David Madore's WebLog: Jouons maintenant avec le groupe de Weyl de F₄ parce que c'est plus facile

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(vendredi)

Jouons maintenant avec le groupe de Weyl de F₄ parce que c'est plus facile

Cette entrée est la petite sœur de la précédente : après avoir écrit cette dernière, je me suis rendu compte (et on me l'a par ailleurs fait remarquer dans les commentaires) qu'il y a une version plus simple de ce dont j'y parlais et que j'aurais pu évoquer. Du coup, je vais essayer de le faire ici, en utilisant massivement le copier-coller et le recherche-remplacement. Ce que je ne sais pas, c'est s'il vaut mieux lire cette entrée-ci, ou la précédente, ou les deux en parallèle ou dans un certain ordre (bon, la réponse est peut-être bien « aucune des deux »).

Note : Principales modifications systématiques par rapport à l'entrée précédente : 8→4, E₈→F₄, D₈→B₄, 696 729 600 → 1152, et (0,1,2,3,4,5,6,23) → (½,3⁄2,5⁄2,11/2) ; il n'y a que trois vecteurs dans ma liste finale au lieu de 135 ; les contraintes de parité de changements de signes disparaissent (et du coup trouver un représentant dominaint pour W(B₄) consiste juste à passer aux valeurs absolues et à trier) ; l'opération de soustraire à chacune des huit composantes le quart de la somme de toutes devient soustraire à chacune des quatre composantes la moitié de la somme de toutes. Mais il y a quelques autres différences par ci par là, comme le fait que le système de racines est un tout petit peu plus compliqué à définir (c'est bien la seule chose qui se complique). ⁂ Ah, et puis sinon j'ai un problème typographique, qui est de savoir comment représenter agréablement des demi-entiers : il y a un symbole magique ½ pour un demi, qui est bien pratique parce que ça apparaît souvent, pour trois demis et cinq demis on peut utiliser le U+2044 FRACTION SLASH et écrire 3⁄2 et 5⁄2 ce qui si vous avez la bonne police apparaîtra peut-être comme une jolie fraction ; mais pour 11/2 je ne peux pas vraiment faire mieux qu'avec un bête U+002F SOLIDUS, parce que si je mets U+2044 FRACTION SLASH à la place, la sémantique est celle de (et ça apparaîtra exactement comme ça sous certaines polices), soit un-et-demi. Du coup, j'ai le choix entre cette écriture (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) qui est bien moche, ou bien écrire (1/2, 3/2, 5/2, 11/2) mais alors il y a à la fois du ½ et du 1/2 pour le même nombre, c'est bizarre ; et si j'écris 1/2 partout, le vecteur (1/2, 1/2, 1/2, 1/2) est quand même moins lisible que (½, ½, ½, ½). Remarquez, je pourrais écrire 1½ pour trois demis et 2½ pour cinq demis, mais les matheux détestent ça en général (vu que 2·½ c'est 1 et pas 5/2). Pfff, que c'est pénible, les petites crottes de ragondin.

Partons de quatre nombres (= un élément de ℝ⁴) ; pour que ce que je raconte ne suppose aucune connaissance mathématique particulière, je précise que j'appellerai ça un vecteur et j'appellerai composantes du vecteur les quatre nombres en question. Par exemple (1, 0, 0, 0), ou bien (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) sont des vecteurs avec lesquels on va pouvoir jouer (ces exemples vont être intéressants pour la suite ; et oui, c'est bien un 11/2 que j'ai écrit à la fin, bear with me, ce n'est pas une blague dans le style quel est le quatrième nombre qui complète la suite : ½, 3⁄2, 5⁄2… ?c'est évidemment 11/2). Maintenant, à partir de ce vecteur, imaginons qu'on ait le droit de faire, autant de fois qu'on veut, et dans n'importe quel ordre, les opérations très simples suivantes :

  • permuter ses composantes — c'est-à-dire les réordonner — de n'importe quelle manière (par exemple, on peut transformer (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) en (3⁄2, 11/2, 5⁄2, ½), ce sont les mêmes nombres écrits dans un ordre différent),
  • changer le signe — c'est-à-dire transformer en leur opposé, remplacer moins par plus et vice versa — d'un nombre quelconque des composantes (par exemple, on peut transformer (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) en (½, −3⁄2, −5⁄2, −11/2), j'ai changé le signe de trois composantes),
  • soustraire à chacune des quatre composantes la moitié de la somme de toutes (par exemple, ceci transforme (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) en (−9⁄2, −7⁄2, −5⁄2, ½) : la somme des nombres était (½)+(3⁄2)+(5⁄2)+(11/2)=10 donc j'ai soustrait 5 à chacun).

