David Madore's WebLog: Combien y a-t-il de continents ? — et l'apprentissage du recul face aux conventions

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(dimanche)

Combien y a-t-il de continents ? — et l'apprentissage du recul face aux conventions

Si on demande à une personne ayant grandi en France combien il y a de continents, et de les lister, je pense que la réponse sera généralement cinq, avec comme liste l'Europe, l'Asie, l'Amérique, l'Afrique et l'Océanie (dans un certain ordre). Il me semble que ceci est la liste « traditionnelle » des continents vus par la France, ou par la culture française, et probablement enseignée dans le système éducatif français. En tout cas c'est la liste retenue par (le Français) Pierre de Coubertin quand il s'est agi de fixer la symbolique du drapeau d'une certaine compétition sportive[#]. Je n'ai pas de souvenir très précis de ce que j'ai pu moi-même apprendre à l'école comme liste des continents, mais je suis certain que l'Europe était considérée comme distincte de l'Asie (la limite étant placée au niveau de l'Oural) et je crois bien que l'Amérique était considérée comme un seul continent et que j'étais moi-même un peu scandalisé par l'arbitraire de cette différence de traitement. Je crois aussi que l'Antarctique était mentionné comme devant logiquement être un continent mais on l'a oublié mais comme personne n'y habite ce n'est pas grave.

[#] Dont je n'ai probablement pas le droit d'écrire le nom ici, surtout si je le mets à proximité du nom de la ville où j'habite et de l'année en cours, sans payer les organisateurs de la dite compétition sportive, sous peine de voir débarquer chez moi la police de la propriété intellectuelle, parce que cette compétition défend sa marque avec une vigueur qui démontre à elle seule que leur but n'est pas de faire du sport mais de faire du fric. Oups, pardon, j'ai digressé.

Ajout () : On me fait remarquer qu'il y a sur le parvis du musée d'Orsay, créées pour le palais du Trocadéro de l'Exposition universelle de 1878, des sculptures représentant six continents (l'Amérique du Nord étant distincte de l'Amérique du Sud), ce qui vient mettre en doute le fait qu'il y ait une liste française traditionnelle unique.

Je n'ai pas réussi à trouver s'il y a actuellement une liste officielle à enseigner dans les écoles françaises (un document qui dirait que, pour les besoins de l'enseignement en France, l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud ne sont pas deux continents distincts, par exemple : je suis tombé sur cette page sur le socle commun de connaissances, de compétences et de culture qui a l'air pertinent, mais aucune des pages liées ne semble plus précise que nommer et localiser les grands repères géographiques du monde (continents, [etc.])). Si quelqu'un a des enfants qui sont récemment passés dans les écoles françaises (ou est un enfant récemment passé dans les écoles françaises, après tout ne faisons pas d'hypothèse hasardeuse, on a le droit de lire mon blog à 12 ans), je veux bien qu'on me dise ce qu'on y apprend.

La France n'est évidemment pas la seule à enseigner cette liste précise de cinq continents, mais d'autres pays font des choix différents (et bien sûr, ce n'est pas comme si tout le monde était forcément d'accord au sein d'un même pays). Les points de désaccord principaux semblent être : ① si l'Amérique est un contient ou deux, ② si l'Europe et l'Asie sont un continent ou deux, ③ si l'Océanie est un continent (c'est un peu un oxymore, le continent d'Océanie !) et, si ce n'est pas le cas, comment on classe l'Australie, et ④ ce qu'on doit faire de l'Antarctique. (Après ça, bien sûr, il y a des désaccords plus secondaires sur le tracé précis des frontières intercontinentales, ou sur le statut des îles.) Le seul vrai point de consensus a l'air d'être que l'Afrique est un continent (mais même là, je n'oserai pas demander si le Sinaï est en Afrique ou en Asie). Cette vidéo de la chaîne YouTube Map Men, en plus d'être assez hilarante comme tout ce qu'ils font, résume très bien la difficulté de définir ce qu'est un continent, certaines approches possibles choisies par telle ou telle culture. Cette page Wikipédia est plus précise (quoique moins rigolote), mais finalement ne nous apprend pas grand-chose de plus.

