Comments on L'espoir perdu dans le progrès

Ririx (2024-12-07T16:38:04Z)

Ça fait un moment que je suis de loin en loin, avec intérêt, les réflexions de notre hôte et donc je connais assez bien certains aspects de sa personnalité qu'il veut bien laisser transparaitre ici.
Comme il n'est pas opposé aux fantaisies langagières, je dirais que je le trouve assez sismographique : déjà au moment du psychodrame covidien son humeur a connu des bas prononcés.
Je vais te tutoyer, ça sera plus simple, il semble que la conjoncture politico-sociétale ait de nouveau des répercussions négatives sur ta lymphe.
Il est vrai qu'elle est, la conjoncture, pour le moins tectonique et paradoxale.
On peut la voir en noir, c'est ton cas, ou en lumineux, c'est ce que je m'efforce, avec l'aide d'un peu de pharmacopée je l'avoue, de pratiquer, non sans succès.
Nietzsche a dit quelque part que les plus grands systèmes philosophiques étaient conçus pour valider la vision du monde a priori de leurs auteurs.
Voilà ce que nous dit Pascal (grande admiration et inspirateur de Nietzsche) :
« C'est une maladie naturelle à l’homme de croire qu’il possède la vérité directement ; […] au lieu qu’en effet il ne connaît naturellement que le mensonge, et qu’il ne doit prendre pour véritables que les choses dont le contraire lui paraît faux » ainsi qu'une autre très en rapport avec notre époque de changements systémiques :
« Qui aurait trouvé le secret de se réjouir du bien sans se fâcher du mal contraire aurait trouvé le point. »
Ce bien dont, je pense, qu'il faudrait se réjouir je n'en trouve pas traces dans tes préoccupations, ou seulement indirectement, pour les ennuis qu'il nous cause inévitablement, je veux parler du basculement mondiale provoqué par le rattrapage des 90% de la population envers les 10% majoritairement anglo-européens de l'ouest et assimilés/disséminés plus les japonais. Ce n'est pas rien et c'est un motif de réjouissance, depuis le temps qu'on en parle et qu'on fait (semblant ?) de le souhaiter.
Fini le temps des humanitaires creuseurs de puits et des aides à la constitution du patrimoine des élites qui nous agréent, aujourd'hui les routes, les ponts, les ports, les aéroports sortent de terre et les élites desdits pays ont la compensation qu'on les traite en égaux et en adultes, c'est-à-dire sans leur faire la leçon sur leurs pratiques culturelles ou opinions déviantes des normes en vigueurs dans le premier monde.
Un méga-port construit au Pérou par les Chinois ? Je me réjouis, les chinois comprennent naturellement le commerce comme le «doux commerce» sans qu'il soit nécessaire d'avoir 800 base militaires dans le monde comme les américains qui, c'est très fort, les accusent de pouvoir éventuellement reconvertir ce port pour des usages militaires, il faut oser !
Je crois que tu es victime de ton désir de t'informer et de ton milieu : les médias hégémoniques sont toxiques et à hautes doses ils provoquent ce pour quoi ils sont faits, comme la publicité d'ailleurs : te culpabiliser (avec la peur, c'est le plus puissant levier de manipulation, surtout sur des populations post-chrétiennes), te rendre malheureux, confus et soumis.
Un bon scientifique croise au maximum ses informations, ne croit personne a priori et se pose des questions quand les évènements démentent systématiquement les informations qu'on lui donne (la guerre en Ukraine est un cas d'école, tout ce qui s'y passe était prévu depuis le départ sauf dans les médias hégémonique bien sûr).
C'est un signe pour moi que toutes tes angoisses se calquent sur les sujets mis en avant dans les médias, réseaux sociaux d'influence, etc. qui ne sont pour moi que des leurres sociétaux destinés à laisser la population dans le brouillard.
Personnellement, je ne cours pas de risque sociaux à remettre en cause la plupart des convictions/croyances de mes contemporains, mais je le fais peu parce que l'on ne peut changer l'eau du bocal du poisson brutalement, ce n'est pas une question d'intelligence du poisson, je me reconnais moi-même assez limité, c'est une question d'angle de vue, de déclic, comme quand on voit soudain partout ce dont on n'était pas conscient la veille, et quand on commence à voir le mensonge, les absurdités, incohérences et la mauvaise foi éhontée, il y a du spectacle. ( dans le bocal que j'observe du dehors en portant un masque, tout ça sent le "conspi" ).
Mais globalement, je le répète, les choses vont dans le bon sens si l'on s'en tient à cette maxime de Montesquieu selon laquelle : si je sais une chose qui peut me bénéficier, mais nuire à ma famille, je ne m'en prévaudrai pas, même chose pour ma famille et mon village… mon pays et le monde, Tout l'opposé du «right or wrong, my country» des anglo-saxons soit dit en passant.
Toute perte de pouvoir de l'Occident global, surtout sous sa forme interventionniste anglo-saxonne, et toute autonomie politique et économique accrue du reste du monde est un motif de réjouissance et améliore mon humeur.
Ça ne marche pas forcément pour tout le monde.

Subbak (2024-11-14T00:53:05Z)

@Koko90 : en 2012, j'ai voté pirate au premier tour. Je croyais vraiment que, même si le parti n'avait aucune chance d'avoir d'élus en France, le renforcer pourrait changer la donne en mieux. Depuis, je les ai vus partir dans des guéguerres intra-parti sans aucun sens et se marginaliser d'eux-mêmes
Et très honnêtement, en juin dernier vu le caractère dramatique de la situation, voter pour une liste dont le score allait de toute façon être ridicule plutôt que de tout faire pour aider la gauche à résister en nombre de sièges aurait été irresponsable.

