David Madore's WebLog: 2017-05

Vous êtes sur le blog de David Madore, qui, comme le reste de ce site web, parle de tout et de n'importe quoi (surtout de n'importe quoi, en fait), des maths à la moto et ma vie quotidienne, en passant par les langues, la politique, la philo de comptoir, la géographie, et beaucoup de râleries sur le fait que les ordinateurs ne marchent pas, ainsi que d'occasionnels rappels du fait que je préfère les garçons, et des petites fictions volontairement fragmentaires que je publie sous le nom collectif de fragments littéraires gratuits. • Ce blog eut été bilingue à ses débuts (certaines entrées étaient en anglais, d'autres en français, et quelques unes traduites dans les deux langues) ; il est maintenant presque exclusivement en français, mais je ne m'interdis pas d'écrire en anglais à l'occasion. • Pour naviguer, sachez que les entrées sont listées par ordre chronologique inverse (i.e., la plus récente est en haut). Cette page-ci rassemble les entrées publiées en mai 2017 : il y a aussi un tableau par mois à la fin de cette page, et un index de toutes les entrées. Certaines de mes entrées sont rangées dans une ou plusieurs « catégories » (indiqués à la fin de l'entrée elle-même), mais ce système de rangement n'est pas très cohérent. Le permalien de chaque entrée est dans la date, et il est aussi rappelé avant et après le texte de l'entrée elle-même.

You are on David Madore's blog which, like the rest of this web site, is about everything and anything (mostly anything, really), from math to motorcycling and my daily life, but also languages, politics, amateur(ish) philosophy, geography, lots of ranting about the fact that computers don't work, occasional reminders of the fact that I prefer men, and some voluntarily fragmentary fictions that I publish under the collective name of gratuitous literary fragments. • This blog used to be bilingual at its beginning (some entries were in English, others in French, and a few translated in both languages); it is now almost exclusively in French, but I'm not ruling out writing English blog entries in the future. • To navigate, note that the entries are listed in reverse chronological order (i.e., the most recent is on top). This page lists the entries published in May 2017: there is also a table of months at the end of this page, and an index of all entries. Some entries are classified into one or more “categories” (indicated at the end of the entry itself), but this organization isn't very coherent. The permalink of each entry is in its date, and it is also reproduced before and after the text of the entry itself.

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Entries published in May 2017 / Entrées publiées en mai 2017:

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(jeudi)

Le livre Brexit d'Ian Dunt

J'étais à Londres le week-end dernier, et en errant chez Foyles (ce qui fait partie de mes figures imposées à chaque fois que je vais à Londres), je suis tombé sur le livre Brexit d'Ian Dunt, qui porte le sous-titre très approprié What the Hell Happens Now? : je voudrais le recommander.

Ce n'est pas vraiment un livre politique. En tout cas, le propos de l'auteur n'est pas d'accuser les électeurs britanniques d'avoir pris une mauvaise décision : c'est sans doute déjà plus d'accuser certains hommes politiques d'avoir exploité leur mécontentement pour les conduire à prendre une mauvaise décision ; mais il n'est pas, ou du moins ne paraît pas à la lecture de ce livre, fondamentalement opposé au principe du Brexit. Ce qui est sûr est qu'il n'est pas spécialement tendre avec l'Union européenne ou avec ses acteurs, mais il ne cherche pas spécialement à les juger. Il s'agit essentiellement d'une présentation succincte des complexités techniques du Brexit et de la faiblesse de la position britannique dans les négociations ; et d'un réquisitoire contre les personnalités politiques britanniques (Theresa May elle-même évidemment, mais surtout ses « trois mousquetaires », Boris Johnson, David Davis et Liam Fox) qui se ruent dans l'opportunité politique sans connaître leurs dossiers, sans savoir où ils vont et sans même comprendre la complexité du problème.

J'avais moi-même une opinion partagée au sujet du Brexit : pour l'eurobéat que je suis, le fait que le Royaume-Uni quitte l'Union est assurément une perte, mais s'ils étaient restés de justesse et avaient continué à paralyser toute évolution vers plus de fédéralisme ou à bloquer toute mesure sociale, ce n'était pas forcément mieux. Toujours est-il que je n'avais réfléchi aux conséquences que du point de vue de l'Union, ma réflexion sur le Royaume-Uni lui-même se limitant à ils vont y perdre beaucoup, mais ils l'auront bien cherché : le livre d'Ian Dunt explique les choses beaucoup plus précisément, où se situeront les problèmes, comment on pourrait les pallier, et pourquoi le gouvernement conservateur actuel n'a pas du tout l'air parti pour, tellement il s'est enfermé dans sa propre rhétorique sur le regain de souveraineté.

