Je suis allé
voir Thor parce
que Chris
Hemsworth est très mignon parce que j'avais envie de voir un
nanar ce soir.
Je suis méchant : Hollywood produit des films qui sont incroyablement formatés, mais qu'il n'y a pas de honte à apprécier comme tels. D'abord, il y a de jolies images ; de très jolies images, même : très formatées, léchées, aux effets spéciaux soignés comme des tableaux qui seraient une sorte de croisement entre John Martin pour les perspectives monumentales (vous ne connaissez pas John Martin ? il faut admettre qu'il n'est pas inoubliable), et Jacques-Louis David pour les personnages au style pompier. Je vais souvent voir les films juste pour les images, en fait (la séquence, dans le Seigneur des Anneaux, où on allume les feux d'alerte, mérite à elle seule qu'on voie le film) ; même si je regrette de plus en plus qu'ils soient en train de relâcher cette beauté picturale à la faveur de la whizzbangitude 3D, mais passons. Pour le reste, vous avez une morale bien plan-plan et tout aussi formatée que les images, et un scénario accessible à un débile, et qui comporte comme contrainte syndicale une histoire d'amour hétéro gentillette. Comptez aussi avec le politiquement correct, qui ici a voulu faire jouer à un acteur noir un dieu nordique (et spécifiquement Heimdallr, qui est pourtant connu comme le plus blanc des dieux, 'fin bon), et un autre à un japonais.
Sauf que là il y en a un peu plus dans le scénario qu'une morale
gentillette. Juste un peu, mais ce n'est pas mal, en fait : il y a
deux personnages intéressants. Pas le héros, Thor, qui est aussi peu
original qu'il est joli garçon, ni l'héroïne, qui est prétendument
scientifique (et à cause de ça il faut supporter héroïquement des
phrases du style the electromagnetic storm had the
characteristic signature of an Einstein-Rosen bridge
—
pitié !). Pas non plus les acolytes du héros ou de l'héroïne, qui
font de la pure figuration. Non, les deux personnages intéressants
sont Odin et Loki. Odin est joué par Anthony Hopkins (qui prouve
qu'il ne sait pas faire que des méchants psychopathes et vraiment je
suis surpris), et celui-ci rend justice à un dieu magicien et sage,
qui nous fait en même temps penser au Roi Lear — sans doute
n'est-ce pas pour rien que Kenneth Branagh est un célèbre
shakespearien. Loki, lui, est joué par un acteur anglais qui
apparaissait justement aussi dans le
film que j'ai vu jeudi soir, sauf que là il avait consigne de
cacher son accent Anglais alors que dans Thor il le
montre bien (Hollywood aime bien que les méchants aient un accent
anglais), mais je digresse… Loki n'est pas purement méchant
(pour un blockbuster comme ça, c'est un exploit), et le personnage
reflète assez bien le caractère compliqué et insaisissable du dieu
nordique qui l'inspire. Je ne dis pas que tout cela soit extrêmement
profond, mais par rapport à ce que je me m'attendais à trouver, c'est
une heureuse surprise.
Bref, pour les personnages d'Odin et de Loki et pour les très jolis
paysages en images de synthèse et pour le beau blond aux yeux
bleus dans le rôle éponyme, ça peut valoir la peine de voir ce
film.