Ruxor (2024-11-13T21:18:04Z)

✱ Au sujet du « lien entre délinquance et immigration » → je pense qu'une mise au point un peu longue s'impose.

Cette tournure est en plein dans le sophisme de la motte castrale (<URL: https://en.wikipedia.org/wiki/Motte-and-bailey_fallacy >) : parler de ce « lien » suggère une causalité (la motte), mais si quelqu'un pointe du doigt que corrélation n'est pas causalité il est tellement facile de lui répondre « ah mais je ne parle que de corrélation » (retrait dans le château fortifié). Or le problème avec une simple corrélation (sans lien causal connu) c'est qu'on ne peut en tirer aucune conséquence politique ou décisionnelle.

Notamment, si une corrélation entre immigration et délinquance observée existe (je n'en sais rien, mais admettons), ça peut très bien être (par exemple) parce qu'on loge les immigrés dans des quartiers insalubres et que vivre dans un cadre très dégradé conduit naturellement à la délinquance. Si on comprend le lien causal (sur cet exemple, cadre de vie ⇒ délinquance), on peut agir dessus et prendre des décisions. Le lien causal peut d'ailleurs être un simple biais d'observation (peut-être qu'on observe plus facilement la délinquance des immigrés, là aussi, je n'en sais rien). Ou un effet de la stratification de la population (peut-être que les immigrés sont plus jeunes et que les jeunes sont plus souvent délinquants). Mais à partir de la simple corrélation, on ne peut tirer aucune décision ni conséquence politique utile. Or manifestement les gens qui feignent l'innocence en pointant du doigt une « corrélation » et expliquent doctement qu'ils ne confondent pas corrélation et causalité sont, quand même, en train d'essayer de faire dire à cette corrélation des choses qu'elle ne dit pas.

Or on peut trouver plein d'exemples de telles corrélations dont il est évident qu'il ne faut pas tirer d'effets décisionnels. Je suis par exemple assez convaincu qu'il doit y avoir une corrélation positive entre immigration dans un pays (voire une région) et réussite économique : tout simplement parce que la réussite économique favorise l'immigration — rappelons que l'existence d'une corrélation positive est une relation symétrique, la causalité ne l'est pas. Donc si quelqu'un pointe du doigt la corrélation entre immigration et délinquance on pourrait rétorquer avec tout autant de mauvaise foi qu'il y a une corrélation entre immigration et réussite économique (et probablement, avec espérance de vie et plein d'autres choses du genre). Il est aussi hautement vraisemblable qu'il y ait une corrélation énorme entre délinquance et sexe masculin (ou genre masculin, peu importe, les deux sont énormément corrélés) : j'aimerais bien voir quelles mesures les gens qui pointent du doigt la corrélation entre immigration et délinquance tirent de la corrélation entre sexe masculin et délinquance.

À tout le moins, quand quelqu'un signale une corrélation, pour pouvoir espérer en faire quoi que ce soit de vaguement intéressant, il faut se demander quels facteurs confondants ont été corrigés, et vérifier au strict minimum que ceux qui viennent le plus évidemment à l'esprit (âge, sexe, lieu de résidence, tranche de revenus, et les biais d'observation évidents) ont été visés. Or c'est compliqué : c'est un sujet de recherche en sociologie. Alors que c'est tellement facile de parler d'un « lien ».

(Même avec un vrai lien causal, d'ailleurs, ce n'est pas évident de tirer des effets politiques : s'il y a une causalité immigration ⇒ délinquance, c'est peut-être parce que les immigrés subissent des discriminations qui conduisent à la délinquance. Ce serait un vrai lien causal, mais je ne suis pas convaincu de ce qu'on doit en faire.)

À un niveau plus fondamental, la mère de toutes les discriminations c'est de réduire un individu à des statistiques, c'est-à-dire de tirer des conclusions individuelles sur une personne de statistiques sur des groupes auxquels cette personne appartient. Je me scandalise du fait qu'on autorise les compagnies d'assurance à faire ça (elles cherchent à minimiser leur risque alors que c'est justement leur rôle de les répartir), mais déjà il ne faudrait pas le faire au niveau politique.

Bref, c'est compliqué. Et le problème vient justement des gens qui veulent réduire des problèmes compliqués à des idées simplistes ou à des slogans fallacieux.

Je ne sais pas comment une démocratie doit réagir devant des idées simplistes comme ça. Mais s'agissant d'une idée stupide et dangereuse comme le fait qu'il y a un lien dont il faut tirer des conséquences entre immigration et délinquance, le problème n'est pas juste que des gens qui y croient arrivent au pouvoir, le problème est que beaucoup de gens y croient pour commencer. Donc la question c'est comment faire pour que les citoyens voient derrière les discours mensongers (et par exemple sachent détecter le sophisme de la motte castrale) ?

Parce que, fondamentalement, ça ne sert à rien de lutter contre l'arrivée au pouvoir de l'extrême-droite si c'est… pour que les idées de l'extrême-droite arrivent quand même au pouvoir (et notamment, dans la tête des électeurs). Ou pour que des politiciens disent « je ne suis pas raciste, mais beaucoup de nos électeurs le sont, donc il faut faire <truc raciste> ».

