Comments on Quelques remarques sur les modes de scrutin

Georges Gauvain (2024-07-30T12:13:00Z)

"(Sur cette dernière phrase, petite précision. L'idée évidente serait de dire si quelqu'un se présente de façon isolée, ce n'est pas grave, on le considère comme une liste à lui tout seul, sur laquelle il n'y a qu'un nom, il obtiendra son siège si l'élection à la proportionnelle lui en donne un, mais en fait ce serait quasiment impossible d'être élu à titre individuel de cette façon. En effet, s'il y a N sièges à pourvoir, la proportion des voix de l'électorat national qu'il faut recueillir pour obtenir un premier siège est de l'ordre de 1/N, plus exactement il me semble que c'est 1/N moins quelque chose de l'ordre de 1/(2p·N²) où p est la proportion obtenue par une des « grosses » listes, et donc rapporté à une des N circonscriptions ça veut dire qu'il faut obtenir quasiment 100% des voix dans cette circonscription si on veut être élu à titre individuel, sans même parler d'un éventuel seuil de représentation. On peut certainement imaginer des moyens de corriger ça, mais tout le problème est de s'assurer que ces moyens n'incitent pas, du même coup, une liste unique à se présenter comme N candidats individuels en prétendant qu'ils sont tous indépendants."

=> Une proposition de rustine pour ce problème : n'importe qui en France peut voter pour n'importe quelle liste, même si aucun candidat de cette liste n'est présent dans sa circonscription. Un Parisien peut voter pour une liste kanak, un Wallisien pour une liste bretonne, et n'importe qui pour n'importe quel "indépendant" (qui peut présenter une liste dont il est le seul candidat). Ainsi, ce candidat peut bénéficier de voix extérieures à sa circonscription pour dépasser le seuil d'éligibilité.

Ensuite, pour répartir entre les candidats les sièges gagnés par chaque liste :

Etape 1 : on commence par remplir leur contingent de sièges gagnés avec les candidats de cette liste qui ont "gagné" leur circonscription (c'est-à-dire qui y ont obtenu une majorité relative des voix), en prenant les candidats victorieux de chaque ligne par score décroissant (par exemple, par pourcentage des inscrits, ou par pourcentage des suffrages exprimés). Si des listes ont "gagné" plus de circos qu'elles n'ont droit à de sièges (c'est typiquement ce qui devrait se passer avec la liste arrivée en tête), tant pis, son nombre de députés est plafonné par son score national.

Etape 2 : on complète les contingents de sièges gagnés en appliquant la méthode de D'Hondt et en sautant, pour chaque liste, les sièges déjà pourvus à l'étape 1. On applique le principe suivant : on prend pour chaque liste les candidats dans l'ordre décroissant de leur pourcentage des inscrits (ou de leur pourcentage des suffrages exprimés, peu importe). Dans ce cas, il se peut qu'à un moment du décompte, une liste ait encore droit à des sièges alors qu'il n'y a plus de circonscription non pourvue où elle ait présenté un candidat ; dans ce cas tant pis, la liste perd ses sièges supplémentaires et on passe aux listes suivantes en continuant à suivre la méthode de D'Hondt.

De cette manière, on conserve le principe proportionnel (avec une légère prime aux listes qui arrivent à présenter des candidats partout) tout en permettant à des indépendants d'être élus, à condition de remplir des conditions raisonnablement atteignables : obtenir le nombre de suffrages nécessaires à l'échelle nationale (principe démocratique pas déconnant, à mon avis), ET remporter sa circonscription.

Drozz (2024-07-25T18:07:00Z)

Concernant ce passage "le critère de Condorcet (qui demande que si un candidat est préféré par une majorité des électeurs à tout autre candidat alors ce candidat sera forcément élu)".

