David Madore's WebLog: À propos de la méthode Assimil

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(vendredi)

À propos de la méthode Assimil

Je suis un grand fan de la méthode Assimil pour l'apprentissage des langues (je l'ai déjà dit, à plusieurs reprises). Je pense que c'est la méthode la plus efficace pour apprendre des langues en ce qui me concerne : je ne pense pas qu'elle soit forcément la plus efficace pour tout le monde, mais pour ceux qui, comme moi, ont surtout une mémoire auditive, la méthode Assimil avec ses enregistrements est sans doute parmi ce qu'il y a de mieux. Comme je suis un dilettante professionnel, je ne vais jamais jusqu'au bout de la méthode (seule exception, l'Assimil d'allemand « avancé »). Du coup, je mesure ma connaissance d'une langue en nombre de leçons d'Assimil suivies (ça va généralement jusqu'à 100, sauf qu'en fait ce serait 149 puisqu'à partir de 50 on doit reprendre la leçon n−49 de façon plus active dans ce qu'ils appellent la « deuxième vague »). C'est ainsi que j'en suis actuellement à 25½ pour le chinois (je pensais que j'aurais abandonné avant, mais ça ne saurait tarder), je suis arrivé à 78 pour le suédois, 5 pour le russe « avancé » (je me suis surtout rendu compte que j'aurais voulu plus de révisions grammaticales et moins de vocabulaire qu'il n'en proposait), 70 (la fin) pour l'allemand « avancé », 54 pour le néerlandais, 42 pour l'arabe, 13 pour le japonais, et 12 pour le hongrois (bon, là c'était juste pour avoir une toute petite idée de la langue avant de passer une semaine à un congrès à Budapest). Je peux aussi mettre 0 pour le portugais parce que je l'ai acheté mais même pas sorti de sa boîte. (Il y a d'autres langues dont j'ai appris des notions autrement que par la méthode Assimil, mais pas grand-chose.) Je n'exclus pas d'augmenter ces chiffres, même s'il est toujours un peu délicat de redémarrer un apprentissage qu'on a commencé et interrompu, et toujours plus amusant d'essayer de commencer une autre langue lorsque comme c'est mon cas on veut juste voir du paysage et pas vraiment communiquer avec qui que ce soit.

(Surtout qu'Assimil s'est mis à faire des méthodes pour les langues anciennes. Il y avait depuis longtemps un Assimil de latin, en fait constitué de traductions de leurs méthodes d'autres langues, et qui n'hésitaient pas à raconter les histoires de gens partant en vacances en voiture ; mais ils l'ont complètement réécrit avec des textes un peu plus « authentiques », et ils ont aussi fait des méthodes de grec ancien, sanskrit et égyptien hiéroglyphique. Bon, je ne suis pas super convaincu de leur sérieux : le sanskrit, passe encore, il y a des vrais gens qui parlent couramment le sanskrit, c'est une langue zombie parce qu'elle continue à remuer alors qu'elle est censée être morte ; mais l'égyptien ancien, vu qu'on ne connaît même pas les voyelles de la plupart des mots, ça me paraît un peu farfelu d'apprendre à le parler. Qu'importe !, c'est rigolo, et c'est ça qui compte. Donc je salue l'initiative.)

Évidemment, il ne faut pas s'attendre à parler couramment la langue au bout de 100 ou 149 leçons !, ils annoncent cibler le niveau B2 du cadre européen commun à la fin de l'Assimil « normal » (qui s'appelait autrefois sans peine, mais les nouvelles éditions n'ont plus ce titre) et C1 à la fin de l'Assimil « avancé » (c'est-à-dire perfectionnement) quand il existe ; je trouve ce système de niveaux assez foireux et mal défini, ne serait-ce que parce qu'on peut avoir un niveau totalement différent en compréhension et en expression, à l'oral et à l'écrit, ce qui fait quatre mesures différentes, mais au moins l'ordre de grandeur est plausible pour ce que je peux en juger. Et ce n'est vraiment pas mal, en six mois d'apprentissage en solitaire, d'atteindre un tel niveau. (Il y a bien sûr des gens particulièrement doués pour les langues qui pourraient aller beaucoup plus vite, mais le point important est que cette méthode convient pour tout le monde, ou au moins tous ceux qui ont une mémoire principalement auditive.)

En revanche, ce qui est à mon avis faux c'est quand ils prétendent que la méthode demande 20 à 30 minutes d'attention par jour (c'est écrit par exemple ici). Je ne crois pas être particulièrement lent, peut-être un tout petit peu perfectionniste, mais en ce qui me concerne c'est plutôt 60 à 90 minutes par jour, peut-être même plus. Et encore, il m'arrive souvent d'étaler une leçon sur deux jours quand je trouve que je ne l'ai pas bien assimilée.

Le truc est que (même dans la « première vague ») il ne faut pas se contenter d'écouter deux ou trois fois le texte : il faut l'écouter jusqu'à ce qu'on le comprenne dans sa langue d'origine en l'entendant, quitte à commencer par l'écouter par petits bouts de phrases puis par phrases complètes, puis en entier. Je ne saurais pas dire combien de fois je dois réécouter un dialogue Assimil avant d'être satisfait du fait que je le comprends vraiment, parce que ça varie beaucoup d'une fois sur l'autre (notamment s'il y a plus de vocabulaire que d'habitude, ou des tournures syntaxiques délicates), et évidemment d'une langue à l'autre. Mais ce qui est certain est qu'il ne faut pas « traduire » : il faut vraiment que ce soit le texte prononcé dans la langue qu'on apprend qui ait un sens. Je ne lis d'ailleurs la traduction qu'une seule fois, et encore, en essayant de ne regarder que le mot-à-mot (je ne regarde la traduction en « bon français » que quand j'ai un doute sur le sens global). Pour assimiler le sens d'une phrase, j'essaie de m'imaginer l'action, parfois de faire un bout de mime avec mes doigts en même temps que je prononce le mot, tout pour éviter de faire une association avec un mot français (si j'ai vraiment besoin de dire un mot, je vais parfois essayer de le dire en anglais ou en allemand, histoire de ne pas faire des connexions trop tentantes).

