Comments on Comment ça fait de faire des maths ?

Ptitboul (2024-10-15T06:36:57Z)

En ce qui concerne les mathématiques d'avant le baccalauréat, j'aime considérer que la géométrie a une place particulière, qui la rapproche des mathématiques du chercheur. On y a trouve plus facilement l'esthétique, on se trouve plus facilement dans des cas où l'intuition aide et dans des cas où l'intuition est trompeuse, on se pose assez naturellement la question de l'abstraction (par exemple avec un "triangle quelconque").

Autre remarque sur l'intuition et la difficulté à l'enseigner. Je pense que la principale raison est que l'enseigner n'est pas efficace à court terme, et donc en temps contraint il est naturel de se focaliser sur l'enseignement de la rigueur. D'autant plus que mon impression est que la façon la plus efficace d'enseigner l'intuition (en mathématiques mais aussi pour les autres sciences) et d'enseigner l'histoire des sciences, et en particulier les tâtonnements et les erreurs. Évidemment, enseigner les erreurs, ce n'est pas une approche habituelle.

Cigaes (2024-10-13T11:56:47Z)

@Steve :

Ces définitions qu'un prof de maths peut vous donner, qu'on vous a données en prépa, ne sont pas vraiment des définitions mais plutôt des constructions, spécifiques à un cadre formel et même souvent un choix arbitraire parmi différentes constructions de la même notion dans le même cadre.

Ces définitions formelles sont très utiles pour quelqu'un qui est déjà à l'aise avec le cadre, puisqu'elles permettent de partir de ce qu'on sait déjà. Si c'était votre cas au niveau lycée, tant mieux pour vous. Mais dans mon expérience ce n'est pas le cas de la majorité des élèves de lycée.

Au niveau lycée, dans mon expérience, la plupart des élèves n'ont pas encore assimilée la notion d'objet abstrait défini par ses propriétés, et donc c'est sur ça qu'il faut insister. Non, une fonction ce n'EST pas la donnée d'un ensemble de paires de nombres rationnels tel que…, surtout si on réfléchit qu'au fond on ne sait pas vraiment ce qu'est un nombre.

Le lycée, c'est le moment où les élèves commencent à rencontrer des objets qui sont trop compliqués pour qu'ils en aient déjà une intuition (comme les nombres) ou qu'ils se la forgent immédiatement (comme les figures géométriques). C'est donc le bon moment pour attirer leur attention dessus, leur montrer que ça ne les a jamais vraiment dérangés et qu'on peut faire des raisonnements utiles même si on ne sait pas vraiment ce que c'est au delà de « un objet abstrait ».

Ce n'est qu'une fois ce processus est enclenché, une fois que les élèves commencent à apprivoiser l'idée de raisonner sur des objets abstraits, qu'on peut évoquer le gros danger dans ces raisonnements : il faut que les objets abstraits manipulés existent, donc que l'intuition qu'on en a ne soit pas la partie émergée d'une bouillie de contradictions.

jeanas (2024-10-12T18:37:33Z)

> Bon, par ailleurs, je trouve que les commentaires sur ce billet ont un peu beaucoup dévié du sujet initial (en plus du fait qu'ils ont été si nombreux que j'en ai raté pas mal au passage), donc j'aimerais que ça se calme un peu. Je ne vais pas jusqu'à dire que je ferme la discussion, mais j'aimerais qu'elle ne s'éparpille pas plus.

Désolé. J'ai clairement une tendance à me laisser emporter dans des discussions interminables et à ne plus savoir en sortir. On aurait sûrement dû avoir le réflexe de déplacer cette conversation sur un autre canal, surtout pour ne pas t'obliger à approuver chaque commentaire (en plus je n'avais pas vraiment conscience que c'était fastidieux). Mastodon ? Mail ? Pour moi les deux sont sur la page Web qui apparaît sur mon pseudo, je suggère à @Dyonisos de laisser aussi un moyen de le contacter.

Ruxor (2024-10-12T17:23:04Z)

@Dyonisos: Sur cette idée de « tendance instantanée » (et la question épistémologique sous-jacente de savoir si on a le droit d'extrapoler une tendance instantanée et pourquoi, et à quel ordre), j'avais écrit ceci il y a un certain temps sur la notion d'inertie (en physique mais pas seulement en physique) <URL: http://www.madore.org/~david/weblog/d.2012-04-02.2029.html#d.2012-04-02.2029 >.

Bon, par ailleurs, je trouve que les commentaires sur ce billet ont un peu beaucoup dévié du sujet initial (en plus du fait qu'ils ont été si nombreux que j'en ai raté pas mal au passage), donc j'aimerais que ça se calme un peu. Je ne vais pas jusqu'à dire que je ferme la discussion, mais j'aimerais qu'elle ne s'éparpille pas plus.

Dyonisos (2024-10-12T16:35:37Z)

C’est sûr que l’approximation linguistique à laquelle j’ai abouti est très déformante (« une tendance instantanée » c’est un non-sens en ce que le premier terme suppose une continuité que le second terme abolit et même si on remplace par spontané c’est incohérent en masquant la difficulté sans la supprimer. )Au final, c’est une notion qui commence à m’intéresser ! Il est peut-être vain aussi de croire qu’il existe une quelconque traduction en termes courants pas trop fausse qui puisse se faire dans un autre langage que celui des mathématiques.

jeanas (2024-10-11T22:53:37Z)

@Ruxor : Alors comme ça tu édites ton commentaire pour corriger le O en o, alors que je ne peux pas éditer le mien pour corriger le 30 en 25. Tricheur !

Dyonisos (2024-10-11T19:12:57Z)

Et comme il faut ôter h de cet aspect qui varie, on retombe tout simplement sur l’idée de « tendance/fonctionnement » spontanés de la fonction que j’avais déjà rencontré mais que je confondais avec l’augmentation de h. Par ce prisme, j’ai une meilleure image (pas très juste sans doute mais assez pour lire la première formule en lui donnant un sens qui me satisfait) de ce terme.

Dyonisos (2024-10-11T18:47:48Z)

J’ai trouvé la formulation qui me satisfait // ce que j’ai compris (je pourrai chercher mille définitions/explications supplémentaires mais c’est comme un petit exercice que je veux résoudre pour mon propre compte de mise en mots usuels de ma compréhension (surtout que je sais que le concept de limite et même celui de fonctions se complexifient déjà nettement au niveau de maths sup/math spé et je suis quasi certain que ça continue dans de grandes largeurs à mesure qu’on avance encore ensuite donc je préfère ne pas simplement retenir la formule finale). La dérivée d’une fonction, c’est ce qui correspond à ce qui varie lorsqu’on augmente infinitésimalement sa variable x( stricto sensu ce qui se conserve c’est juste… f(x)) par conservation de sa tendance immédiate. C’est comme ça finalement que je lis la première formule avant d’isoler f’(x).

Dyonisos (2024-10-11T10:07:41Z)

Zut, même quand on voit mieux, on ne s'exprime pas bien et quand j'écrivais
"le fait que la dérivée permette de saisir la variation infinitémisale de x" c'est lesté de ma confusion antérieure alors que j'en étais déjà dégagé : c'est h qui note cet aspect pas la dérivée et la dérivée d'une fonction c'est de participer à saisir l'effet sur cette fonction de cet ajout infinitésimal de h. Une partie de la confusion vient de, lorsqu'elle cette idée de dérivée a commencé à ne plus être pour moi qu'un jeu de symboles vides, c'était avec la vitesse et l'accélération où le dx:dt renvoie bien, il me semble, à l'ajout infinitésimal d'un x et d'un t. Mais je comprends mieux désormais pourquoi on la figure géométriquement par une tangente, c'est l'aspect de stabilité qu'elle concerne dans la restitution d'une augmentation infinitésimale d'une variable une fonction (ce n'est pas une autre manière dire qu'il y a ce changement, ce que je croyais plus ou moins). Ou peut-être pas ça exactement, mais davantage en tout cas que ce que j'amalgamais antérieurement.

Dyonisos (2024-10-10T21:42:39Z)

Complément sur le thème de l'effet que ça fait de lire des maths en essayant de vraiment les comprendre…quand on part de loin.
Il m' fallu un peu de temps pour m'approprier autant que je peux pour l'instant les explications (l'ordre de grandeur a dû être entre 15 et 20 mn de concentration attentive réelle). A la fin , je crois que j'ai compris l'essentiel.
L'erreur de ma formulation, ça a été quasi immédiat ; a posteriori c'est complètement idiot et c'est peut-être un exemple de ce que Ruxor notait sur la difficulté à se remettre dans ses yeux d'aveugle une fois qu'on voit mieux.
Ensuite c'était un peu plus difficile parce que j'ai lu très rapidement l'ensemble et ensuite j'ai tout de suite voulu comprendre, à mon rythme et en raisonnant pour moi-même, ce que je lisais étape par étape et donc je me suis focalisé sur la bonne formulation« f(x₀+h) ≈ f(x₀) + h·f′(x₀) et la première idée c'était que ça ne me faisait pas sens pour moi parce que f' apparaissait à droite alors que c'était déjà le sens de la formule à gauche. Et, au final, c'était le point le plus délicat à lever : le fait que la dérivée permette de saisir la variation infinitémisale de x, je ne sais plus pourquoi, mais ça s'était sédimenté dans ma tête sous la forme de l'identité avec cette variation. Il a fallu que je me dise, lisons pas à pas, je vois bien ce que veut dire le terme à gauche donc avançons vers son équivalence, le f(x₀) ça c'était évident qu'il fallait que quelque chose s'ajoute à ce qu'il y avait avant cette variation donc aucun instant dessus, et la fin c'était plus compliqué mais pas tant que ça avec les explications en termes du français courant plus bas. La résistance était de bien dissocier f' de f(x₀+h) (en fait c'est quand je suis arrivé à cette expression h·f′(x₀) que j'ai saisi sans l'ombre d'une hésitation que j'avais fait une confusion et que ça ne pouvait être la même chose) qui rendait inintelligible le fait que f' corresponde à quelque chose qui reste constant. Un peu de temps m'a été nécessaire pour saisir la pertinence de la présence de la multiplication (finalement c'est avec les mots la "vitesse constante (que j'ai associé visuellement à l'idée de tangente) qui dure le temps de cette variation infinitésimale supplémentaire donc évidemment c'est la multiplication) et ensuite c'était bon, l'essentiel pour moi était compris. Et effectivement, sur un cas comme ça très simple, c'est presque confondant de voir comment on pouvait ne pas comprendre auparavant. Il n'y avait rien de difficile mais des idées parasitaires et infondées qui faisaient écran. Le reste, je vais creuser ultérieurement. Encore merci !

Dyonisos (2024-10-10T19:52:05Z)

Je pense que j’ai compris. Mon cerveau fonctionne de telle sorte qu’avec l’emploi des termes français usuels, c’est beaucoup plus facile à saisir.

Dyonisos (2024-10-10T19:44:59Z)

@ Ruxor : exact c’est évident à posteriori l’absurdité de ma traduction spontanée :-). Et pourtant quand je l’écrivais je croyais que c’était très trivial et qu’il fallait juste que je la relie à la formule avec h qui disait la même chose de façon plus raffinée. :-(

Ruxor (2024-10-10T18:33:06Z)

@Dyonisos: Une formule comme « f′(x) ≈ f(x) + x » ne peut pas être bonne, même approximativement pour x petit : imagine que f(x) soit la position d'une voiture au temps x, de sorte que f′(x) soit sa vitesse : cette formule prétend que la vitesse est (environ) égale à la position à laquelle on ajoute le temps — ce n'est même pas possible du point de vue de l'analyse dimensionnelle. La bonne formule est : « f(x₀+h) ≈ f(x₀) + h·f′(x₀) » pour h petit (i.e., quand h→0) ou, si on préfère, « f(x) ≈ f(x₀) + (x−x₀)·f′(x₀) » quand x tend vers x₀ (le sens précis du ‘≈’ étant que la différence est un o(h), c'est-à-dire que divisée par h elle tend vers 0, mais peu importe) ; intuitivement, ça veut dire que si veux prédire la position de ta voiture à un temps x=x₀+h proche de x₀, tu vas prendre sa position au temps x₀ et lui ajouter un terme linéaire, c'est-à-dire un terme qui fait comme si sa vitesse était restée constante à ce qu'elle était (f′(x₀)) en x₀, i.e., h·f′(x₀) où h est le temps écoulé. Et si on réécrit ça comme « f′(x₀) ≈ (f(x₀+h)−f(x₀))/h » ça conduit à la formule/définition de la dérivée : f′(x₀) est la limite de (f(x₀+h)−f(x₀))/h quand h→0 (si tant est que cette limite existe). (Tout ça c'est pour l'intuition ; pour la rigueur, on part de cette dernière formule comme définition de la dérivée, et on en déduit ce qu'on veut bien déduire.)

Dyonisos (2024-10-10T15:13:38Z)

@ jeanas : juste pour mettre en relief le genre de perplexités que peut rencontrer quelqu’un comme moi qui a cessé depuis longtemps d’utiliser activement ces formules depuis un bail autrement qu’à la Pavlov (je parle des dérivées, les cos.. bref faut que j’arrête de bégayer :-))
Pour que ça fasse sens du côté qui m’intéresse, il faut que je lie tes premières caractérisations avec ce que j’ai retenu ensuite, sous forme verbale et non mathématique, de ce qu’est une dérivée d’une fonction de f, à savoir ce que donnerait cette fonction pour une augmentation infinitésimale de x ( raison pour laquelle si j’avais eu à transcrire avec les termes mathématiques cette idée j’aurais dit par définition f’x = fx + x quand x tend vers 0 et pas la formule avec h que tu donnes. Peut-être aussi qu’en fait ma compréhension de ce qu’est une dérivée n’est tout simplement pas la bonne).
Je vais consacrer un peu de temps ce week-end à la fois à voir si je peux surmonter mon allergie à la famille des sin et compagnie ( d’abord en essayant de cerner ce qu’ils sont avant de les faire entrer dans la ronde de leur transformation réciproque) et à digérer une ou des démonstration(s) concernant les dérivées. Encore merci pour le volontarisme généreux à l’œuvre dans tes points d’explicitation. (Je suis sûr que YouTube abonde en tutos qui me donneront quelque lumière sur tout ça).

Dyonisos (2024-10-10T10:30:25Z)

@ jeanas : ok, merci de l’effort pour tenter de rendre accessible ce qui m’avait semblé si hermétique. Dès que j’en ai le temps et la liberté d’esprit je vais essayer de domestiquer tout ça. Remarque : un des freins est le principe même du blocage qu’on intériorise à un moment et où on se dit dans son for intérieur (tout ça est bien trop complexe pour moi; c’est ce qui engendre aussi l’idée qui a je crois ses limites qu’on n’est pas un matheux… Cos et sin j’aurais pu rechercher depuis bien des années au fond ce que ça recouvre. Et bien, je vais faire ça prochainement !

Steve (2024-10-09T23:08:47Z)

Puisque tout le monde en est de ses anecdotes sur le lycée…

Je me souviens que j'étais très frustré au lycée de manipuler des objets sans en connaitre les définitions. Qu'est ce qu'une fonction par exemple ? Les quelques premières semaines de prépa ont vraiment été une révélation. Quelques notions de théories des ensembles, les structures algébriques de base, la définition d'une limite etc… tout s'est éclairé d'un coup !!

Personnellement, après avoir fait quelques années de maths dans le supérieur, j'ai l'impression d'en avoir fait le tour. Pas de le sens de tout savoir bien sur, mais d'en savoir assez. Ça m'a beaucoup plu, et rétrospectivement, c'était une grande chance d'avoir cette liberté totale d'apprendre des choses intéressantes. Mais ça me semble difficile de continuer ça comme activité de loisir s'il n'y a pas un enjeu (un concours, un cours à donner, un livre à écrire, un programme informatique à écrire etc…).

jeanas (2024-10-09T22:16:14Z)

@Dyonisos : Les formules pour cos(a+b) et sin(a+b) ont des démonstrations purement géométriques <URL:https://fr.wikipedia.org/wiki/Formule_de_trigonom%C3%A9trie#/media/Fichier:Cos(a+b)_et_Sin(a+b).svg>. Je pense à vrai dire que la démonstration la plus éclairante est de multiplier les deux matrices de rotation, mais ça fait appel aux concepts de matrice (au programme de maths expertes en terminale aujourd'hui, je ne sais pas à l'époque) et d'application linéaire (maths sup aujourd'hui).