Il est idéal pour rappeler le critère de Condorcet à quelqu'un qui l'a déjà croisé. Pour quelqu'un qui ne le connaitrait pas encore, il y a une ambiguïté concernant l'ordre des quantificateurs. Le critère est bien le suivant : si pour toute autre candidat, une majorité préfère Alice à cet autre candidat, alors Alice doit remporter l'élection. On ne requiert pas pour cela qu'une majorité de personnes mette Alice en première position (devant tout autre candidat).

jeanas (2024-07-13T10:06:09Z)

Autre comparaison : Le but de l'orientation post-bac est de caser chaque bachelier dans UNE formation. Leur demande-t-on pour autant à chacun UN vœu ? C'est le même argument, et on voit bien qu'il est absurde…

Ruxor (2024-07-13T09:18:15Z)

@xavier: Je répète une fois de plus : as-tu UN SEUL ARGUMENT en faveur du scrutin uninominal à un tour ? À quoi ça sert ? Pourquoi tu proposes ça ? Quel AVANTAGE (et pas juste réfutation d'un inconvénient) a-t-il ? Quel bénéfice concret ? Tu n'en as pas avancé un seul.

Tout ce que je lis, là, c'est une réfutation de ses inconvénients en avançant l'hypothèse que « le système politique s'adaptera ». Ce avec quoi je suis vaguement d'accord, oui, le système uninominal à un tour est moins pire dans un système politique où il est implanté depuis longtemps que dans un système qui n'a pas évolué avec, ça c'est vrai… mais comme on le voit aux États-Unis, même avec un système électoral installé depuis très longtemps, ça pue toujours autant, entre un système de primaires complètement baroque et la crainte régulière, et parfois avérée, qu'un « third party candidate » casse l'élection.

Le problème de la coordination est un problème vraiment DUR. Il ne suffit pas de déclarer que les gens n'ont qu'à se coordonner avant les élections (par quel moyen ? par quelles institutions ? selon quelles règles ?) ou qu'ils sont « idiots » s'ils n'y arrivent pas, pour que magiquement le problème soit résolu. J'y vois juste la colère de quelqu'un qui se dit « qu'ils se mettent d'accord ! » mais qui n'a pas le moindre début de commencement d'idée sur comment ils pourraient se mettre d'accord, et qui espère qu'en les mettant dos au mur ils y arriveront. Eh bien ça ne marche pas.

On peut pousser l'expérience de pensée encore plus loin avec le mode de scrutin suivant (ceci est un raisonnement par l'absurde, hein) : si tous les électeurs votent pour la même personne, alors cette personne est élue, sinon Cthulhu sort de l'océan et détruit le pays. Les non-arguments que tu donnes s'appliquent exactement autant à ce mode de scrutin : « ça obligera les politiques à s'entendre entre eux AVANT les élections et à présenter UN SEUL candidat, puisqu'il faut élire UNE SEULE personne ; et tant pis pour eux s'ils ne s'entendent pas, ce sont des idiots ». Pourtant je pense que tout le monde sera d'accord pour dire que ce mode de scrutin est absurde. Eh bien il l'est à peine moins que le uninominal à un tour : il ignore totalement le problème de la coordination, et espère que celui-ci sera magiquement résolu par <handwaving intense> l'adaptation du système politique.

(Et cette expérience de pensée n'est pas juste une expérience de pensée, en fait : c'est vaguement ce qui se passe avec « Cthulhu » = « le changement climatique ». On espère que le monde entier arrive à se coordonner sur une stratégie commune pour empêcher la dévastation causée par Cthulhu, et cette stratégie commune doit faire l'unanimité pour fonctionner. Eh bien la magie ne se produit pas, les gens n'arrivent pas à se coordonner, et ce n'est pas parce qu'ils sont « idiots », c'est parce que la coordination est un problème fondamentalement dur, qu'il ne suffit pas de nier pour résoudre.)