Je dis telle ou telle culture, mais j'imagine qu'il y a un certain nombre d'endroits où une définition officielle d'un continent est nécessaire. Je pense à des organisations internationales qui ont une convention officielle ou semi-officielle que leur chef, ou le lieu des réunions, effectue une rotation entre les continents (divulgâchis : ces organisations ne considèrent sans doute pas l'Antarctique comme un continent !).

Je suis sûr qu'il y aurait moyen d'écrire un livre fort intéressant sur l'histoire des cinq continents, depuis les anciennes cartes en TO montrant l'Asie en haut, l'Europe en bas à gauche et l'Afrique en bas à droite, d'un œcoumène ayant la forme symbolique d'un T inscrit dans un O, jusqu'à la découverte de la tectonique des plaques[#2] et après. Comment l'Éducation nationale française (si c'est bien le cas) s'est-elle retrouvée[#3] à enseigner que l'Oural précisément[#4] marque la distinction entre l'Europe et l'Asie (quelle est la genèse de cette idée ?) et que l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud sont un seul et même continent (qui a décidé ça et quand et pourquoi ?), voilà toutes sortes de questions fascinantes, auxquelles je n'ai pas la réponse. Si un tel livre existait, je le lirais volontiers[#5].

[#2] En passant par le fait que Martin Waldseemüller ait été apparemment le premier, vers 1507, à publier une carte donnant un nom au Nouveau-Monde, choisi en l'honneur d'Amerigo Vespucci, l'adoubant de fait en nouveau continent.

[#3] Apparemment un des responsables dans l'histoire est Philip Johan von Strahlenberg vers 1730, et sa ligne de séparation Europe-Asie aurait été adoptée officiellement par la tsarine Anne. Voilà des bribes d'information que je trouve un peu au hasard d'Internet, mais qu'un tel livre pourrait expliquer de façon précise avec des sources fiables.

[#4] Au moins au nord. Parce que je me rappelle parfaitement qu'on m'a dit à l'école primaire que la plus haute montagne d'Europe était en France parce que c'est le Mont Blanc, cocorico🇫🇷, mais c'est un double mensonge parce que d'abord la France a volé le sommet du Mont Blanc en rectifiant unilatéralement des cartes pour que ce ne soit plus le point de passage de la frontière avec l'Italie, mais c'est une autre histoire, et d'autre part parce qu'il semble quand même (maintenant ?) assez universellement admis que le mont Elbrouz (en Russie, dans le Caucase) est en Europe.

[#5] Comme lecture connexe, mais qui existe vraiment, je peux mentionner le livre La Terre plate : Généalogie d'une idée fausse de Sylvie Nony et Violaine Giacomotto-Charra, que j'ai lu il n'y a pas longtemps, et qui raconte l'histoire du mythe non pas que la Terre est plate (pour ça je recommande les documentaires Behind the Curve et In Search of a Flat Earth) mais celui que que au Moyen-Âge, les gens croyaient que la terre était plate (ce qui est tout aussi faux, pour autant qu'on interprète les gens comme l'essentiel des lettrés et pas une poignée d'illuminés). Ce livre mentionne au passage des questions sur la forme de l'œcoumène (et le fait que la forme de l'œcoumène n'est pas forcément la même chose que la forme de la Terre, d'où la confusion !) et la possibilité de l'existence d'autres régions habitées de la Terre. Mais je digresse.

Mais mon but ici n'est pas seulement de parler des cinq continents ou de l'histoire de cette idée, parce que je n'ai pas de lumière particulière à apporter là-dessus. Je pense que tous les lecteurs de mon blog (qui ont notamment lu ce billet que je référence maintenant quasiment à chaque nouvelle entrée) ont le recul nécessaire pour bien comprendre (ce que la vidéo de Map Men explique très bien) que :

Les frontières entre les continents sont largement arbitraires et conventionnelles. Il peut y avoir des raisons géographiques (géophysiques, démographiques, géopolitiques, culturelles, que sais-je) ou historiques pour penser qu'il est préférable de séparer ou réunir tel ou tel bouts de terre, de placer la limite à tel ou tel endroit, mais in fine il n'y a pas plus d'autorité qu'une sorte de tradition arbitraire et même pas bien définie pour décider que la bonne liste des continents est ceci plutôt que cela.

