David Madore's WebLog: Sur la réforme 2020 du permis moto, le permis en général, et questions adjacentes

[Index of all entries / Index de toutes les entréesLatest entries / Dernières entréesXML (RSS 1.0) • Recent comments / Commentaires récents]

↓Entry #2630 [older| permalink|newer] / ↓Entrée #2630 [précédente| permalien|suivante] ↓

(vendredi)

Sur la réforme 2020 du permis moto, le permis en général, et questions adjacentes

Méta (voire méta-méta) : Oh non, encore une entrée sur la moto ! En fait, pas tellement, puisque cette fois je vais parler des modalités du permis, mais laissez-moi d'abord expliquer pourquoi je tenais à écrire ça.

Méta (donc) : A priori le sujet ne me concerne plus puisque j'ai non seulement obtenu mon permis mais même fini par recevoir le bout de plastique qui l'atteste. Mais puisque, comme le documentateur frénétique que je suis, j'ai fait le boulot de service public, dans des entrées passées (à commencer par celle-ci) de décrire les épreuves comme j'aurais voulu qu'on me les expliquât, je me suis dit que mon devoir de service public s'étendait jusqu'à décrire aussi la réforme qui se profile à l'horizon (et qui a la conséquence irritante pour moi que ce boulot de service public aura été, en fait, assez inutile) : donc j'ai cherché à trouver des informations sur cette réforme (documentées de façon éparse et parfois incohérente entre des sources pas du tout officielles comme des vidéos YouTube), en me disant que j'allais les rassembler en une page écrite et trouvable sur Google avec une recherche comme réforme permis moto 2020 ou réforme permis A2 ou quelque chose comme ça ; et puis là, je suis tombé dans un monde parallèle où cette page existait déjà (alors que j'avais cherché, je vous jure !), et bien sûr c'est FlatFab de moto-securite.fr qui l'a écrite et il vous dit tout sur la réforme du permis A2 en 2020 (dans une page bien écrite et beaucoup plus complète que tout le reste de ce que j'ai trouvé, et dont le principal reproche qu'on peut lui faire est qu'il parle aussi de précédentes réformes donc on risque de croire que ce n'est pas la bonne ou de s'embrouiller). Du coup, cette entrée-ci n'avait plus de raison d'être, mais comme j'avais commencé à l'écrire et à ranter sur des sujets annexes, vous vous doutez bien que ce n'est pas ce qui allait m'arrêter de faire des phrases interminables.

Bref, n'ayant plus vraiment à faire le boulot de décrire cette réforme, je vais surtout évoquer quelques réflexions qu'elle m'inspire.

Mais pour rappeler quand même de quoi il s'agit, la forme actuelle, i.e., avant réforme 2020 (et depuis 2013), du permis A2 français (celui que j'ai obtenu et qui permet, à partir de 18 ans, de conduire des motocyclettes de puissance « intermédiaire » c'est-à-dire essentiellement ≤35kW) est la suivante : il comporte trois épreuves :

  • une épreuve théorique générale (l'ETG ou épreuve de code, j'avais raconté ça ici), commune à tous les permis français (et qu'on est dispensé de repasser si on a obtenu un permis dans les 5 dernières années, le code lui-même étant valable 5 ans) : il s'agit d'un QCM de 40 questions illustrées de photos ou de diapositives, portant sur des points de réglementation, de conduite d'une voiture, ou des questions générales de sécurité, et pour réussir l'épreuve il s'agit d'obtenir au moins 35 questions justes sur 40 ;
  • une épreuve hors-circulation (l'épreuve de plateau, j'avais raconté ça ici), elle-même subdivisée en cinq exercices (où on dispose de deux essais pour les trois du milieu) :
    • déplacement de la moto sans l'aide du moteur (ou poussette) + contrôle de l'état du véhicule (ou vérifications),
    • test de maîtrise à allure réduite (ou [parcours] lent),
    • test de maîtrise à allure plus élevée, partie freinage d'urgence,
    • test de maîtrise à allure plus élevée, partie évitement,
    • interrogation orale (ou fiches) ;
    chacun de ces cinq exercices est noté A, B ou C, sauf le premier qui ne peut être noté que A ou B, le C est éliminatoire, et la réussite de l'épreuve de plateau étant acquise lorsque le candidat obtient au moins deux A et aucun C ; le résultat est connu sur-le-champ ;
  • une épreuve de circulation, sur route (et très semblable à l'épreuve correspondante du permis voiture (B), mais avec un barème un peu différent ; j'avais raconté ça ici), notée sur 27 selon diverses catégories (la plupart pouvant donner lieu aux notes 3, 2, 1, 0 ou E, ce dernier étant éliminatoire) : pour réussir l'épreuve, il s'agit d'obtenir au moins 17/27 sans aucun E éliminatoire ; les résultats sont connus deux jours plus tard, et la date de début de validité du permis est celle de l'épreuve de circulation réussie (même si le plastique est reçu quelques mois plus tard).