Voilà qui n'est pas bien compliqué. Pour fixer la terminologie les opérations des deux premiers types que je viens de dire seront appelées opérations de W(B₄) tandis que les opérations des trois types seront dites opérations de W(F₄) (je n'essaye pas du tout de définir ce que c'est que W(B₄) ou W(F₄), en tout cas pas pour le moment, ce sont juste des termes à considérer comme un bloc).

Les opérations de W(B₄) sont assez faciles à comprendre, en réfléchissant un peu on arrive assez facilement à voir ce qu'on peut faire avec (une description plus précise sera donnée plus bas, notamment, de quand on peut passer d'un vecteur à un autre par ces opérations). Celles de W(F₄), c'est-à-dire si on permet la troisième opération que j'ai dite, sont déjà plus mystérieuses mystérieuses : je vais donner quelques exemples ci-dessous ce qu'on peut faire avec.

La question générale est, que peut-on atteindre en appliquant les règles qui viennent d'être dites ? Autrement dit, partant d'un certain vecteur initial, quels vecteurs va-t-on pouvoir fabriquer avec les opérations qui viennent d'être dites (et combien y en a-t-il) ?

Pour prendre un exemple vraiment idiot, si le vecteur d'origine était (0, 0, 0, 0), on ne va pas très loin, il reste identique à lui-même sous l'effet de n'importe laquelle des opérations que j'ai décrites, et donc c'est la seule chose qu'on pourra atteindre.

Si le vecteur de départ est (1, 0, 0, 0), les opérations de W(B₄) (i.e., celles les deux premiers types) permettent de le transformer en n'importe quel vecteur ayant une composante égale à +1 ou −1 et les trois autres nulles, ou en abrégé un vecteur du type (±1, 0, 0, 0) (cela fait 4×2=8 vecteurs si on compte bien) ; la troisième opération transforme (1, 0, 0, 0) en (½, −½, −½, −½), et de là avec les opérations de W(B₄) on peut fabriquer les différents vecteurs (±½, ±½, ±½, ±½) dont toutes les composantes valent +½ ou −½ ; cela fait 2⁴=16 vecteurs de cette forme, soit 8+16=24 vecteurs : il se trouve (il faut le vérifier mais ce n'est pas difficile) que c'est tout ce qu'on obtient de la sorte : 24 vecteurs et pas plus. Ces 24 vecteurs portent le nom de racines courtes de F₄ (là aussi, je ne vais pas chercher à définir ce que ça veut dire, en tout cas pas aujourd'hui).

Pour donner un autre exemple, si le vecteur de départ est (1, 1, 0, 0), les opérations de W(B₄) permettent de le transformer en n'importe quel vecteur du type (±1, ±1, 0, 0) (deux composantes égales à +1 ou −1, les deux autres nulles : cela fait 6×4=24 vecteurs), et la troisième opération ne fait, cette fois, rien de nouveau. Ces 24 vecteurs portent le nom de racines longues de F₄ ; et réunies aux 24 vecteurs définis au paragraphe précédent, on obtient 48 vecteurs appelés système de racines de F₄ (c'est là essentiellement le seul point sur lequel F₄ est plus compliqué que E₈ défini à l'entrée précédente : il y a des racines courtes et longues alors que dans E₈ il n'y a qu'une seule longueur).

Je peux donner d'autres exemples. Si on part de (1, 1, 1, 0), on va pouvoir atteindre 96 vecteurs différents par les opérations de W(F₄) : il y a les 32 vecteurs du type (±1, ±1, ±1, 0) avec des signes quelconques (et un emplacement quelconque du 0), et les 64 vecteurs du type (±3⁄2, ±½, ±½, ±½) avec des signes quelconques (et un emplacement quelconque du 3⁄2), ce qui fait 32+64=96 vecteurs au total. Si on part de (2, 1, 1, 0), on peut aussi atteindre 96 vecteurs différents (ce sont juste ceux qui s'obtiennent déjà par les opérations de W(B₄), c'est-à-dire (±2, ±1, ±1, 0) avec des signes quelconques et une permutation quelconque des composantes). Si on part de (2, 1, 0, 0), on peut atteindre 144 vecteurs différents (les 48 du type (±2, ±1, 0, 0) et les 96 du type (±3⁄2, ±3⁄2, ±½, ±½)).