La démonstration de (x^k)' = k x^(k-1) n'est pas super compliquée. Par définition, f'(x) est la limite quand h tend vers 0 de (f(x+h)-f(x))/h : visuellement, on trace la droite qui va du point sur le graphe de la fonction à l'abscisse x au point à l'abscisse x+h, on regarde sa pente, et on fait tendre h vers 0 pour que ça tende vers la pente de la tangente. L'expression (x+h)^k = (x+h)⋅(x+h)⋯(x+h) (avec k termes x+h) se développe par distributivité en une somme de produits où chaque produit est obtenu en choisissant le x ou le h de chaque terme. Exemple :

(x+h)^3 = x^3 + 3 x^2 h + 3 x h^2 + h^3

où par exemple le 3 de 3 x^2 h vient du fait qu'il y a trois manières de choisir deux fois un terme x et une fois un terme h, en choisissant où on prend le terme h (3 possibilités) et en prenant x pour les deux autres. (<URL:https://fr.wikipedia.org/wiki/Formule_du_bin%C3%B4me_de_Newton> pour l'expression générale.)

En injectant ça dans la dérivée, lim_(h→0) ((x+h)^k - x^k)/h, on a un x^k qui se fait annuler par le -x^k, ensuite des termes x^(k-1) h qui sont au nombre de k parce qu'il faut choisir où on prend h (k possibilités) et on n'a plus le choix ensuite, et d'autres termes qui ont une puissance de h qui est au moins un carré, mais ces termes vont se faire manger dans la limite parce qu'ils sont beaucoup plus petits que le h par qui ils sont divisés. Donc il ne reste plus que k x^(k-1) h / h = k x^(k-1).

Pas grand-chose à dire sur le reste, mais c'était une discussion intéressante.

Dyonisos (2024-10-08T22:05:22Z)

@ Jeanas thanks a lot pour tous ces exemples !
Pour le premier avec les cos et sin, pour moi, l'essentiel est déjà effectué avec la première étape de la retrouver à partir de cos(a+b) = cos(a)⋅cos(b) - sin(a)⋅sin(b).) C'est en résonance avec une impression quelque peu pénible pour moi parce que je crois que cette histoire de cos et sin, c'était la première fois où je ne comprenais strictement rien à ce que j'étais censé manipuler ni de ce qui sous-tendait les règles de leur mise en relation (je suis assez étonné d'ailleurs de me souvenir de cette séquence après tant d'années, je l'avais plus ou moins oublié, elle a dû avoir un effet plus ou moins traumatique sur la représentation que je me faisais et des mathématiques et de mon rapport à eux. (il y a des romans ou des films dont je ne m'aperçois qu'au bout d'un certain nombre de dizaines de pages ou de minutes que je les ai déjà lus/vus alors que là c'est encore assez vif…)). Encore une fois, à partir du moment qu'on comprend le sens d'une formule, le fait de trouver un cas d'application où elle "tourne" pour reprendre le lexique des programmes peut être gratifiant mais pour moi c'est secondaire. C'est comme les variétés : pour faire une analogie avec un truc aussi simple qu'un rectangle, c'est une chose que d'être capable de percevoir un rectangle et de savoir que le concept de rectangle est censé y correspondre, mais tant que je ne suis pas capable de voir ce qu'il y a de commun avec les autres rectangles, l'intuition de ce qu'est un rectangle m'échappe.
Et ce que je disais sur les formules en fait même dans mon cas et en creusant un peu mes souvenirs, il y a de la déformation. Jusqu'à un certain moment, je l'ai fait aussi et ça ne me causait aucun problème. Honnêtement je ne me rappelle plus bien mais je crois que par exemple les identités remarquables du genre a carré -b carré avaient fait l'objet d'une démonstration mais, même si c'était ainsi, quand je les utilisais je le faisais de façon mécanique et ça ne me posait aucun problème.
En fait jusqu'à un certain point et pendant longtemps beaucoup de ce qu'on acquiert au collège ne consiste qu'en une simple transposition de vocabulaire d'idées très faciles qu'on peut avoir avec la langue courante (une fois qu'on saisit l'addition, la multiplication est simplement une manière de dire autrement la même chose (4X3 c'est l'addition de 4 et 4 et 4) et la puissance aussi. Les premières règles des équations c'est la règle toute simple de ne pas changer une égalité quand on fait la même chose des deux côtés, bref quand on fait deux fois la même chose et d'isoler ainsi x en faisant passer les éléments d'un côté à l'autre en ajoutant des deux côtés leurs contraires). Mais à un moment le rapport de conversion avec le langage courant se perd pour certains. Par exemple, la dérivation, c'est trop vieux mais je suis quasi sûr que le temps d'exposition du sens du concept, si jamais il avait été exposé en cours, ne l'avait été que de manière très allusive et en tout cas ce n'est que bien plus tard que j'ai découvert que c'était en intrication avec l'idée d'une variation sur de l'infiniment petit. Par exemple, la règle de dérivation d'une puissance, je me rappelle que ça c'était bien présent et que l'accent était mis dessus, y compris dans les exercices sur lesquels on était évalué et qu'on pouvait tout à fait réussir sans avoir la moindre idée de ce qu'on faisait au juste. Je ne crois pas qu'on ait passé le moindre temps à démontrer que par ex un nombre entier dérivé s'annulait, x ça donnait un et que pour les puissances c'était la règle que tu rappelles. Mais si j'avais vu au moins que cette règle sur les puissances visait à capturer une variation insensible sur quelque chose que capturait cette puissance, j'aurais au moins été intrigué, voire stimulé, même si je l'avais faite tourner à l'aveuglette. Et l'idéal (je ne sais pas si c'est possible) c'eût été à mon sens de démontrer que (x^k)' = k x^(k-1). Je pense que justement en avançant assez loin dans le cursus de mathématiques on comprend ensuite ce qui motive cette règle. Et finalement ça équivaut à dire que je suis tout à fait d'accord que le point absolument primordial est déjà de voir ce qu'une formule signifie encore plus que de maîtriser la démonstration. Ce n'est pas ce dernier point qui bloque l'envie de creuser les mathématiques, c'est le jonglage avec de l'absurde (quand on ne voit pas du tout le sens de ce qu'on écrit).
A cet égard je pense (je ne crois pas que ça ait énormément changé aujourd'hui) que bien des modalités d'évaluation des mathématiques au collège et au lycée ne sont pas très pertinentes parce qu'elles soulignent beaucoup le côté opératoire et pas assez l'aspect de la maîtrise sémantique des outils mathématiques mobilisés.
Avec le recul je crois que même ces histoires de cos et sin il y avait cet aspect qui m'insupportait, il fallait très rapidement les appliquer et très peu de temps était développé pour comprendre ce qu'ils étaient (je me souviens juste, ça devait être vers la quatrième ou quelque chose comme ça qu'il y avait une définition d'au moins certains d'entre eux avec des rapports des côtés d'un triangle !) Bien comprendre cos(a+b) = cos(a)⋅cos(b) - sin(a)⋅sin(b).) c'est bien plus important que de faire des exercices où on les utilise et qu'on oublie après surtout qu'on les trouve ensuite dans bien des applications où on a quitté la géométrie et les angles (j'avais jeté il y a un peu plus de dix ans un coup d'oreilles sur quelques cours concernant la physique (mécanique classique, un peu de relativité etc) de Susskind à Standford et j'avais été surpris de voir à quelle fréquence ces maudits cos et sin revenaient dans bien des équations !)

ooten (2024-10-08T22:00:32Z)

Si vous voulez des mathématiques très difficiles en cours d'élaboration, non abouties et qui sont fertiles, elles ont permis notamment de démontrer la conjecture de Fermat, prisées par Jean-Pierre Serre et pas du tout par Alexandre Grothendieck à ce que je sache alors regardez du côté du programme de Langlands qui peut être illustré par le premier schéma de cette page WEB <URL: https://webusers.imj-prg.fr/~pierre.colmez >. On peut aussi regarder du côté des problèmes du millénaire <URL: https://www.claymath.org/millennium-problems >. Quant aux mathématiques affectionnées par Alexandre Grothendieck <URL: https://en.wikipedia.org/wiki/Abstract_nonsense > qui ne semblent pas aussi interessantes, elles ont quand même permis de fonder toute la géométrie algébrique moderne et elles donneront peut-être encore plus de résultats. Et il y a encore plus à voir encore.

Dyonisos (2024-10-08T17:02:38Z)

@ ruxor // l’idée d’une autobiographie de ton ressenti de la pratique mathématique : ce à quoi tu as sûrement accès, aussi bien par le souvenir qu’il doit t’en rester pour ton propre cas que par le témoignage de ton cercle de connaissances, c’est de savoir si les formules employées au niveau collège/lycée faisaient déjà toujours sens pour toi ou si ça correspondait parfois au maniement habile de ces règles, par exemple les règles de dérivation ou d’intégration. Dans mon cas je ne comprenais pas par exemple la raison qui faisait qu’on dérive ainsi telle ou telle puissance même si j’étais capable de mémoriser ces règles et de les appliquer. Idem pour la présentation des cos tang et sin où on partait( je remonte à des souvenirs très très lointains, les risques d’énormités fourmillent…) du rapport des côtés d’un triangle et où on aboutissait à tout un tas de règles à appliquer en passant par le cercle trigonométrique ou quelque chose comme ça.

jeanas (2024-10-08T15:16:52Z)

@Dyonisos

> En quoi l’effet de « faire des maths » change-t-il profondément ou non à mesure qu’on en fait ? Là c’était réservé à la couche « recherche » mais tout chercheur a commencé aux balbutiements. Plus précisément est-ce tu crois que d’emblée le futur mathématicien comprend mieux ce qu’il fait que les autres et que le côté application mécanique de formules dont le sens lui échappe est bien moins présent chez lui, voire totalement absent ? Par exemple quand on intègre au lycée, ça fait déjà sens pour lui ? Est-ce que l’effet ressenti est si différent qu’au final et rétrospectivement il estime qu’il ne faisait pas vraiment de maths avant un certain stade d’approfondissement ? La question en un sens est idiote parce qu’au tout début (l’addition etc) tout le monde a plus ou moins un sens intuitif de ce qu’il fait quand il réussit mais sur des choses comme l’intégration ou la trigonométrie je ne sais pas.

@Ruxor

> C'est une excellente question, mais je ne sais pas si je suis capable d'y répondre, parce que je n'ai plus vraiment accès à mes états mentaux passés. J'ai l'impression que rien n'a changé, que je comprends juste mieux certaines choses. Or bien sûr, en maths, on passe sa vie à faire la transition entre « je ne comprends pas tout ce charabia » à « mais comment est-ce que j'ai pu ne pas comprendre ça ? c'est évident ! » (sur des sujets différents, ou d'ailleurs parfois sur le même sujet qu'on a oublié et qu'on doit réapprendre), mais à chaque fois qu'on la fait, on oublie l'incompréhension antérieure, et c'est aussi ça qui rend l'enseignement difficile.
>
> Donc j'ai envie de répondre que c'est pareil à tous les niveaux : il faut avoir un certain « état d'esprit » mathématique pour commencer (disons, un certain goût pour l'abstraction et la logique, un certain sens de l'esthétique pour les concepts mathématiques, une certaine façon de penser qui aime la systématisation et les règles générales et les formulations universelles et déteste les exceptions injustifiées ou les cas oubliés), mais une fois qu'on l'a, on va juste progresser dans la profondeur des salles visitées du palais mathématique sans que ça change la qualité de l'expérience. Mais il n'est pas exclu que ce que je viens de dire soit une reconstruction biaisée ex post facto.

C'est effectivement une question très intéressante, et ma perspective est légèrement différente.

Mon expérience personnelle est celle d'un étudiant en maths puis informatique théorique, pas (encore) celle d'un chercheur. D'un autre côté, mes années d'études sont beaucoup plus proches (je viens de terminer). En gros, le proverbial « agrégé de maths de la rue », c'est à peu près moi.

D'abord, apprendre les maths m'a clairement apporté une sorte d'éclairage mental, mais je ne suis pas sûr de savoir le décrire précisément. La comparaison est exagérée, mais j'ai le même sentiment que si je devais décrire à un aveugle à quoi ressemble le monde visuellement. (Pour se mettre dans la peau d'un aveugle, on m'a donné le truc quand j'étais petit : penser à ce qu'on voit derrière ses yeux.)

Comme Ruxor, je ne pense pas qu'il y ait de vraie différence qualitative entre moi faisant des maths il y a cinq ans et moi faisant des maths aujourd'hui. Je n'ai sûrement pas de mépris pour ce qu'on fait au lycée dans le genre « ça c'est des maths pour bébés » (parce que c'est normal de trouver rétrospectivement facile ce qu'on a mis des années à apprendre, et ça ne s'arrête jamais). Il y a évidemment une énorme différence quantitative en termes de concepts et théorèmes que je connais, d'intuitions sur lesquelles je peux m'appuyer, de types de raisonnements familiers.

La meilleure comparaison que je puisse trouver, c'est celle de l'apprentissage d'une langue. Au début, on ne comprend rien à une conversation entre locuteurs natifs, mais c'est parfaitement normal. On progresse par une combinaison d'écoute dans cette langue, de vocabulaire appris par cœur, et d'entraînement à la parler. Et il y a un certain plaisir à arriver enfin, après des années d'efforts, au niveau où on devient capable d'apprécier la littérature. (La différence par contre, c'est que l'apprentissage d'un chercheur continue toute la vie et reste un gros effort à chaque étape.)

Je veux réagir sur l'aspect « application mécanique de formules ». J'ai appris un certain nombre de formules, que ce soit au lycée ou plus tard. À chaque fois, j'ai fait quelques efforts pour comprendre pourquoi la formule était vraie, pour lui donner une interprétation, et souvent ça se fait bien. Pour illustrer que plein de formules peuvent s'interpréter joliment, prenons la formule de trigo :

cos(a) + cos(b) = 2⋅cos((a+b)/2)⋅cos((a-b)/2)

qui à première vue peut paraître tombée du ciel. (Bon, honnêtement je ne la connais pas par cœur, je la retrouve juste raisonnablement rapidement à partir de cos(a+b) = cos(a)⋅cos(b) - sin(a)⋅sin(b).)

La première fois que je l'ai vue, je me suis demandé si elle avait une interprétation. En l'occurrence, celle que j'ai est physique (pour une fois, moi qui suis traumatisé de la physique). Si j'ai une onde, disons sonore, à une fréquence f1, qui vaut A⋅cos(2π f1 t + φ1) à l'instant t, et une autre de même amplitude à une fréquence très proche f1+ε qui vaut A⋅cos(2π (f1+ε) t + φ2), alors la superposition vaut

A⋅(cos(2π f1 t + φ1) + cos(2π (f1+ε) t + φ2))
= 2A ⋅ cos(2π(f1+ε/2)t + (φ1+φ2)/2) ⋅ cos(2π(ε/2)t + (φ2-φ1)/2))

qui fait peut-être peur mais se voit comme

2A ⋅ cos(2π <truc proche de f1> t + <on s'en fout>) ⋅ cos(2π <truc petit> t + <on s'en fout>))

et ceci correspond exactement au phénomène physique de battements <URL:https://fr.wikipedia.org/wiki/Battement_(acoustique)>, à savoir qu'on obtient une onde de fréquence proche de f1 mais multipliée par un facteur de fréquence petite, donc qui varie lentement. On peut observer ça chez soi en prenant deux métronomes électroniques et en leur faisant jouer des *la* accordés légèrement différemment, l'un à 439 Hz et l'autre à 441 Hz. On obtient le son d'un *la* (à 440 Hz pour être précis) mais ce son fait des vagues, on l'entend qui monte progressivement puis un retour au silence, et ceci en boucle à raison d'un cycle par seconde (1 Hz). Et c'est assez intuitif quand on y pense : les deux ondes montent et descendent mais à des vitesses légèrement différentes, donc si on prend un moment où elles sont toutes les deux à un pic, on est à deux fois l'amplitude parce qu'elles se combinent, mais au pic suivant de la première, la seconde va être un peu en retard, et au pic suivant, un peu plus en retard, etc., jusqu'à un moment où le retard fait qu'un pic de l'une correspond à une vallée de l'autre, donc elles s'annulent, et on revient progressivement au point de départ.

Bon, mon explication était sans doute trop compliquée, mais tout ça pour dire que je « comprends » cette formule en apparence tombée du ciel : dans 2⋅cos((a+b)/2)⋅cos((a-b)/2), le premier 2 correspond au fait que quand les ondes s'additionnent, on arrive à deux fois l'amplitude de chacune, le (a+b)/2 traduit que l'onde qu'on entend est à la fréquence moyenne, et le (a-b)/2 est la fréquence des battements, qui est faible si a et b sont proches. Et il y a un nombre étonnant de formules dont on peut se faire une intuition comme ça.