Le scrutin uninominal à un tour c'est juste miser l'avenir du pays sur la capacité des politiques à s'entendre avant les élections : on sait (par toute l'étude théorique et pratique de la théorie des jeux) que le problème de la coordination est extrêmement dur, et on sait par l'observation du monde que ça ne marche pas et que ce mode de scrutin donne des régimes mauvais ou limite dysfonctionnels, et tu es incapable de proposer un seul avantage en contre partie. Ce n'est pas sérieux.

xavier (2024-07-12T22:32:57Z)

Je pense qu'on part de trop loin pour se comprendre sur ce sujet.
"Permettre aux électeurs de s'entendre" : on ne leur demande pas de s'entendre. La démocratie, c'est la dictature de la majorité sur la minorité. On demande aux *candidats*, dont c'est le métier, de s'entendre.

"Il n'y a rien d'absurde à ce que 30% ou 35% du pays veuille élire un candidat mais que les 65% à 70% restants préfèrent n'importe quoi sauf ce candidat, mais soient quand même divisés sur ce qu'ils veulent." : En effet, ça n'a rien d'absurde.
"vont magiquement se mettre à être d'accord sur tout le reste" : Ils vont le faire, car les *candidats* se seront **adaptés** au mode de scrutin. Si, dans un scrutin à un tour, les candidats sont idiots et proposent 42 alternatives à Cthulhu alors oui, Cthulhu sera probablement élu. S'ils ne veulent pas que ça arrivent, alors ils feront des alliances *avant* les élections, ce que je préfère à des alliances à la va-vite entre les deux tours.

"il ne fournit ni mécanisme de coordination" : Si. Avant les élections.
"ni de mandat sérieux au vainqueur" : Si, sauf si les candidats ne s'adaptent pas au système, ce dont je doute. Et puis même, en quoi est-ce plus sérieux d'avoir plus de 50% de fait car il n'y a plus que deux candidats ? En quoi cela rend-il plus légitime que de gagner une élection à un seul tour ? En rien.

Le seul ""risque"", c'est d'arriver à un bipartisme…mais est-ce un risque? Je ne le pense pas tant qu'il y a de la diversité dans les partis et donc dans les candidats proposés au fil du temps.

En quelques mots, je pense que la classe politique s'adapte au système électoral. Et je pense aussi que ce fait est ignoré dans beaucoup de comparaisons entre systèmes. Condorcet est un exemple type. "s'il avait passé le premier tour alors, il aurait été…". Oui, et si ma tante en avait… C'est idiot. Si le système électoral avait été autre, les candidats et/ou leur programme n'auraient pas été les mêmes.

Ruxor (2024-07-12T12:04:11Z)

@Régis: De même que tous les modes de scrutin sont mauvais, il en va de même de tous les modes de gouvernance. Je suis d'accord que la Suisse est intéressante par beaucoup d'aspects, mais je pense qu'il ne faut pas l'idéaliser non plus. La « formule magique » signifie que le résultat des élections n'a, en pratique, pas d'impact sur le gouvernement réel du pays — aucune forme d'alternance n'est vraiment possible, donc aucun espoir de changement réel non plus : je ne sais pas si c'est très sain. Ce serait désastreux si les citoyens n'avaient pas la possibilité d'organiser des referendums (votations) pour pouvoir, au moins, proposer les changements de fond qu'ils souhaitent. Mais ces votations sont elles-mêmes contestables en ce qu'elles ont conduit à l'adoption de mesures populistes, contraires au droit international et/ou tout simplement connes (l'histoire des minarets, par exemple). Globalement, un pays dans lequel un demi-canton a trouvé moyen de voter démocratiquement en 1990(!) contre(!!!) le droit de vote des femmes n'a pas trop de leçon de démocratie à donner au monde (je veux dire que cet exemple montre que la démocratie directe, c'est pas tip-top, et d'ailleurs il a fallu que le Tribunal fédéral suisse renverse cette décision ce qui montre les limites du système).

Régis (2024-07-12T08:26:07Z)

On peut réfléchir sur le mode de scrutin, mais il faut surtout s'interroger sur le mode de gouvernance. L'idéal serait de s'accorder sur des mesures réalistes et de bon sens, un peu comme le font nos voisins suisses avec la formule magique.