Maintenant voici une question qui me semble plus intéressante : quand et comment doit-on enseigner ça à l'école ? (par ça je veux dire, le paragraphe que je viens de mettre en exergue).

Et je ne parle évidemment pas que du cas des cinq continents qui n'est là que pour servir d'illustration à une idée plus générale.

On apprend plein de choses à l'école. Certaines sont des vérités objectives[#6] sur le monde (qui peuvent elles-mêmes être établies avec plus ou moins de certitude). D'autres sont des conventions. Parmi ces conventions, certaines sont simplement là pour des raisons historiques, culturelles ou traditionnelles. D'autres sont plus ou moins justifiées, par exemple pour la commodité, pour le besoin d'avoir une typologie utile dans tel ou tel but (auquel cas elles sont discutables dans leur adéquation à ce but ; mais il peut y avoir toutes sortes de compromis qui président au choix de la convention ; et bien sûr le fait de se mettre d'accord sur un terme commun, même s'il est imparfait, peut avoir une valeur supérieure à trouver la typologie idéale dans chaque situation).

[#6] Je sais qu'il y a des gens qui, pour des raisons politiques variées, voudraient faire croire que les vérités objectives sur le monde n'existent pas, ou sont tellement inatteignables que c'est tout comme (tout est politique donc l'objectivité n'existe pas). Je vois ça comme une forme de nihilisme (typiquement servant de prétexte, par exemple pour que, en politique, un certain candidat à l'élection présidentielle américaine de 2020, puisse prétendre avoir gagné en dépit des faits). Pour les cas de moins de mauvaise foi, c'est une instance de — devinez ce que je vais encore invoquer — le sophisme des sorites, dans sa version puisqu'il y a un tout petit peu d'arbitraire en tout [vrai], c'est que l'objectivité n'existe pas [faux].

Une chose que tout le monde doit finir par apprendre, c'est à étiqueter chaque information apprise à l'école avec une méta-information ceci est un fait objectif certain, ceci est une conjecture[#7], ceci est une convention arbitraire mais universellement admise, ceci est une convention arbitraire et qui n'a cours que dans ce pays, etc.

[#7] On pourra être surpris que je mette plus l'accent sur la méta-information objectif/conventionnel que sur la méta-information certain/incertain, qu'on peut considérer comme le fondement de la démarche critique. Je ne veux évidemment pas suggérer que ce n'est pas important d'apprendre à étiqueter les informations qu'on a par la méta-information de leur niveau de certitude (et, idéalement, une indication de la source de l'information). Mais j'ai l'impression — et les dialogues de sourds que j'ai entendus causés par un manque de recul à ce sujet — que la distinction entre fait objectif et convention arbitraire pose finalement plus de problème. En tout état de cause, le message essentiel est que la compétence essentielle est de prendre du recul sur les savoirs qu'on a reçus, et il y a évidemment plein de façons de faire ça.

À un moment, à l'école, on apprendra les cinq (ou six, ou sept, ou quatre) continents. À un autre moment (ou peut-être le même !), il faudra apprendre à qualifier ce savoir en se disant en fait, c'est une division assez arbitraire, même si elle est parfois utile à divers titres, et existe en de nombreuses variations ; alors que le fait que la Terre est ronde, lui, doit être mentalement classifié comme un savoir objectivement testable (et que même si on ne va pas le vérifier soi-même, on a confiance dans le fait que suffisamment d'autres gens l'ont fait pour en avoir une absolue confiance). La forme générale des continents aussi est un fait objectif ; mais le fait que le nord soit mis en haut sur les cartes, lui, est arbitraire ; mais le fait qu'il y ait un pôle de rotation de la Terre tout au nord, lui, il n'est pas arbitraire ; et ainsi de suite.

Je donnais dans un billet récent (plus exactement dans la note #14 de celui-ci) l'exemple de telles distinctions en grammaire : le fait que tu manges s'écrive normalement avec ‘s’ est un fait objectif (ce qui ne contredit pas le fait qu'il y ait des gens qui l'écrivent autrement, et que c'est dû à des raisons historiques arbitraires), tandis que le fait qu'on range manger parmi les verbes du premier groupe, lui, est un choix descriptif arbitraire.