Par contre, pour la plupart des formules, j'ai juste fini par les connaître par cœur et ça me va très bien. Quand on a un long calcul à faire, on ne peut pas prendre le temps à chaque étape de se redemander quelle est l'intuition de la formule. Mais c'est surtout pour apprendre, parce qu'au bout d'un moment, on les connaît et on n'a plus besoin de revenir à cette intuition. Ce qui m'amène à un deuxième point.

Avoir l'intuition de « pourquoi » une formule est vraie, c'est super. Mais il y a déjà un niveau auquel il faut arriver : comprendre ce que dit la formule exactement. Et là, je n'ai personnellement jamais eu de problèmes particuliers, mais j'ai bien vu dans ma scolarité que ce n'était pas le cas de tout le monde.

Exemple de niveau collège : les priorités opératoires. Le fait que 2+3×5 = 17 (et pas 2+3×5 = (2+3)×5 = 30) ne m'a jamais posé de questions parce que (d'aussi loin que je me souvienne) j'ai toujours compris que ce n'était pas un fait mathématique mais juste une histoire de conventions de notation. Je vois l'expression a+b×c comme un arbre avec un nœud qui lie b et c, et ce nœud lié à a, et pas au niveau concret comme une suite de symboles. Mais on passe des mois et des mois sur les priorités opératoires au collège, donc j'imagine que la majorité des élèves n'a pas ce point de vue, et du coup je peux comprendre que faire un calcul leur semble mécanique parce que les règles de calcul paraissent arbitraires.

Autre exemple, de niveau lycée : on apprend une formule pour dériver les puissances qui ressemble à : (x^k)' = k x^(k-1). Du coup, il peut être tentant d'en déduire (x^x)' = x x^(x-1) = x^x, mais c'est faux, et si on s'en tient à la manière concrète d'écrire et de manipuler les formules, je comprends que ça puisse être déroutant (« pourquoi on ne peut pas juste remplacer k par x ? »), mais il faut juste comprendre que c'est une notation (un peu abusive) dans laquelle les fonctions sont notées un peu pareil que les nombres, et faire attention à qui est quoi. Sinon, à l'extrême, on se retrouve avec des calculs comme celui-ci que je trouve absolument hilarant : <URL:https://math.vanderbilt.edu/~schectex/commerrs/bern.gif>.

En un mot (le mantra de mon prof de sup) : il faut garder en tête la nature des objets qu'on manipule. (Et pas se contenter de jouer avec des symboles.)

Bon, ce commentaire est trop long encore une fois, mais j'espère que ça éclaircit certains points. En résumé : oui, on fait souvent des calculs avec des formules apprises par cœur ; non, une formule ne tombe pas forcément du ciel ou d'un calcul, elle peut souvent s'interpréter ; mais en même temps on ne revient pas plus à ces justifications intuitives qu'on ne pense à la hauteur de son pied à chaque pas ; et par contre on garde impérativement une clarté mentale sur ce qu'on est en train de faire sous peine de s'embrouiller et de ne plus savoir ce qu'on dit. Maintenant, est-ce que c'est « d'emblée » le cas de tous les futurs mathématiciens, j'imagine que oui dans la mesure où forcément les mathématiciens étaient statistiquement bons en maths au lycée, mais je ne sais pas en dire plus.

Dyonisos (2024-10-08T13:31:00Z)

Je m'étais trompé dans ma restitution de mémoire du passage sur le continu et le discontinu : ce n'est pas l'algèbre mais l'analyse qu'il renvoie du côté du continu.

Dyonisos (2024-10-08T13:28:08Z)

@ Jeanas : le passage que j'avais relu pendant ces derniers jours (mais je postais de mon portable donc c'était de mémoire) correspond aux pages 44/45 dans la version en ligne https://agrothendieck.github.io/divers/ReS.pdf
@ Ruxor : je plaide coupable sur le déversement de commentaires peu compatibles avec l'interface !
Tout à fait d'accord sur l'inanité foncière au final de tous les classements de ce type. En outre, il y a au moins deux idées distinctes qu'on peut faire jouer selon qu'on privilégie l'importance des résultats découverts ou la puissance d'intuition pour hiérarchiser les mathématiciens. Terence Tao remarque quelque part que le côté "bête de concours" des mathématiques relève d'une autre logique et ne recouvre pas exactement des mêmes qualités que celles en jeu pour découvrir des résultats mathématiques importants.
Concernant la remarque de Serre, ça doit être quelque chose qui l'a frappé chez Grothendieck car dans l'échange avec Connes il revient dessus et rattache ça à sa propension à tout inclure dans une théorie systématique, Connes abonde dans son sens d'ailleurs.
Pour les fondements, ce sont des idées tellement nouvelles pour moi (que l'ensemble a une valeur de codage et pas de renvoi à la brique première de toutes les mathématiques) qu'il va me falloir du temps pour la digérer (au moins en partie). J'ai un petit désaccord avec ton point selon lequel on a développé longtemps les mathématiques avant cette question des fondements. Au sens de l'émergence des systèmes formels, bien sûr. Mais ce que j'avais à l'esprit c'est le sentiment des entités fondamentales avec lesquelles le mathématicien travaille et sous ce jour c'est très ancien (par exemple quand les mathématiciens grecs découvrent que les nombres ne sont pas tous rationnels ça enrichit leur ontologie de base et c'est ça que j'avais en vue et que je croyais que le système formel prolongeait (je n'avais pas conscience de l'aspect codage)).
Sur le dernier point, j'ai aussi une réserve : le goût que tu décris me semble être présent chez tous les êtres humains, je ne crois pas que ça caractérise bien "le matheux" à l'exception peut-être de l'aversion pour les exceptions injustifiées par contraste avec certains autres champs scientifiques et encore je ne suis pas tout à fait convaincu. Certes c'est aussi très spécifique l'affinité pour l'esthétique des concepts mathématiques mais c'est circulaire ça consiste un peu à expliquer le matheux par…le matheux. Plus largement, je ne suis pas sûr que ça existe vraiment en un autre sens pertinent que "bon en mathématiques" et je crois que c'est moins parce que les autres n'aiment pas ça, du moins au stade des virtualités de l'enfance et hors conditionnement sociologique fanatisant démonisant par exemple cette activité, mais parce qu'à un moment ils bloquent et que ça ne fait plus sens (je généralise peut-être indûment mon expérience personnelle). La mythologie des matheux et des autres permet de valider ce qui ressortit largement à des divisions internes au système scolaire tel qu'il fonctionne depuis un certain temps (quand par exemple, jusqu'à grosso modo les années 60 en France, les "bons" élèves allaient souvent de préférence en filière littéraire alors que la tendance s'est massivement inversée depuis, ça n'a que peu de rapport causal avec la soudaine émergence d'une majorité d'élèves appartenant à l'espèce "matheuse" :-) ).

Ruxor (2024-10-08T11:06:24Z)

MÉTA: Désolé, j'ai approuvé certains commentaires de façon tardive (et non chronologique) parce que j'ai été un peu perdu dans leur nombre (l'interface de ce système de commentaires n'était pas vraiment conçue pour un grand nombre de commentaires, ni pour des commentaires très longs). Ils apparaissent dans l'ordre chronologique où ils ont été postés, pas approuvés.

@Dyonisos: Un peu en vrac :

✱ Sur l'importance de Grothendieck →

Je pense qu'il y a un large consensus sur le fait que c'est un très très grand mathématicien, notamment par le fait qu'il a contribué de façon majeure à des branches différentes (au moins l'analyse fonctionnelle à travers la théorie des espaces nucléaires, et la géométrie algébrique de façon tellement profonde qu'on peut presque dire qu'il a réinventé le domaine) ; mais évidemment, chacun va avoir son idée de l'importance de Grothendieck à l'aune de ses propres intérêts mathématiques (un théoricien des ensembles ou des graphes ou un géomètre différentiel va certainement lui accorder un statut moins important ; inversement, Serre m'a dit un peu facétieusement que Grothendieck n'avait jamais compris l'intérêt des formes modulaires). Et je pense que c'est assez peu productif, et même assez malsain, de vouloir faire des classements et des comparaisons (du style : « ① Gauß, ② Euler, ③ Hilbert, ④ Poincaré, ⑤ Galois, zut, qui va-t-on mettre après ? Weyl ? Von Neumann ? Grothendieck ? Serre ? Cauchy ? Gödel ? Kolmogorov ? Weil ? Gel'fand ? »).

Et même si on reconnaît que Grothendieck est numéro N avec N très petit en importance de ses contributions à la mathématique, je ne trouve pas (et je ne pense pas que la plupart des mathématiciens trouvent) que ça donne tellement de poids à ses opinions sur, par exemple, ce qui est un sujet important ou sur la bonne manière de penser telle ou telle chose. Il n'y a pas d'autorité en mathématiques, il n'y a que des contributions.

(En plus de ça, il est clair que sur la fin de sa vie il a viré — pour dire les choses poliment — mystique. Ce fait ne doit pas ternir ce qu'on pense de ses contributions mathématiques, évidemment, mais ça doit inciter à prendre avec certaines précautions des affirmations un peu lyriques. On peut faire des remarques analogues sur sa tendance à dire du mal de telle ou telle personne qui ne l'a pas forcément mérité.)

✱ Sur la « quête réconciliatrice du discret et du continu » (ou qqch comme ça) →

Je ne sais pas ce qu'il a pu vouloir dire par là. (J'imagine que le discret ce serait plutôt l'algèbre et le continu l'analyse et/ou la géométrie.) Mais une petite anecdote à ce sujet (que j'ai sans doute déjà racontée) :

Vers 1995 (je ne sais plus l'année exacte, mais j'étais en prépa) on m'a présenté à I. M. Gel'fand (c'était dans le cadre d'un dîner à l'IHÉS, mon père avait été invité par Jean-Pierre Bourguignon qui était directeur de l'IHÉS à l'époque), on a dit à Gel'fand que je voulais devenir mathématicien. Il m'a demandé si je préférais l'algèbre ou l'analyse, j'ai répondu que j'étais plus intéressé par l'algèbre, et il a pris un air un peu désolé et il a dit « ah, je n'ai jamais compris les algébristes… en analyse on écrit a<b, mais en algèbre il est toujours question de a=b, mais si a=b alors a et b sont la même chose, donc pourquoi l'écrire ? ».

Je trouve cette blague extrêmement drôle, et elle peut être lue à plein de niveaux différents (sur l'affinité qu'on peut avoir au discret ou au continu et la relation entre eux ; et on pourrait aussi en faire une blague sur la théorie homotopique des types qui s'intéresse tellement à a=b), mais il ne faut pas non plus la prendre trop au sérieux. Et je pense qu'il ne faut pas prendre la phrase de Grothendieck trop au sérieux non plus… c'est une façon de mettre des mots sur un ressenti intuitif sur les concepts mathématiques.

✱ Sur les fondements →

Ça ne devrait pas être si surprenant que ça, en fait, que les fondements ne soient pas si importants : on a fait des maths (y compris des maths assez rigoureuses, notamment avec Cauchy ou Dedekind, et bien avant eux avec Euclide) bien avant d'avoir des fondements corrects des maths, et le fait d'avoir ces fondements (ensemblistes) n'a pas tellement changé la manière de faire des maths.

Si une théorie mathématique est trop sensible aux fondements, ça la rend beaucoup moins universelle et donc plus arbitraire et moins intéressante.

Il se trouve que l'orthodoxie mathématique actuelle est d'imaginer que tout est un ensemble et qu'on travaille dans ZFC, mais c'est un « détail de codage » : un groupe, conceptuellement, n'est pas un ensemble (même si l'ensemble de ses éléments est un ensemble), c'est plutôt quelque chose comme « une forme possible de symétrie », et le fait que ce soit représenté comme un ensemble est aussi peu pertinent que le fait qu'en informatique une image est représentée comme une suite de 0 et de 1 (mais en vrai, une image n'est pas une suite de 0 et de 1). Une des idées (et des arguments de vente) de la théorie des types est que le codage des objets mathématiques par ce qui sert au niveau des fondements soit un peu plus transparent, un peu moins artificiel que dans la théorie des ensembles ; mais tout le monde n'est pas forcément d'accord ni que ça marche ni que ce soit vraiment utile.

La manière dont les mathématiciens « isolent » typiquement leur théorie des fondements ou des détails des constructions, c'est de formuler des axiomes qui servent à la faire marcher : on réalise ces axiomes à partir des fondements (par exemple, pour la géométrie plane, on peut réaliser les points par des éléments de ℝ² et les droites par certaines parties de ℝ², et on montre certains axiomes par exemple ceux de Hilbert ou d'Euclide ou je ne sais quoi), et ensuite on travaille uniquement à partir de ces axiomes. C'est une approche très analogue à celle de l'informatique où on va développer une API minimale pour faire ce qu'on veut faire, et travailler au-dessus de cette API, ce qui permettra de porter le programme sur beaucoup de systèmes d'exploitation (tant qu'ils arrivent à implémenter l'API utilisée).

Je ne dis pas que rien n'est important, bien sûr. Le fait qu'on travaille en logique classique ou intuitionniste (ou autre chose) va, évidemment, avoir un impact profond (mais même là, on sait qu'on peut interpréter la logique classique en logique intuitionniste et réciproquement on peut construire des modèles de la logique intuitionniste en logique classique). Dans essentiellement n'importe quelle théorie mathématique on va forcément avoir besoin d'une notion d'ensemble (ou au moins de sous-ensemble d'un truc). Mais le fait que tout soit construit sur des ensembles est plutôt une convention mathématique (on a trouvé ces fondements qui marchent, on en est globalement contents, on reste avec) qu'une vérité profonde sur le monde mathématique.

✱ « En quoi l’effet de “faire des maths” change-t-il profondément ou non à mesure qu’on en fait ? » →

C'est une excellente question, mais je ne sais pas si je suis capable d'y répondre, parce que je n'ai plus vraiment accès à mes états mentaux passés. J'ai l'impression que rien n'a changé, que je comprends juste mieux certaines choses. Or bien sûr, en maths, on passe sa vie à faire la transition entre « je ne comprends pas tout ce charabia » à « mais comment est-ce que j'ai pu ne pas comprendre ça ? c'est évident ! » (sur des sujets différents, ou d'ailleurs parfois sur le même sujet qu'on a oublié et qu'on doit réapprendre), mais à chaque fois qu'on la fait, on oublie l'incompréhension antérieure, et c'est aussi ça qui rend l'enseignement difficile.

Donc j'ai envie de répondre que c'est pareil à tous les niveaux : il faut avoir un certain « état d'esprit » mathématique pour commencer (disons, un certain goût pour l'abstraction et la logique, un certain sens de l'esthétique pour les concepts mathématiques, une certaine façon de penser qui aime la systématisation et les règles générales et les formulations universelles et déteste les exceptions injustifiées ou les cas oubliés), mais une fois qu'on l'a, on va juste progresser dans la profondeur des salles visitées du palais mathématique sans que ça change la qualité de l'expérience. Mais il n'est pas exclu que ce que je viens de dire soit une reconstruction biaisée ex post facto.

Je note pour moi-même que je pourrais écrire une autobiographie mathématique en complément à ce billet, pour raconter mon expérience personnelle (mais elle ne sera que personnelle, et même pour moi je ne sais pas si elle répondra à la question).

jeanas (2024-10-08T01:10:09Z)

@Dyonisos

> @ Ruxor et Jeanas encore : un passage qui m’avait marqué de récoltes et semailles c’est quand il inscrivait ses pensées dans une sorte de quête réconciliatrice du discontinu (terre de l’arithmétique) et du continu (l’algèbre si mes souvenirs sont bons) avec la position intermédiaire de la géométrie traditionnellement traitée sur le mode du continu mais qui admettait de plus en plus depuis la théorie des groupes des aspects discontinuistes. Et bien des notions importantes pour lui qu’il avait proposées (schèmes et topos notamment) venaient d’un souci de fondre tout ça dans quelque chose de plus unitaire qui aurait été pressenti à ses yeux avec les conjectures de Weil. Quand Ruxor évoque l’idée erronée à ses yeux de la théorie des catégories comme constituant une révolution dans les mathématiques est-ce que c’est cette manière de dépeindre les mathématiques qui est très loin d’être partagée par les chercheurs en mathématiques ?