Ces trois épreuves doivent être validées successivement : on ne peut se présenter à l'épreuve de plateau qu'une fois le code acquis, et à l'épreuve de circulation qu'une fois le code et le plateau acquis. Le code, une fois acquis, est valable pour une durée de cinq ans ou cinq présentation de chaque type d'épreuve (c'est-à-dire que cinq échecs au plateau ou cinq échecs à la circulation invalident le code qui doit alors être repassé) ; le plateau, lui, est valable pour seulement trois ans mais sans limitation de nombre de passages à l'épreuve de circulation (si on échoue cinq fois, on doit repasser le code, mais le plateau reste valable). [correction () :] Le code, une fois acquis, est valable pour une durée de cinq ans ou cinq présentation des deux types d'épreuves confondues (c'est-à-dire que cinq échecs aux deux épreuves pratiques réunies invalident le code qui doit alors être repassé) ; le plateau, lui, est valable pour seulement trois ans ou cinq présentations de l'épreuve de circulation (mais même si on doit repasser le code avant, le plateau éventuellement acquis reste valable dans ces limites). Je crois comprendre que le contenu de ce paragraphe ne sera pas modifié par la réforme, mais rien n'est certain.

En l'état actuel, le taux de réussite pour le permis A2 est de 64% à l'épreuve de plateau et 91% à l'épreuve de circulation ; pour comparaison, il est de 57% au permis B (chiffres pour 2017, France entière : source ici).

Les points essentiels de la réforme 2020 sont les suivants :

  • l'épreuve de code générale est remplacée par une épreuve de code spéciale moto (ETM : épreuve théorique moto), dont les modalités devraient rester, pour le reste, essentiellement les mêmes (40 questions sous forme de QCM), la différence essentielle étant qu'on posera des questions sur la circulation à moto plutôt qu'au volant d'une voiture, et le contenu recouvrera au moins le contenu des « fiches » d'avant la réforme ;
  • l'épreuve de plateau sera ramenée à un seul exercice, combinant le parcours lent, le freinage d'urgence, le slalom et l'évitement du plateau avant réforme, plus encore quelques demi-tours pour lier tout ça et quelques modifications marginales, en un unique parcours (long et compliqué !) noté en une seule fois ; les « fiches » sont supprimées (remplacées par l'ETM), et la « poussette » les vérifications sont déplacées à l'épreuve de circulation [mise à jour () : finalement, il semble que la poussette soit maintenue au plateau (et simplifiée), alors que les vérifications disparaissent complètement] ;
  • l'épreuve de circulation sera rallongée, de nouveaux éléments seront notés (la poussette et les vérifications, mais aussi la maîtrise de la trajectoire de sécurité dans les virages : le total de points serait probablement porté à 31, avec peut-être l'exigence d'obtenir au moins 23 ou 24 sur 31, tout ça semble encore mal défini) [mise à jour () : finalement, il semble que le total reste de 27, sans élément de notation supplémentaire, mais que le minimum pour réussir soit élevé à 21/27].