Mais dans le « cas général » (disons, celui qui se produit avec probabilité 1 si notre vecteur initial a été tiré au hasard, ou bien si on est parti de (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2)), on va atteindre exactement 1152 vecteurs. (En fait, la condition pour que ça soit le cas n'est pas très compliqué : il est nécessaire et suffisant, pour que cela se produise, que les quatre composantes du vecteur initial soient toutes non nulles, deux à deux distinctes, qu'il n'y en ait pas deux qui soient opposées, et qu'il n'y en ait pas non plus un certain nombre dont la somme soit égale à la somme des autres.) Et dans absolument tous les cas, le nombre de vecteurs qu'on peut atteindre sera fini, et sera même un diviseur de ce nombre maximal qu'est 1152.

(Il y a d'ailleurs exactement 16 cas possibles entre le cas le plus spécial qu'est (0, 0, 0, 0) et qui donne un seul vecteur atteignable et le cas le plus général qui en donne 1152. Mais je préfère rester vague sur ce que j'entends par un cas possible, parce que ce n'est pas vrai que chacun de ces cas donne forcément un nombre de vecteurs atteints différents. Les nombres de vecteurs atteignables possibles sont : 1, 24, 96, 144, 192, 288, 576 et 1152)

Pour y voir plus clair, je vais appeler orbite sous W(F₄) l'ensemble de tous les vecteurs qu'on peut atteindre à partir d'un vecteur donné par les opérations de W(F₄) (toutes celles que j'ai décrites), et orbite sous W(B₄) la chose analogue avec les opérations de W(B₄) (c'est-à-dire celles qui n'autorisent qu'à permuter les composantes et à changer le signe d'un nombre quelconques d'entre elles). Par exemple, (½, ½, ½, ½) est dans l'orbite sous W(F₄) de (1, 0, 0, 0), mais pas dans son orbite sous W(B₄).

Il sera utile de faire l'observation suivante : toutes les opérations que j'ai décrites peuvent se faire à l'envers. S'agissant des opérations de W(B₄) c'est évident (une permutation des composantes a pour inverse une autre permutation des composantes, et changer les signes deux fois revient au vecteur de départ) ; s'agissant de W(F₄), il suffit de remarquer que la troisième opération que j'ai décrite retourne sur le vecteur dont on est parti quand on l'applique deux fois (c'est un petit exercice que je laisse au lecteur). Par conséquent, si un vecteur v est dans l'orbite d'un vecteur w (que ce soit sous W(B₄) ou sous W(F₄)), alors réciproquement, w est dans l'orbite de v, et, en fait, ils ont exactement la même orbite : a contrario, deux orbites distinctes sont forcément disjointes (c'est-à-dire, sans élément commun).

Il est facile de reconnaître à quelle condition deux vecteurs définissent la même orbite sous W(B₄) : c'est-à-dire qu'on peut passer de l'un à l'autre en permutant les composantes et en changeant le signe d'un nombre quelconque d'entre elles. Pour ce faire, le mieux est de rendre toutes les composantes positives, puis de les trier par ordre croissant : on obtient ainsi un représentant de l'orbite du vecteur sous W(B₄) que je vais appeler le représentant dominant ou vecteur dominant pour W(B₄) (il faut que je souligne, cependant, que c'est un choix que j'ai fait : j'aurais pu trier par ordre décroissant, ou mettre autant de signes moins que possible ou ce genre de choses). Par exemple, le représentant dominant de (−3, −2, 5, −1) est (1, 2, 3, 5) (on passe bien d'un vecteur à l'autre par les opérations de W(B₄), et les composantes du second sont bien triées, et toutes positives). Il est très facile de calculer le représentant dominant d'un vecteur, et deux vecteurs ont la même orbite sous W(B₄) exactement lorsqu'ils ont le même représentant dominant (il y a un représentant dominant par orbite).