✱ À un niveau plus large, je ne sais pas ce qu'on doit faire quand les gens, sentant que le monde change, se croient menacés dans leur mode de vie, et deviennent réac (au sens propre) par cette réaction au changement.

L'exemple des boucheries ḥalāl [une seule ‘l’ entre les deux ‘a’, au fait] est intéressant à cet égard, parce que c'est un des effets du libre marché que l'offre s'adapte à la demande, et quand on a une demande minoritaire, on n'est effectivement pas content. Moi aussi ça m'agace de ne plus trouver certains produits (ou de devoir les acheter en ligne) et de mettre ça sur le dos d'un changement du monde. (Pour rester au rayon boucherie, mon poussinet s'agaçait que c'était devenu quasi impossible de trouver de la viande de cheval : dans son cas c'est un peu de la provoc, et peut-être qu'il y a une part de provoc/principe à refuser de manger ḥalāl qui va au-delà de l'envie de manger du cochon, mais je comprends tout à fait l'idée générale.) Sur un autre plan, je suis aussi mécontent de l'évolution de l'offre culturelle (le fait que toutes les fictions semblent maintenant être des séries télé, et impossibles à trouver autrement qu'avec des abonnements à la con) : donc je comprends tout à fait cette résistance au changement.

S'agissant des personnes trans, le changement récent c'est leur visibilité. Ne regardant guère de série Netflix je ne sais pas où elles sont terriblement nombreuses (dans les films que je vois elles m'ont toujours l'air tout à fait invisibles), mais dans la vraie vie c'est clair qu'elles estiment avoir moins besoin de se cacher, donc tout d'un coup on découvre que ce n'est pas si rare que les gens soient trans, et ça donne l'impression qu'elles sont plus nombreuses — alors qu'en fait, bien sûr, c'est juste qu'on les voit plus. Là aussi la question c'est quoi faire quand l'électorat perçoit ça irrationnellement comme une menace : ce n'est pas acceptable (en tout cas à mes yeux) ni sérieusement imaginable de dire aux personnes trans de se cacher parce que des gens ont peur de les voir aussi nombreuses, mais si on dit aux gens qu'ils sont intolérants ça ne les rend pas plus tolérants et si on cherche à donner des images positives (en l'occurrence, des personnes trans) pour chercher à dissiper les préjugés, ça provoque une accusation de propagande. Donc je ne sais pas quoi faire.

✱ Néanmoins, tout ceci étant dit, je n'aurais effectivement pas dû laisser la discussion dériver sur ces questions. Pas parce que je considère que c'est fasciste d'en parler, mais juste parce que ce n'est pas le sujet de mon billet (c'est toujours le problème des frontières floues quand la discussion dévie, je ne sais jamais bien comment gérer ça au niveau de la modération), que ça m'emmerde, et que ce n'est pas le but des commentaires de mon blog de devenir un forum de discussion (surtout sur des thématiques pareilles qu'on ne va pas régler facilement), et le fait que j'évoque tangentiellement un sujet X dans un billet ne signifie pas que j'ouvre une discussion générale sur X.

J'ai mis du temps à réagir parce que j'ai eu plein de soucis techniques à gérer, mais, maintenant que j'ai fait cette mise au point, je clos le sujet sur tout ce que je viens d'évoquer ci-dessus, donc je n'approuverai plus de commentaire ayant trait à ces questions.

Thomas (2024-11-13T13:54:48Z)

@Subbak: en ce qui me concerne, je n'ai pas établi de causalité.

Thomas (2024-11-12T23:20:33Z)

Il n'y a rien de pire qu'un anarchiste vieillissant : ce sont des êtres dont il ne sort aucune information.

Les trans ont au moins ceci en commun avec les électeurs de Trump, c'est qu'ils ont pu souffrir, chacuns, d'une certaine forme de conformisme.

Apokrif (2024-11-12T18:41:10Z)

@Subbak: "Entre Thomas qui dit oklm que la déliquance est causée par l'immigration": vous avez mal lu, ou vous confondez corrélation et causalité ?

Subbak (2024-11-12T09:12:49Z)

Wow par contre le niveau de fascisme dans tes commentaires….

Entre Thomas qui dit oklm que la déliquance est causée par l'immigration (ce qui est évidemment complètement faux, elle est en grande partie causée par la pauvreté, et la discrimination qui maintient les immigrés et leurs descendants dans la pauvreté + le racisme systémique de la police et des tribunaux qui jugent plus durement les immigrés fait le reste pour fournir des statistiques trompeuses aux propagandistes d'extrême droite…), et Steve qui dit en gros "je n'ai rien contre les trans, mais si seulement ils pouvaient être plus discrets", illustrant ainsi parfaitement ce que tu disais sur le recyclage des poncifd homophobes d'il y a 30 ans… je ne comprends pas que tu ne modères pas ces gens là, tu ne vas pas me faire croire que ça t'intéresse tant que ça d'avoir des fachos dans ton blog ?

Subbak (2024-11-12T08:59:33Z)

> des transports tellement merdiques qu'on en est à promouvoir le vélo comme mode de déplacement

En quoi la promotion du vélo est-elle une indication que les transports sont merdiques ? Il y a plein d'avantages au vélo par rapport aux autres modes de déplacements individuels (ça encombre moins les routes, c'est moins bruyant, c'est moins dangereux pour les piétons, ça fournit une activité physique, et plein de gens trouvent ça agréable). Et le transport individuel a des avantages que n'aura jamais le transport collectif (les deux sont complémentaires), en premier lieu le fait de te permettre d'aller exactement du point A au point B sans transfert par le chemin lenplus direct.

