David Madore's WebLog: Quelques conseils pour donner des conseils

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(mercredi)

Quelques conseils pour donner des conseils

Tout le monde a l'occasion de donner ou de recevoir des conseils, et une de mes expériences en tant que donneur et receveur de conseils, c'est que ce n'est pas si évident que ça d'en donner, même quand on est compétent sur le fond, parce qu'il y a un certain nombre de pièges à éviter sur la forme — c'est-à-dire, sur la psychologie.

Le scénario est typiquement le suivant : un ami vous expose un problème auquel il est confronté, on s'imagine dans sa situation, on se demande ce qu'on ferait (disons X), et on conseille de faire X. C'est très bien, sauf que souvent l'ami n'a pas exposé toutes les contraintes, ou bien on ne les a pas bien prises en compte : par exemple parce que quand on s'est mis dans sa peau, on ne s'est pas vraiment mis dans sa tête, avec les réticences qu'il a, avec son jugement de valeurs, etc. C'est normal, on ne peut pas penser à tout. Bref, il s'avère que X n'est pas faisable (et peut-être que le demandeur de conseils l'avait déjà envisagé et écarté, d'ailleurs).

Là où les donneurs de conseils souvent font fausse route (et je plaide coupable), donc, c'est à ce point-là de rester sur leur conseil initial : plutôt que de prendre en compte la nouvelle contrainte, ils continuent à conseiller X, c'est-à-dire, à essayer de persuader l'ami conseillé que X est la bonne chose à faire. Ce n'est pas forcément mal de le faire un peu (il ne faut pas tenir toutes les contraintes pour absolues et inattaquables), mais il faut aussi savoir s'ajuster et, surtout, il ne faut pas se fâcher que le conseil X soit rejeté : or combien de fois ai-je observé, ou vécu d'un côté ou de l'autre, la réaction ah, tu n'aimes pas mon conseil ? eh bien va te faire foutre avec ton problème — qui laisse le « conseillé » parfois dans plus de détresse que s'il n'avait rien dit du tout, parce qu'on lui donne l'impression que son problème devient illégitime, et qu'il perd une oreille amicale (et c'est souvent ce dont on a le plus besoin, dans le problème, une oreille amicale plus qu'un donneur de conseils).

Il faut avoir l'humilité de reconnaître que les problèmes n'ont souvent pas une solution unique, ou évidente, et que celui qui est lui-même confronté à une difficulté et le premier concerné par elle peut avoir de bonnes raisons d'écarter X (même, d'ailleurs, quand il ne veut pas les dire). Plaider pour une bonne solution est louable, insister lourdement ne l'est pas : il vaut mieux accepter une nouvelle contrainte et proposer Y, puis Z : quand les possibilités ne sont pas évidentes, on rend plus service en en découvrant qu'en en défendant.

Il est vrai qu'on a parfois l'impression que la personne qu'on cherche à conseiller y met de la mauvaise volonté, que dès qu'on lui propose une solution elle trouve une objection ou un nouvel obstacle, une complication supplémentaire à son problème. La vérité est probablement qu'elle cache une donnée du problème : on peut évidemment abandonner, on peut encore (si on se sent vraiment dévoué) chercher à faire avec des données partielles, ou chercher à devenir de quoi il s'agit, mais en tout cas il faut essayer de ne pas se fâcher, cela ne sera d'aucune utilité pour personne.

Voilà, qu'on m'excuse si j'ai enfoncé plein de portes ouvertes, mais il vaut mieux prendre le risque de les défoncer sauvagement si par hasard ces petits méta-conseils de bon sens peuvent servir.

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