David Madore's WebLog: Quelques impressions de Twitter

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(vendredi)

Quelques impressions de Twitter

Je me suis inscrit sur Twitter il y a 111 jours, et pendant ce temps j'ai tweeté 797 fois (environ 58% en français et 42% en anglais), dont 217 fois de façon initiale (je veux dire pas en réponse à un autre tweet, qu'il soit de moi-même ou de quelqu'un autre), et je ne sais évidemment pas combien j'en ai lu. Le moment est venu de faire un petit bilan.

L'intérêt principal que je vo(ya)is dans l'utilisation d'une plate-forme de microblogging est l'obligation de brièveté : 280 caractères[#] permet généralement d'exprimer une idée ou un slogan, ou d'attirer l'attention, mais pas de développer. Autrement dit, côté écriture : me permettre d'écrire des choses courtes et m'obliger à le faire.

[#] Enfin, c'est un peu plus compliqué que ça, tous les caractères Unicodes ne sont pas égaux pour Twitter depuis qu'ils sont passés de 140 à 280. Disons qu'on a droit à 280 « unités », où chaque caractère compte pour deux « unités », sauf certains blocs qui comptent pour une seule « unité » par caractère : essentiellement, les langues alphabétiques (tous les blocs Unicode jusqu'à la fin du georgien, donc en gros : latin, grec, copte, cyrillique, arménien, hébreu, arabe, syriaque, thaana, n'ko, samaritain, mandéen, langues brahmiques, sinhala, thaï, laotien, tibétain, birman et georgien ; mais l'éthiopien, le khmer et le mongol, par exemple, ne bénéficient pas de ce privilège) plus une sélection bizarre de ponctuations (en gros : diverses espaces, les tirets et guillemets courbes et, allez savoir pourquoi, les primes ; mais les points de suspension comptent pour deux, ainsi que le point d'énumération, l'obèle et quelques autres caractères dans le coin). Voir ici pour ma source.

Évidemment, rien ne m'interdit d'écrire une entrée sur mon blog qui ne dépasse pas une centaine de caractères. Je l'ai déjà fait par le passé — quand je m'obligeais plus ou moins à écrire au moins une entrée par jour, on peut même presque dire que ce blog a commencé comme du microblogging. Mais je n'aime plus trop l'idée, et l'entrée la plus courte que j'aie écrite ces dernières 5 années ne tient pas dans un tweet. (J'avais envisagé de créer des entrées d'un type différent, présentées différemment, pour les contenus très courts, et c'est là que je me suis dit que j'étais trop flemmard pour coder ça, et que le mieux était en fait d'utiliser ce que tout le monde utilise, quitte à mettre en place une archive sur mon site. Dont acte.) Du coup, j'écris sur Twitter des choses que je ne mettrais pas trop ici. Par exemple, je pourrais éventuellement imaginer écrire une entrée dans mon blog pour cette série de petites définitions ou encore une réflexion comme ça voire une semi-blague comme ceci ; je l'imagine plus difficilement pour des blagues comme ça ou ça ou des petites râleries aléatoires comme ça ou des minuscules faits comme celui-ci.

Pour ce qui est de m'obliger à la concision, je pense que c'est un exercice intéressant, même s'il est parfois frustrant, d'être tenu à une limite de ce genre. (Cela permet d'apprendre à écrire tel père tel fils plutôt que conformément aux principes généraux de l'héridité, il est fréquent qu'on puisse facilement constater une similarité marquée entre un individu et sa progéniture naturelle — moi j'ai plutôt tendance à écrire la seconde phrase.) Ou, même si on décide de déborder d'un seul tweet en un « fil », de faire l'effort de les découper soi-même et de s'en tenir à une idée par message (comme ce que j'ai cherché à faire ici dans une sorte de « conversion » de cette assez longue entrée de blog).

Secondairement, partager des liens (par exemple comme ça) : avant de me créer un compte Twitter, j'envoyais un peu aléatoirement sur un forum à l'ENS ou par mail à telle ou telle personne, ou en message privé (souvent à mon poussinet) des liens vers un article que j'aurais trouvé particulièrement intéressant, une vidéo que j'aurais trouvée particulièrement débile, etc. Idée géniale : utiliser Twitter à la place de tout ça ; résultat : une possibilité supplémentaire. Mais bon, ce n'est pas un mal.