Vicnent (2024-07-11T11:53:02Z)

Il y a un moment, au delà de tout ce qu'on pourrait dire sur la Politique en France (incompétence, économie cata, éducation économique du peuple français cata, Constitution qui montre ici ses limites etc…), il ne faudrait pas passer à un mode de gouvernance par projet et non plus par parti / idéologie etc…

Globalement, l'idée serait donc de définir les orientations (par référendum / votation etc…), après une grosse période de discussion, d'acculturation, etc, de définir le poids de chaque composante : veut on une justice rapide ou pas, sévère ou pas, veut on un filet social important ou pas (ie de l'extrême libéralisme - communisme…), …

Et ensuite, une fois ce programme réalisé (et une fois que les gens auront compris les bases de l'économie de marché, que l'argent n'est ni sale ni gratuit etc…) et les contraintes prises en compte, let's go (il est évident qu'avoir une justice super rapide, une armée de premier plan, une éducation top moumoute, un filet social ultra généreux, la médecine 'gratuite' et pas d'impôts sur les société, ni le revenu, ni de TVA, bah ça va pas vraiment le faire…)

Ce qui me déroute le plus, c'est de voir l'incompétence crasse vis à vis des mécanismes économiques où ici ou là, que ce soit certains partis ou beaucoup de personnes, l'argent est globalement gratuit, et toutes les décisions sont prises 'toutes choses égales par ailleurs' alors qu'évidemment, c'est tout sauf vrai (blocage des loyers (pénurie), impots (laffer), blocage des prix (pénurie), mettre le smic à 1600, pas de souci (bah du coup : 1800 puisque ça n'a aucune conséquence…) etc…

Bref, entre populisme et idiocracy, on est quand même affreusement bien parti pour que ça se passe très mal pour les 15 ans à venir… Pauvre France.

Ilia Smilga (2024-07-11T08:36:56Z)

@xavier:

Vous avez l'air de vous en prendre à ceux qui ont voté pour le RN au premier tour, et contre le RN au second. Connaissez-vous une seule personne qui a effectivement fait ces deux choses à la fois ? Pensez-vous que les gens qui ont fait ça représentent une proportion significative des Français, et ont influencé le résultat de l'élection de façon significative ?

Ruxor (2024-07-11T08:24:10Z)

@xavier:

Je continue à ne voir aucun argument, là : dire « il faut élire UNE personne donc on va juste demander aux électeurs de choisir une fois UNE personne » n'est pas un argument — le « donc » est une escroquerie intellectuelle.

« Est-ce moins stupide de voir un pays voter en masse pour un parti au premier tour, pour le rejeter en bonne partie au second ? » → Il n'y a rien d'absurde à ce que 30% ou 35% du pays veuille élire un candidat mais que les 65% à 70% restants préfèrent n'importe quoi sauf se candidat, mais soient quand même divisés sur ce qu'ils veulent. Si 35% d'un pays se met à adhérer au culte de Cthulhu, ce n'est pas pour autant que les 65% restants, qui sont d'accord que Cthulhu est le pire possible, vont magiquement se mettre à être d'accord sur tout le reste. Je ne vois pas pourquoi c'est « stupide » (selon quelle logique ?) que les gens qui veulent avant tout ne pas voir Cthulhu (ou le RN) au pouvoir ne soient pas magiquement d'accord sur tout le reste !

Et quand bien même ce serait « stupide », c'est une réalité dont il faut bien tenir compte. Le but d'un mode de scrutin c'est de gérer la réalité, pas de chercher quelque chose qui marcherait pour un électorat idéal doté de capacités de négociation idéales.

Dire « tant pis pour eux, ils n'ont qu'à s'entendre » est quelque chose qu'on peut entendre s'agissant de politiques (i.e., à la limite, le scrutin uninominal à un tour peut se défendre si on l'applique à une assemblée, pas trop nombreuse, de personnes habituées de la politique, qui savent négocier : on peut dire « c'est leur boulot de faire des tractations pour réussir à s'entendre »), mais entre 50 millions d'électeurs ? Soyons sérieux ! Comment sont-ils censés mettre en place des négociations, n'ayant aucune sorte de forum ni de formation pour le faire ? Le problème de la synchronisation entre un grand nombre de personnes est précisément ce que la théorie du choix social est censée chercher à traiter, et le scrutin uninominal à un tour revient à se boucher les oreilles en disant « la la la je n'entends rien il n'y a pas de problème (vous aurez Cthulhu tant que vous n'êtes pas tous d'accord sur autre chose) ».