Difficile à juger sans référence, il faudrait un numéro de page… (Je n'ai pas lu *Récoltes et semailles*.) Là comme ça, des affirmations sur une « quête réconciliatrice du discret et du continu » m'évoquent plus une forme de mysticisme personnel que quelque chose sur lequel les mathématiciens pourraient avoir un consensus. Par ailleurs les catégories unifient certaines choses (ou plutôt, disons, leur donnent un cadre commun) mais je ne trouve pas que ce soit spécifiquement un rapprochement entre discret et continu.

> Je suis encore tout surpris de l'indépendance du choix du système formel pour les mathématiciens avec l'idée qu'ils se font du genre d'entités/de constructions qu'ils manipulent/explorent. Au moins je vois que c'est à découpler de l'importance de la notion d'ensemble qui doit se retrouver dans ces systèmes formels.

Tout à fait.

> Pour ton exemple sur le côté intuitif de la variété, je ne pensais pas à "intuitif" au sens de capable de s'en former une image mais avec celui de saisir la définition (ou une des définitions) qu'on peut débusquer en surfant rapidement sur le web.

Ah, alors en effet, je ne me verrais pas vulgariser la définition formelle d'une variété riemannienne.

Dyonisos (2024-10-07T23:41:31Z)

J'ai le souvenir d'un des très rares "Eurêka" que j'ai eus en tant qu'élève avec les mathématiques lorsqu'en sixième, quand on il y avait des opérations avec des fractions, ma voisine de classe m'a livré une perspective qui a levé un blocage. L'enseignante avait dû dire quelque chose comme on coupe un gâteau ou quelque chose d'autre en plusieurs part et le numérateur représente un ensemble de parts et le dénominateur toutes les parts. Et quand je voyais par exemple 7/6, je ne comprenais pas comment il pouvait y avoir plus de parts que celles qu'on avait coupées initialement et l'opération me semblait absurde. Et ma voisine m'a dit "mais on prend alors un autre gâteau à côté du premier" et le verrou a sauté. A partir d'un moment, (je ne sais plus quand, je crois que le premier choc a été les formules avec les cos et sin qu'on devait appliquer et où je me bornais à faire les exercices sans plus du tout comprendre au juste d'où elles venaient et quelle était leur légitimité sauf que "ça marche") mon intérêt pour cette matière, à cette époque, s'est à peu près réduit à zéro. Je me demande comment la plupart du temps un élève doué en mathématiques vit ces étapes : est-ce qu'il a simplement davantage d'aisance dans le maniement des formules ou est-ce qu'en outre il "voit" davantage leur sens ? Et comment peut-il bien sentir ces choses si la clé se trouve à une étape bien plus poussée du cursus ? C'est tout de même très énigmatique.

Dyonisos (2024-10-07T19:44:29Z)

@ ruxor : il y a un aspect que je trouve intéressant et que tu n’abordes pas dans ce post. En quoi l’effet de « faire des maths » change-t-il profondément ou non à mesure qu’on en fait ? Là c’était réservé à la couche « recherche » mais tout chercheur a commencé aux balbutiements. Plus précisément est-ce tu crois que d’emblée le futur mathématicien comprend mieux ce qu’il fait que les autres et que le côté application mécanique de formules dont le sens lui échappe est bien moins présent chez lui, voire totalement absent ? Par exemple quand on intègre au lycée, ça fait déjà sens pour lui ? Est-ce que l’effet ressenti est si différent qu’au final et rétrospectivement il estime qu’il ne faisait pas vraiment de maths avant un certain stade d’approfondissement ? La question en un sens est idiote parce qu’au tout début (l’addition etc) tout le monde a plus ou moins un sens intuitif de ce qu’il fait quand il réussit mais sur des choses comme l’intégration ou la trigonométrie je ne sais pas.

Thomas (2024-10-07T17:10:06Z)

> Là aussi, c'est un mystère dont on peut s'interroger sur la signification philosophique : il n'y avait pas forcément de raison a priori que les lois de la nature fussent compréhensibles par l'esprit humain et/ou qu'elles fussent exprimables en termes mathématiques, et pourtant on constate que les mathématiques y trouvent une application étonnamment efficace[#16] et souvent élégante.

Il me semble tout de même que, dans une perspective évolutionniste, on pourrait considérer que le cerveau humain s'est développé de façon à capter des aspects reproductibles de son environnement afin de pouvoir en déduire des actions concrètes à effectuer.

Que cet outil permette d'appréhender les structures du monde qui l'entoure ne devrait donc pas être une surprise totale. D'ailleurs, à l'heure où les capacités d'IRM, les progrès en machine learning, etc. commencent à faire percevoir un peu les rouage par lesquels l'intelligence humaine apparaît, il serait peut-être temps de ranger les vieux bouquins de philosophie des mathématiques et de créer des ponts avec les gens des sciences cognitives.

Je vois cependant deux obstacles à cette entreprise :
- l'introspection ne semble pas toujours être le fort des mathématiciens (à en juger notamment par le manque de considération accordé historiquement à la logique)
- les ponts entre disciplines, ça semble pas être un truc facile dans le monde académique (enfin, c'est ma perception, vu de l'extérieur)

Dyonisos (2024-10-07T16:46:47Z)

@ jeanas : je crois que c’est en seconde (peut-être en première) que j’ai eu des cours de maths au lycée avec la notion d’intégration. Et l’approche était tout de suite tournée vers les exercices d’application avec des formules à retenir et à décliner. Peut-être transparaissait la vague allusion au caractère inverse par rapport aux dérivées. Si c’est en seconde la quasi-totalité des élèves ( il y a sans doute des exceptions comme un futur chercheur en maths, fils d’une agrégée de maths, qui allait plus tard transiter par l’ENS Lyon) n’avait absolument aucune idée sur ce qu’était l’intégration qui dépassait ce cadre strictement d’applications. La théorie de la mesure de Lebesgue ( que Grothendieck raconte avoir retrouvée à mains/neurones nus en début de ses années de fac sans avoir mème l’idée de chercher dans les livres ce qui pouvait sans dire (encore un indice frappant de la corrélation entre l’ « intuition » extraordinaire qu’on a tendance à lui attribuer et comme le note ruxor le fait qu’elle s’acquiert par la pratique) ) , je ne sais pas si c’est possible, mais elle devrait accompagner dans un monde pédagogique idéal, fût-ce sous une forme très diluée, l’initiation au maniement des intégrales, du moins pour tous ceux qui ne peuvent la retrouver par eux-mêmes, soit asymptotiquement plus ou moins tout le monde !

Dyonisos (2024-10-07T16:12:02Z)

@ jeanas : merci des indications et de la correction de l'attribution de la formule (ça me faisait bizarre quand je l'ai écrite parce que je me souvenais que Kronecker avait un côté déflationniste en voulant essentiellement, en tout cas pour beaucoup de choses, s'en tenir aux nombres donc ça doit être que j'ai lu à un moment que Hilbert a réagi ainsi effectivement en réaction à des positions comme celle de Kronecker).
Je suis encore tout surpris de l'indépendance du choix du système formel pour les mathématiciens avec l'idée qu'ils se font du genre d'entités/de constructions qu'ils manipulent/explorent. Au moins je vois que c'est à découpler de l'importance de la notion d'ensemble qui doit se retrouver dans ces systèmes formels. Jusqu'à vous lire, je pensais que l'un impliquait l'autre et que ce qu'on mettait en première strate du système formel c'était le genre d'entités fondamentales dont on pensait que ça pouvait rendre compte de l'ensemble des mathématiques. Par exemple le rejet de ZFC j'aurais dit que ça allait dans le sens de l'expulsion du paradis évoqué par Hilbert.
Pour ton exemple sur le côté intuitif de la variété, je ne pensais pas à "intuitif" au sens de capable de s'en former une image mais avec celui de saisir la définition (ou une des définitions) qu'on peut débusquer en surfant rapidement sur le web. Pour l'homme de la rue tel que je le cerne, il y a un renvoi nauséeux de définitions abstraites en définitions abstraites, qui recoupe en tous points ce que Ruxor rendait de manière satirique du côté du zélateur de la théorie des catégories. Plus que dans bien des domaines, les mathématiques fonctionnent comme un langage qui fonctionne en bloc, très largement dissocié des mots du langage courant (les termes communs sont très largement et massivement des faux-amis) et qui se renvoient les uns aux autres. Et en plus c'est hiérarchisé dans des niveaux de complexité, d'où l'aspect largement impénétrable pour qui n'en fait pas de l'intérieur (et sans doute qu'il faut les pratiquer pas à pas pour que les termes de cette langue puissent faire sens).

Dyonisos (2024-10-07T12:33:36Z)

@ Ruxor et Jeanas encore : un passage qui m’avait marqué de récoltes et semailles c’est quand il inscrivait ses pensées dans une sorte de quête réconciliatrice du discontinu (terre de l’arithmétique) et du continu (l’algèbre si mes souvenirs sont bons) avec la position intermédiaire de la géométrie traditionnellement traitée sur le mode du continu mais qui admettait de plus en plus depuis la théorie des groupes des aspects discontinuistes. Et bien des notions importantes pour lui qu’il avait proposées (schèmes et topos notamment) venaient d’un souci de fondre tout ça dans quelque chose de plus unitaire qui aurait été pressenti à ses yeux avec les conjectures de Weil. Quand Ruxor évoque l’idée erronée à ses yeux de la théorie des catégories comme constituant une révolution dans les mathématiques est-ce que c’est cette manière de dépeindre les mathématiques qui est très loin d’être partagée par les chercheurs en mathématiques ?

jeanas (2024-10-07T09:14:21Z)

@Dyonisos

> Une autre phrase bien plus fameuse et plus épurée a à mon sens davantage d' écho suggestif et quasi poétique avec le mot de Kronecker "Nul ne doit nous exclure du paradis que Cantor à créé".

NB : C'est un mot de Hilbert, pas Kronecker qui était au contraire hostile à Cantor.

> Mais bon je n'ai plus les idées très claires sur l'aspect partagé de cet appel chez les mathématiciens

Je pense qu'aucun mathématicien sérieux en 2024 ne remet en cause les concepts d'ordinal et de cardinal, qui sont parfaitement rigoureux et se trouvent maintenant à la base de certains autres concepts fondamentaux (par exemple, la définition maintenant universelle du concept d'intégrale est celle proposée par Lebesgue et fait appel à la dénombrabilité, et ce concept d'intégrale est enseigné au niveau terminale et absolument fondamental y compris pour la physique ou l'ingéniérie, même si on ne donne pas la définition de Lebesgue avant le niveau L3/M1).

> (et puis je ne sais pas vraiment si ce sont les ensembles tout court qui importent, et qu'on peut peut retrouver à titre dérivé dans un formalisme alternatif comme celui de la théorie des types dépendants, ou l'idée qui s'y rajoute que c'est ça vraiment l'élément premier de l'univers mathématique).

C'est plus chiant à formaliser en théorie des types, mais il n'y a aucun problème fondamental (du moment qu'on admet le tiers exclu, parce que constructivement c'est un peu plus compliqué). D'ailleurs il y a un chapitre du HoTT Book consacré à ça.

Dyonisos (2024-10-06T23:15:58Z)

@ jeanas et ruxor : je ne sais pas si on peut dépasser la commodité du vague quand on recourt à l'expression de l'homme de la rue pour parler de vulgarisation (en outre dans le post initial c'était de vulgarisation entre chercheurs dans le cadre des séminaires Bourbaki dont il était question, ce qui est ultra pointu). Quand je l'utilise, et c'est aussi sans doute source de confusions potentielles, j'entends quelque chose de très bas par rapport à ce que je pense être votre usage, quelque chose comme le niveau moyen en mathématiques de la population française adulte. Etant donné le cursus scolaire, et le fait que la plupart ne se préoccupe pas ensuite d'approfondir des aspects des mathématiques, je pense (il doit y avoir des études dessus mais je n'ai pas pris le temps de chercher ce genre de trucs) qu'on doit être à quelque chose comme en gros l'acquis théorique d'une classe de terminale technologique, peut-être, à l'époque où cela existait encore, d'une terminale es (en gros les terminales actuelles de la filière générale qui ne suivent pas de spécialité de mathématiques). Des choses comme l'irrationalité de √2, encore moins sa démonstration, ne sont pas du tout répandues à ce niveau. Dans mon esprit, pour le proverbial homme de la rue, le moindre reçu à Polytechnique relève de la très haute maîtrise en mathématiques, ou peut-être même du reçu à HEC ou l'ESSEC, ce n'est pas du tout le sens je crois où vous avez tendance à prendre l'expression :-)

Dyonisos (2024-10-06T21:45:31Z)

@ Ruxor sur l'analogie avec la distinction hardware/software en informatique. Oui jusqu'à ton point d'explicitation, c'est tout à fait différemment que je me représentais les choses. J'aurais dit que l'ensemble à titre de base c'est bien davantage comme le noyau théorique et élémentaire de n'importe quel programme (je ne sais pas ce qu'en diraient les spécialistes, peut-être quelque chose comme algorithme ?) et pas du tout ce qui est du côté qui fait tourner le programme comme un ordinateur.

Dyonisos (2024-10-06T21:41:47Z)

@ Antoine Ducros : poésie un peu ampoulée à mon goût. Une autre phrase bien plus fameuse et plus épurée a à mon sens davantage d' écho suggestif et quasi poétique avec le mot de Kronecker "Nul ne doit nous exclure du paradis que Cantor à créé". Mais bon je n'ai plus les idées très claires sur l'aspect partagé de cet appel chez les mathématiciens (et puis je ne sais pas vraiment si ce sont les ensembles tout court qui importent, et qu'on peut peut retrouver à titre dérivé dans un formalisme alternatif comme celui de la théorie des types dépendants, ou l'idée qui s'y rajoute que c'est ça vraiment l'élément premier de l'univers mathématique).

Jialibun (2024-10-06T20:25:52Z)

@Ruxor :

Vous n'êtes pas un mathématicien médiocre à mon humble avis. Votre aisance à l'écrit en français est magique, celle en anglais au minimum intéressante. Et quel mathématicien peut aujourd'hui encore négliger l'allemand… Merci d'exister et qui sait, si un jour je suis célèbre, écrira-t-on dans ma biographie que d'avoir fait trois ans à L.-L.-G. m'aura surtout permis avant d'autres de connaître les noms de David Madore, Vincent Beffara et Laurent Lafforgue. Conjecture de Jialibun : HoTT et les topos forment une BASE [de quoi je ne sais pas] et sont ORTHOGONAUX.

Antoine Ducros (2024-10-05T19:01:04Z)

Si tu veux un exemple de phrase «poétique», j'aime beaucoup celle-ci, d'Yves André, dans son article sur la conjecture du facteur direct.

Nous ferons usage de techniques “transcendantes” issues de la thérie de Hodge p- adique, quittant délibérément le monde noethérien où l'algèbre commutative est diserte, pour le non-noethérien où elle annône.

Dyonisos (2024-10-05T15:14:34Z)

@ Ruxor : encore un (énième…) ajout : c'est une surprise assez déconcertante pour moi ce que tu soulignes sur la variété des fondements possibles des mathématiques à partir des mathématiques eux-mêmes. Sans aller jusqu'à croire que la plupart des mathématiciens étaient obsédés par la question philosophique du fondement de leur discipline, je me représentait l'ensemble comme la brique de base de l'activité mathématique telle qu'ils la vivaient et qu'elle avait à leurs yeux une importance primordiale, au moins du point de vue de ce qu'ils faisaient s'il leur arrivait de vouloir y penser. Là en fait si je suis bien ce que tu dis, c'est que cette brique en elle-même n'a pas vraiment d'importance pour la façon dont ils développent leurs travaux, c'est juste un langage commode. Ce qui compte c'est les résultats complexes et les éléments dont sont composés ces complexes c'est comme si c'était relégué au rang de choix largement arbitraires dont on demande juste qu'ils soient familiers et commodes, pas "vrais". J'en déduis donc qu'au fond un mathématicien lambda ne croit pas vraiment que les ensembles existent, en tout cas pas plus que le locuteur du français ne croit que les lettres de son langage existent, il sait tout à fait qu'on peut s'exprimer en sanskrit mais préfère utiliser les lettres qui lui sont les plus familières, c'est ça ?