En physique, le fait que la charge d'un proton et la charge d'un électron soient opposées est un fait objectif ; le fait que la première soit qualifiée de positive et la seconde de négative est une convention arbitraire due à un hasard historique.

En mathématiques, le fait que les deux diagonales d'un rectangle (défini comme un quadrilatère plan dont les quatre angles sont droits) aient la même longueur est un fait objectif, mais le fait qu'on ait décidé d'appeler rectangle une telle figure est un choix arbitraire. Une question qui revient par exemple dans l'enseignement pré-mathématique (à l'école maternelle) est de savoir si les carrés doivent être considérés comme des rectangles. (À ce sujet, voir ce fil Twitter et divers autres liés depuis lui.) Il y a des raisons de préférer définir mathématiquement un rectangle comme un quadrilatère plan dont les quatre angles sont droits plutôt qu'un tel quadrilatère qui se trouverait en plus ne pas être un carré ; mais ça reste un choix, qu'on a le droit de remettre en question.

Je pourrais multiplier les exemples comme ça.

Et bien sûr, l'étiquetage entre vérité objective et convention arbitraire n'est lui-même pas parfaitement net : c'est tout mon blabla sur le sophisme des sorites que je ne vais pas lier une troisième fois ici : très souvent, l'idée générale d'une distinction est une vérité objective, mais les détails de la classification sont une convention arbitraire.

Là où je veux surtout en venir, c'est que c'est une compétence essentielle que l'école doit, à mes yeux, enseigner, de savoir faire le tri entre ces différentes sortes de connaissances.

Je veux dire, vraiment essentielle. C'est peut-être même la chose la plus importante que l'école doit enseigner : pas les connaissances, mais l'esprit critique sur ces connaissances, qui commence par les étiqueter correctement quant à leur degré d'objectivité, de certitude, etc. Bref, les méta-informations (et surtout, la capacité à gérer les méta-informations) encore plus que les informations. Le recul par rapport à ce qu'on sait.

Cela fait partie de la maturité intellectuelle qui me semble bien plus importante pour le fonctionnement d'une société démocratique que n'importe quel savoir précis (ou toute forme de culture générale). Un enfant va devoir apprendre, un jour ou un autre, que papa et maman peuvent se tromper, que le professeur peut se tromper (mais que ce n'est pas pour autant une raison de remettre en cause tout ce qu'ils disent ni même de leur retirer le bénéfice du doute), et aussi que beaucoup des vérités auxquelles nous tenont dépendent avant tout de notre propre point de vue : c'est la première étape nécessaire pour devenir un citoyen éclairé.

Face à un fait on a le droit de demander comment on sait ça ?, mais face à une définition ou convention la question à se poser est plutôt pourquoi on a défini les choses comme ça ? et est-ce que c'était la meilleure convention possible ?.

Malheureusement, j'ai assisté à des discussions animées entre adultes sur des sujets qui, si ce n'était pas les limites des continents, étaient clairement du même ordre, et dans lesquelles personne n'avait le recul nécessaire pour dire c'est juste une convention arbitraire, personne n'a raison et personne n'a tort (ou au moins peut-être qu'on devrait vérifier qu'on est d'accord sur les définitions et sur qui fait autorité et pourquoi). Par exemple je suis sûr d'avoir assisté à une quasi-engueulade sur la question de savoir si le verbe aller était un verbe du premier groupe en français.

Et je suis aussi certain d'avoir assisté à des quasi-engueulades entre mathématiciens pour savoir si 0 est un entier naturel (ou s'ils commencent à 1). Notez bien qu'il est parfait légitime de s'engueuler pour savoir s'il est préférable de considérer 0 comme un entier naturel (cela simplifie l'énoncé de tel et tel et tel théorème : voilà des arguments valables sur une question valable), mais il est essentiel de bien distinguer cette question de quelle convention est préférable d'une question de vérité objective. (Bon, les mathématiciens qui s'engueulaient ne pensaient sans doute pas vraiment que c'était une vérité mathématique objective que 0 soit ou non un entier naturel, ils avaient forcément conscience de ce que ça a de conventionnel, mais l'engueulade prenait la forme telle qu'on ne l'aurait pas dit.)