Coward Anon (2024-11-10T16:24:33Z)

Si, il y a de l'espoir: Donald Trump a 78 ans, et je ne suis pas du tout certain qu'il termine son mandat. Par ailleurs, l'avantage du système américain est que le mandat présidentiel est très court. En fait, je le vois comme un mandat plutôt long, de 8 ans, avec une possibilité de révocation à mi-mandat. Et Trump est tellement du genre "rentre-dedans" qu'il risque de ne faire qu'un mi-mi-mandat. Il se targue d'une élection "démocratique" (et il a raison sur ce point), mais oublie que même les minorités peuvent se rebeller.

Bon, Rdv le 20 janvier prochain, et après, on verra.

Koko90 (2024-11-09T22:35:25Z)

@steve "42% des 18-29 ans ont voté Trump. 38% des 18-24 ans ont voté Le Pen au deuxième tour de la dernière élection présidentielle."
Le désir pour augmenter le contrôle algorithmique de la population n'est pas de droite ou de gauche. Il est très large (la gauche veut lutter contre le racisme, la droite veut lutter contre le wokisme, dans les deux cas il sont d'accord pour réduire les libertés fondamentales dans le but de combattre ce qu'il considèrent comme le mal).
Il y a très peu de personnes qui se sentent concernées par les questions comme la lutte contre la vidéosurveillances généralisée, la lutte contre la centralisation du net, la lutte contre la censure algorithmique, la lutte contre la fermeture des formats de fichier et des API, la lutte contre la dystopie où nous vivons où on achète des ordinateurs de poche sur les quel on est pas root.
Le parti pirate fait moins de 0.01% des voix et aucune de ses revendications n'est reprise par la gauche ou par la droite.
Bref, que ça soit Mélenchon ou Macron, Trump ou Harris, on va continuer dans la même direction, avec de plus en plus d'algos pour nous surveiller, de plus en plus de pouvoir données à des géants du net (pour notre soi-disant bien) et de plus en plus de pouvoir donnés au gouvernement pour nous surveiller.
Sous Macron on a voté la vidéosurveillance algorithmique. Sous Holland on a eut la Loi renseignement.

Mewtow (2024-11-09T15:38:41Z)

En fouillant dans ma mémoire de mi-trentenaire, je dois dire que cette mythologie du progrès n'était pas vraiment présentes dans les années 90-2000. Sincèrement, ce mythe comme quoi les anciennes générations étaient plus optimistes ne collent pas avec ce dont je me souviens de l'époque.

A l'époque, le progrès dans son incarnation techno-scientifique était fortement critiqué. Il était synonyme d'énergie nucléaire, de bombes atomiques, d'OGM, de clonage (vous vous souvenez à quel point la chèvre Dolly avait été controversée ?), d’eugénisme et j'en passe. Et ces fantasmes sur l'ADN façonnaient l'imaginaire, les œuvres de fictions et autres. Le principe de précaution était le gros débat technico-politique de l'époque, il n'est pas sorti de nulle part. Les mêmes réflexes mentaux reviennent au gout du jour depuis quelques années, mais au sujet de l'IA, on ne fait que revivre la même chose avec quelques décennies de retard.

Et déjà à l'époque, je me rappelle que la gauche était à la pointe de la critique du progrès techno-scientifique, avec sa défense du principe de précaution (ca fait longtemps qu'on en parle plus), aidée par la droite conservatrice qui était assez d'accord avec elle mais un peu plus en retrait. Personne ne croyait au progrès, tout le monde avait une vision très conservatrice sur ces sujets, que ce soit la gauche ou la droite, seuls les libéraux se refusaient à réguler non pas par amour du progrès, mais simplement pour éviter de faire pire en impliquant l'état.

Et même au niveau économique, les controverses sur la mondialisation étaient fortes. Les gens avaient peur que les emplois partent à l'étranger, les journaux TV faisaient tout un foin sur les délocalisations, la hausse du chômage faisait grincer des dents, les jeunes de mon âge encore ado à l'époque avaient peur pour leur avenir professionnels, et j'en passe. Et tout cela se ressent encore de nos jours, ce discours a marqué les esprits. Personne ne s'attendait à un progrès économique, tout le monde savait que le déclassement était en marche dès les années 90-2000, que la vie serait plus dure, que l'emploi à vie serait terminé, que le CDI serait inatteignable. Pire, les privatisations étaient aussi de rigueur, bien que moins fréquentes que dans les décennies précédentes. Et l'entrée dans l'euro au tout début des années 2000 a encore accru les peurs existantes.

Niveau géopolitique, on a eu le 11 septembre, qui a achevé de ruiner tout espoir d'amélioration globale en terme de paix. La recrudescence du terrorisme mondial était une nouvelle menace. En termes de conflits raciaux ou homme-femmes, la décennie était aussi assez conflictuelle, bien que moins que maintenant. La lutte contre le racisme était bien forte, les débats sur la discrimination positive et à l'embauche étaient assez forts.