Permettre aux électeurs de s'entendre est justement ce qu'on attend d'un système politique et d'un mode de scrutin : et c'est justement ce que le scrutin uninominal à un tour ne permet absolument pas — concrètement, il ne fournit ni mécanisme de coordination ni de mandat sérieux au vainqueur. (Au moins le scrutin à deux tours avec duel au second tour, malgré tous ses défauts, garantit que le candidat élu aura eu une majorité absolue des suffrages, ce qui est une sorte de mandat.)

xavier (2024-07-11T06:18:12Z)

"deux candidats Y₁ et Y₂ quasiment interchangeables et qui n'ont pas réussi à s'entendre" : tant pis pour eux. S'entendre est une activité de base en politique.

"même pas celui de la simplicité" : Ha ben si quand même…on ne peut pas faire plus simple.

"Éventuellement on peut espérer que la culture politique va le sauver, c'est-à-dire forcer le bipartisme avec deux grands partis dotés d'une solide démocratie interne, ce qui repousse le problème un cran plus loin." Oui, le repousser chez ceux dont c'est le métier : les politiques. Encore une fois, s'entendre est une activité de base en politique. Le fait que Y1 et Y2 n'y soit pas arrivé montre qu'ils auront des problèmes pour fédérer, et donc pour gouverner.

Est-ce moins stupide de voir un pays voter en masse pour un parti au premier tour, pour le rejeter en bonne partie au second ? Je le pense.

Pour ce qui est des Philippines, c'est dommage, mais le problème est que ses opposants ont été mauvais. Aucun n'a réussi à émerger. Si on n'émerge pas, comment peut-on prétendre à un tel poste??

Évoluer vers le bipartisme : oui, mais c'est souvent un bipartisme à géométrie variable. Le programme du candidat, et donc de son parti, évolue beaucoup d'une fois à l'autre. Pourquoi? Car les politiques ont fait leur boulot en interne. Ils ont déterminé UNE ligne et ils proposent UNE personne pour UN poste.

Ruxor (2024-07-10T17:04:43Z)

@Joe l'indien: Je ne sais pas ce que tu appelles « scrutin a un tour avec choix multiples ». Le vote par assentiment (= par approbation) ? Si c'est ça, la principale difficulté en tant qu'électeur est de décider, au sein de ton ordre de préférence, à quel endroit tu coupes entre « j'approuve » et « je n'approuve pas » : l'optimum où mettre cette barre dépend de ce que vont faire les autres électeurs, chose sur quoi on a notoirement peu d'information. (Et spécifiquement, si on reprend la configuration des dernières législatives en France, le dilemme pour les électeurs de gauche, disons, serait de savoir s'ils approuvent le candidat centriste : si oui, ça augmente les chances de battre le candidat d'extrême-droite mais ça diminue les chances de faire gagner le candidat de gauche. Si tu as des informations précises sur ce que vont faire les autres, c'est possible de déterminer la bonne stratégie, mais on n'a pas vraiment ça.)

Joe l'indien (2024-07-10T15:08:32Z)

Tu dis que tous les scrutins sont mauvais, quels sont les principaux défauts d'un scrutin a un tour avec choix multiples ? (naivement, je trouve qu'il est simple et évite pas mal de problèmes).

