David Madore's WebLog: Séminaire Nicolas Bourbaki

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(samedi) · Dernier Quartier

Séminaire Nicolas Bourbaki

Le séminaire Bourbaki a lieu trois fois par an (le week-end), dont aujourd'hui et demain, à l'Institut Henri Poincaré (11 rue Pierre et Marie Curie, Paris 5e). Il est normalement prévu pour permettre aux mathématiciens de se tenir au courant des résultats nouveaux et intéressants dans les branches des mathématiques dont ils ne sont pas spécialistes : c'est-à-dire que l'idée est que chaque orateur fasse un exposé sur l'actualité de son domaine de spécialité à l'intention des spécialistes d'autres domaines, et compréhensible par eux. En pratique, je trouve que cette idée tout à fait intéressante ne marche pas du tout : les gens ne viennent pas aux exposés des domaines dont ils ne sont pas spécialistes, et les orateurs ne jouent pas le jeu, s'adressant d'emblée à ceux qui connaissent au moins les bases du domaine dont ils parlent. Par exemple, cet après-midi, Emmanuel Peyre nous a fait un exposé — au demeurant très bon et très intéressant, mais, justement, c'est mon domaine de recherche — sur les obstructions au principe de Hasse et à l'approximation faible, dans lequel il n'a pas attendu dix minutes pour définir le groupe de Brauer d'une variété comme le deuxième groupe de cohomologie étale de celle-ci à valeurs dans le groupe multiplicatif : je ne sais pas si un mathématicien appliqué, un analyste ou un logicien est censé comprendre ce que ce charabia veut dire, mais j'en doute assez. (Ne parlons pas d'Alexander Grothendieck, qui profitait du séminaire Bourbaki pour poser les fondements de la géométrie algébrique dans des exposés de très haute technicité !)

C'est vraiment dommage : les mathématiciens ne savent pas vulgariser ! Alors que tout un tas de physiciens sont rompus à l'exercice de parler au grand public de ce qu'ils font et de l'expliquer avec les mains de façon à être compris même par la proverbiale ménagère de moins de cinquante ans, les mathématiciens n'ont même pas l'air de savoir expliquer ce qu'ils font à d'autres mathématiciens qui ne sont pas spécialistes de leur branche étroite de la discipline. Et même : je ne crois pas que j'assisterai aux exposés de demain, parce qu'à la lecture du polycopié, même celui qui parle de géométrie algébrique, pourtant mon domaine de recherche, risque fort de m'être incompréhensible (je suis trop ignorant des motifs).

Je trouve aussi dommage que l'esprit blagueur et canularesque de Bourbaki se perde. (Pour ceux qui ne connaissent pas, Nicolas Bourbaki est le pseudonyme collectif d'un groupe de mathématiciens fondé par Henri Cartan, Claude Chevalley, Jean Coulomb, Jean Delsarte, Jean Dieudonné, Charles Ehresmann, René de Possel, Szolem Mandelbrojt et André Weil. En principe, l'identité des membres — actuels — du groupe est secrète, et la démission est obligatoire passé un certain âge. On fait semblant de croire que les Éléments de mathématique sont l'œuvre d'une vraie personne nommée Nicolas Bourbaki.) La moindre des choses serait que chaque séminaire Bourbaki commence par une annonce officielle, Monsieur Nicolas Bourbaki, organisateur de ce séminaire, vous prie de l'excuser de ce qu'il n'a pas pu être présent aujourd'hui parmi nous pour <telle ou telle raison totalement pipo et qui changerait à chaque séance> ; en son absence, il m'a chargé d'inviter <tel orateur> à parler…

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