynique qu'idiote.
Il y a aussi ceux qui n'insistent pas, ceux qui renoncent dès le départ à partager leur raison et ceux qui n'élaborent même pas leurs idées, qui préfèrent les regarder comme des étoiles filantes qui traversent leur esprit. On peut imaginer qu'un génie ne soit guère motivé à partager ses idées s'il a l'impression d'être sur la Planète des singes (attention, pour être génial, il ne suffit pas d'avoir cette impression, ni d'être contre la doxa ambiante, et encore moins d'être excentrique). Ça paraît bizarre, d'ailleurs, de défendre ses idées au point de se mettre en situation ensuite d'abjurer: inconséquence? naïveté sociale? aveuglement égocentrique? exhibitionnisme? masochisme? Quelqu'un disait que la vie ne vaut que si on est prêt à la perdre pour une idée. Je lui donne raison; là, on peut donner ce qu'on n'a pas forcément. En tout cas, je suis envieux.