Ruxor (2024-07-10T11:44:56Z)

@xavier:

« le bête scrutin uninominal à un tour est parfaitement adapté » → Ce mode de scrutin est tellement abyssalement mauvais que les mots me manquent. Il faut vraiment se rendre aveugle pour ignorer le problème que si un candidat X fait face à deux candidats Y₁ et Y₂ quasiment interchangeables et qui n'ont pas réussi à s'entendre sur qui se présentait, et que chacun des trois obtient le même nombre de voix avec un très léger avantage pour X, c'est X qui sera élu alors que 65% des électeurs veulent que ce soit un des deux Y. (Et en pratique, même si ce n'est pas avec des scores aussi serrés, ce genre de violations flagrantes du critère de Condorcet arrivent vraiment souvent, ce n'est pas qu'une expérience de pensée.)

Passer de « il faut choisir UNE personne » à « on va prendre un mode de scrutin qui demande à chaque électeur de choisir UNE personne et prendre celle arrivée en tête » n'est pas un raisonnement, c'est juste un sophisme (autant pousser le sophisme à son extrême et carrément dire « il faut un mode de scrutin qui propose juste UNE personne », i.e., il faut une dictature, puisqu'il faut choisir UNE personne pour gouverner : c'est exactement du même niveau de non-raisonnement). S'il y a un vrai raisonnement pour défendre le scrutin uninominal à un tour, je veux bien l'entendre.

Tous les modes de scrutin ont des défauts, mais le uninominal à un tour c'est vraiment celui qui cumule tous les défauts, et qui n'a aucune qualité pour le sauver (même pas celui de la simplicité, parce que, en fait, les électeurs n'arrivent souvent pas bien à comprendre ses problèmes). Tous les modes de scrutin essaient de minimiser les défauts d'un côté ou de l'autre, mais le scrutin uninominal à un tour c'est juste se dire « fsck everything, on va ignorer tous les problèmes ». C'est ignorer le problème de synchronisation en espérant qu'il se résolve tout seul.

Éventuellement on peut espérer que la culture politique va le sauver, c'est-à-dire forcer le bipartisme avec deux grands partis dotés d'une solide démocratie interne, ce qui repousse le problème un cran plus loin. Mais ① ce n'est pas toujours le cas (plein de pays avec ce mode de scrutin n'ont pas évolué vers le bipartisme), et ② même quand c'est le cas, ce n'est pas une réussite flagrante (les États-Unis ne sont certainement pas un modèle en la matière). Et au mieux, le bipartisme est, de facto, une façon de bricoler un mode de scrutin plus compliqué (avec des primaires internes à chaque parti, voire une sorte d'arbre de choix binaire) pour réparer le scrutin épouvantable utilisé au sommet.

L'exemple de l'élection présidentielle de 2016 aux Philippines (Duterte élu avec même pas 40% des voix alors que sans doute 60% des électeurs ne voulaient pas de lui) doit à lui seul suffire à disqualifier le scrutin uninominal à un tour. Ce serait pareil si on appliquait ce mode de scrutin en France : l'élection du pire — évidemment, on peut dire « oui mais c'est parce que la France n'a pas évolué avec ce mode de scrutin donc la culture politique ne s'y est pas adaptée », mais justement, l'exemple des Philippines montre que le problème persiste.

Bref, il n'y a aucune sorte d'argument en faveur du scrutin uninominal à un tour. Tous les modes de scrutin sont mauvais, mais celui-ci est tellement mauvais, absurde et stupide qu'on ne peut que le rejeter d'emblée.

MonsieurK (2024-07-10T08:43:11Z)

C'est intéressant, cette modalité de vote "pour" et "contre" ; ça permet effectivement d'ajouter une nuance symbolique sans bouleverser le fonctionnement actuel.