Le livre est assez court et clairement écrit (j'en ai lu une bonne partie dans le voyage en Eurostar et pourtant je ne suis vraiment pas un lecteur rapide), je ne vais pas essayer de le résumer. Il commence par quelques pages de fiction décrivant le pire scénario possible (du point de vue du Royaume-Uni) sur le déroulement des mois suivant le Brexit après un échec des négociations avec l'UE ; puis il traite successivement différentes formes que le Brexit pourrait prendre, et différents aspects de la complexité (légale, économique, régulatoire, politique, etc.) du processus, et les conséquences qui peuvent en découler, y compris sur l'unité du Royaume-Uni ou sur l'équilibre constitutionnel des pouvoirs. L'auteur penche clairement pour un scénario où le Royaume-Uni rejoindrait (enfin, resterait dans) l'Espace Économique Européen, au moins à titre transitoire, mais dans le même temps il explique que, compte tenu des déclarations du gouvernement britannique, ce scénario n'est pas du tout probable à l'heure actuelle.

Il y a beaucoup de subtilités dont je n'avais pas du tout conscience. Les problèmes légaux, dont Ian Dunt ne peut évidemment qu'effleurer la surface, sont par exemple intéressants, au moins intellectuellement. Le gouvernement britannique entend faire passer un Great Repeal Bill qui « rapatrierait » comme législation britannique tout ce qui y a été incorporé par l'Union européenne, autrement dit, qui prendrait l'état de la législation au moment où le Royaume-Uni quitte l'Union et en ferait un droit britannique ; un ennui parmi d'autres, c'est par exemple que cette législation fait référence à des institutions européennes auxquelles le Royaume-Uni n'aurait plus accès : il faut donc recréer ces institutions côté britannique, ou amender le droit ; comme la tâche est hautement complexe, le gouvernement britannique propose de se donner le droit de modifier la Loi sans passer par le parlement, ce qui pose un problème d'équilibre des pouvoirs. Il y a bien sûr la difficulté que le droit européen évolue sans cesse, selon les arrêts de la Cour de Justice de l'Union européenne, dont il était précisément une promesse majeure du camp Leave de se débarrasser de l'autorité. Un autre problème technique est de créer les agences de régulation britanniques pour remplir les fonctions qui sont actuellement remplies par l'Union européenne, et de trouver les fonctionnaires pour les faire tourner, tout en gardant l'équivalence des protections (des consommateurs, des travailleurs, etc.), surtout s'il s'agit de continuer à faire commerce avec l'Union, et en même temps de ne pas tomber victime des lobbys de façon encore plus aiguë qu'ils ne s'exercent à Bruxelles. • D'autres problèmes légaux délicats se posent encore au niveau de l'OMC, organisation sur laquelle le gouvernement britannique déclare pouvoir de façon heureuse s'appuyer en cas d'échec des négociations : or les documents à l'OMC concernant le Royaume-Uni (notamment les fameuses listes, ou schedules) sont maintenant complètement intriqués avec l'Union européenne, et il y a possiblement un flou juridique considérable et dangereux sur la manière dont ils doivent s'appliquer après le Brexit (par exemple, comment séparer les quotas du Royaume-Uni de ceux de l'Union), qui pourrait conduire toutes sortes d'États tiers à vouloir utiliser la situation à leur profit. La difficulté technique liée est que le Royaume-Uni n'a plus, ou en tout cas plus assez, de négociateurs commerciaux parmi ses fonctionnaires, et absolument pas le temps pour en former.

Mais ce qui semble surtout horrifier l'auteur, c'est à quel point les ministres chargés du Brexit sont ignorants des problèmes auxquels ils vont devoir s'attaquer, ou du fonctionnement même de l'Union européenne. (Il cite par exemple le cas d'un ministre qui a déclaré vouloir conclure des accords commerciaux avec Berlin en parallèle avec les négociations du Brexit, et à qui Berlin a rappelé que les états de l'Union n'ont pas le droit de passer de tels accords, qui sont une compétence exclusive de l'Union.) Le livre a été écrit avant l'invocation formelle de l'article 50 (ça ne l'empêche pas de rester tout à fait d'actualité), et en particulier avant ce fameux dîner dont Jean-Claude Juncker est revenu en expliquant à Angela Merkel que Theresa May vivait dans une autre galaxie. Theresa May a ensuite décrit le rapport en question comme du Brussels gossip, mais le livre d'Ian Dunt suggère qu'il y a véritablement un problème de perception de la réalité au sein du cabinet britannique. Il montre aussi du doigt des erreurs fondamentales de calcul, par exemple le fait que Theresa May ait annoncé en avance la date à laquelle elle comptait invoquer l'article 50, alors qu'il s'agissait justement d'un des rares leviers dont elle disposait dans les négociations (qu'elle aurait pu utiliser pour exiger des discussions préliminaires aux négociations formelles).

