Un petit exercice d'Analyse pas très difficile (j'en ai traité un bout avec mes élèves à Télécom Paris), mais que je trouve amusant :
Soit f:ℝ/ℤ→ℝ (c'est-à-dire : une fonction réelle de la variable réelle qui soit 1-périodique) ; on note ℳN(f) la fonction définie comme la moyenne arithmétique des N translatées de f par des multiples de 1/N, c'est-à-dire : (ℳN(f))(x) = (1/N) · ∑k∈{0,…,N−1} f(x+k/N) ; et, si f est intégrable (c'est-à-dire, intégrable sur une période), soit ℳ∞(f) la fonction constante égale à l'intégrale ∫ℝ/ℤ f de f (sur une période). On se demande dans quelle mesure ℳN(f) tend vers ℳ∞(f) quand N tend vers +∞ :
- Si f est Lp (c'est-à-dire, de puissance p-ième intégrable sur une période) pour 1≤p<+∞, alors ℳN(f) tend vers ℳ∞(f) dans Lp (c'est-à-dire : l'intégrale de la puissance p-ième de la différence tend vers 0).
- Si f est Riemann-intégrable, alors ℳN(f) tend vers ℳ∞(f) uniformément.
(Indication : montrer la convergence uniforme — qui entraîne donc la convergence Lp pour un p quelconque — pour une fonction en escalier ; il suffit pour ça de la montrer pour la fonction indicatrice d'un intervalle [0;c[ de ℝ/ℤ.)
Dans le cas p=2, il y a une jolie démonstration en regardant les séries de Fourier (l'effet de ℳN est de décimer la série de Fourier).
On pourra aussi montrer que ℳN ne tend pas vers ℳ∞ en tant qu'opérateur (i.e., pour la norme).
Bref, je sais faire ça, mais j'ai quand même l'impression de
manquer de recul sur la question : qu'il doit y avoir une façon plus
élégante et plus générale d'inscrire ces résultats dans un contexte
plus éclairant. D'ailleurs, la deuxième partie me surprend beaucoup,
j'étais tellement persuadé que le résultat aurait dû être
l'affirmation plus faible si f est Riemann-intégrable,
alors ℳN(f) tend
vers ℳ∞(f) ponctuellement,
et si f est réglée, alors la convergence est
uniforme
que j'ai cherché en vain à trouver une erreur dans mon
raisonnement (j'ai fini par me convaincre qu'il était bien correct,
mais j'ai toujours la sensation déplaisante d'avoir mal compris
quelque chose d'important).
Pour mémoire, une fonction f est
dite réglée (ou parfois Dieudonné-intégrable
)
lorsque pour tout ε>0 il existe une fonction en
escalier h telle qu'on ait partout
|f−h|≤ε (i.e., f est
uniformément approchable par les fonctions en escalier) ; cela
équivaut à dire qu'elle admet en tout point une limite à gauche et une
limite à droite (finies). • Une fonction f est
dite Riemann-intégrable lorsque pour tout ε>0
il existe des fonctions en escalier h et ψ
telles qu'on ait partout |f−h|≤ψ,
avec ∫ψ ≤ ε (i.e., f est approchable
par les fonctions en escalier avec une erreur uniformément contrôlée
par une fonction en escalier elle-même de norme 1 arbitrairement
petite) ; cela équivaut à dire que f est bornée et que son
ensemble de points de discontinuités est Lebesgue-négligeable. • Pour
comparaison, si fonction f est Lebesgue-intégrable, pour
tout ε>0 il existe une fonction en escalier h
telle que ∫|f−h|≤ε
(i.e., f est approchable au sens L¹ par les fonctions en
escalier). • J'aime bien présenter ces trois propriétés côte à côte,
cela aide à situer la notion d'intégrabilité au sens de Riemann entre
celle de fonction réglée et celle d'intégrabilité au sens de Lebesgue.
Cela devrait peut-être expliquer pourquoi j'avais l'intuition qu'on
aurait besoin de f réglée pour pouvoir conclure à la
convergence uniforme
de ℳN(f)
vers ℳ∞(f).
Ajout : voir aussi cette question pour une « suite » de cet exercice.