Il est par ailleurs aussi facile, avec un peu de dénombrement, de calculer le nombre de vecteurs dans une orbite sous W(B₄) : dans tous les cas, c'est un diviseur de 4!×2⁴ (où 4! := 1×2×3×4 = 24), soit 384, ce nombre correspondant au cas « général » qui est, par exemple, le cas pour (1, 2, 3, 4) : je détaille ça dans le paragraphe suivant en petits caractères parce que ce n'est pas important pour ce que je veux raconter.

Pour dénombrer l'orbite d'un vecteur sous W(B₄), ce qui importe est, premièrement, le nombre r de composantes qui valent 0, et, deuxièmement, les nombres s1,…,sk de composantes qui sont égales en valeur absolue. Le premier détermine le nombre de changements de signes sur un nombre de composantes qui ne change rien au vecteur : il vaut 2r ; les si, eux, déterminent le nombre de permutations des valeurs absolues des composantes qui ne changent rien : il vaut s1!⋯sk! ; donc finalement, la taille de l'orbite sous W(B₄) vaut 384/(2r·s1!⋯sk!). Par exemple, (−1, 1, 3, 3) a une orbite sous W(B₄) de taille 384/(2!·2!) (comptez un 2! pour chacune des valeurs absolues 1 et 3 qui sont répétées deux fois), soit 96, tandis que (0, 0, 0, 1) en a une de taille 384/(2³·3!) = 8, un nombre déjà signalé ci-dessus.

On peut chercher à dire des choses analogues avec les orbites sous W(F₄). À la limite ce n'est pas tellement ça qui m'intéresse ici, mais il faut quand même que j'en dise un mot, par souci de cohérence. Je vais appeler représentant dominant d'une orbite sous W(F₄), ou vecteur dominant pour W(F₄), un vecteur qui vérifie déjà toutes les conditions pour être dominant pour W(B₄) (c'est-à-dire trié par ordre croissant, avec des composantes positives), et qui vérifie, en outre, la condition suivante : la dernière composante est supérieure ou égale à la somme des trois autres (si on veut : − v₀ − v₁ − v₂ + v₃ ≥ 0, où les composantes du vecteur ont été notées v₀ à v₃). (Là aussi, c'est un choix que je fais, on pourrait en faire d'autres ; ce choix précis a une certaine logique, et comme pour le choix que j'ai fait pour W(B₄) il est vaguement « standard », mais il n'est pas forcément le plus opportun eu égard à la description que j'ai donnée des opérations de W(F₄) : peu importe.) Par exemple, (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) est dominant pour W(F₄) parce que, outre qu'il l'est déjà pour W(B₄), on a 11/2≥½+3⁄2+5⁄2 ; il en va de même de (0, 0, 0, 1) (ou, d'ailleurs, de (0, 0, 0, 0)) ; en revanche, (½, ½, ½, ½) n'est pas dominant pour W(F₄) (il l'est pour W(B₄)) parce que ½ est strictement plus petit que ½+½+½. Chaque orbite sous W(F₄) possède un unique représentant dominant ; et un algorithme pour le calculer consiste à alterner les deux étapes suivantes (qui effectuent bien des opérations de W(F₄)) :

  • calculer un représentant dominant pour W(B₄) (c'est-à-dire trier les valeurs absolues, et retirer les signes moins),
  • calculer ½·(− v₀ − v₁ − v₂ + v₃) où les composantes du vecteur ont été notées v₀ à v₃ et, si ce nombre est négatif, le soustraire à v₃ tandis qu'on l'ajoute à v₀ à v₂ (il revient au même de : changer le signe des composantes v₀ à v₂, soustraire à chacune des quatre composantes la moitié de la somme de toutes, ce qui est l'opération spécifique avec laquelle j'ai définie W(F₄), et changer de nouveau le signe des composantes v₀ à v₂).

Il s'agit de répéter jusqu'à ce que le vecteur ne change plus, mais, en fait, il me semble que deux itérations suffiront toujours. À titre d'exemple, si je pars de (9⁄2, −7⁄2, −5⁄2, ½), son représentant dominant pour W(B₄) est (½, 5⁄2, 7⁄2, 9⁄2), l'étape suivante soustrait ½(−½−5⁄2−7⁄2+9⁄2)=−1 (c'est-à-dire, ajoute 1) à la dernière composante tandis qu'elle l'ajoute (c'est-à-dire, retire 1) aux autres, ce qui donne (−½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2), dont le représentant dominant pour W(B₄) est (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2), et l'algorithme s'arrête là. On est donc passé de (9⁄2, −7⁄2, −5⁄2, ½) à son représentant dominant (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) par des opérations de W(F₄), et bien sûr, si on inverse les opérations, on peut passer dans l'autre sens : ces deux vecteurs sont dans une même orbite sous W(F₄).