Dyonisos (2024-10-05T11:43:27Z)

@ Ruxor : thanks. Oui c'est exactement ça, je n'avais pas conscience que c'est relativement banal de proposer une autre théorie que celle des ensembles pour les mathématiques. Je pensais (avant d'écouter les quelques vidéos sur les types dépendants) que c'était ultra-majoritaire ou hégémonique et que ce qui s'en déduisait c'était un accord sur ce qu'on manipulait dans les mathématiques et qui prenait des formes plus "moléculaires" et compliquées en s'articulant un peu comme les particules élémentaires en physique à la base de la physique. Et donc je pensais que si on changeait de système formel c'est analogue à proposer une autre théorie physique fondamentale. Je ne me figurais pas que c'est toujours simplement par convenance, pour des raisons de commodité, qu' elle (n') est donc (que) majoritaire.
J'avais saisi je crois l'idée que tu caractérises ainsi "c'est de fournir une interaction entre les fondements et certaines théories qu'on imagine normalement de beaucoup plus « haut niveau"" Juste pour être bien sûr : entre les fondements de ce système formel et le plus haut niveau, c'est que les types ont eux-mêmes dès le départ quelque chose d'homéotopique ? Et en somme une ligne de partage entre les chercheurs (en tout cas ceux qui s'occupent un peu de ces questions ou qui s'y intéressent) c'est toujours de déterminer si des acquis intéressants peuvent en être extraits ou si on reste dans la circularité d'un paradigme qui s'auto-alimente en retrouvant au rez-de-chaussée ses couleurs préférés de la toiture ?
Pour Grothendieck, je ne sombre pas (et je n'ai jamais été tenté de le faire) dans le culte de l'oracle surplombant tous les autres mathématiciens (encore moins de l'ensemble des penseurs des mathématiques). C'est pour moi simplement une des grandes figures des mathématiques à côté de bien d'autres (par exemple dans l'échange entre Serre et Connes, on sent que le premier a un respect vif pour Weil dont la trajectoire est aussi impressionnante pour moi que Grothendieck au sens où des gens ont développé très tôt de très grandes compétences et ont découvert beaucoup de choses et que ça m'interroge : comment de tels atypismes émergent ?? Et je sais qu'il y en beaucoup d'autres ! C'est juste qu'il fait partie de ceux qui n'ont pas seulement fait des grandes avancées dans les mathématiques mais a aussi réfléchi sur ce qu'ils étaient et que ce sujet suscite de l'intérêt chez moi. La liste est très longue : Gödel, Benacerraf, Putnam, Wittgenstein qui récuse la pertinence de la notion de fondement pour les mathématiques et fait de la philosophie des mathématiques sans aucune compétence particulière des mathématiques soutient à mon avis aussi par exemple des conceptions très intéressantes sur la centralité de la pratique dont donne par exemple une idée sa phrase fameuse : "les problèmes mathématiques des soi-disant fondements sont aussi peu pour nous au fondement des mathématiques que le rocher peint supporte le château peint", Poincaré peut-être est un aussi grand mathématicien (en tout cas un mathématicien de premier rang) que Grothendieck et a aussi beaucoup réfléchi sur la nature des mathématiques. Et de toute manière, il ne va pas de soi (personnellement là j'ai un avis, je ne le pense pas) que le mathématicien est nécessairement le mieux placé pour avoir la meilleure analyse de ce qui constitue la nature des mathématiques. Hilary Putnam (il connaît quand même à mon avis assez bien les mathématiques et très bien la logique, en tout cas bien supérieur à moyenne) par exemple n'est pas un mathématicien pur jus mais a pu soutenir des conceptions très judicieuses (toujours pour la même raison il a la pratique, et du génie, de ce genre de réflexions au sujet des "fondements" ou des "essences/natures" des choses).
Pour Grothendieck, et pour être tout à fait honnête sur ce point, il y a quand même quelque chose qui au début m'a stupéfait, c'est l'anecdote avec sa résolution sur la fameuse dizaine de problèmes communiquée pour un sujet de thèse. Et je ne sais plus où ni quand exactement mais je suis sûr quand j'ai découvert son existence avoir lu quelque part (c'était pour le grand public) que c'était le plus grand mathématicien avec Gauss et que son intuition était tout à fait hors norme. Et donc ce qui me reste peut-être comme idée fausse, c'est qu'il est considéré par la communauté des mathématiciens comme un des plus doués d'entre eux (dans tous les domaines où on fait ce type de classement il y a quelque chose de puéril mais… presque personne ne peut s'empêcher tout de même d'établir souvent ces hiérarchies). Et le statut un peu particulier que j'accorde à Grothendieck bien sûr ne vient pas d'un quelconque cheminement personnel au niveau des idées enchaînées, c'est une idée que j'ai rencontrée quelque part et que j'ai accueillie avec ce que je pensais être la force de l'argument d'autorité des gens du métier. Et là à te lire, j'ai le sentiment que ce n'est pas du tout ça : tout le monde reconnaît qu'il a fait des avancées importantes en mathématiques mais bien des aspects de son travail sont controversés et suscitent souvent des réactions souvent tranchées. Plus précisément et concrètement: à ton avis, et nonobstant l'inanité partielle de cette idée de classement, y aurait-il un large accord des mathématiciens (je parle des chercheurs) pour dire par exemple que Grothendieck est un des cinq mathématiciens les plus importants du vingtième siècle ? Ou bien l'éclatement des disciplines fait qu'en fait la question ne pourrait être vraiment posée de manière pertinente et que la plupart au final n'aurait pas d'avis, faute de connaissance de ce qui se passe dans les autres parties des mathématiques que celle(s) qu'ils explore(nt) ?

Ruxor (2024-10-05T10:15:25Z)

@Dyonisos:

Je pense qu'une source possible de malentendu (que je crois par exemple détecter dans les mots « c'est un paradigme où on change de base » est de penser que c'est extrêmement difficile ou inhabituel d'avoir une théorie qui peut servir de fondement de mathématiques. En fait, on en a plein, et de plein de saveurs différentes : certaines sont des variantes de la théorie des ensembles, d'autres des variantes de la théorie des types, d'autres parlent plutôt de flèches, d'autres encore partent des entiers ou des ordinaux comme notion primitive. Certaines cherchent à être logiquement aussi faibles que possible (donc la fondation minimale permettant de soutenir tel ou tel bout des mathématiques), d'autres cherchent au contraire à être logiquement aussi fortes que possible tout en évitant les contradictions (en gros les axiomes de grands cardinaux sont de ce type), et d'autres encore cherchent à avoir, si j'ose dire, une force logique « à la carte » parce qu'on peut ajouter plus ou moins d'axiomes la renforçant. (Voir par exemple [cette réponse MathOverflow](https://mathoverflow.net/questions/474417/completing-half-of-hilberts-program-foundations-that-are-conservative-over-pea/474931#474931) où j'évoque un système de fondements possible, imaginé par Feferman sur une inspiration de Weyl, qui a pour objet de permettre de faire les maths habituelles sur une base logiquement aussi faible que l'arithmétique de Peano du premier ordre.) En plus, on peut généralement interpréter les théories faibles dans les théories fortes (on ne peut pas faire le contraire à cause de Gödel, mais on peut souvent quand même justifier les théories fortes en ajoutant des axiomes ad hoc sur les théories faibles pour permettre de les interpréter dans ce sens-là aussi).

Bref, imaginer d'autres fondements des maths, ce n'est pas spécialement révolutionnaire. Il y en a plein (d'ailleurs on avait les Principia avant d'avoir ZFC). Ça n'intéresse pas la plupart des mathématiciens, parce que (comme Bourbaki) ils ne se préoccupent pas trop de logique, ils veulent juste savoir qu'il existe des fondements solides justifiant les raisonnements dont ils ont l'habitude, et après ça, plus ils peuvent les oublier plus ils sont contents. Donc ils sont contents de ZFC, pas parce qu'ils aiment ZFC mais parce qu'ils ont l'habitude de ZFC, qu'ils sont convaincus que ZFC fait le boulot demandé et que ZFC se laisse facilement oublier.

Pour prendre une métaphore informatique (je ne sais pas si elle aide à comprendre les choses), un fondement des maths, c'est comme le système d'exploitation : on peut utiliser celui que tout le monde utilise, on peut utiliser celui développé par un petit groupe de fans, on peut d'ailleurs faire tourner l'un sur l'autre au moyen d'un émulateur (bon, ma métaphore n'est pas parfaite, mais c'est un peu l'idée), mais la plupart des gens s'en foutent parce qu'ils veulent faire tourner un programme qui tourne, de toute façon, aussi bien sur l'un que sur l'autre (quitte à utiliser une bibliothèque de compatibilité), parce que justement c'est le but d'un système d'exploitation que de faire tourner ces programmes.

Ce qui rend la théorie homotopique des types un peu inhabituelle, ce n'est donc pas de pouvoir servir de fondement des maths. Ce qui la rend intéressante à mes yeux (et aux yeux de beaucoup de gens) c'est d'offrir une perspective intéressante sur la notion d'égalité/isomorphisme. Ce qui la rend inhabituelle aussi (mais je ne sais pas si ça marche bien en pratique) c'est de fournir une interaction entre les fondements et certaines théories qu'on imagine normalement de beaucoup plus « haut niveau » (la théorie de l'homotopie), donc certains arguments de certaines branches bien précises des maths seront plus faciles ou plus élégants à fournir dans une théorie qui est en gros basée sur les idées de ces branches des maths (ce n'est pas exactement surprenant). Enfin, ce qui la rend pénible à mes yeux (et je ne suis sans doute pas le seul à penser ça), c'est que certains de ses fans tiennent absolument à en parler à tout le monde ou à tout voir à travers ça ou à faire passer aux non-mathématiciens l'idée (que je considère comme complètement fausse) que c'est une révolution conceptuelle en maths. (Le dessin humoristique sur <URL: https://mathoverflow.net/questions/433863/why-the-sphere-spectrum-is-more-correct-than-mathbbz > donnera peut-être une idée à ce sujet.) Je ne vais pas en dire plus pour ne pas être désagréable, mais disons qu'il ne faut pas forcément croire sur parole les gens qui vous parlent de leur théorie préférée. C'est un peu comme écouter un développeur BeOS pourquoi tout le monde devrait utiliser BeOS comme système d'exploitation sur son ordinateur : si on n'est pas informaticien, on peut facilement se laisser convaincre que c'est complètement révolutionnaire.

L'autre chose à souligner c'est que la classification des idées en maths est toujours un peu épineuse à faire : toute branche des maths est libre de reprendre des idées de toute autre branche des maths et les adapter ou reformuler à sa sauce ; d'ailleurs ça fait que les mathématiciens et les historiens des mathématiques ont parfois des désaccords intéressants sur ce que ça veut dire que telle personne ait découvert telle notion (quand est-ce que c'est la même notion ? qu'est-ce que la paternité signifie ?). En particulier, je ne sais pas ce que c'est que « la théorie des catégories version Grothendieck », par exemple, donc je ne pourrais pas répondre si la théorie homotopique des types en relève ; mais oui, la notion de ∞-groupoïde est probablement due à Grothendieck (même s'il semble qu'il n'avait pas la bonne : il avait la notion de ∞-groupoïde « stricte »). Mais je veux aussi souligner que (au moins selon moi) on devrait se méfier des écoles de pensées en maths, ou du culte du Maître : que ce soit Grothendieck qui ait lancé telle ou telle idée (ou qu'il en ait parlé dans *Récoltes et Semailles*) ne la rend pas intéressante en soi, c'est quelque chose qu'il faut juger sur pièces. (Et en disant ça, je ne veux certainement pas nier que les ∞-groupoïdes soient une notion intéressante.)

Dyonisos (2024-10-05T09:50:32Z)

@ jeanas : remarque sur l'anecdote avec ℝ^n, vous êtes tellement familier de cette idée qu'il y a très vraisemblablement (et un peu cocassement) une déformation dans le récit de cet échange. Si vous aviez vraiment dit "Donc c'est quoi ℝ^n ? C'est juste l'ensemble des n-uplets de nombres. Par exemple, je prends 25 mesures de température, ça me donne un élément de ℝ^25. ", la première réaction de l'interlocuteur eût sans doute été un nuplait quoi, qu'est-ce que c'est que ça ? Et même votre exemple n'aurait pas suffi (par exemple moi au début je ne m'en rappelais plus et j'ai dû googlé rapidement pour réactiver le sens et faire le lien (pas trop dur) avec l'exemple). Encore une bonne illustration de la relativité de qui est abstrait ou non au sens de pas intuitif !

Dyonisos (2024-10-05T09:25:25Z)

@ jeanas : eh bien votre réaction sur l'accessibilité des variétés me confirme que "intuitif" est un terme bien égarant. C'est parce que vous partez de votre maîtrise des mathématiques très (euphémisme puissance… énorme) supérieure à la moyenne. Faisons l'expérience de pensée suivante : un économiste ou même un physicien qui évoque les jumeaux de Langevin à la tv (ou maintenant de plus en plus quelque part sur le net), la proverbial quidam pour reprendre Ruxor peut en former des idées et, au moins, croit comprendre quelque chose. Maintenant s'il entre plus dans le détail et qu'est mentionné la notion de variété, ça ne dira strictement rien à la plupart des gens (à moins de prendre par erreur le mot dans un sens plus usuel de sous-espèce ou quelque chose comme ça). S'il est un peu curieux et qu'il wikipédise ou via un autre moyen, il va tomber sur des choses comme espace topologique, il cherche à creuser le sens du mot et il est renvoyé à des idées impliquant des relations de proximité sans forcément de distance numérique et là la rupture est consommée avec son usage habituel des mots etc… En fait c'est intuitif pour vous parce que vous vous en formez facilement une idée, et vous y parvenez parce que vous êtes familier de toute cette danse de mots abstraits pour qui regarde ça de bien plus loin/bas. Plus ça va, moins je pense que "intuitif" dans le cadre des idées et des théories abstraites signifie autre chose que l'indicateur d'une bonne maîtrise de celles-ci, là je suis tout à fait d'accord avec ce qu'écrit Ruxor dans le post par rapport à son acquisition via le maniement des objets mathématiques (une analogie justement avec le jeu d'échecs évoqué est éloquente : dans je ne sais plus quelle compétition commentée sur je crois chess.com, Judith Polgar estimait exactement la même chose au sujet de l"'intuition" des bons coups à jouer, le terme est je pense aussi courant aux échecs que dans les mathématiques et elle la faisait consister dans une espèce de résumé pour le jouer sous une forme inconsciente de toute sa pratique antérieure, au final le joueur "voit" immédiatement le coup à jouer pertinent mais c'est sur toute cette base préalable que cette vision mentale pousse).
Pour la théorie des catégories, il y a un peu de ça mais pas tout à fait : j'ai conscience tout de même que ça relève des mathématiques et aussi qu'il peut y en avoir bien des usages. Je crois que j'ai découvert le mot quand j'avais parcouru les cent premières pages de Récoltes et Semailles et donc l'aspect très englobant qu'il veut faire jouer à des notions comme schéma et topos donne l'impression à le lire que c'est un peu, pour lui du moins, comme la théorie M en physique pour les cordes, qu'on est à la recherche du graal unificateur. Surtout vu l'insistance qu'il met sur la manière de réconcilier le continu et le discontinu qui est un thème (aussi) très philosophique. Mon rebond sur ce qui était dit de la théorie des catégories (bon en même temps c'est clair que c'était largement un trait d'humour et nullement l'objet central du post) vient principalement du fait que je trouvais que ça s'articulait mal avec ce que j'avais écouté des exposés de Coquand où la théorie des types dépendants remplaçait ZFC et où la théorie des catégories était de concert dans cette proposition. A un moment dans l'échange avec l'auditoire à la fin de sa seconde intervention, quelqu'un estime que ce qu'il propose correspond à ce que Grothendieck recherchait, Voeïvodski est dans le public et touche deux/trois mots et on voit qu'il est favorable au type de proposition présentée. Donc moi j'en avais retiré l'idée que la théorie des catégories pouvait concerner le premier niveau des mathématiques, comme la notion d'ensemble, et que c'était réducteur de la dépeindre comme une branche très abstraite des mathématiques.
Et puis, en rédigeant ces quelques commentaires ces derniers jours, je m'aperçois que, de manière très générale, je tends à ne pas aimer le renvoi à l'idée qu'une théorie est plus ou moins abstraite ; elle l'est assurément au sens de plus large/englobant et peut-être aussi au sens de la difficulté à s'en former une image. Mais justement le premier aspect est très indépendant du second qui recouvre le fait que ce n'est pas intuitif (et donc simplement qu'on manipule peu ou avec gêne cette théorie).

jeanas (2024-10-04T23:28:39Z)

@Dyonisos

> @jeanas : ok pour l’absence d’incohérence avec HoTT (j’aurais dû faire plus attention que c’était ce mot qui était utilisé et pas « théorie des types dépendants »)

Pour être clair, une théorie des types est un type particulier de système logique, et HoTT est l'une des nombreuses théories des types qui existent (λ-calcul simplement typé, système F, théorie des types de Martin-Löf, mille et une variantes du calcul des constructions, etc etc). On parle souvent de théorie des types dépendants pour les théories des types qui possèdent une construction particulièrement intéressante appelée types dépendants qui correspond à une forme des quantificateurs en logique, et HoTT est une théorie des types dépendants.