Le même auteur publie des articles ici, et ils sont globalement féroces avec le gouvernement britannique.

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(lundi)

Chips, bonbons et autres tentations

Il y a un corollaire de la loi de Murphy qui dit que plus un aliment est bon au goût plus on peut être sûr qu'il est mauvais pour la santé. C'est certainement exagéré (et difficilement explicable du point de vue de l'évolution, même en tenant compte du décalage entre l'environnement du chasseur-cueilleur et l'époque contemporaine), mais en ce qui me concerne, il y a incontestablement des aliments qui me font instantanément oublier la prescription évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé que le gouvernement français fait mettre sur les pubs alimentaires. À savoir, les cochonneries salées et sucrées que sont les chips et autres biscuits apéritif d'une part et les bonbons de l'autre.

Dans les deux cas, il ne faut surtout pas que je commence : plus j'en mange, plus j'ai envie d'en manger. Et ça s'applique à tout un spectre de cochonneries salées et sucrées : des produits au goût complètement chimique pleins de glutamate (j'adore le glutamate et le goût umami) ou style fraises tagada, jusqu'aux biscuits artisanaux au gouda vieux vendus à un prix exorbitant par des marques pour bobos avec des noms comme Machin et Augustel ou aux bonbons fabriqués selon une recette traditionnelle vieille de 300 ans — tout ça est kif-kif pour moi. Quand on me met devant une buffet apéro, je commence par manger à un rythme raisonnable, au bout d'une dizaine de minutes je mange aussi vite que la bienséance le permet, et encore un peu plus tard, je finis par jeter la bienséance par la fenêtre et me goinfrer aussi vite que mes mains peuvent porter les cochonneries salées ou sucrées à ma bouche. Après chaque AG des copropriétaires de notre immeuble, par exemple, une de mes voisines prépare des feuilletés au fromage pour tout le monde, et je crois que je dois en manger les trois quarts à moi seul.

L'ennui n'est pas que ça fait grossir (je n'ai pas trop de problèmes de ce côté-là). L'ennui est que quand je me goinfre comme ça, la punition ne se fait pas tarder. S'agissant des bonbons, surtout les trucs bien chimiques que fait Haribo, j'en mange de plus en plus jusqu'à ce que, tout d'un coup, je sois complètement écœuré et que j'aie, de surcroît, de terribles aigreur d'estomac. S'agissant des chips, c'est plutôt mes intestins qui me rappellent à l'ordre ; et j'ai l'impression que ça empire avec les années : maintenant je ne peux plus en manger plus que quelques poignées sans que ça me fasse l'effet d'un litre de jus de pruneaux.

C'est d'ailleurs assez mystérieux : j'ai testé chacun des ingrédients d'un paquet de chips séparément, aucun n'a d'effet particulier sur ma digestion. Je n'ai pas de problème avec les pommes de terre, même frites dans de l'huile et salées, ni avec l'huile elle-même, ni avec le sel, ni avec le glutamate, ni avec aucun des allergènes classiques dont on pourrait trouver des traces dans les chips, par exemple je mange sans problème du beurre d'arachide à la petite cuiller, donc je ne sais pas ce qui peut provoquer un problème spécifique avec les chips ; on m'a fait toutes sortes de suggestions idiotes, comme une intolérance au gluten (franchement, je le saurais), mais je ne trouve rien qui tienne debout. Toujours est-il que je dois maintenant éviter les chips. Et ça me rend très malheureux.

Parce qu'on pourrait croire que la tentation se dissipe avec le temps, mais il n'en est rien. À chaque fois que je passe au rayon des biscuits pour apéritif de mon supermarché, ou à côté d'un vendeur dans la rue à l'étal rempli de bonbons, je pleure intérieurement de devoir me priver de ces plaisirs que je n'arrive pas à consommer raisonnablement. Je ne sais pas ce qui est le pire : pour ce qui est du sucré, mon poussinet, qui ne partage pas mon addiction, n'arrive pas à comprendre que je sois tenté, et ne compatit donc guère ; pour ce qui est des chips, il aime lui aussi beaucoup, et n'a pas de scrupule à manger sous mon nez des trucs que je suis bien triste de ne pas pouvoir digérer.