Ajout/digression : Pour dénombrer l'orbite d'un vecteur sous W(F₄), il y a une méthode, mais elle est plus compliquée que celle que j'ai donnée plus haut pour W(B₄). (Le présent paragraphe n'est inséré ici que pour être un peu complet, et il est recommandé de ne pas le lire.) On commence par remplacer le vecteur par le représentant dominant de son orbite pour W(F₄), qu'on peut calculer comme on l'a expliqué ci-dessus. Maintenant, on trace le diagramme de Dynkin de F₄, qui est représenté sur cette page. Pour chacun des quatre nœuds qui sont alignés sur ce diagramme, dans l'ordre (en suivant l'ordre indiqué par la flèche), on va l'effacer si l'une des sept quantités suivantes est non nulle : v₂ − v₁, v₁ − v₀, v₀ et ½·(− v₀ − v₁ − v₂ + v₃). (Remarquer que, par la définition d'un représentant dominant pour W(F₄), toutes les quantités qu'on vient de tester sont positives ou nulles : on efface le nœud quand la quantité est strictement positive.) À la fin du processus, il reste entre 0 et 4 nœuds (à savoir 4 si le vecteur était identiquement nul, et 0 si c'était par exemple (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2)) ; on efface aussi toutes les arêtes du diagramme reliant des nœuds dont au moins l'un a été effacé. Il reste une réunion disjointe de diagrammes de Dynkin (de nouveau, consulter la page Wikipédia que j'ai indiquée) : on considère l'ordre du groupe de Weyl de chacun, sachant que l'ordre du groupe de Weyl de An vaut (n+1)!, et celui de Bn ou Cn vaut 2n·n! (ce sont les seuls qui peuvent apparaître) ; on fait le produit de tous ces ordres, et on divise 1152 par le produit en question : le quotient est un entier, qui est la taille de l'orbite. Par exemple, si le vecteur était (0, 0, 0, 1), qui est bien un représentant dominant sous W(F₄), la seule quantité non nulle parmi celles testées est ½·(− v₀ − v₁ − v₂ + v₃) (qui vaut ½), donc on efface le quatrième nœud de la chaîne de quatre, ce qui reste est le diagramme de Dynkin de B₃, et on effectue donc le rapport 1152 / 48 = 24. L'orbite est donc de cardinal 24.

Maintenant, quand on a une orbite sous W(F₄), pour mieux la comprendre, on peut essayer de la décomposer en orbites sous W(B₄). C'est ce que j'ai fait plus haut : l'orbite de (0, 0, 0, 1) sous W(F₄) est la réunion de deux orbites sous W(B₄), à savoir celle de (0, 0, 0, 1) lui-même, qui a 8 éléments, et celle de (½, ½, ½, ½), qui en a 16. De même, l'orbite de (0, 0, 1, 2) sous W(F₄) est réunion de deux orbites sous W(B₄), à savoir celle de (0, 0, 1, 2) (qui a 48 éléments), celle de (½, ½, 3⁄2, 3⁄2) (qui en a 96). Ce que j'ai écrit, ici, colle avec ce que j'ai déjà écrit plus haut, si ce n'est que j'ai systématiquement utilisé les représentants dominants, à la fois pour les orbites sous W(F₄) et sous W(B₄).

Mais le cas qui m'intéresse le plus est le cas général, celui des orbites sous W(F₄) de taille 1152 (le maximum) : elles se décomposent en exactement trois orbites sous W(B₄), toutes également de taille maximale 384. La liste complète des 3 représentants des orbites pour W(B₄) constituant l'orbite pour W(F₄) de (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) est la suivante :

(1/2, 3/2, 5/2, 11/2)
(1, 2, 3, 5)
(1/2, 5/2, 7/2, 9/2)

(Ils sont ici triés par ordre lexicographique inverse donnant le poids le plus fort aux dernières composantes. Mais ce n'est peut-être pas l'ordre le plus logique ici.)