Et tertiairement, me permettre éventuellement d'interagir avec des personnes qui sont déjà sur Twitter, voire, interpeller telle ou telle compagnie ou institution qui se préoccupe de sa présence sur les « réseaux sociaux » (exemple).

Voilà pour le côté écriture. En lecture, je m'attendais essentiellement aux mêmes choses que ce que je comptais écrire, avec l'idée que je pourrais certainement suivre plus de gens sur Twitter que je ne pourrais raisonnablement lire de blogs ou quoi que ce soit. C'est partiellement vrai, mais c'est surtout en lecture que je ne suis pas content de Twitter (et je ne veux pas dire que c'est parce que tout le monde n'écrit pas des choses aussi géniales que moi…).

Je ne vais pas insister sur le côté propriétaire de la plate-forme. Je n'en suis pas content, mais au moins une API minimale est disponible me permettant commodément d'extraire ce que j'ai moi-même écrit, ce qui est la barre à partir de laquelle je considère que le compromis est possible : je préférerais certainement quelque chose de plus ouvert, mais s'il n'y a personne sur cette plate-forme ouverte, l'intérêt est limité. Facebook me pose beaucoup plus problème (je ne veux pas développer ici et maintenant), et c'est pour ça que je ne m'en sers pas, mais je sais qu'il est problématique de ne pas « être » sur Facebook, et du coup, les gens qui s'en servent m'embêtent d'un certain point de vue (en le maintenant en vie et en y mettant du contenu auquel je ne peux pas vraiment accéder) : je suis donc ennuyé de me dire que j'embête des gens en utilisant Twitter. Mais au moins Twitter, contrairement à Facebook, n'oblige pas à avoir un compte pour une utilisation minimale en lecture seule (et, là aussi, c'est une barre en-deçà de laquelle je n'accepterais pas de m'en servir). À cela se mêlent des considérations politiques pas forcément évidentes, et je ne vais pas non plus rentrer là-dedans maintenant.

Ce qui me pose surtout problème est le peu de contrôle qu'on a, en lecture, sur ce que Twitter vous montrera. Tout ce qu'on peut faire est choisir de « suivre » ou de ne pas suivre tel ou tel utilisateur. Si on suit un utilisateur, on verra, je crois, la totalité des fils qu'il démarre, la totalité de ce qu'il « retweete » (retweeter consistant justement à rediffuser un tweet aux personnes qui vous suivent), et une sélection apparemment aléatoire des tweets qu'il « aime » ainsi que des réponses qu'il fait à d'autres tweets. (Si B répond à un tweet de A, je crois que cette réponse sera vue par tous ceux qui suivent à la fois A et B — cas rare —, mais aussi par une certaine proportion de ceux qui suivent seulement B : tout ça est extrêmement confus.) La manière dont Twitter décide de vous montrer ou non les tweets que quelqu'un que vous suivez a « aimé » est complètement non documentée et mystérieuse. (Et donc, symétriquement, si vous décidez de marquer que vous « aimez » un tweet, vous ne pouvez ni considérer que cette action se manifestera chez ceux qui vous suivent ni considérer le contraire.) Pire encore, aléatoirement, Twitter choisit de vous montrer certains tweets de personnes suivies par des gens que vous suivez (i.e., suivies au niveau 2, si on veut), et là non plus, on n'a aucun contrôle sur la manière dont ça se fait.

En principe il y a un mécanisme par lequel on peut dire qu'on n'aime pas un tweet (il est caché dans un petit menu contextuel), et peut-être que ça persuade les algorithmes opaques de la plate-forme de ne plus vous montrer ce genre de choses, mais c'est tout à fait incertain.