> Mais il reste je crois au moins une tension entre l’idée que la théorie des catégories doit se comprendre fondamentalement et systématiquement comme un mouvement d’abstraction à partir de ZFC et l’idée développée par Coquand qu’on peut construire un système formel intéressant qui remplace ZFC à la base dans un projet qui manifeste une intrication avec la théorie des catégories

Non, pas plus qu'il n'y a de tension du fait que mes ciseaux peuvent être utilisés pour couper les papiers d'un écolier comme pour couper le tissu d'un couturier. J'ai vaguement l'impression que vous imaginez la théorie des catégories un peu comme une théorie philosophique qui « doit se comprendre » comme l'a imaginée son auteur et pas autrement. Non, c'est juste une théorie mathématique, qui regroupe un certain nombre de définitions et de théorèmes, et on peut s'en servir et l'étendre dans des contextes différents, c'est tout.

> la relativité mobilise la notion de variété qui est typique à mes yeux de l’ésotérisme des mathématiques

Alors ça, je trouve ça marrant et intrigant comme exemple parce que j'aurais pensé tout au contraire que les variétés étaient un exemple parfait d'objet pas évident à définir rigoureusement (ça se fait au niveau L3/M1) que pourtant n'importe qui peut comprendre intuitivement. Les définitions des différents types de variétés (topologiques, différentielles, algébriques, …) sont relativement abstraites (espaces localement homéomorphes à des espaces euclidiens avec des applications de changement de carte régulières et des produits scalaires sur les espaces tangents …), mais l'intuition d'une variété topologique de dimension 2 par exemple, ben c'est juste une surface comme on en voit en géométrie au primaire/collège. Il faut simplement un peu d'imagination pour faire abstraction des auto-intersections d'une bouteille de Klein par exemple si on la représente visuellement dans l'espace 3D. Je reconnais certes que les variétés à >2 dimensions sont nettement plus difficiles à se représenter.

Mais la notion de groupe par exemple, qui elle a une définition formelle simple et commence à être étudiée au niveau L1 de base, n'a pas une telle intuition géométrique et m'aurait semblé a priori plus abstraite pour le grand public. J'ai peut-être tort.

Ça me rappelle une fois où je me suis retrouvé à expliquer à des non-matheux ce qu'est ℝ^n. Je ne sais plus ce qui s'était passé, je crois que je discutais avec un matheux mais des non-matheux écoutaient et m'ont demandé d'expliquer, enfin bref. Eh bien, je n'imaginais pas du tout les difficultés conceptuelles que ça pouvait poser. Donc c'est quoi ℝ^n ? C'est juste l'ensemble des n-uplets de nombres. Par exemple, je prends 25 mesures de température, ça me donne un élément de ℝ^25. Mais à quoi ça sert ? Ben par exemple ℝ^3 c'est l'espace dans lequel on vit, et ℝ^2 c'est un plan. Mais attends, c'est un espace ou un ensemble ? Euh, c'est les deux, un espace pour moi c'est un ensemble. Mais un ensemble de quoi ? L'ensemble de ses points. Mais si je prends ℝ^100, c'est quel espace alors ? Euh… Et qu'est-ce que ça à voir avec des températures ? 25 températures c'est un point ? …

Dyonisos (2024-10-04T21:50:17Z)

Que serait un de mes commentaires récents sans au moins une méga coquille… Je viens de me relire et, même si je pense que ça se corrigeait spontanément à la lecture, quand j'ai écris " le temps en fait n’est pas quelque chose de fondamentalement séparé du temps" je voulais écrire "l'espace en fait…" en pensant à l'espace-temps.
D'ailleurs, de fait, au moins à un certain degré, ça relativise ce que j'exprimais. Les "images" évoquées au premier abord en physique évoque quelque chose parce qu'il y a des termes familiers comme "espace" et "temps" et, au final, je ne suis pas sûr que la différence n'est pas du même ordre que variété" ou l'idée commune du divers ou "anneau" en mathématiques et celui qu'on passe au doigt dans la langue courante, sauf qu'au moins on n'est pas tenté de transposer le terme technique au sens de l'usage courant. C'est pour ça que je disais que la distinction était sans doute trop schématique entre la physique et les mathématiques avec l'exemple des variétés de Riemann comme jalon peut-être incontournable pour saisir par exemple ce qu'est cet espace-temps de la relativité. Et au final, ça revient juste à souligner le point très banal que l'idée même d'une vulgarisation sans perte a quelque chose de foncièrement impossible. Le côté formel des mathématiques qui les rendrait encore plus hermétique que la physique abrite du cliché car le concret qu'on croit voir au premier abord dans la physique est lesté dans son sens par tout l'abstrait des structures mathématiques. Ca doit être aussi une des raisons pour lesquelles j'ai réagi négativement au mot d'humour sur les zélateurs de la théorie des catégories : cette distinction abstrait/concret pour les théories me satisfait de moins en moins, il y a des théories très générales mais, si elles sont bonnes il y a un effet retour sur le "contenu" des niveaux inférieurs, c'est ce genre de choses que j'ai cru exister dans les exposés de Coquant (la manière dont des théories vues comme très abstraites/générales des mathématiques pouvaient faire revisiter les niveaux les plus élémentaires parce que je mettrais, peut-être à tort, le côté homotopie/infinis-groupoïdes du premier côté et le système formel de la théorie des types comme ancré dans le second).
Je me vaccine désormais à l'avenir contre les envois rapides de l'extérieur avec mon téléphone portable : déjà que je suis distrait et que je fais des erreurs de frappe à l'ordinaire mais là avec le petit écran et le contexte bien plus agité que mon home sweet home ça prend une ampleur que je ne supporte plus.

Dyonisos (2024-10-04T14:36:40Z)

Je livre aussi un petit témoignage personnel pour revenir à l’objet global initial du post du côté de celui qui justement ne fait pas de mathématiques au sujet des passages sur la vulgarisation ( soit dit en passant Ruxor est excellent quand il en fait). Une des réflexions que j’ai souvent eue c’est qu’en un sens et malheureusement parfois elle est impossible. Comparons par exemple avec la physique : un quidam peut au moins avoir quelques intuitions qui lui parlent au sujet de la relativité ( le temps en fait n’est pas quelque chose de fondamentalement séparé du temps, l’écoulement du temps propre varie en fait en fonction de la vitesse d’un observateur, l’univers a un moment a vu ses dimensions augmenter très significativement etc) et qui ne sont pas complètement fausses. Mais les notions de mathématiques souvent sont si abstraites et nécessitent la maîtrise d’autres concepts mathématiques que l’intuition est totalement muette pour qui ne les possède pas. En un sens c’est sans doute plus compliqué (la relativité mobilise la notion de variété qui est typique à mes yeux de l’ésotérisme des mathématiques (ne parlons même pas des généralisations à la grothendieck de ce qui englobe les variétés) et peut-être qu’au final il n’y a pas de réelle compréhension possible de cette théorie physique si on ne saisit pas au fond ce qu’est une variété. Mais au moins on peut en avoir l’ impression alors que c’est tué dans l’œuf dans bien des aspects des mathématiques (surtout quand il y a des formules qui s’enchaînent rapidement).
Quand ruxor ironise sur le renvoi ad nauseam des termes qu’utilise l’adepte de la théorie des catégories qui se nourrissent parfois dans une abstraction qui peut être irritante, je peux lui certifier que c’est un effet très banal pour quiconque qui, à un moment ou à un autre, tombe sur les mathématiques telles qu’elles se formulent la plupart du temps sur ce qui lui semble être des cimes abstraites qui se répondent entre elles (quoique c’est davantage un escalier extrêmement long avec des paliers à perte de vue où il ne peut poser le pied qui constitue l’image pertinente).

Dyonisos (2024-10-04T10:39:14Z)

Homotopies pas homologues dans mon dernier envoi :-(

Dyonisos (2024-10-04T09:12:17Z)

@jeanas : ok pour l’absence d’incohérence avec HoTT (j’aurais dû faire plus attention que c’était ce mot qui était utilisé et pas « théorie des types dépendants ») de le greffer sur zfc ou de la mettre à un niveau de base. Mais il reste je crois au moins une tension entre l’idée que la théorie des catégories doit se comprendre fondamentalement et systématiquement comme un mouvement d’abstraction à partir de ZFC et l’idée développée par Coquand qu’on peut construire un système formel intéressant qui remplace ZFC à la base dans un projet qui manifeste une intrication avec la théorie des catégories (le lien évoqué entre les infinis groupoïdes et les homologues c’est bien inséré dans la théories des catégories version Grothendieck, non ?).

sbi (2024-10-03T22:15:53Z)

Sur le sujet de la vulgarisation des maths au grand public…

Une amie non matheuse me recommandait il y a peu ce livre: https://www.apmep.fr/Les-Metamorphoses-du-calcul

Certains des lecteurs de ces pages le connaissent-ils, en pensent quelque chose?

jeanas (2024-10-03T20:45:51Z)

@Dyonisos:

> Enfin dernière mon pc, ce qui devrait tarir la prolifération des coquilles

Hmm 😉

> Tu écris : "Pour être bien clair, il n'y a aucune controverse sur la question de si cette théorie est mathématiquement valable : on peut en construire des modèles au-dessus (c'est ce terme qui est important ici) de ZFC. Le débat porte sur la question de si ça fait avancer le schmilblick ou si on a juste trouvé des façons extrêmement compliquées de présenter des choses qu'on savait déjà." Mais justement il est très explicite sur l'idée que le formalisme qu'il propose n'est pas quelque chose qui se greffe sur ZFC (ou de manière plus générale sur n'importe quelle théorie des ensembles). C'est quelque chose qui prend sa place, s'y substitue.

Il n'y a aucune contradiction entre « on peut construire des modèles de HoTT au-dessus de ZFC » et « HoTT peut être utilisée comme fondement alternatif à ZFC ». HoTT est une théorie des types, c'est-à-dire fondamentalement un système logique (qui se trouve être en même temps un système de typage pour un langage de programmation). On peut l'étudier en raisonnant dans ZFC, comme on peut raisonner dedans et étudier quoi que ce soit. Le fait de construire des modèles sert à plein de choses mais notamment à prouver la cohérence du système (qu'il ne contient pas de contradiction). Qu'on puisse construire des modèles de HoTT (à base de catégories) au-dessus de ZFC prouve dans le cadre des maths plus usuelles que HoTT est cohérente.

Je trouve aussi que l'opposition théorie des ensembles ↔ théorie des types est un peu surfaite en général. ZFC est un système ultra-simple qui va très bien pour étudier les ensembles et comme fondement des maths telles qu'elles sont pratiquées informellement depuis des siècles, et ne va pas super bien pour formaliser les maths dans les assistants de preuve informatiques. Le développement de HoTT est très relié au développement de la formalisation (ce n'est pas juste moi qui le dis, c'est l'intro du HoTT Book) et a entre autres pour objectif de produire une logique qui rapproche plus la formalisation de la pratique mathématique informelle (égalité ≅ isomorphisme, quotients etc) ; ces aspects ne sont apparemment pas complètement orthogonaux (toujours dans le HoTT Book, ils disent que « tout foncteur pleinement fidèle essentiellement surjectif est une équivalence » n'a pas besoin de l'axiome du choix en HoTT, mais je ne suis pas allé assez loin pour comprendre pourquoi), mais ils ne sont pas diamétralement opposés non plus.

Bon, sur ce je vais me confesser pour avoir disserté de ce que je connais mal…

Dyonisos (2024-10-02T22:55:52Z)

Enfin dernière mon pc, ce qui devrait tarir la prolifération des coquilles et les déformations de la saisie automatique de mon téléphone…
J'ai encore en fait deux remarques et une klaxon d'humilité qui me semblait aller de soi mais que la fin de tes éclaircissement me motive toutefois à faire sourdre.
1) Il y a encore un écart important entre tes points d'explicitation/contextualisation et les deux vidéos de Thierry Coquand
https://www.youtube.com/watch?v=T_WcQpj-2to
https://www.youtube.com/watch?v=APY6mXN9MzM
que j'avais vues il y a quelques jours et ça recoupe l'aspect fondationnel ou non de la théorie des catégories. Tu écris : "Pour être bien clair, il n'y a aucune controverse sur la question de si cette théorie est mathématiquement valable : on peut en construire des modèles au-dessus (c'est ce terme qui est important ici) de ZFC. Le débat porte sur la question de si ça fait avancer le schmilblick ou si on a juste trouvé des façons extrêmement compliquées de présenter des choses qu'on savait déjà." Mais justement il est très explicite sur l'idée que le formalisme qu'il propose n'est pas quelque chose qui se greffe sur ZFC (ou de manière plus générale sur n'importe quelle théorie des ensembles). C'est quelque chose qui prend sa place, s'y substitue. C'est pour ça que je trouve que ce n'est pas simplement une question d'abstraire en allant plus loin sur une base partagée, c'est un paradigme où on change de base.

2) J'avais dans la foulée il y a quelques jours voulu glaner quelques informations sur Voïevodski et j'étais tombé sur son interview
https://www-verimag.imag.fr/~perin/research/coq-en-stock-2017/interview-V.A.Veovosky.pdf
Or justement quand tu écris "Disons par ailleurs que la théorie homotopique des types n'a pas aidé, que je sache, à résoudre une question ouverte qui n'ait pas émané de la théorie homotopique des types elle-même." je ne sais dans quelle mesure ça colle vraiment avec ce qu'il dit sur la conjecture de Milnor (il donne quelques mots pour la caractériser mais naturellement c'est comme rajouter des guirlandes sur du chinois quand on n'est pas mathématicien, ou peut-être même spécialiste de cette branche des mathématiques) qu'il a résolue grâce au développement de ces outils et qui ne semblait donc pas émaner de la théorie homotique des types elle-même.

3) Evidemment à aucun moment je n'ai eu l'idée ni pensé que je pouvais donner l'impression que JE pensais que toute la mathématique se réduisait à la théorie des types. Ce serait aussi idiot que de me prononcer sur la plus belle poésie en chinois. Et même Coquand n'a pas cette prétention quand il expose ses idées, c'est plus comme un programme de recherche qui mérite d'être exploré qu'il articule ses propos. Non mon intention était tout autre : essayer d'insister sur le rôle fondationnel et pas seulement fertile sur le plan de l'abstraction de la théorie des catégories du côté de ceux qui l'explorent et la promeuvent. Moi même la théorie des ensembles c'est bien trop compliqué pour vraiment voir de dont il s'agit (pas tout, l'axiome d'extensionnalité ça je réussis à comprendre :-) ). Ce qui est vrai par contre, c'est que j'avais été très enthousiasmé par la lecture il y a un bail de Récoltes et Semailles, le début au moins qui pendant plusieurs dizaines de pages évoque avec profondeur les mathématiques et est très bien écrit même pour les analphabètes du domaine. La figure atypique et quasi mythique qu'il a plus moins acquise ont quelque chose de fascinant qui, sans aller jusqu'à me dire qu'il a raison sur le fond (surtout qu'il y a du borderline mental qui foisonne tout de même dans ce livre), me suggère qu'il doit tout de même y avoir de bonnes raisons pour qu'il soutienne ce qu'il pense. C'est manifeste dès le début du livre qu'il a comme ligne de mire d'avoir le point de vue le plus synthétique possible sur les mathématiques, de relier des branches traditionnellement disjointes pour les fondre dans une compréhension unitaire supérieure et, déjà en ce sens, a un côté fondationnel. C'est pour cela que quand je vois que certains poursuivent aujourd'hui cette voie, j'ai envie parfois de voir ce qui s'y trouve. Mais je n'ai personnellement aucune idée sur ce qui , de l'intérieur des mathématiques, est le meilleur fondement possible.

jonas (2024-10-02T22:14:20Z)

Thank you for this writeup. None of what you write contradicts my experience, but I hadn't thought about most of it in these terms.

I'd especially like to hear more about all the modes of collaboration between mathematicians. That's on topic because it's an important part of the everyday work of most mathematicians. Let me give a few example questions to illustrate what I'm thinking of.