Il n'est pas clair quand cette réforme entrera en vigueur : on parlait du 1er janvier 2020, elle a été repoussée au moins au 1er mars, et peut-être au 1er juin [mise à jour () : finalement, il semble que ce soit le 1er mars, l'ETM étant mise en place immédiatement, et les nouvelles épreuves de plateau tout-en-un commençant le 18 mars]. Peut-être que certains des points évoqués ci-dessus seront redéfinis ou modifiés d'ici là, mais les grandes lignes devraient être les mêmes. Des mesures de transition seront probablement mises en place : vraisemblablement, les candidats inscrits avant la mise en place de la réforme auront pendant six mois(?) le droit de se présenter à l'épreuve de plateau avec un code général (ETG) et pas un code spécifique moto (ETM).

Il y a eu des rumeurs d'autres changements, comme le fait que les examinateurs puissent (ou doivent ?) eux-mêmes rouler à moto pour suivre les candidats, mais je suppose que ce sont des idées qui ont été lancées en l'air et qui n'ont abouti à rien.

Pour plus de détails, je renvoie à la page de FlatFab déjà liée ci-dessus, [ajout () :] cette page sur motoblouz.com et cette vidéo YouTube, ainsi que celle-ci qui présente spécifiquement le nouveau parcours plateau. [Voir aussi le fil Twitter qui finit ici.] [Mise à jour () : cette vidéo publiée récemment m'a permis de préciser/corriger certains points évoqués ci-dessus.] [Mise à jour () : encore une vidéo sur le sujet (avec le fondateur de l'auto-école où j'ai passé mon peris), qui précise un certain nombre de choses, et on voit notamment brièvement, à partir de 26′17″, défiler les documents explicatifs de la partie plateau.] [Mise à jour () : encore une vidéo qui défend l'idée que ce nouveau permis n'est pas plus dur.] Ce sont là mes sources principales (plus quelques discussions avec mes moniteurs pendant mes heures de conduite, et quelques autres vidéos YouTube par exemple celle-ci), et on peut se demander quelles sont leurs sources. Un mot à ce sujet :

Ça m'exaspère un peu que l'Administration elle-même soit muette sur cette réforme : même si rien n'est encore officiellement acté (au sens où aucun arrêté n'a été pris pour modifier les modalités de l'épreuve), ça me semble normal d'attendre un minimum de transparence sur les changements à venir. Autrement dit, je trouve qu'on serait en droit d'attendre un dossier officiel sur le site Web de la Sécurité Routière qui explique les modalités de la réforme et les enjeux auxquels elle essaye de se confronter, qui détaille les changements et explique leurs raisons, qui décrive précisément les nouvelles épreuves et le calendrier de leur mise en place, et qui précise les nouvelles consignes de notation. (Y compris, si tout n'est pas encore décidé, en précisant les points qui restent à définir.) Or il n'en est rien : les infos sont communiquées de façon officieuse à des représentants des auto-écoles (et peut-être quelques journalistes spécialisés) dans des réunions qui ne sont pas publiques, et on n'a que des rumeurs qui fuitent sur des forums ou des vidéos YouTube (voire des commentaires de telles vidéos).

Tout ça est vraiment problématique, parce que même si on peut prétendre que la réforme concerne avant tout les auto-écoles, et que les candidats seront de toute façon informés par elles, ce n'est pas vrai :

  • il est en principe possible de passer le permis A2 en candidat libre (faire ça dans les règles doit être sacrément compliqué pour toutes sortes de raisons, entre la difficulté de trouver une assurance, la nécessité de faire acheminer la moto d'examen et de trouver quelqu'un pour conduire le véhicule suiveur, mais c'est possible et des gens le font), et ces candidats libres ont autant que les élèves des auto-écoles le droit d'être tenus informés et de ne pas découvrir soudainement que l'épreuve qu'ils ont préparée n'est plus la bonne ;
  • les futurs inscrits, qui se renseignent parce qu'ils envisagent de passer le permis, ont aussi le droit de savoir à quelle sauce ils seront mangés, surtout pendant une période de transition où il est encore possible de s'inscrire à temps pour passer le permis « ancienne formule » (ou en bénéficiant de mesures transitoires) ;
  • et enfin, la manière dont on forme n'importe quelle catégorie d'usagers de la route est un sujet qui concerne tous les usagers de la route, donc en pratique, tout le monde (par exemple, les cyclistes ont le droit de se sentir concernés par la question de savoir si on enseigne bien aux apprentis motards à ne pas prendre les pistes cyclables ou empiéter sur les sas vélos aux feux rouges, et c'est précisément quelque chose qui devrait être mieux enseigné avec l'introduction d'un code spécial moto).