Autrement dit, les vecteurs qu'on peut atteindre à partir de (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) par application des opérations de W(F₄) sont exactement les vecteurs qu'on peut atteindre à partir de l'un des trois vecteurs ci-dessus par application des opérations de W(B₄) (384 vecteurs atteignables par permutation des coordonnées et changement de signes sur chacun des trois listés, soit 1152 au total). C'est d'ailleurs un exercice de programmation assez simple de vérifier la liste en question.

Voici maintenant la question à 3 zorkmids : y a-t-il une description élémentaire de la liste ci-dessus ? Euh, non, là, franchement, le copier-coller de l'entrée sur E₈ échoue un peu : autant chercher la logique dans une liste de 135×8 nombres se tient assez, autant la chercher dans une liste de 3×4 nombres aussi petits semble un peu idiot. Mais quand même, en supposant que je donne juste cette liste (en précisant éventuellement que l'ordre des entrées n'a pas d'importance, que l'ordre des composantes de chaque ligne n'en a pas non plus, et qu'on peut changer arbitrairement les signes) et que je demande trouvez la logique, y a-t-il quelque chose qui évite de parler de F₄ ?

Je subodore que la réponse est oui dans le cas de E₈, mais j'avoue que le cas de F₄ me fait un peu douter.

Il faut que j'explique cependant en quoi cela peut avoir un intérêt d'en chercher une. Dans mes explications (peut-être irritantes) ci-dessus, j'ai soigneusement omis d'expliquer ce qu'est, au juste, W(F₄), j'ai juste défini les opérations de W(F₄) et les orbites sous W(F₄). Ceux qui en savent un peu plus que le niveau élémentaire où je me suis placé auront bien sûr deviné que W(F₄) est censé être un groupe, que 1152 est son ordre, et que les 1152 vecteurs atteignables à partir de (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) sont une orbite régulière (= un espace principal homogène) pour ce groupe, qui, du coup, peut servir à représenter le groupe si on choisit une origine. Pour éviter de supposer qu'on sait ce qu'est un groupe, je peux dire les choses ainsi : si je prend deux vecteurs v et w quelconques de l'orbite de (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) sous W(F₄), et si j'appelle u le vecteur (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) lui-même (le représentant qu'on a choisi d'appeler « dominant »), quelle que soit la succession d'opérations de W(F₄) amenant u en v, on peut appliquer la même suite d'opérations sur w, et on obtient un nouveau vecteur de l'orbite, que je vais noter vw : il se trouve qu'il ne dépend pas des opérations choisies pour amener u en v (ce n'est pas du tout évident, et c'est là qu'intervient le fait que l'orbite a 1152 éléments et pas moins). Ceci constitue une « loi de composition » sur mes 1152 éléments ; cette loi est, de plus, associative (on a x•(yz) = (xy)•z quels que soient x,y,z) et elle a u pour élément neutre (c'est-à-dire que uv=vu=v quel que soit v, ce qui est évident sur la définition), et chaque élément v a un inverse v′ (c'est-à-dire que vv′=v′•v=u). C'est ça qu'on appelle un groupe, et c'est ce groupe-là qui s'appelle W(F₄) (même si ce n'est pas vraiment la façon la plus naturelle de le définir : on a plutôt envie de le voir comme les transformations elles-mêmes plutôt que leur effet sur le vecteur particulier (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2)). Si on faisait pareil pour W(B₄) sur l'orbite de (1, 2, 3, 4), la loi de composition ainsi fabriquée serait la composition des permutations signées ; dans le cadre de W(Ar), que je n'ai pas défini, on obtient la composition des permutations sur r+1 objets. Représenter les éléments de W(F₄) par des quadruplets de nombres est possiblement plus sympathique que de le représenter comme on le fait habituellement (par des matrices 4×4, pour ceux qui savent ce que c'est, correspondant à la transformation linéaire effectuée) ; la description que j'ai faite est en principe algorithmique puisque j'ai donné ci-dessus un algorithme pour envoyer u = (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) sur un vecteur v quelconque de l'orbite (ce qui permet, du coup, de refaire les mêmes opérations sur w), mais en pratique ce n'est pas très commode. J'aimerais croire qu'il y a une description plus élémentaire et plus sympathique comme il y a pour la composition des permutations ou des permutations signées. Ou en tout cas qui permette de calculer différentes choses sur un élément de W(F₄), par exemple son ordre ou son inverse.