Tout ça demande beaucoup de temps. Certes moins quand il s'agit d'une langue de structure proche d'une langue que je connais déjà (pour le néerlandais, par exemple, je n'ai essentiellement que du vocabulaire à apprendre) que pour une langue où je dois en plus obliger mon cerveau à comprendre des nouveaux arrangements syntaxiques : pour le chinois, par exemple, les classificateurs me posent problème à intégrer dans mes circuits mentaux (je ne parle même pas de les retenir ou de les associer aux bons mots, je n'en suis pas là, mais de m'habituer à la structure).

Et puis il y a la prononciation. C'est surtout là que les enregistrements d'Assimil sont précieux, et je passe de nouveau beaucoup de temps à les écouter et à tenter de reproduire aussi précisément que je peux la phonétique. Les manuels indiquent certes la prononciation par une transcription à eux (différente pour chaque langue, et qui essaie de s'inspirer de l'orthographe française), mais il faut dire que ce genre de transcription non-API est (forcément) merdique, et la description des sons s'adresse aux gens qui ne connaissent rien à la phonétique[#] et ne vaut pas l'article L phonology (où L est la langue en question) sur Wikipédia. Bon, la transcription pourrait servir pour les cas où l'orthographe de la langue n'est pas en relation claire avec la prononciation et que les enregistrements ne sont pas parfaitement audibles ; sauf que ça ne marche pas toujours : en suédois, par exemple, il est essentiellement impossible de prédire (ou en tout cas, je n'ai pas trouvé de règle) si la lettre ‘o’ sera prononcée /uː/ ou /ʊ/ d'une part, ou bien /oː/ ou /ɔ/ d'autre part (il y a deux questions : le timbre et la longueur ; la longueur se devine assez bien, mais le timbre, nettement moins), et ces andouilles arrêtent les transcriptions systématiques au bout de je ne sais plus quelle leçon et ne prennent pas la peine de la donner au moins systématiquement pour tout nouveau mot contenant un ‘o’ — et les enregistrements ne sont pas toujours totalement clairs (et je n'ai pas non plus trouvé de dictionnaire suédois en ligne avec les prononciations de tous les mots transcrites de façon inambiguë).

[#] Je pense que quiconque veut apprendre n'importe quelle langue étrangère devrait passer d'abord un petit peu de temps à apprendre des notions générales de phonétique (en gros, la terminologie basique sur les points d'articulation, les modes d'articulation et ce genre de choses, les voyelles cardinales, et les symboles courants de l'alphabet phonétique). La plupart des gens ne veulent pas faire cet effort, parce qu'ils ont l'impression de perdre un temps qui pourrait être consacré à apprendre la langue qu'ils veulent apprendre, mais je pense que c'est une grosse erreur : si on veut à terme prononcer les choses correctement, il est beaucoup plus efficace d'apprendre un peu de phonétique.

Chaque leçon d'Assimil est encore suivie de deux exercices, un exercice de version et un exercice de thème où il faut compléter les trous, dans les deux cas en reprenant surtout le vocabulaire de la leçon qui vient d'être vue. L'exercice de version me semble particulièrement important, j'essaie de le faire uniquement à partir des enregistrements (pour m'exercer à la compréhension orale) et je ne regarde le texte écrit que lorsque cinq ou six écoutes m'ont persuadé que je ne comprendrai décidément pas la phrase, et que je n'arrive même pas à trouver dans le lexique de quel(s) mot(s) il peut s'agir. L'exercice de thème me semble moins utile, parce que bien souvent, même avec juste des pointillés à compléter, on ne peut pas vraiment deviner quelle tournure ils veulent vous faire retrouver. Je complète le plus souvent en réécoutant des phrases tirées au hasard par mon ordinateur parmi les 10–20 dernières leçons (et leurs exercices de version) ; pour le chinois, j'ajoute encore l'exercice de reconnaître les tons (et autres phonèmes délicats) des phrases que j'entends, en revanche j'ai déjà à peu près abandonné l'idée d'apprendre un nombre non-complètement-ridicule d'idéogrammes (même si je me suis fait un petit jeu en JavaScript pour ça).

Si j'en profite pour donner un état d'avancement de mon expérience mnémurgique consistant à voir comment j'arrive à mémoriser le chinois, elle est peu concluante : je suis un peu moins mauvais que je pensais pour retenir des idéogrammes, mais ça demande quand même énormément d'efforts et ça ne m'intéresse pas assez pour que je déploie la motivation correspondante (il faut bien le dire franchement, ce système d'écriture est vraiment d'une connerie hallucinante) ; j'arrive à peu près à mémoriser les tons des mots chinois que je retiens, mais je ne sais pas bien si je les mémorise comme faisant partie intégrante de la phonétique du mot ou si ça reste dans mon cerveau comme une donnée annexe.

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