Il n'y a jamais eu de croyance dans le progrès, les gens ont toujours eu peur de perdre leurs acquis, ils étaient près à tout pour abattre les menaces contre leur mode de vie, et votaient en conséquence. Pourtant, la gauche gagnait les élections malgré une approche assez punitive et regulationniste. Elle demandait elle aussi des sacrifices, même si par forcément du point de vue économique où elle promettait la lune. La droite gagnait aussi malgré un discours demandant quelques sacrifices économiques pas très populaires.

Par contre, la gauche croyait en des idéaux rassembleurs, elle essayait de ne pas exclure qui que ce soit. La lutte contre le racisme de l'époque ne crachait pas à la gueule de l'homme blanc de plus de 50 ans, elle ne scindait pas la population en groupes basés sur la race ou le sexe mais avait des idées universalistes. Les discours woke excluants actuels, basés sur des idées ethnodifférentialistes, n'auraient jamais eu leur place dans le passé. Et à droite, rien de nouveau sous le soleil : elle divisait, mais c'est l'étranger contre le français, tous les français étaient plus ou moins égaux. Elle n'a pas changé de discours. Pas étonnant que la droite gagne de nos jours : elle vise plus large, elle ne repousse pas la totalité des voteurs par des discours excluants 80% de la population.

Thomas (2024-11-09T11:53:12Z)

@jeanas: j'y ai répondu.

Sinon, une autre anecdote qui, je pense, reste dans le thème de l'élection de Trump et je vais expliquer pourquoi.

Je lisais récemment le livre "Not with a Bug, But with a Sticker: Attacks on Machine Learning Systems and What To Do About Them" sur certaines problématiques liées à l'IA et aux attaques sur ce type d'algorithmes. Ce livre est plutôt intéressant et ce sujet de l'IA, à travers les algorithmes de recommandations notamment, joue certainement un rôle dans la polarisation politique.

Néanmoins, ce n'est pas de ça dont je veux parler mais d'un choix d'écriture fait dans ce livre dont voici un exemple : "robust for a Black male face, but not for a white male".

Les auteurs de ce bouquin ont manifestement choisi de capitaliser toute occurrence du mot "Black", et de laisser "white" en minuscule.

Ceci m'a tout simplement semblé aberrant et injustifiable sur le plan logique, mais ça m'interroge :

Est-ce un choix conscient, réfléchi et pesé des auteurs ou y a-t-il implicitement une forme de pression qui s'exerce sur les gens "assimilés démocrates" aux États-Unis et qui les "oblige" à suivre ce genre de convention ?

Koko90 (2024-11-09T11:00:07Z)

@jeanas ben dans votre cas vous arrêtez ça aux réseaux sociaux. Je connais pas mal de monde qui veulent l'étendre à d'autres domaines (Discord étant la cible prioritaire), l'argument étant que si c'est bon est souhaitable, le généraliser est logique. Et il suffit de passer un peu de temps sur un discord ne correspondant pas à son alignement politique pour être horrifié et vouloir mettre de l'ordre dans ça.
Et évidemment si on a des trucs décentralisés comme Mastodon, la modération va dépendre du serveur et ne pas pouvoir être aussi efficace que chez un géant (Twitter avait une équipe modération salariée de plusieurs milliers de personnes, Google a accès a un LLM maison et des milliers de GPU H100, et ainsi de suite).
Donc défendre un internet décentralisée, c'est défendre un internet où la modération est à géométrie variable et peut même parfois, à certains endroits, être inexistante.
Donc on en arrive à la question : la modération est-elle très prioritaire. Si oui, alors il faut qu'on ait un internet très centralisée, et idéalement qu'on puisse tracer les gens (plus d'anonymat, pour qu'on puisse bannir cross-plateform et qu'un individu banni ne puisse pas créer un autre compte et revenir).
Dans votre cas, ils semblerait que vous ne mettiez pas la modération en dessus de tout. Ce qui correspond aussi a mes opinions, mais devient vraiment rare.

Apokrif (2024-11-08T22:46:51Z)

@Thomas:" les enfants naissent (encore (*)) par accouchement d'une femme"

Pas toujours. Attention à ne pas confondre genre et sexe !
Mais l'autre billet en parle (je vous propose de continuer la discussion là-bas): "ne regarde que moi, mon poussinet et mes médecins, certainement pas l'État, et cela ne devrait pas figurer dans un fichier central sauf si ce fichier est un dossier médical"

"ont sombré dans le troll"

AMHA il n'y a rien de trollesque à faire cesser des controverses sans fin qui nécessitent des ressources humaines qui ont mieux à faire (des magistrats débordés qui décident littéralement à la gueule du client qui est un homme ou une femme: non mais allô quoi !)

Steve (2024-11-08T22:30:23Z)

> J'ai écouté et parlé à pas mal de gens dans la tranche 18-25 et pour eux…

42% des 18-29 ans ont voté Trump. 38% des 18-24 ans ont voté Le Pen au deuxième tour de la dernière élection présidentielle. Niveau réchauffement climatique, ils ne sont pas les derniers quand il s'agit de prendre l'avion ou de consommer.

Attention au biais de sélection et de confirmation. Il n'y a pas les vieux réacs dépassés d'un coté, et les jeunes progressistes de l'autre.