Tout ça est assez irritant. Il y a des gens dont je suis intéressé à voir ce qu'ils écrivent mais dont je ne veux pas voir tout ce qu'ils retweetent, ou peut-être pas du tout ce qu'ils « aiment ». A contrario, tant qu'à implémenter des sélections aléatoires, il y a des gens dont je pourrais vouloir voir une petite sélection choisie de ce qu'ils écrivent, mais pas tout. Or on est coincé avec cette logique binaire : suivre ou ne pas suivre. (Si je devais concevoir la plate-forme, je proposerais un réglage avancé dans lequel pour chaque personne qu'on suit et pour chaque catégorie parmi « tweets initiaux », « réponses », « retweets » et « tweets aimés », on pourrait soit choisir de voir soit une proportion entre 0 et 100% de ce que la personne émet, soit un maximum par jour, la sélection précise étant ensuite faite par des heuristiques quelconques. Faute d'avoir de telles options, je préfère ne suivre qu'un nombre très limité de personnes.)

Ajout () : On me signale qu'il y a moyen de ne pas voir les retweets par quelqu'un : il faut aller dans le menu de son profil et choisir turn off retweets. Par ailleurs, je dois venir d'un univers parallèle, parce que je découvre seulement maintenant qu'il y a aussi, dans le menu contextuel d'un tweet une entrée show less often qui a l'air très intéressante (sous réserve qu'elle marche, ce qui n'est pas certain…) et qui permet de demander de voir moins de son auteur, y compris par type (retweets, par exemple), bref, ça colle vaguement avec ce que je demandais ci-dessus. Alors soit Twitter a lu mon blog et réagi très vite, soit je suis passé dans un monde parallèle où mon vœu était exaucé. Toujours est-il que je vais pouvoir suivre un peu plus de monde, comme ça. • Re-ajout : Argh ! Cette option vient de disparaître ‽ Je voyage décidément entre univers parallèles. (Plus sérieusement, Twitter doit être en train d'expérimenter, peut-être sur un petit ensemble d'utilisateurs ou quelque chose comme ça.)

Mais ce n'est pas tout. Il y a un manque criant d'organisation. Aucun mécanisme n'est proposé, par exemple, pour catégoriser ce qu'on tweete. Ça veut dire que quelqu'un qui me suit verra tout ce que j'écris, et je ne peux pas l'aider à ne voir que certains sujets qui l'intéresseraient plus que d'autres (les hashtags pourraient servir à ça, mais ça a l'air très peu pratique à part si on veut parler d'un sujet qui « fait le buzz », et de toute façon ça ne permet pas de filtrer). Il ne semble même pas y avoir de mécanisme pour trier selon la langue : c'est con, parce que je tweete à la fois en français et en anglais. (D'ailleurs, devrais-je me créer un deuxième compte, de façon que l'un parle spécifiquement anglais et l'autre spécifiquement français ?)

Et c'est là que c'est très différent d'un blog. Si quelqu'un lit un blog régulièrement, même si la moitié ou les deux tiers des entrées ne l'intéressent pas, ce ne sera pas gênant, parce que le temps qu'il faut pour lire le titre et les quelques premiers mots et se rendre compte qu'on n'est pas intéressé est extrêmement court eu égard à la longueur totale de l'entrée (et donc par rapport à la fréquence à laquelle l'auteur peut en publier). Alors que pour un tweet, on va de toute façon tout lire : on ne peut pas commencer à lire et se rendre compte que ce n'est pas intéressant (tout au plus, on ne va pas suivre le lien ou ne lire que le premier tweet d'un fil). Pour dire les choses autrement, le coût de lecture d'une entrée de blog inintéressante est négligeable par rapport au coût de lecture d'une entrée de blog intéressante, tandis que le coût de lecture d'un tweet est le même dans tous les cas (très faible individuellement, mais il y en a beaucoup plus). Donc il serait vraiment important (plus important que pour un blog) d'avoir des mécanismes de sélection ou de catégorisation un peu fins pour les tweets. Mécanismes que Twitter, justement, ne propose pas.