Bref, même si l'ordre juridique n'impose rien à l'Administration à part publier l'arrêté pertinent, il me semble vraiment souhaitable qu'elle fasse preuve de plus de transparence dans les travaux préparatoires. Je me suis déjà plaint qu'il était vraiment difficile d'obtenir des informations sur la manière dont étaient faites les questions de l'épreuve théorique générale, je vais pouvoir faire les mêmes remarques sur l'épreuve théorique moto quand elle apparaîtra, et sur l'ensemble du processus de décision.

La moindre des choses serait de se demander (et donc, pour l'Administration d'expliquer) pourquoi on fait une telle réforme. La motivation sous-jacente, je suppose, c'est que les chiffres de la sécurité routière concernant les accidents à moto ne sont pas bons, et surtout, baissent beaucoup moins que ceux concernant les accidents en voiture (je n'ai plus la source sous la main, donc je dis ça de mémoire, mais l'idée est là). D'où deux points d'action évidents (là aussi, c'est moi qui interprète) :

  • renforcer l'enseignement théorique avec un code spécial moto (qui mettrait en lumière les spécificités du véhicule plutôt que les enseigner au travers de « fiches » mal aimées),
  • rendre plus importante l'épreuve de circulation par rapport à celle de plateau.

Actuellement (avant réforme), l'épreuve de circulation est largement perçue comme une formalité : avec un taux de réussite au-delà de 90% (ce qui est quand même paradoxal eu égard à l'accidentologie que je viens d'évoquer), elle est considérée comme allant de soi, en tout cas pour les candidats qui ont déjà le permis B ; beaucoup d'auto-écoles (mais ce n'était pas le cas de la mienne) la prennent à la légère et se contentent souvent d'une seule séance de circulation, et même si on cherche des conseils en ligne (texte ou vidéo) sur la préparation du permis moto, il y en a plein sur le plateau et quasiment rien sur la circulation. C'est vraiment le plateau qui est perçu comme la partie difficile et significative du permis moto. (J'en veux pour preuve le nombre de messages que j'ai vus çà et là dont la teneur était quelque chose comme ça y est, j'ai eu mon plateau ! passage de la circulation prévu pour <tel mois>, et ensuite je m'achète <tel modèle de moto>, comme si l'échec à la circulation était à peine imaginable.)

Pourtant, de ce que j'ai compris des causes des accidents à moto, il s'agit beaucoup plus souvent de fautes de circulation (mauvaise prise d'information ou mauvaise anticipation des réactions des autres usagers) que de fautes de maniement du véhicule (et même parmi les fautes de maniement du véhicule, les plus courantes sont des sorties de virage, qui ne concernent pas vraiment un point enseigné sur le plateau). La réforme vise donc, de ce que je comprends, à corriger un peu ce déséquilibre, et on ne peut que l'applaudir : la partie « circulation » du permis A2 deviendra à la fois plus longue et plus difficile que celle du permis B (et il est certainement normal d'être plus exigeant à moto), et ne sera donc plus prise comme de la rigolade, même par ceux qui ont déjà le permis B.