Quand à la transphobie, je suis assez d'accord avec ce que dit Thomas. Beaucoup de gens s'agacent d'une certaine forme de militantisme (e.g. l'homme enceint du planning familial, ou le fait qu'on ne puisse plus dire que "seules les femmes peuvent faire des enfants", ou les drag queen dans les écoles…) sans pour autant souhaiter que les trans aient moins de droit, ou qu'ils soient discriminés. Globalement, je crois que les gens se fichent un peu des trans et je ne pense pas qu'il y ait soudainement une montée de la transphobie en France. Pas mal d'électeurs doivent penser qu'on se moque un peu d'eux en mettant l'accent sur ce genre de causes quand même assez marginale.

jeanas (2024-11-08T19:58:43Z)

@Koko90 : Je suis dans la tranche 18-25, je suis favorable à une modération assez stricte (enfin, tout est dans la nuance) des contenus sur les réseaux sociaux, et pour autant je suis entièrement d'accord avec ce qu'écrit David dans ce billet, je me suis exprimé contre les velléités de l'UE de surveiller les communications privées (<URL:https://jean.abou-samra.fr/blog/chat-control>), et je ne vois aucune contradiction dans tout ça. La modération n'est pas antithétique au fait de contrer les giga-monopoles dont est fait le Web actuel et que David dénonce ici, comme le montrent Mastodon et dans une moindre mesure Bluesky, qui sont des réseaux sociaux décentralisés avec modération. Ça n'a rien de comparable non plus avec l'intrusion dans les communications privées, ça ne conduit pas à « un Internet où tout le monde est traçable ». La grosse différence entre un blog personnel et un réseau social est que le second se donne comme fonction cruciale de produire les « feeds » algorithmiques qui sont montrés aux gens : c'est un énorme pouvoir, ça me semble normal qu'il vienne avec des responsabilités de limiter les boucles de rétroaction et ce genre de choses. (À la limite, si la modération, au lieu de supprimer les contenus haineux mais pas clairement illégaux, se contentait de les empêcher d'atterrir dans les feeds des gens, ça ne me dérangerait pas vraiment.)

Et puis, bon, même si les jeunes veulent un Web centralisé dans les mains toute-puissantes de Google qui surveille tout le monde partout, ont-ils forcément raison… Je veux dire qu'avoir des valeurs opposées à son temps ne rend pas automatiquement « vieux réac » (et Zweig en est un magnifique exemple).

@Thomas : J'allais poster une réponse qui digressait beaucoup trop du sujet de ce billet et David m'en aurait voulu à raison. À la place, je l'ai faite sur Mastodon : <URL:https://mathstodon.xyz/@jeanas/113449001915223226>. (Désolé David mais c'était vraiment trop long pour Bluesky.)

Thomas (2024-11-08T14:44:11Z)

@Apokrif : oui j'avais déjà lu ce billet.

Je ne suis pas forcément en désaccord avec tout ce billet. Notamment, l'idée de questionner certains aspects normatifs liés au genre/sexe, en particulier en ce qui concerne le droit, me semble légitime.

L'objection principale que j'aurais à y faire est qu'aujourd'hui les enfants naissent (encore (*)) par accouchement d'une femme et que cette réalité biologique a forcément des impacts juridiques qui feront qu'une symétrie parfaite (le (Z/2Z)^l évoqué) du droit ne me semble pas souhaitable/réaliste.

Sur tous ces sujets clivants, beaucoup de gens (je vous — Apokrif — inclus dedans, ayant eu l'occasion de visiter votre profil sur les RS) ont sombré dans le troll et les positions intermédiaires ne sont pas favorisées par notre société, ce que je trouve dommage. C'est pour cette raison que je pense qu'il est temps de questionner les dynamiques de polarisation, le conformisme de groupe, etc., qui brident indirectement des débats légitimes (et renforcent ce sentiment parfois complotiste qu' "on" nous empêche de nous exprimer).

(*) Je mets ce "encore" car les progrès technologiques et médicaux questionnent de plus en plus ce qui serait "naturel", ce qui ne le serait pas, en particulier autour de ces questions de reproduction.

Pour autant, aborder ces questions en terme de "naturel" me semble mal poser la question tant ce concept de naturalité est mal défini et utilisé par les gens comme bon les arrange en fonction de leurs idéologies.

Koko90 (2024-11-08T10:18:21Z)

Chaque génération a son "meilleur des mondes". J'ai écouté et parlé à pas mal de gens dans la tranche 18-25 et pour eux il est évident qu'un contrôle algorithmique poussé, automatique et très très large de tout les propos tenus sur internet est non seulement un progrès, mais une priorité absolue. Justement pour lutter contre la transphobie, le racisme et le climatoscepticisme (pour la gauche) et contre le "wokisme" (pour la droite). Avec parfois des définitions très larges de ces termes (par exemple, le techno solutionnisme est vu comme une forme de climatoscepticisme).
Donc partir vers un internet où tout le monde est traçable, où on peut bannir quelqu'un de partout pour avoir tenu des propos inadmissibles, c'est pas un futur dystopique, c'est un progrès souhaitable pour une partie importante de la nouvelle génération.
On est juste des vieux réac, pas content que la morale ait dérivée et que les jeunes aient plus la même boussole morale que nous.
Et l'émergence de populistes pour moi découle d'un monde où la polarisation politique est de pire en pire. Renforcée par un phénomène de "bulles" sur internet (tu vois que des gens qui ont tes opinions, et donc tu dérives rapidement vers les extrêmes).