La manière dont les fils se déroulent est aussi extrêmement confuse. De ce que je comprends, chaque tweet a un pointeur optionnel (in_reply_to_status_id dans l'API) d'un tweet auquel il est une « réponse » : quand on affiche un tweet (par son permalien, disons), on affiche aussi tous ses ancêtres (celui auquel il répond, celui auquel celui-ci répond, etc.) ainsi que ses fils (ceux qui lui répondent — sauf s'il y en a trop) et, pour chaque fils, au plus un fil de descendance (petit-fils, arrière-petit-fils, etc.) directement en-dessous, la manière dont cette descendance est choisie est assez obscur (dans le cas où le fils a lui-même plusieurs fils… je crois que Twitter privilégie les réponses à soi-même, et, à défaut, utilise d'autres heuristiques, mais je ne les comprends pas bien). Le nombre total de fils (=réponses) est indiqué en-dessous de chaque tweet, certes, mais on n'a pas de moyen d'avoir en un seul coup d'œil une vision un peu plus large de l'arbre : Twitter privilégie le parcours en profondeur.

Le retweet est encore plus confus, il en existe plusieurs sortes différentes (au moins trois, dont une a l'air obsolète). On peut soit retweeter simplement (le retweet lui-même est alors techniquement un tweet commençant par RT, mais il n'est jamais montré), soit retweeter-avec-commentaire (ce qui a l'air complètement équivalent à créer un tout nouveau tweet en citant tout simplement l'URL du permalien du tweet qu'on est en train de citer/retweeter). Dans le premier cas (retweet-sans-commentaire), l'auteur du tweet retweeté reçoit une notification et le dénombrement des retweets est affiché sous le tweet d'origine. Dans le second cas, l'auteur du tweet cité/retweeté reçoit ausssi une notification, mais c'est tout : il n'y a pas l'air d'y avoir le moindre mécanisme pour savoir où ni combien de fois un tweet a été cité de telle manière (c'est-à-dire que les liens ainsi créés sont effectivement unidirectionnels). Bref, on se retrouve avec un graphe avec deux types de liens (réponses et retweets) qui sont très différents mais quand même utilisés vaguement dans le même sens, et qui ont un effet très différent sur la dynamique sociale (si on répond à un tweet de A, on sera surtout vu par les gens qui suivent A et qui regarderont le fil, tandis que si on le retweete pour y répondre, on sera vu par les gens qui vous suivent et complètement indétectable du fil de départ). Quel bordel !

(À titre d'exemple, aujourd'hui, je me suis laissé entraîner à écrire plein de choses, trop même, sur le kilogramme — essentiellement des choses que j'avais déjà racontées sur ce blog — et elles sont vraiment difficiles à retrouver si on part de la racine du fil : on ne trouvera pas facilement ce bout de réponse ou celui-ci ou celui-ci. Peut-être que je devrais créer un « moment » Twitter pour organiser les différentes réponses que j'ai postées, mais bon, je ne sais pas si ça en vaut la peine. Maintenant, Twitter lui-même a créé un « moment » de ce fil, dans lequel un de mes tweets apparaît, qui n'est pas spécialement plus intéressant que le reste d ece que j'y ai dit, mais qui a reçu énormément plus de vues pour avoir été inclus dans ce moment. Je vais revenir ci-dessous sur le caractère aléatoire du succès, puique c'est un de mes dadas.)

Il va de soi qu'essayer de retrouver un tweet qu'on a vu passer est mission impossible. Stupidement, Twitter n'offre aucun mécanisme pour sauver « pour soi-même » (c'est-à-dire sans que ça puisse être vu par d'autres) une ou plusieurs liste de tweets qu'on aurait envie de relire ultérieurement ou de garder pour plus tard. (On peut utiliser le navigateur pour ça, mais ce ne sera pas partagé de façon aussi commode.)

Bon, après, il y a les problèmes avec ce que les gens écrivent.

Il y a les gens qui sont en mode « disque rayé » : on a l'impression que tout ce qu'ils écrivent est toujours essentiellement le même message, ressassé inlassablement dans d'innombrables variations qui peuvent tenir en 280 caractères. (Je ne donnerai pas d'exemple pour ne fâcher personne — même si en fait ce n'est pas vraiment une critique — mais disons que ce sont souvent des messages à tonalité politique, je vais y revenir.) Moi ça m'intéresse assez peu d'entendre le même message répété encore et toujours : je veux bien le voir une fois de temps en temps quand il est particulièrement bien dit ou qu'il change un peu. Mais bon, je conçois que ce que j'écris soit aussi pénible pour des raisons symétriques : personne ne s'intéressera exactement aux mêmes choses que moi (j'imagine que certains de ceux qui me suivent espéraient lire des maths et trouvent chiant que je parle de N sujets qui n'ont rien à voir, et j'imagine encore plus facilement que quelqu'un ne parlant pas français n'ait pas envie de suivre quelqu'un dont 60% des tweets sont en français), or comme je le dis plus haut, s'il est facile de ne pas lire une entrée de blog, il est plus difficile de ne pas lire un tweet. Le problème n'est donc pas de la part des gens qui écrivent, le problème vient de Twitter qui n'offre aucun mécanisme pour organiser tout ce bordel.