Ceci étant, la réforme de la partie plateau laisse un peu perplexe. L'objectif, là, est de gagner du temps lors des passages sans vraiment alléger l'épreuve ; mais le résultat est un parcours extrêmement compliqué où on doit enchaîner dans le bon ordre un nombre incroyable de tours, demi-tours et autres passages entre des points imposés, et je suis persuadé qu'il y aura beaucoup de recalés pour fautes de parcours. On aura tendance à dire tout de même, le candidat est censé avoir passé au moins une douzaine d'heures de préparation de cet exercice, il peut bien mémoriser sans se tromper un parcours de quelques minutes, fût-il un peu complexe !, mais en fait, entre le dépaysement de se retrouver sur un plateau qu'on ne connaît pas, et le stress de l'examen, les fautes de parcours ne sont pas rares, déjà avec la formule actuelle, alors la formule trois-parcours-en-un qui est proposée risque d'être bien plus que trois fois pire. (Or s'il y a une compétence qu'on n'est pas censé être en train de tester, c'est la mémoire du candidat.) L'autre problème posé par un parcours unique et si compliqué, c'est de savoir comment les auto-écoles vont pouvoir le préparer : il me semble que la configuration standard actuelle (c'est ce que nous avions) est d'avoir en parallèle sur le terrain d'entraînement un plateau configuré pour le parcours lent et un autre pour les parcours rapides, ce qui permet de tourner assez vite (sur le parcours rapide, un seul élève passe en même temps ; sur le lent, on peut en avoir deux en parallèle sans trop de mal) ; avec ce nouveau parcours unique assez long à faire de bout en bout, il sera beaucoup plus difficile de ne pas se marcher sur les pieds (se rouler sur les roues ? enfin, vous me comprenez).

Quant à la réforme de la partie circulation, il faut se demander si les centres d'examens ne seront pas un peu submergés. La théorie est qu'on économise autant de temps sur la partie plateau qu'on en ajoute sur la partie circulation, mais dans la réalité ça ne se passera pas comme ça, les créneaux beaucoup plus longs seront plus compliqués à placer.

Par ailleurs, si cette réforme du permis A2 est certainement bienvenue pour la sécurité de tous, elle exacerbe une certaine contradiction entre la difficulté (accrue) du permis A2 et le fait que :

  • essentiellement aucune formation n'est demandée pour conduire un deux-roues motorisé de ≤125cm³ (motocyclette légère), i.e., l'équivalence du permis A1 : juste deux ans d'ancienneté du permis B et une formation de 7h en auto-école (non validée par un examen) ;
  • de même[#], il n'y a pas, en France, de nouvelle épreuve pour passer du permis A2 (motocyclettes de puissance intermédiaire) au permis A (toutes motos)[#2] : juste deux ans d'ancienneté du permis A2 et une formation de 7h en auto-école (non validée par un examen).

[#] Malgré la similarité formelle entre les deux points qui précèdent, le Club Contexte signale une différence importante, qui est que l'autorisation de conduire une moto de ≤125cm³ avec le permis B + 2 ans d'ancienneté + formation de 7h est une équivalence nationale du permis A1 qui n'est pas une vraie mention A1 sur le permis et n'est pas valable dans les autres pays, tandis que la passerelle vers le permis A qui s'obtient maintenant uniquement (voir la note suivante) avec le permis A2 + 2 ans d'ancienneté + formation de 7h, est, pour sa part, un vrai permis A, valable dans tous les pays qui ont la distinction entre catégories A2 et A, et notamment toute l'Union européenne.

[#2] Jusqu'en 2016 (éclaircissement : je veux dire, juste avant 2016, et en fait, depuis 2013, parce qu'avant c'était encore différent, cf. les commentaires) on pouvait passer directement le permis A si on était âgé d'au moins 24 ans. Depuis 2016, le permis A ne peut s'obtenir que par ce système : 2 ans d'ancienneté du permis A2 et une formation complémentaire (le A2 est donc en pratique une sorte de version probatoire du A même si, comme le signale la note précédente, le A est une vraie mention au permis qui nécessite de refaire le bout de plastique).

S'agissant du premier point, on peut arguer qu'il est un peu bizarre de rendre le permis A2 plus exigeant tout en donnant à tour de bras l'équivalence du permis A1 étant donné que les scooters sont quand même, en ville, ceux qui conduisent le plus mal (j'ai déjà dit tout le mal que je pensais des scooters ? ah oui, je l'ai déjà dit). La réponse d'un de mes moniteurs moto quand je lui ai demandé ce qu'il en pensait a été : oui, mais si on retirait le droit de conduire un scooter avec juste deux ans d'ancienneté du permis B, les gens conduiraient sans permis et ce serait encore pire : c'est un peu déprimant, mais il a sans doute raison.