Thomas (2024-11-08T08:50:10Z)

Si l'on souhaite vraiment enrayer la dynamique populiste à la Trump, j'imagine qu'il faudrait s'intéresser aux mécanismes de la polarisation politique et se poser des questions sur la façon dont :
- un humain *individuel* acquiert ses certitudes politiques, les contraintes qui empêchent leurs évolutions, les choses qui peuvent favoriser une telle évolution
- les logiques de *groupes* et les contraintes qu'elles imposent (sommes-nous tels de petits aimants dans le modèle d'Ising, incapables de résister à ce besoin d'alignement avec notre voisinage ?)
- la structure des institutions qui portent et propagent les discours politiques de tous bords, les biais dans lesquels ces institutions se trouvent et pourquoi ?

Aussi, je pense qu'il faudrait interroger le rapport aux "sentiments" en politique : une chose souvent avancée par les progressistes est que l'extrême-droite joue sur le sentiment de peur. OK peut-être, mais la gauche joue beaucoup sur les "bons" sentiments (y compris pour diaboliser des gens qui peuvent avoir des inquiétudes légitimes, comme celles que je mentionne dans mon message précédent).

Au jeu des sentiments, j'observe que ceux qui jouent sur la peur l'emportent.
Je suggère donc de changer de stratégie.

Par ailleurs, j'ai l'impression que la "théorie" politique qui domine la façon dont les gens se positionnent aujourd'hui est la fenêtre d'Overton : il faut aller à fond dans l'excès de son côté (gauche ou droite selon les goûts) pour faire avancer son camp, quitte à raconter n'importe quoi.

Je me permets de questionner ce principe et la légitimité de ce modèle.
Au jeu du tir à la corde, l'ED semble avoir plus de force musculaire.

Si le Labour a pu gagner chez nos voisins anglais, c'est aussi car il a su reconnaître le sentiment de rejet de l'immigration et l'aborder. Je sais que cela ne plaira pas à nos amis gauchistes ici, mais c'est une réalité et ça semble avoir marché pour eux (ah mais non, parce qu'en fait la gauche centriste c'est l'extrême-droite, j'oubliais !).

Apokrif (2024-11-08T01:31:35Z)

@Thomas: "discours de déni vis-à-vis de certaines réalités biologiques"

Connaissez-vous ce billet: http://www.madore.org/~david/weblog/d.2011-01-31.1844.html ?

Thomas (2024-11-07T23:18:47Z)

Le populisme de Trump (ou en tout cas de ses semblables en France) se nourrit du déni de la gauche sur certains sujets, dont la seule évocation est un tabou :

- Réalité du lien entre délinquance et immigration
- Le simple fait qu'il n'y ait plus que des boucheries hallal dans beaucoup de quartiers de Paris peut poser question.
- L'homophobie culturelle dans certains quartiers, qui participe probablement au vote RN gay (bien que ce soit paradoxal vu l'histoiredu parti, il semblerait qu'ilvy ait réellement un tel biais, mais il faudrait creuser)

Ces sujets ne devraient peut-être pas être si déterminants, mais de fait les gens sont inquiets et les discours d'intellectuels leur expliquant plus ou moins qu'ils sont débiles ne font que les renforcer dans leurs convictions (à cet egard, les billets politiques de ce blog excellent en la matière).

Quant aux trans évoqués ici, il est assez clair (pour moi, mais je pense que ça le serait pour tout le monde avec une meilleure communication) que les gens doivent pouvoir vivre comme ils l'entendent et ne pas être inquiétés dans leurs choix.

Cependant, le forçage à coup de séries Netflix avec plus de 10% de trans a probablement saoulé plus d'un américain (et je les comprends). Si on ajoute à ça les discours de déni vis-à-vis de certaines réalités biologiques, il y a matière à questionner la cause du rejet.

Mais bon, changez rien les progressistes, la stratégie a l'air de bien fonctionner…

jeanas (2024-11-07T18:39:42Z)

Comme enfant, la principale source d'anxiété sur l'avenir que je pouvais avoir était sans doute le changement climatique, et à l'époque, il y avait encore de l'espoir qu'on soit en train de passer de la phase de la prise de conscience à la phase d'action. Il y a eu d'autre événements anxiogènes, comme l'épidémie d'Ebola, la guerre civile en Syrie, la série d'attentats en 2015, ou Daesh, je ne vais pas dire que tout ça était drôle (et c'est difficile de retrouver l'image que je pouvais en avoir comme enfant ou ado, qui me sentais évidemment beaucoup moins concerné par le monde lointain ou par la politique qu'aujourd'hui), mais disons que c'étaient des malheurs du monde de l'époque, pas des craintes diffuses pour l'avenir lointain.

Voilà que coup sur coup : Trump se fait élire — c'était un choc pour tout le monde à l'époque qu'un dingus pareil puisse devenir l'homme le plus puissant du monde, et je trouve révélateur qu'aujourd'hui on se soit habitués à la force du populisme décomplexé — ; le Brexit passe ; la succession de COP patine et est mise encore plus à mal quand Trump sort de l'accord de Paris ; l'extrême-droite se normalise et monte en force en France jusqu'à devenir progressivement proche de la majorité, tandis que l'Italie, l'Autriche ou les Pays-Bas y ont déjà goûté au gouvernement ; la Hongrie et la Pologne se mettent à basculer vers l'illibéralisme, le muselage de la presse et de la justice et la répression des minorités ; certaines manifestations associées aux gilets jaunes dégénèrent en des émeutes d'une violence qui m'effraie ; la Chine met de plus en plus de pression sur Taïwan au point de rendre à ce stade une invasion à peu près certaine dans un futur à moyen terme ; la Russie envahit l'Ukraine, signant le retour de la guerre comme possibilité même près de l'Union Européenne et ravivant la crainte de l'arme nucléaire ; la riposte israélienne à Gaza dégénère de légitime défense en quasi-génocide, accompagné d'une interdiction de la presse qui devrait faire honte à un pays démocratique mais qui ne semble pas préoccuper l'Occident ; et maintenant, la réélection de Trump non seulement fait craindre les conséquences sur Gaza ou l'Ukraine, ou juste les folies dont est capable un homme mégalomaniaque et stupide qui détient un pouvoir gigantesque (il a quand même proposé les injections d'eau de Javel comme remède au Covid !), mais tire aussi un trait pour les prochaines années sur la transition énergétique aux États-Unis et la coopération internationale en matière climatique.

