David Madore's WebLog: La magie du nombre six redessinée sous forme pentagonale

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(mercredi)

La magie du nombre six redessinée sous forme pentagonale

L'avant-dernière entrée était consacrée au commentaire mathématique d'un dessin illustrant une propriété magique du nombre six : l'existence de six « pentades » (c'est-à-dire six façons de regrouper trois par trois les doublets sur six objets de manière que deux doublets regroupés ne partagent jamais un objet) ; ce dessin était présenté sous forme « hexagonale », c'est-à-dire que chacune des pentades montrait les six objets sous la forme des six sommets d'un hexagone régulier, ce qui à son tour suggérait une certaine disposition des pentades elles-mêmes (comme la permutation cyclique de l'hexagone fixe une pentade, en échange deux, et permute cycliquement les trois dernières, j'avais choisi une disposition et un coloriage qui mettait en évidence ces transformations). On m'a convaincu de refaire le même dessin sous forme « pentagonale », c'est-à-dire en disposant les six objets sous la forme des cinq sommets d'un pentagone régulier plus son centre. Voici le résultat (il s'agit donc, conceptuellement, du même dessin, mais où les objets ont été disposés différemment, les pentades aussi, et les couleurs sont différentes) :

Cette fois, la disposition pentagonale suggère de s'intéresser à la permutation cyclique des cinq objets disposés selon les sommets du pentagone : ce 5-cycle permute aussi les pentades selon un 5-cycle, ce qui suggère de les disposer elles aussi de façon pentagonale, avec au centre celle qui est fixée par le cycle, et en pentagone autour celles qui sont permutées cycliquement. J'ai donc choisi comme couleurs le noir et cinq couleurs maximalement saturées disposées régulièrement sur le cercle chromatique (bon, c'est plutôt un hexagone chromatique, mais peu importe). Du coup, tout le dessin est laissé invariant si on effectue une rotation de 2π/5 (=un cinquième de tour) en permutant aussi cycliquement les couleurs.

En plus de cela, le choix de la disposition définit ce que j'aime appeler une polarité symétrique sur l'ensemble à six objets : cela signifie que si on met en correspondance chaque objet avec la pentade qui occupe « la même place » dans la disposition graphique, alors l'automorphisme qui en résulte est involutif, au sens où une pentade de pentades va reprendre la place de l'objet qui lui correspond naturellement (on pourrait, du coup, se figurer ce dessin comme une structure fractale où le petit disque représentant chaque objet est remplacé par le dessin de la pentade correspondante, et ainsi de suite à l'infini). J'ai essayé de donner aux objets les mêmes couleur que les pentades, mais j'ai trouvé que ça embrouillait plutôt qu'autre chose.

Je n'arrive pas vraiment à décider, mais je crois quand même que je préfère la forme hexagonale du dessin. La forme pentagonale est peut-être un chouïa plus symétrique, mais c'est une symétrie moins bonne, parce qu'elle donne un rôle particulier à un des objets (en le plaçant au centre du pentagone) ; et, de façon plus grave, elle donne l'impression que la correspondance objets↔pentades que j'appelle polarité symétrique ci-dessus est naturelle alors qu'elle résulte de la disposition pentagonale (or tout l'intérêt de l'automorphisme extérieur de 𝔖₆ est justement que les pentades ne sont pas en correspondance naturelle avec les objets). Mais ça a certainement un intérêt de voir ces deux dessins (et d'essayer de se convaincre que c'est bien la même chose).

(Pour aller un cran plus loin, ça peut être intéressant de se convaincre que quelle que soit la manière dont on décide d'identifier les objets du dessin « pentagonal » avec les objets du dessin « hexagonal », il en découle une identification des pentades, et inversement, quelle que soit la manière dont on décide d'identifier les pentades, il en découle une identification des objets.)

Ajout () :

On me fait la remarque suivante : plutôt que disposer mes six objets selon un pentagone régulier plus son centre, ce qui en distingue un, j'aurais pu les disposer selon les sommets d'un icosaèdre régulier modulo antipodie (c'est-à-dire, en identifiant deux sommets opposés ; ou si on préfère, selon les six diagonales centrales d'un icosaèdre régulier). Je ne vais pas faire la représentation graphique parce que ce serait trop pénible, mais en fait c'est très intéressant : cette disposition icosaédrale évite de distinguer un objet, mais elle distingue toujours une pentade privilégiée, et c'est presque exactement ce qu'elle fait.

Plus exactement : le groupe des isométries directes de l'icosaèdre est isomorphe au groupe alterné (=groupe des permutations paires) 𝔄₅ sur cinq objets, et l'automorphisme extérieur de 𝔖₆ est justement une façon de se représenter les choses. Placer les six objets aux sommets d'un icosaèdre modulo antipodie définit une pentade privilégiée (à savoir, l'unique pentade laissée fixée par la rotation d'angle 2π/5 autour d'un sommet quelconque de l'icosaèdre) ; et les isométries directes de l'icosaèdre sont précisément les permutations paires sur les 5 pentades restantes (i.e., fixant cette pentade privilégiée). Les 5 synthèmes de la pentade privilégiée peuvent se voir comme 5 sextuplets d'arêtes de l'icosaèdre (sextuplets parce que ce sont des triplets d'arêtes opposées) dont les milieux forment un octaèdre, ce qui permet de retrouver une description classique du groupe des isométries de l'icosaèdre comme les permutations paires sur cinq octaèdres inscrits dans l'icosaèdre. (Il est pertinent de remarquer au passage qu'un permutation sur six objets est paire si et seulement si la permutation correspondante sur les pentades l'est.)

On doit aussi pouvoir faire le lien avec des structures de droite projective sur le corps à cinq éléments : comme les pentades sur six objets sont aussi en bijection avec toutes les façons de voir les six objets comme la droite projective sur 𝔽₅, ça veut dire qu'il y a une structure de droite projective sur 𝔽₅ « naturelle » (privilégiée) sur les sommets d'un icosaèdre modulo antipodie. Je soupçonne qu'il y a une jolie façon de la voir en réduisant modulo 5 les birapports des sommets de l'icosaèdre dans quelque chose, mais les détails m'échappent.

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