Si vous ne me croyez pas, vous en avez certainement entendu sur la question de savoir si l'an 2000 faisait partie du XXe ou du XXIe siècle.

(Notez au passage le caractère tangent de l'affirmation il n'y a pas d'an zéro : c'est un fait objectif que les années universellement désignées comme 50 avant notre ère et 50 de notre ère sont distantes de 99 ans [en comptant de début d'année à début d'année] et pas, comme entre 50 de notre ère et 150 de notre ère, 100 ans. C'est une convention de ne pas avoir d'année zéro : mais on pourrait décider que l'année 0 de notre ère est celle qui précède 1 de notre ère, auquel cas c'est un autre nom de 1 avant notre ère, et en continuant de meme, l'année −50 de notre ère est l'année 51 avant notre ère. Donc il y a un fait objectif qui permet de dire que la convention arbitraire choisie par les historiens est vraiment lamentable et source de grande confusion, parce qu'ils n'ont pas utilisé le nombre zéro comme ils l'auraient pu. Mas le fait qu'il n'y a pas d'an zéro reste conventionnel.)

Je peux aussi donner l'exemple de savoir si l'expression 6÷2(1+2) vaut 9 ou 1, question pour laquelle je renvoie à ce fil Twitter et celui-ci ainsi que cette vidéo très bien expliquée : indubitablement il y a des gens qui trouvent le moyen de s'engueuler sur ce genre de questions sans avoir le recul nécessaire pour dire (ce qu'expliquent grosso modo les trois liens que je viens de faire) que c'est une convention assez arbitraire et que justement la convention n'est pas clairement définie pour de telles écritures qui sont malheureuses.

Ce que je ne sais pas, c'est comment ce recul nécessaire face aux savoirs — cette importance de l'étiquetage de l'information par la méta-information — devrait enseigné. J'imagine assez mal comment on pourrait faire un cours d'esprit critique (transverse aux disciplines), par exemple, et encore moins qui pourrait l'enseigner, mais peut-être que je me trompe. Peut-être que, plutôt qu'en faire un propos général, c'est quelque chose qu'il faut rappeler périodiquement aux élèves ou étudiants quand on introduit un « savoir ». Par exemple, peut-être que la première fois (ou seulement plus tard ?) qu'on parle des cinq continents il faut en profiter pour ouvrir une discussion avec la classe : pourquoi a-t-on cherché à diviser la Terre en continents ? est-ce que c'était la seule façon de faire ? est-ce que c'était la meilleure façon de faire ? est-ce que c'est important que tout le monde soit d'accord sur le découpage ? est-ce que c'est grave s'il y a de petites différences ? et ainsi de suite.

Pour prendre un autre exemple, qui doit forcément apparaître à un moment où un autre dans la scolarité d'un élève de primaire, la question de savoir si l'homme est un animal : c'est l'occasion possible d'expliquer qu'il n'y a rien qui, biologiquement, met l'homme fondamentalement à part des animaux, et donc que, du point de vue scientifique, même si on a le droit de définir les animaux comme excluant l'homme, ce serait aussi saugrenu que d'avoir un mots pour les animaux autres que les éléphants, et qu'en revanche, dans d'autres contextes (par exemple juridique, ou dans une certaine mesure dans la vie courante) il est très utile et pertinent d'avoir un mot faisant référence aux animaux autres que l'homme. En particulier, le même mot n'a pas le même sens selon le contexte, et ce n'est pas grave si on prend le soin de dire précisément quelle définition on prend.

Les élèves à qui j'enseigne sont bien plus âgés que les enfants qui apprennent parler des cinq continents ou de si l'homme est un animal. Malgré ça, même à un âge où ils ont certainement appris à prendre du recul par rapport à ce qui leur est enseigné, ça me semble important de signaler de temps en temps, par exemple, quand j'introduis une notation ou convention mathématique, si cette notation ou convention est idiosyncratique (c'est moi qui l'utilise juste pour ce cours), fréquente (beaucoup de gens font pareil mais il y a des désaccords) ou quasiment universelle.

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