Sinon, de façon plus générale, on peut aussi simplifier l'approche de la représentativité en estimant que
- L'Assemblée Nationale devrait avoir un périmètre [inter]national, donc que l'élection devrait être sur des listes nationales et ne plus être une forme de représentativité locale. À ce moment là, on peut admettre une élection à la proportionnelle "pure".
- La représentativité locale se ferait alors lors des élections locales, en particulier régionales. Ça implique des régions plus fortes, avec un périmètre d'action plus large, un peu à l'image des Länder allemands.
- La défense des intérêts des régions (et des collectivités locales aux différents niveaux d'icelles) au niveau national serait alors primordiale (pour ne pas rompre brutalement avec le jacobinisme à la française qui permet, entre autre, de rééquilibrer les différences entre les régions) se ferait alors en ajustant les modalités des élections sénatoriales (par exemple en donnant un poids différent aux grands électeurs en fonction de la nature de leur mandat électif), sans pour autant créer de déséquilibre majeur (plutôt des rapports 1,5:2 ou 1:2 mais il faudrait voir exactement les typologies des grands électeurs, leur nombre par type de mandat, etc.). D'ailleurs, les règles de non-cumul des mandats ont probablement assaini la situation, mais un élu qui cumule deux mandats peut-il voter deux fois aux sénatoriales ?

xavier (2024-07-10T08:23:59Z)

"Ceci montre que l'abstraction d'un mode de scrutin par une formalisation mathématique de la chose ne dit certainement pas tout."
"c'est impossible de savoir ce qu'on veut comme mode de scrutin sans considérer l'ensemble de du fonctionnement des institutions"
Merci d'avoir écrit ça! Tout dépend en effet de la culture politique du pays et des institutions.
Quand il n'y UN poste à pourvoir, on peut modéliser des autant de modes de scrutins qu'on le souhaite. C'est un exercice intéressant. Cependant, le besoin institutionnel est clair : Choisir UNE personne. La question n'est pas de savoir qui on déteste ou je ne sais quoi. La question de de choisir UNE personne et donc un programme. Dans ce cadre, le bête scrutin uninominal à un tour est parfaitement adapté.
On voit le côté un peu ridicule des deux tours : Ca vote RN au premier, ça fait un pataques, et ça se ravise au second tour. C'est ridicule. Prenez vos responsabilités. La question est "qui voulez-vous comme député".

Ptitboul (2024-07-09T19:02:09Z)

J'aime bien ton exemple du vote à quatre choix entre deux candidats. Je ne l'avais jamais encore vu.

Et je trouve que ton billet va dans le même sens que mon intuition en faveur du scrutin par assentiment, car les deux arguments que je mets en avant sont qu'il est facile à comprendre et qu'il rend compliqué de voter contre un candidat (et je trouve souhaitable cette dernière propriété, en ce quoi elle influence la façon dont sont les campagnes électorales).

Ruxor (2024-07-09T10:48:51Z)

@Mauvaisours: Ça ce n'est pas un paradoxe de Condorcet, c'est juste n'être content de rien. Mais je ne pense pas qu'il y ait une majorité qui se prononce pour un ordre cyclique « gauche > RN > Macron > gauche », si c'est ça que tu suggères (ce qui serait un paradoxe de Condorcet).

Si je me rappelle bien, il y a un résultat qui dit quelque chose comme : s'il y a un axe (imaginer un axe gauche-droite) sur lequel les opinions sont placées et que tout électeur a un ordre de préférence bimodal sur cet axe (c'est-à-dire qu'en suivant l'axe il aime de plus en plus jusqu'à un certain point, puis de moins en moins, sans hypothèses sur l'ordre relatif entre les deux parties de l'optimum) alors aucun paradoxe de Condorcet n'est possible (en gros, parce que le candidat centriste sera gagnant de Condorcet). Je ne sais plus exactement, et bien sûr ce n'est pas précisément vrai dans la politique française (je suis la premier à dire que le spectre politique n'est pas de dimension 1), mais c'est sans doute assez précisément vrai pour empêcher les paradoxes de Condorcet.

(Mais je reste preneur de contre-exemples, parce que ça me ferait plaisir d'avoir tort.)

Mauvaisours (2024-07-09T07:00:53Z)

Sur comment obtenir un paradoxe de Condorcet dans la vraie vie :
* Tout sauf la gauche
* Tout sauf le RN
* J'en ai marre de 7 ans de Macron, n'importe quoi d'autre
(j'ai entendu les 3 dans mon petit village …)


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