Une autre incohérence dans le même genre est que les gens qui passent vraiment le permis A1 (c'est-à-dire des jeunes entre 16 et 18 ans, parce qu'au-delà ça n'a aucun intérêt de passer le A1 dont les épreuves sont exactement les mêmes que celles du A2 avec juste une moto de ≤125cm³) doivent repasser… exactement les mêmes épreuves[#3] quand ils passent le permis A2, mais que la même logique ne vaut pas pour passer du A2 au A. Il faudrait savoir : soit ça a un intérêt de revérifier les mêmes compétences sur une moto plus puissante, soit ça n'en a pas ; personnellement, je n'en sais rien, mais il est bizarre que la réponse soit différente pour A1→A2 et A2→A. (Bon, avec cette réforme, les détenteurs récents du permis A1 seront au moins dispensés de repasser l'épreuve théorique moto.)

[#3] Idem, pour passer du permis B1 (quadricycles lourds à moteur) au permis B, on doit tout repasser. Ce qui explique sans doute qu'essentiellement personne ne passe le permis B1 (221 candidats dans toute la France en 2017, soit même pas 0.015% de l'ensemble des candidats du groupe B).

Je ne sais pas, donc, si conduire une moto plus puissante est intrinsèquement plus difficile ou si elles sont juste plus dangereuses parce qu'on est plus tenté de faire des conneries avec. (La seule fois où j'ai eu une moto de 125cm³ entre les jambes, ça ne m'a pas semblé plus facile qu'une 500cm³, plutôt le contraire, même, je n'arrêtais pas de caler en ville et sur l'autoroute je ne me sentais pas du tout rassuré à cause du manque de réserve d'accélération.)

Quoi qu'il en soit, il y aurait une raison naturelle de faire un vrai examen lors du passage du permis A2 au permis A (comme c'est le cas pour ceux qui ont le permis A1 quand ils veulent passer le A), ce serait de vérifier que, deux ans plus tard, les élèves n'ont pas trop oublié les règles de circulation. Un de mes moniteurs moto me disait que, quand il enseigne la formation passerelle A2→A, il constate beaucoup de pertes de bonnes habitudes de circulation acquises deux ans plus tôt. L'idée de mettre un vrai examen à ce moment-là serait donc d'utiliser le changement de catégorie de puissance comme prétexte pour recontrôler les règles de circulation. Certes, moi personnellement ça m'ennuierait bien de devoir re-re-re-passer un permis, et sans doute de découvrir que je dois encore y passer 244 823 040 heures, mais je pense quand même que ce serait une mesure sensée. Mais, en l'état des projets, la réforme annoncée du permis concerne uniquement le A2 et pas la passerelle A2→A qui resterait acquise par une simple formation de 7h après 2 ans de permis A2.

Je me suis plusieurs fois dit que je devais faire le tour des pays européens pour chercher à savoir les modalités de délivrance de leurs permis de conduire (de toutes les catégories) : parce que si les catégories (AM, A1, A2, A, B1, B, C1, C, D1, D, BE, C1E, D1E et DE, regardez les pictogrammes au dos du bout de plastique — et, non, il n'y a pas de B1E et ça me perturbe) sont normalisées au niveau européen, les modalités d'accès à ces catégories ne le sont pas du tout. Malheureusement, c'est assez difficile d'avoir accès à ces informations, surtout si on ne sait pas lire 24 langues différentes. Il y a bien sûr des points communs (presque toujours au moins une épreuve théorique et au moins une épreuve pratique, et, s'agissant de la moto, en fait deux épreuves pratiques, une hors circulation et une en circulation), mais énormément de différences dans les détails. De ce que je comprends, dans la plupart des autres pays européens, on peut passer directement le permis A (comme c'était le cas en France avant 2016), en revanche, si on a déjà le A2, on n'obtient pas le A par une simple formalité ; et, qui sait, il y a peut-être même des pays où le permis B1 a une raison d'être, comment savoir…

↑Entry #2630 [older| permalink|newer] / ↑Entrée #2630 [précédente| permalien|suivante] ↑

[Index of all entries / Index de toutes les entréesLatest entries / Dernières entréesXML (RSS 1.0) • Recent comments / Commentaires récents]