Je reste quand même assez perplexe quant à ceux qui parlent de politique sur Twitter, et il doit y en avoir beaucoup parce que même sans les rechercher particulièrement (disons au contraire que j'essaie de les éviter), je tombe souvent dessus. Je ne comprends vraiment pas ce qu'ils cherchent à faire. Il me semble que si on veut parler politique, comme les enjeux sont complexes et tout dans la nuance, il est important d'écrire des textes longs et structurés (auxquels on pourra se référer ultérieurement, éditer pour incorporer de nouvelles idées, etc.), c'est-à-dire précisément ce que Twitter ne permet pas de faire. Tout le contraire de répéter un message concis, quoi. (Dans cet ordre d'idées, voir ce que Chomsky dit ici au sujet de la concision.)

Je ne sais même pas si les gens qui parlent politique sur Twitter cherchent le débat ou le renforcement de leurs propres idées. Le débat honnête a l'air proprement impossible : les messages brefs favorisent les raccourcis d'idées et les blagues assassines, tout le contraire de ce que je suggère ici pour parler à des gens d'opinions politiques différentes ; Twitter encourage à la joute oratoire, qui ne peut que déboucher sur les insultes, un « blocage » mutuel et un retranchement sur ses propres idées. (On peut imaginer que ce soit ce que recherchent les participants, bien sûr, de s'amuser à s'engueuler, mais vu le nombre de fois où j'ai entendu des plaintes au sujet de l'ambiance « toxique » sur les médias sociaux, j'en doute.)

Quant à renforcer ses propres opinions, j'avoue que je ne comprends pas trop bien l'intérêt : je ne dis évidemment pas qu'il faut s'abstenir de lire tout texte politique avec lequel on est d'accord, mais il me semble que cela ne peut être intéressant que si le texte est assez long, fournit de nouvelles perspectives et de nouveaux arguments (et on ne sera évidemment jamais d'accord avec 100%). Franchement, lire des tweets exprimant des opinions politiques avec lesquelles on est déjà d'accord a l'air au mieux profondément inutile et peut au pire conduire qu'à l'effet « caisse de résonance idéologique » où tout un groupe de gens d'opinions proches se congratulent les uns les autres, voire, jouent à holier-than-thou et se renforcent donc dans leurs opinions, interdisant toute nuance ou toute remise en question.

(Bon, on pourrait m'accuser d'hypocrisie, parce que j'ai retweeté un certain nombre de messages de Julia Reda autour de la proposition de directive européenne sur le copyright. Je regrette vaguement de l'avoir fait, mais disons que j'ai au moins essayé de m'en tenir à des messages qui, au-delà de l'opinion qu'ils exprimaient, apportaient une information objective sur l'avancement du débat.)

Le seul usage intéressant que je peux imaginer de Twitter en politique consiste à trouver un groupe de personnes d'opinions politiques avec lesquelles on n'est pas d'accord et de les suivre sans jamais leur répondre, pour essayer de comprendre comment ils pensent ; mais je doute vraiment qu'il y ait grand-monde qui fasse ça. (J'ai essayé un peu, et pour commencer, Twitter ne rend pas vraiment facile la recherche.)

Mais bon, peut-être que j'ai raté quelque chose. Je veux bien que les gens qui sont sur Twitter pour échanger politique m'expliquent un peu mieux les raisons de leur démarche : ce qu'ils espèrent faire exactement, avec qui ils cherchent à discuter, etc.

(Je précise que je ne vise pas une idéologie politique en particulier. Je pense que le problème est largement transverse.)