Je vois trois grandes tendances qui se dégagent : (1) La montée du populisme, le détachement du discours politique de toute forme de vérité et de rationalité, la peur et le rejet de l'autre attisés par le nationalisme, (2) Le retour de la violence, de la guerre frontale, du génocide, et (3) L'action contre le changement climatique complètement reléguée aux oubliettes, ce que nous allons payer très cher.

Donc : j'ai dû vaguement te le dire de vive voix, mais en tant que membre de la jeune génération, je vois moi-même l'avenir de façon extrêmement sombre, et je crois qu'il y a une vraie différence entre nos deux générations sur la manière dont on pouvait / peut se représenter l'avenir à 20 ans. Tu te demandes si c'est juste un regret de ta part d'une époque fantasmée, ma réponse est : non.

Personnellement, je ne crois pas avoir besoin d'un espoir en un avenir meilleur. (Il y a des passages de Camus qui m'ont énormément marqué quand j'étais ado, où il décrit l'espoir comme une sorte de drogue qui nous empêche d'être heureux aujourd'hui en nous faisant miroiter le bonheur de demain. Je ne sais plus où c'est, sans doute dans *Le Mythe de Sisyphe*.) Mais c'est sûr qu'une absence de désespoir serait plus facile à vivre.

Autre chose : Vu notre précédente discussion sur les transports, je ne peux pas m'empêcher de me reconnaître quand tu décris les écologistes qui n'ont à offrir que des sacrifices. (Enfin, seulement certains de la parenthèse « (des transports …) », parce que je ne suis certainement pas d'accord avec la méfiance contre la science — et je trouve comme toi impardonnable le positionnement anti-nucléaire des Verts —, et encore moins avec la « fin assumée de la liberté individuelle » (hein ? tu pensais à quelque chose de particulier en écrivant ça ?).)

Alors non, je ne vois certainement pas ces sacrifices comme un avenir radieux. En revanche, je vois ce qui va se passer avec la trajectoire actuelle, à savoir que dans 30 ans, sur les 15-20 dernières années de ma vie active, ma génération et, encore pire, la suivante, seront en première ligne pour gérer : les sécheresses et l'épuisement des ressources en eau, les famines, les migrations de masse qui feraient frémir ceux qui fustigent celles d'aujourd'hui, les catastrophes naturelles, le reculement des côtes, etc., et que tout ceci va avoir un coût humain immense et aussi un coût financier à côté duquel les efforts pour redresser les comptes de la France contre lesquels tout le monde râle en ce moment sembleront parfaitement dérisoires, et ce dans un contexte économique et géopolitique dont je n'ai aucune raison de penser qu'il sera plus simple qu'aujourd'hui. Donc réduire l'ampleur du changement climatique suscite en moi une forme d'espoir « négatif », au sens de « éviter un mal ». Malheureusement, si éviter un mal n'est ni pire ni meilleur qu'obtenir un bien de même valeur du point de vue mathématique, ce n'est sans doute pas vraiment la manière dont l'esprit humain fonctionne. Mais je ne sais vraiment pas ce que je pourrais proposer d'autre.

(Et au passage, je suis sincèrement convaincu que s'il y avait une vraie volonté politique d'agir, ces sacrifices seraient une douleur temporaire mais l'état asymptotique qui en résulterait ne serait pas pire qu'aujourd'hui. Par exemple, la pénibilité des transports en commun ou du vélo serait compensée par un rapprochement global des gens de leur lieu de travail.)

Apokrif (2024-11-07T18:31:57Z)

https://x.com/a_ininteressant/status/1854161697507770398

Autre touriste (2024-11-07T16:16:39Z)

Si tu veux des bonnes nouvelles, du progrès, et de l'espoir, il suffit de regarder les pays en développement. La mortalité infantile, la pauvreté, l'analphabétisme diminuent. Il y a d'énormes progrès médicaux, par exemple les vaccins contre le paludisme. N'étant pas nous-mêmes dans un pays pauvre, ça nous fait une belle jambe, mais si on éprouve de la compassion pour les Américains, on peut aussi en éprouver pour les Ougandais.

Je ne sais pas si c'est assez qualitatif, mais les panneaux solaires sont de plus en plus efficaces et de moins en moins chers. La reconnaissance d'images a des usages indésirables, mais aussi des usages qui font avancer le schmilblick, par exemple utiliser moins d'herbicide en visant précisément les mauvaises herbes (John Deere commercialise ça), et lutter contre les animaux envahissants sans nuire aux espèces indigènes (ils essaient ça en ce moment sur une île près de chez moi).

Les problèmes qui te pèsent sont effectivement des grosses merdes, mais ils forment une vision très biaisée de l'état du monde en général.


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