1. It seems like when mathematicians present something to a whole room of audience, this clusters into one of two modes. One is seminars which don't go into too much detail or proofs, summarize a research article that a mathematician is writing or has read or will potentially write in the future. These take between five minutes and three hours, and are hit-and-miss in that most of the audience of any one presentation will find nothing interesting in it, but if you go to enough such presentations you'll find a few that are interesting and possibly relevant to your work. University departments or research institutes sometimes hold a series of such seminars, often one per week with a different presenter every time. Conferences are also mostly made of such presentations. The other kind is lectures or workshops, which go into more detail about a larger topic. These are more targeted in that most of the audience is either specifically interested in the topic, or attends it as part of their university degree requirements. They usually continue between multiple days with the same presenter. Is my impression about this correct? Why do these two types of seminars exist?

2. Can you break down the role of thesis advisors? I'm not asking what my thesis advisor can help me in, I know that differs a lot between advisors. I'm noting that most research mathematicians eventually write exactly one PhD thesis (aka dissertation), with either one advisor or at least a small set of advisors. It is surprising how universal this is, for two reasons. The first part is that, for the majority of mathematicians, their PhD thesis is just a collection of their research articles, already published or hopefully published in the future, glued to a book with hopefully some editing that gives them a unified theme. But not all coauthors of those research articles are considered thesis advisors. But if you phrase it that way, it's not clear how this necessitates the institution of an advisor (or small number of advisors) for the thesis. The other part is that almost all mathematicians only write one PhD thesis, and this is true even for mathematicians who continue researching for decades. If thesis advisors are so important for some reason, then why don't those researchers keep writing more thesises, say one every decade or so, with another advisor or small number of advisors? I'll note that although a few mathematicians write and defend what is called a thesis to get a rank from the Magyar Tudományos Akadémia, which is considered a higher rank than a PhD, such a thesis doesn't seem to have an advisor associated.

3. It is well-known[1] that mathematics treats authorship of research papers differently from other sciences. For most mathematical research papers, the authors are listed in alphabetical order, because the list is regarded as a set without further structure (except sometimes one author is marked as “corresponding author”). In other sciences, especially biology, the list of authors is put in a specific order, with complicated customs[2] about who counts as the first, last, or second to last author of an article. Does this reflect an underlying difference in how the authors contribute to those articles? Or is it only a difference in the conventions for how the authorship is represented in those articles?

[1]: Andrew W. Appel, “Is POPL Mathematics or Science” (1992-01), Report of the Program Chair at the Nineteenth POPL <URL: http://www.cs.princeton.edu/~appel/papers/science.pdf >
[2]: <URL: https://phdcomics.com/comics/archive.php?comicid=562 >

jeanas (2024-10-02T20:59:19Z)

Ah, j'oubliais :

> cette théorie démarrée par de Voevodsky est appelée « théorie homotopique des types (HoTT) » ou « fondations univalentes » (je ne sais pas s'il y a une différence entre les deux, pour moi c'est kif-kif)

Il m'a semblé comprendre que « fondations univalentes = théorie homotopique des types + axiome d'univalence ». À prendre avec des pincettes. (Je suis dans une situation embarrassante parce que je serais censé être capable de comprendre HoTT sans trop de problèmes après certains cours que j'ai suivis, sauf que ces cours étaient complètement désastreux et je n'en ai rien tiré.)

jeanas (2024-10-02T20:52:37Z)

@Ruxor : Merci pour les précisions, et tout à fait d'accord sur l'essentiel.

> Disons par ailleurs que la théorie homotopique des types n'a pas aidé, que je sache, à résoudre une question ouverte qui n'ait pas émané de la théorie homotopique des types elle-même.

Je ne peux pas juger l'intérêt intellectuel intrinsèque de HoTT, mais si ça permet une formalisation plus naturelle dans les assistants de preuve, notamment en se débarrassant de la plaie des setoïdes, ça me semble une excellente justification pour développer cette théorie.

> Là aussi, tout le monde n'est pas forcément d'accord que [le concept de topos] soit forcément un concept super utile/intéressant

Dans la mesure où les topos élémentaires donnent une sémantique *complète* d'au moins une certaine variante de la logique intuitionniste, il me semble difficile de les rejeter comme sans intérêt.

> Bref, il faut beaucoup se méfier de l'effet de perspective qui font que certains matheux vont dire que tel ou tel concept est hyper important et hyper central et qu'il faut voir toutes les maths à travers lui, voire que ça va révolutionner les maths : même quand ce sont de très grands matheux (Grothendieck, Connes, Voevodsky…) ça ne veut pas dire qu'ils ont « objectivement » raison — ils expriment juste une affinité personnelle. Il n'y a guère de désaccord significatif en maths sur la validité des preuves, mais il peut y en avoir énormément sur l'intérêt des concepts ou des théories.

+1

> même s'il y a probablement un rapport entre les ∞-topoï et la théorie homotopique des types, je ne connais pas assez pour préciser

Désolé pour le hors-sujet, question au passage : est-ce que tu trouves un intérêt au concept d'∞-topos et est-ce qu'il y a quelque part une explication accessible de ce que c'est ? Un jour, dans un instant de folie, j'ai ouvert le *Higher topos theory* de Jacob Lurie <URL:https://arxiv.org/abs/math/0608040>. C'est possiblement le bouquin de maths que j'ai refermé le plus vite de ma vie.

Dyonisos (2024-10-02T20:40:29Z)

Merci beaucoup pour les éclaircissements ! Personnellement ce qui m’avait initialement intrigué c’est aussi l’intérêt posthume que je ne soupçonnais pas, sous une forme bien plus raffinée, d’une théorie au début proposée par Russell qui est un des penseurs que je respecte le plus ! Le simple fait que ça continuait pour certains ça dors des mathématiques à constituer un formalisme rival à la théorie des ensembles m’avait donné l’envie d’écouter ce qui se disait à ce propos.

Ruxor (2024-10-02T19:52:44Z)

@Dyonisos (et dans une certaine mesure @jeanas):

Pour donner quelques éléments permettant peut-être mieux de situer ces questions.

Vladimir Voevodsky a imaginé une théorie dans les années 2000, en mélangeant des idées de la théorie des types (qui relève de l'informatique théorique et/ou de la logique), y compris la correspondance entre proposition et types (correspondance de Curry-Howard), et aussi de la théorie de l'homotopie (qui relève de la topologie algébrique) avec une bonne rasade de théorie des catégories comme émulsifiant ; cette théorie démarrée par de Voevodsky est appelée « théorie homotopique des types (HoTT) » ou « fondations univalentes » (je ne sais pas s'il y a une différence entre les deux, pour moi c'est kif-kif). Elle peut être mise en avant comme un fondement théorique des mathématiques, ou comme une variante des assistants de preuve informatiques (Coq et Agda, la variante étant alors quelque chose comme Coq-HoTT ou Agda-Univalent ou Cubical Agda, je ne prétends pas parfaitement comprendre le rapport entre tout ça), ou encore comme une théorie mathématique plus habituelle, susceptible de reposer sur ZFC (et inversement, sans doute que ZFC peut se formuler en HoTT quitte à postuler quelques axiomes d'infinis, mais ce n'est sans doute pas bien intéressant de faire ça).

L'intérêt principal de HoTT, en bref, c'est notamment de fournir un cadre pour éclaircir la question « quand est-ce que deux objets mathématiques sont égaux ? » (question étonnamment épineuse, et l'égalité de la théorie des ensembles fait des distinctions dont on ne veut manifestement pas) ; pour ça, elle postule que l'égalité c'est la notion d'isomorphisme, et elle fait ce qu'il faut pour que ça marche. (On se retrouve ainsi avec des « types égalité », dont les habitants sont les isomorphismes entre les deux objets en question, mais on a aussi des égalités au sein de types égalité qui forment eux-mêmes des types égalité, et ainsi de suite, donc il faut se placer dans le cadre des ∞-catégories pour donner un sens à tout ça, et spécifiquement les types égalité doivent être des ∞-groupoïdes.)

On va dire poliment que les avis sur l'intérêt de cette théorie homotopique des types sont… partagés. (Pour être bien clair, il n'y a aucune controverse sur la question de si cette théorie est mathématiquement valable : on peut en construire des modèles au-dessus de ZFC. Le débat porte sur la question de si ça fait avancer le schmilblick ou si on a juste trouvé des façons extrêmement compliquées de présenter des choses qu'on savait déjà.) De façon peu surprenante, les théoriciens des ensembles (je veux dire, ceux qui étudient ZFC) sont généralement fort peu impressionnés par cette théorie, et la plupart des mathématiciens (par exemple, les gens qui font de l'analyse fonctionnelle, de la combinatoire, que sais-je encore) n'ont juste rien à faire de ces questions de fondements. Disons par ailleurs que la théorie homotopique des types n'a pas aidé, que je sache, à résoudre une question ouverte qui n'ait pas émané de la théorie homotopique des types elle-même.

Les topos (ou les topoï), c'est encore autre chose (même s'il y a probablement un rapport entre les ∞-topoï et la théorie homotopique des types, je ne connais pas assez pour préciser). Déjà, il y a plusieurs saveurs de topoï : les topos de Grothendieck (là on utilisera généralement le pluriel « topos ») et les topoï élémentaires inventés plus tard par des logiciens comme Lawvere (là on utilisera généralement le pluriel « topoï ») qui sont plus généraux. Et les topoï peuvent servir à toutes sortes de choses, on peut les voir comme des généralisations des espaces topologiques, ou comme des mondes mathématiques régis par la logique intuitionniste, ou encore d'autres manières (d'où le fait que le pavé de Johnstone sur les topoï s'appelle « Sketches of an Elephant », en référence à la fameuse parabole des aveugles et de l'éléphant).

Là aussi, tout le monde n'est pas forcément d'accord que ce soit forcément un concept super utile/intéressant, et ou avec la manière la plus utile/intéressante de s'en servir. C'est un peu différent, parce que la notion de topos une définition mathématique usuelle, la théorie homotopique des types est plutôt une théorie axiomatique (mais bon, ces deux choses ne sont pas hyper différentes non plus). Par ailleurs, la notion de topos n'est pas terriblement compliquée, d'ailleurs j'en ai défini un dans un billet de blog pas très ancien (et ce n'est même pas franchement le plus simple). Mais ce qui est sûr, c'est que là aussi, la plupart des mathématiciens n'ont rien à faire de la notion de topos (et probablement ne savent même pas ce que c'est).

La théorie des catégories recouvre à la fois la théorie homotopique des types (au moins en partie) et la notion de topos. Mais il y a plein d'autres choses en théorie des catégories. Et même les théoriciens des catégories eux-mêmes ne sont pas forcément passionnés par la notion de topos (bon, ils savent certainement ce que c'est, quand même) ou certainement par la théorie homotopique des types : il y a plein d'autres choses qu'on peut faire au sein de la théorie des catégories.

Bref, il faut beaucoup se méfier de l'effet de perspective qui font que certains matheux vont dire que tel ou tel concept est hyper important et hyper central et qu'il faut voir toutes les maths à travers lui, voire que ça va révolutionner les maths : même quand ce sont de très grands matheux (Grothendieck, Connes, Voevodsky…) ça ne veut pas dire qu'ils ont « objectivement » raison — ils expriment juste une affinité personnelle. Il n'y a guère de désaccord significatif en maths sur la validité des preuves, mais il peut y en avoir énormément sur l'intérêt des concepts ou des théories.

(Personnellement, la notion de topos m'intéresse beaucoup, la théorie homotopique des types me rend au moins modérément curieux, donc je ne suis « hostile » ni à l'une ni à l'autre, mais ça ne m'empêche pas de trouver un chouïa pénibles les fans qui veulent tout ramener à l'une ou l'autre, notamment quand ça conduit à donner des impressions très fausses auprès du grand public, ce qui me semble possiblement le cas ici.)

Dyonisos (2024-10-02T19:18:50Z)

@ Jeanas : oui je comprends tout à fait l’idée qu’on peut éluder et la théorie des catégories et même bien sûr toute l’enjeu des fondements dans la pratique usuelle et ultra majoritaire des mathématiques. Mais moi je suis tout à fait à l’opposé : je n’ai pas de goût prononcé et encore moins de compétences pour la pratique mathématique mais même au collège et au lycée quand j’étais par exemple en face de formules polynomiales je me suis souvent demandé quel était le type de réalité de ces formules abstraites, d’où elles provenaient et même si je ne le formulais pas ainsi ce qu’étaient au fond les mathématiques. Comme certains mathématiciens développent des théories en rapport avec ça, quand j’en ai le temps et la disposition d’esprit, j’essaie de voir le genre d’idées qui sont actuellement agitées.
Pour l’échange entre Connes et Serre il suffit de taper « connes Grothendieck  » sur YouTube et c’est des propos très stimulants où au moment perce la divergence d’appréciations entre eux sinon sur la théorie des catégories en général du moins sur la notion de topos …font Serre va même jusqu’à sarcastiquement dire qu’il ne sait pas ce que c’est !

jeanas (2024-10-02T18:04:02Z)

@Dyonisos : Permettez-moi de donner mon point de vue, et désolé pour la longueur de ce commentaire.

D'abord, ce n'est pas parce qu'une théorie est à la base de ce que font tous les mathématiciens qu'elle est spécialement intéressante. Prenons la théorie des ensembles. Dans la doxa populaire des mathématiciens, c'est le fondement de toutes les maths. Pourtant, je n'ai pas de statistiques là-dessus mais je serais prêt à parier qu'une grande majorité de mathématiciens, pour toute définition raisonnable de « mathématicien », ne connaissent pas les axiomes de ZFC. J'ai récemment discuté avec un professeur des universités en maths qui n'avait même pas entendu parler du nom « ZFC ». Une partie de moi a envie de dire que c'est dommage (en tous cas, quand j'entends quelqu'un dire sur un ton supérieur que c'est scandaleux que $TRUC ne soit pas au programme de $FILIÈRE parce que « ça fait évidemment partie de la culture générale que doit posséder tout ingénieur/$WHATEVER », j'ai envie de lui demander s'il connaît les axiomes de ZFC et pourquoi il pense que la théorie qui fonde toutes les maths est une culture générale dispensable), mais en même temps, c'est vrai que dans la pratique mathématique courante, on fait très rarement appel aux fondements. Tout au plus est-il utile de savoir qu'il n'y a pas d'ensemble de tous les ensembles et que le lemme de Zorn existe.

Il y a des constructions qui marchent plutôt mal en théorie des ensembles — comme, justement, les catégories —, et la réaction des non-logiciens est plutôt d'ignorer la difficulté. J'ai dans le dossier « Catégories » de mon ordinateur un vieux texte… de Ruxor lui-même, qui dit sur la première page « That is just a cavalier way of treating set-theoretical difficulties; some people dispense with them altogether and speak of the "set of sets" without blushing, which is probably a wise thing as we really do not care about these difficulties […] Let us say no more on the subject ». De même le bouquin *Category Theory in Context* d'Emily Riehl dit dans l'intro « Instead, we sweep these foundational issues under the rug, not because these issues are not serious or interesting, but because they distract from the task at hand. » Quand les mathématiciens daignent reconnaître la difficulté, c'est plutôt pour la contourner aussitôt avec des artifices qui permettent de ne pas trop s'embêter (univers de Grothendieck…). En fait, ce sont plutôt les logiciens qui vont derrière chercher des alternatives en théorie des ensembles, théorie des types, etc., qui s'adaptent aux modes de raisonnement des autres matheux, que l'inverse.

Alors, est-ce que la théorie des ensembles est intéressante ? Oui… mais pour ses concepts propres, comme les grands cardinaux, les constructions de modèles, etc., et pas tellement pour son usage au quotidien qui est très limité et plutôt un truc pénible qui se met dans vos pattes qu'autre chose.

Je pourrais très bien, sur la remarque que les applications (= fonctions) sont omniprésentes en maths, décréter que je fonde la « théorie des applications ». Mais cette théorie aurait exactement zéro intérêt. Qu'est-ce qu'on pourrait y mettre ? Sans doute les lemmes de base sur les applications injectives et surjectives, et le théorème de Cantor-Schröder-Bernstein. Pas grand-chose de plus, parce que certes les applications sont omniprésentes en maths, mais quand on étudie une fonction continue en analyse, ou un morphisme en algèbre, on utilise des arguments liés au fait que l'application qu'on considère est continue, ou est un morphisme. On ne peut quasi-jamais se contenter d'arguments qui viennent purement du fait que c'est une application. Comme le disait Ruxor, il n'y a que les raisonnement les plus triviaux qui s'y prêtent.