Ajout/éclaircissement : Le paragraphe précédent est assez confus, mais l'idée générale est que W(F₄) est, de beaucoup de point de vues, très semblable à un groupe de permutations ou de permutations signées ; or il est facile et courant de représenter les éléments d'un groupe de permutations (éventuellement signées) par des listes d'entiers : il est possible d'en faire autant pour W(F₄), et c'est essentiellement ce que j'ai expliqué jusqu'ici, mais ce qui n'est pas très clair c'est ce que sont, au juste, les listes d'entiers en question (ou, à plus forte raison, comment fonctionne au juste l'opération de composition — ce que j'ai présenté est algorithmique, mais l'algorithme n'est vraiment pas très parlant).

J'ai posé la question sur MathOverflow pour le cas de E₈, mais pour l'instant sans grand succès.

Ajout/exemple : Avec la description que j'ai choisie, L'élément (2, 3, −1, 5) est un élément d'ordre 12 du groupe W(F₄), c'est-à-dire que c'est ce nombre de fois qu'il faut le composer avec lui-même pour retomber sur l'élément unité (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2). (C'est, en fait, un élément dit de Coxeter, ils jouent un rôle assez important.) Ses puissances successives sont les suivantes :

0	(1/2, 3/2, 5/2, 11/2)
1	(2, 3, -1, 5)
2	(7/2, -1/2, -5/2, 9/2)
3	(3/2, -1/2, -11/2, 5/2)
4	(3, -2, -5, -1)
5	(-1/2, -7/2, -9/2, -5/2)
6	(-1/2, -3/2, -5/2, -11/2)
7	(-2, -3, 1, -5)
8	(-7/2, 1/2, 5/2, -9/2)
9	(-3/2, 1/2, 11/2, -5/2)
10	(-3, 2, 5, 1)
11	(1/2, 7/2, 9/2, 5/2)
12	(1/2, 3/2, 5/2, 11/2)

J'avoue que tout ça a l'air assez aléatoire (à part la puissance sixième, mais ce n'est pas difficile à comprendre), et c'est sans doute de mauvais augure pour trouver une logique dans ce foutoir.

Il faut que je précise encore une chose : pourquoi précisément (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) ? On pourrait chercher à représenter le groupe W(F₄) à partir de n'importe quel vecteur ayant une orbite de taille 1152, mais (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) est ce qu'on appelle un vecteur de Weyl, et je soupçonne que c'est ce qui a le plus de chances de donner une réponse simple à ma question s'il peut y en avoir une (dans le cas de W(B₄), le vecteur de Weyl dominant est (1, 2, 3, 4), ce qui est quand même bien sympathique pour représenter les permutations signées). Définir exactement ce qu'est un vecteur de Weyl n'est pas tout à fait évident : je peux par exemple proposer la façon suivante, mais ce n'est pas forcément clair que ce soit intéressant : considérons un vecteur dominant u général pour W(F₄), et maintenant considérons parmi les 48 vecteurs que j'ai appelés système de racines de F₄ ci-dessus, ceux dont le produit scalaire avec u (c'est-à-dire la somme des produits des coordonnées correspondantes) est positif (sachant qu'il ne peut pas être nul) ; il se trouve que ce sont les 24 vecteurs (sur les 24 du système de racines) dont la dernière coordonnée non nulle est strictement positive ; maintenant, faisons la demi-somme de tous ces vecteurs : cela donne (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) ; et en fait, si j'étais parti d'un vecteur u général quelconque (général voulant dire que son orbite a 1152 éléments, ou, ce qui revient au même, que les quatre composantes du vecteur u soient toutes non nulles et deux à deux distinctes, qu'il n'y en ait pas deux qui soient opposées, et qu'il n'y en ait pas non plus un certain nombre dont la somme soit égale à la somme des autres), alors la même procédure (faire la demi-somme des 120 vecteurs du système de racine ayant un produit scalaire positif avec u) donnerait un des 1152 vecteurs de l'orbite de (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) sous W(F₄), que je cherche justement à identifier. Mais bon, cette description n'est pas franchement éclairante. Il faut plutôt se dire, moralement, que (½, 3⁄2, 5⁄2, 11/2) est, en un certain sens, le vecteur « le plus petit et le plus simple » (mais je ne veux pas chercher à définir exactement ce que cela signifie) qui ait une orbite sous W(F₄) de taille 1152.

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