En fait, il y a une autre raison pour laquelle la politique sur Twitter m'agace, c'est que la plupart des messages à tonalité politique qui m'arrivent malgré mes efforts pour les éviter sont rédigés de manière tellement orientée par la grille de lecture de leur auteur ou codés par des références partagées par la « caisse de résonance » que, tout simplement, je ne les comprends pas — je suis incapable de dire si je suis d'accord avec ni même de quoi ils parlent. Un exemple au pif : ce fil (qui n'est pas apparu dans ma vue, mais beaucoup d'autres tweets du même auteur l'ont fait, qui me semblaient comparables) : je n'ai tout simplement aucune idée de ce dont il est question (ça a l'air de faire référence à une polémique dont je n'ai pas le pointeur, et aucun effort n'est fait pour fournir le pointeur en question ou rappeler le contexte général, probablement parce que tous les gens à qui c'est adressé savent déjà). Ou pour donner un exemple différent, ce tweet-ci : je crois que le hashtag #TraduisonsLes y est censé vouloir dire que l'opinion exprimée au premier paragraphe est là pour être dénoncée, mais je ne comprends rien au second paragraphe et notamment pas son rapport avec le premier. Tout ça n'est pas un reproche aux personnes qui écrivent ce genre de choses (et notamment pas aux auteurs des deux exemples que j'ai donnés), mais c'est un reproche à Twitter, qui n'est pas foutu de ne pas me montrer des choses qui ne sont visiblement pas destinées pour moi.

Il en va de même des sujets qui « trendent »(?) : par exemple quand sont apparus plein de messages avec le hashtag #PasDeVague, chacun faisait référence à une sorte de contexte commun, mais aucune explication sur ce qu'était ce contexte, et il m'a fallu longtemps pour comprendre de quoi tout ça était question (qui ne doit pas faire de vague où ?). De nouveau, la faute n'est pas tant aux gens qui écrivent qu'à Twitter qui n'offre pas vraiment de mécanisme par lequel on pourrait commodément donner un contexte. Alors évidemment, le #ClubContexte apprécie (vous comprenez maintenant pourquoi il s'appelle comme ça ?), mais moi pas. J'ai souvent l'impression d'être complètement largué dans la conversation.

Enfin, une autre impression que je trouve vraiment désagréable, mais cette fois-ci je ne sais pas si Twitter pourrait vraiment y faire quelque chose, c'est évidemment et comme toujours le caractère aléatoire du succès (oui, je sais que papy Ruxor radote) : le « succès » d'un tweet (en nombre de vues) ou d'une personne sur Twitter (en nombre de « suiveurs ») est tellement peu corrélé à toute mesure de qualité intrinsèque (quelle que soit la manière dont on la définit) et tellement dû au hasard de l'effet « boule de neige » que ça en devient souvent vraiment risible. Parmi les cas vraiment ridicules, j'ai vu passer plusieurs exemples où un message de A avait une réponse de B disant quelque chose comme ah oui vous avez raison, bonne remarque, et ce dernier recevait beaucoup plus de marques d'approbation que le message auquel il répondait — sans doute parce que les personnes suivant B étaient plus nombreuses dans le fil, ou simplement parce que B est une célébrité quelconque donc tout ce qu'elle écrit reçoit un nombre faramineux de « like ».

Ah oui, les célébrités… Twitter doit être encore plus pénible pour elles, parce que les interactions doivent être essentiellement impossibles quand tout ce qu'on écrit reçoit des zillions de réponses sans intérêt. (Et ça doit sans doute faire fuir les plus intéressants, en plus : personnellement, je ne vais pas chercher à interagir avec quelqu'un dont je sais que je n'ai essentiellement aucune chance de me faire entendre.) Je pense que si j'étais ne serait-ce que modérément connu, je me créerais un deuxième compte pour pouvoir vraiment interagir, incognito, avec les gens (du genre, poster un message général sous le compte connu de tous, apporter des précisions interessantes sous le compte inconnu, et interagir ensuite avec les gens qui auront répondu à ce second message et pas au premier).

Bon, bref, Twitter n'est pas trop mal en écriture, mais vraiment pas terrible en lecture.

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