Maintenant, est-ce la théorie des catégories est intéressante ? Pour ses concepts propres sur lesquels on peut dire des choses non-triviales, comme celui de topos, clairement oui. (Je n'ai pas regardé votre vidéo de Serre et Connes — quelle est la référence ? — mais je vois la réaction de Serre plus comme du mépris pour la logique qu'autre chose. Les topos sont vraiment importants et intéressants en logique.) Mais pour le simple fait que ses concepts sont omniprésents (« All concepts are Kan extensions », pour citer le titre d'un chapitre du livre d'Emily Riehl), ben franchement, je ne trouve pas.

Comme je le racontais à Ruxor de vive voix l'autre jour, j'ai assisté il y a quelques mois à un séminaire où l'orateur présentait une application de la théorie des catégories à la théorie des automates. Le but au départ était de généraliser un résultat connu sur les monoïdes libres aux monoïdes arbitraires. Il a dit qu'il pouvait refaire la preuve classique en la modifiant, mais qu'il allait plutôt passer par les catégories. Il a défini une certaine catégorie, montré qu'elle avait certaines propriétés X, Y, Z, T, puis montré que toute catégorie ayant ces propriétés X, Y, Z, T satisfaisait la conclusion du théorème.

Déjà, j'ai dû retenir mon fou-rire pour ne pas être trop impoli. (Parce que la théorie des automates, c'est à peu près à l'autre bout du spectre entre concret et abstrait.) Mais à la fin, je lui posé la question de s'il pouvait justifier que ces hypothèses X, Y, Z, T étaient naturelles. Et notamment s'il avait un autre exemple que les monoïdes arbitraires où ces propriétés étaient vérifiées. Parce que quand on prétend qu'un théorème est intéressant car plus général qu'un autre, c'est quand même la moindre des choses d'avoir au moins un exemple où il s'applique et pas l'autre ! Mais il n'a pas su m'en donner…

Je ne veux pas trop jeter la pierre à ce monsieur en particulier parce que je n'ai pas plus d'informations, mais je trouve ça symptomatique : j'ai l'impression qu'une partie des travaux de recherche sur les catégories sont en fait des choses relativement simples qui sont reformulées de manière très abstraite pour faire plus chic ou impressionnant ou pour se mettre à l'abri des critiques parce que les spécialistes du sujet ne sont pas spécialistes de catégories et du coup ne comprennent pas. Quand Ruxor parle des théoriciens des catégories qui vous expliquent que votre problème consiste à définir une structure d'∞-groupoïde sur les computades globulaires, je vois très bien de quel genre de travaux scientifiques il parle. Et vous noterez que le théoricien des catégories n'a pas expliqué comment résoudre le problème, juste comment le reformuler. Ça donne des thèses qui se targuent d'apporter un « nouveau point de vue » sur X sans expliquer en quoi le nouveau point de vue est pertinent pour résoudre des questions sur X (j'en ai vu passer encore récemment en cherchant des choses sur la réalisabilité). Ça donne des stages dont le but est de définir catégoriquement ce qu'est une théorie physique en termes d'opérades (oui, j'ai vu ça aussi, et pour moi ça n'a rigoureusement aucun intérêt).

Et je trouve dommage que tout cela pollue les parties vraiment intéressantes de la théorie des catégories.

Dyonisos (2024-10-02T15:38:17Z)

J’ai eu envie du coup d’écouter de nouveau l’exposé sur la théorie des types dépendants de 2014 et je vois qu’il y avait une méprise de ma part dans ma première réaction : j’ai confondu le niveau de base préconisé par certains d’infinis groupoïdes avec la théorie des catégories. Il dit au début que dans la perspective qu’il explore une catégorie est remplacée par une structure d’ordre sur les groupoïdes donc ce n’est pas du tout ce qui me semblait quand j’ai rédigé ma réaction où je croyais que les groupoïdes étaient inclus dans la catégorie des catégories. Ça doit être un élément qui rendait mon post inintelligible.

Dyonisos (2024-10-02T14:56:43Z)

J’ai retrouvé l’exposé entendu qui inspirait ma seconde remarque ça date de 2014 dans le cadre du séminaire Bourbaki et effectivement dès les premières minutes il énonce le remplacement de la notion d’ensemble par celle de groupoïde. Au moins pour certains mathématiciens, il y a cette ambition fondationnelle ! Mais je pensais que c’était évident pour toi puisque tu écris justement sur la tonalité ironico-satirique que le tenant de la théorie des catégories va vouloir expliquer à son interlocuteur que ce qu’il fait en définitive c’est du blabla charabiaisqueque pour le non-initié avec le mot groupoïde dans la barque expressive. C’est donc bien qu’il pense que sa théorie ne fait pas que généraliser plus loin ce que tout le monde admet mais ambitionne d’exhiber le socle des mathématiques non ?

Dyonisos (2024-10-02T14:22:42Z)

Désolé pour les typos et l’erreur de rattachement au post (j’écrivais pendant une pause avec mon téléphone et ça augmente encore ces erreurs !).

Sur le premier point c’est parce que j’ai regardé récemment via YouTube un échange entre Serre et Conne s au sujet de la correspondance du premier avec Grothendieck. Il y a une séquence où je crois que ça relativise ton idée de la dépendance de l’affinité des mathématiciens avec la théorie des catégories avec le seul critère que tu évoques du goût pour l’abstraction. On y voit que Serre n’aime pas du tout les topos donc un aspect de ce que j’ai compris de cette théorie des catégories et on sent que pour lui ça relève de l’abstraction un peu stérile. Et c’est la réponse de Connes qui je crois relativise ce que tu formules. Il dit qu’il avait exactement le même type de réticence mais qu’il a vu que ça fonctionnait très bien dans certains domaines et que ce que je qualifie de côté « concret » les applications/utilisations de cette notion l’ont fait changer totalement de posture.
Sur l’aspect fondationnel des théories de catégorie je sais juste que c’est une Idée qui revient très fréquemment chez le nouveau chercheur de maths du collège de France avec la théorie des types dépendants à la place de la théorie des ensembles : dans quelques exposés anciens youtubesques que j’ai survolés il y voit des avantages comme le fait qu’une nouvelle loi logique de l’identité dans ce formalisme a des répercussions qu’on ne trouve pas dans le format standard de la théorie des ensembles. Et il semble s’inscrire dans les pas d’un mathématicien qui s’appelle voedovsky. Or il y a un lien qu’il pose avec ce que tu évoques ,les infinis groupoïdes ,à qui il veut faire jouer un rôle fondationnel et la théorie des types dépendants. Bien sûr ça m’est à 99,999999 ad infinitum passé largement au-dessus du ciel ou plutôt du plancher de mes neurones mais j’en avais retiré la conviction nette qu’il y avait cette prétention fondationnelle. Et comme dans Récoltes et semailles on voit à quel point Grothendieck était obnubilé par ce souci de saisir ce qu’est le mathématique dans sa plus grande généralité/radicalité ce n’est pas très surprenant.

Ruxor (2024-10-02T13:37:19Z)

@m_a_n_u: Entre autres différences, le créateur du Paris-Brest conviendra certainement qu'il aurait pu l'imaginer légèrement différent (il n'aurait peut-être pas eu autant de succès, donc je veux bien croire que l'optimum de succès dans la population se découvre plutôt qu'il ne s'invente, mais au moins il aurait été possible comme gâteau), et donc qu'il y a eu des décisions à prendre, alors que personne n'aurait pu faire que le groupe Monstre eût 808 017 424 794 512 875 886 459 904 961 710 757 005 754 368 000 000 001 éléments au lieu de 808 017 424 794 512 875 886 459 904 961 710 757 005 754 368 000 000 000, personne n'a pris de décision sur ce nombre (et d'ailleurs, des signes de l'existence du Monstre ont été détectés bien avant qu'on réussisse à le construire).

@Dyonisos: Honnêtement, je ne comprends pas grand-chose à la question posée (outre qu'il y a des typos manifestes, et aussi que le premier commentaire a été posté, je pense, sur le mauvais billet, lien que je me suis permis de rectifier). Mais je n'ai pas l'impression que quiconque pense que la théorie des catégories a un rôle particulièrement distingué au sein des mathématiques. Oui, c'est une tentative d'abstraire certains raisonnements utilisés de façon transversale en mathématiques, mais il y a des branches des maths qui y échappent largement, et même quand on peut identifier qu'un raisonnement est « catégorique », ce sont grosso modo les plus triviaux qui le sont : donc la théorie des catégories identifie que certains raisonnements de certaines branches des maths se retrouvent dans d'autres branches, et peut parfois en suggérer de nouveaux, mais c'est très loin d'être une théorie fondamentale ou universelle de toutes les maths.

@SM: Pour la terminologie je ne sais pas s'il faudrait lui donner un nom différent, mais je veux être bien clair sur le fait que les maths de lycée sont effectivement des maths — c'est juste généralement la partie la plus chiante possible des maths.

SM (2024-10-02T12:50:19Z)

Serait-il opportun selon toi d'avoir deux mots différents pour, disons, les maths conceptuelles et les maths de collège/lycée ? Si oui se poserait alors la question de qui garde le nom "mathématiques" et qui doit être renommé, et comment.

Contre : on fragmente une discipline présentée actuellement sous un terme unificateur. Et cette unité n'est pas factice, même si l'emphase principale n'est pas mise sur la même chose (et encore… on peu trouver certains cours de collège/lycée mathématiquement plus stimulants que certains cours de licence, ça dépend des profs et des publics). Dans la parenthèse précédente, "mathématiquement" est pris au sens où tu entends le mot "mathématiques".

Pour : ça aide à faire le distingo "calcul"/"concepts+démonstrations". Si tu dis que tu es mathématicien, on peut te répondre "je détestais les maths à l'école" (une réponse amusante pour désamorcer pourrait alors être "moi aussi"). Si tu dis "je suis conceptuologue", ça fait bizarre de répondre "je détestais les calculs à l'école".

C'est un peu un analogue du distingo Calculus/Analysis chez les anglosaxons.

Hess (2024-10-02T12:30:03Z)

"Mais il n'est pas exclu que j'aie des idées reçues au sujet des idées reçues des gens sur les mathématiciens."

Phrase très matheuse elle-même, dans le genre… ^^

Dyonisos (2024-10-02T09:47:20Z)

Le problème avec ce post c’est celui que tu évoquais au début parler du sentiment de faire des maths sans s’engager sur ce qu’est la nature des mathématiques à ses limites (d’ailleurs tu es bien forcé de proposer une caractérisation avec la description exacte des structures abstraites) mais justement si les sectateurs et prolongateurs de Grothendieck ont raison, la théorie des catégories n’est pas une branche parmi d’autres dépendant du goût de chacun, c’est à la base de ce que font tous les mathématiciens, qu’ils le sachent ou pas, non ?

Dyonisos (2024-10-02T09:41:08Z)

Un rebond sur le passage de l’abstraction relatif à la théorie des catégories : dans léchangeventre Serre et Connes évoquant Grothendieck on voit que, au moins pour la notion de topos, Serre n’accroche pas du tout mais plutôt que de tempéraments différents à l’égard du goût de l’abstraction exacerbée, c’est peut-être justement le côté « concret » qui explique l’attirance ou la répulsion puisque Connes insiste sur le fait qu’il avait la même réticence avant de voir par ailleurs comment ça marchait bien dans d’hertziens domaines alors qu’ils ne les recherchaient pas pour eux-mêmes.
Et de ce que j’ai vaguement saisi du projet de Voedovsky il y a apparemment un enjeu fondationnel précis c’est en partant des homéotopies (je crois que c’est le nom mais ma mémoire est incertaine) qu’il retrouve la fertilité de l’approche par des catégories qui est peut-être plus judicieuse que la théorie des ensembles à mettre à la racine des maths. Bref il y a aussi je crois une question d’essence sur les mathématiques, pas seulement la propension à prolonger vers le plus abstrait ce qu’on connaît déjà.

m_a_n_u (2024-10-02T09:09:46Z)

Sujet intéressant mais auquel il manque la vision des non-mathématiciens. Par exemple, à propos d'une existence intrinsèque des objets mathématiques, l'analogie avec l'Everest semble pertinente, mais au final, on pourrait faire la même remarque avec la cuisine : le Paris-Brest existait-il avant sa première réalisation ?

Nick Mandatory (2024-10-01T21:17:12Z)

Pour les applications à la vraie vie des grands cardinaux, on n'en est pas si loin : Patrick Dehornoy insistait pour décrire l'ordre sur les groupes de tresses <URL https://en.wikipedia.org/wiki/Dehornoy_order > comme une application de la théorie des grands cardinaux, au sens où c'était des questions sur les grands cardinaux qui l'avaient conduit à sa découverte, même s'il n'avait finalement pas besoin de ces axiomes pour montrer les propriétés de l'ordre.

Je sais bien que la cryptographie sur les tresses n'est pas vraiment de l'ordre de « la vraie vie », mais disons qu'on a au moins un "near-miss"…

Pour faire mieux, à toi de trouver une application cryptographique aux tables de Laver <URL: https://en.wikipedia.org/wiki/Laver_table > !

Egan (2024-10-01T19:20:15Z)

Pour un non-mathématicien comme moi c'était très intéressant de lire ce billet et je n'écris ce commentaire que pour t'inciter à rédiger la seconde partie avec les sujets non abordés que tu évoques à la fin.

Franck Wolff (2024-10-01T12:44:43Z)

>elle consiste justement à ne garder que l'essentiel du problème en jetant tout ce qui est une circonstance particulière distrayante

Allez, je ne résiste pas : quel auteur génial a écrit « penser, c’est oublier des différences » ?

ooten (2024-10-01T09:19:45Z)

Je crois comprendre pourquoi quand on parle de math chacun d'entre nous peut spontanément réagir, tout le monde les a pratiquées dès l'école primaire par l'apprentissage de l'artihemétique et dans les classes ultérieures elles ont servi de matière de sélection dans pas mal de filières contrairement au droit, à l'art graphique, du sport ou de la finance.
L'écueil pour accéder au plaisir et à la satisfaction que procurent les mathématiques est qu'il faut faire des efforts pour les pratiquer même si on peut en faire en dilettante mais alors ce n'est certainement plus la même intensité. Contrairemnent à l'appréciation d'oeuvres d'arts musicales ou picturales par exemple.
Les mathémathiques sont aujourd'hui si vastes et riches que même les meilleurs ou grands mathématiciens ne peuvent plus les aborder dans leurs détails et en totalité, ce qui n'était pas le cas à leurs débuts.
Peut-être que je me trompe et je n'ai jamais lu de production de Bourbaki, mais je crois que j'ai lu qu'elle ne comporte aucun exemple et exercice.

jeanas (2024-10-01T08:00:07Z)

> [#13] Normalement quand on dit ça, les gens réagissent plutôt en vous disant soit qu'ils aimaient bien les maths au lycée, soit (plus souvent) qu'ils détestaient ça. Honnêtement, ces réactions, certes sans doute sincères et dites sans aucune intention d'être désagréable, sont un chouïa pénibles : quand je rencontre un avocat, un peintre, un sportif ou un banquier, je ne me sens pas obligé de lui dire ce que je pense du droit, de l'art graphique, du sport ou de la finance, et je pense qu'il n'en aurait rien à faire. Soit je lui parle d'autre chose, soit je lui demande des précisions sur ce qu'il fait et comment lui fait les choses, mais je ne me sens pas obligé de rapporter ça à ma perception de son champ d'activité.

Oui, complètement !

Il y a quelques jours, j'étais chez le dentiste. Il m'a demandé ce que je faisais dans la vie, j'ai éprouvé la lassitude de devoir toujours suivre la phrase « de la recherche en informatique théorique » de « ça ne consiste pas à utiliser des ordinateurs » (et voir la réaction interloquée), alors j'ai été un peu faux en disant « de la recherche en maths ». Et immédiatement, la réaction prévisible : « Ah, moi, j'ai complètement oublié les maths, je ne saurais même plus calculer une diagonale… »

**Aux lecteurs non-matheux qui passeraient par là :** si vous croisez un mathématicien dans la vie courante, réagirez-vous par « moi je suis nul en maths » à son coming out de mathématicien, et si oui, *pourquoi* ? J'aimerais vraiment comprendre.

Sinon, je peux signaler un truc que tu ne dis pas et qui me semble pertinent : ce n'est pas « facile » pour un mathématicien de faire des maths. Les maths de niveau lycée seront très faciles, bien sûr (rien de différent d'un universitaire littéraire pour qui écrire une dissertation de niveau lycée est très facile), mais par définition, faire de la recherche, c'est repousser les limites de la connaissance de l'humanité entière, donc forcément de ses propres connaissances aussi.


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