Heureusement, j'arrive encore à profiter des biscuits au fromage sans en tomber malade, ou, s'agissant du sucré, du chocolat (j'en suis aussi fou, mais je finis par ne plus en vouloir avant d'être complètement écœuré). Et je pense qu'il vaut mieux que j'évite d'essayer n'importe quelle substance ayant un effet addictif, si déjà le sucré et le salé me font perdre la mesure.

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(mardi)

Où on cambriole ma cave sans rien me voler

La plupart des caves de notre immeuble, dont la mienne, ont été cambriolées la nuit dernière : c'est un signe que mon poussinet et moi n'y entreposons que des conneries que rien ne nous a été volé ; le seul dégât est que la porte a été forcée et que le désordre a encore un peu augmenté. Ils ont commencé à partir avec quelques trucs (une paire de chaussures Nike dont j'avais raconté l'histoire ici, un blouson de motard que j'avais acheté à un prix invraisemblablement bas dans un quelconque magasin genre Troifoirien en me disant que ça pouvait toujours servir, et un casque de moto que j'eus utilisé pour faire du vélo), et finalement ils les ont laissées dans le couloir, en se disant sans doute qu'ils avaient mieux à transporter. En fait, d'après discussion avec nos voisins, les principales choses qui ont été volées sont des bouteilles de vin — et des valises dans le but manifeste de transporter les bouteilles de vin en question.

Ce qui est un peu ironique, c'est que mon poussinet et moi, qui habitons au rez-de-chaussée, avons été réveillés vers 4h par les cambrioleurs et le boucan qu'ils faisaient en défonçant les portes du sous-sol. Mais j'ai tellement l'habitude de râler contre les voisins dans cet immeuble qui font des travaux, ou d'autres sortes de bruits difficiles à identifier, à des heures que je considère comme indues (et je sais que notre voisin d'à côté se lève vers 5h du matin), que je n'ai même pas bronché.

Hors sujet : je profite du fait que j'écris une nouvelle entrée pour signaler que j'ai ajouté un lien avec des photos à la précédente.

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(samedi)

Visite du Conseil et de la Commission européenne

Aujourd'hui, mon poussinet et moi sommes allés passer la journée à Bruxelles pour visiter certaines des institutions européennes dans le cadre de leur journée portes ouvertes. Le matin nous avons vu les bâtiments qui servent au Conseil européen et au Conseil[#], autrement dit le bâtiment Justus Lipsius et le tout nouveau bâtiment Europa juste à côté. L'après-midi, nous avons vu le Berlaymont, situé de l'autre côté de la rue de la Loi, et qui est le siège central de la Commission.

Il fallait une certaine motivation, puisqu'il y avait une grosse demi-heure de queue déjà à 11h30 du matin pour rentrer au Conseil, et une bonne heure à 14h pour entrer à la Commission, avec deux contrôles de sécurité à chacun (un rapide au début de la queue et un plus approfondi à la fin[#2], évidemment sans compter les contrôles pour embarquer dans le Thalys à Paris). Mais c'était intéressant, et pas juste pour récupérer quelques goodies (mon poussinet était tout content d'obtenir un mug Conseil de l'Union européenne et des gummibärchen en forme d'euros) et des tonnes de brochures sur plein de sujets.

J'ai notamment pu me faire une idée de l'agencement de ces lieux qu'on voit assez souvent dans les médias (les bâtiments du Conseil dès qu'il y a une réunion des chefs d'État et de gouvernement, et ceux de la Commission servent comme une sorte d'image générique pour illustrer n'importe quel sujet sur l'Union européenne).

Le bâtiment Europa (voir sur Google Images), qui vient d'ouvrir, est architecturalement remarquable, avec sa « lanterne » (que certains appellent en blaguant l'« utérus »), un bâtiment arrondi dans un bâtiment cubique : cette forme surprenante a été imposée, apparemment, par des contraintes liées à la station de métro qui est en-dessous, mais en tout cas je trouve que c'est plutôt une réussite. Les salles de réunion à l'intérieur sont très colorées, disons même bariolées : j'avais pensé en voyant les photos que ça risquait d'être plutôt de mauvais goût, mais en fait, l'atmosphère est très comfy ; il y a plusieurs salles (trois, je crois) qui se ressemblent beaucoup à part leur taille, on nous a fait visiter la plus grande, et une nettement plus petite où se réunissent les chefs d'État et de gouvernement de manière à pouvoir se voir les uns les autres (mon poussinet a fait le malin en s'asseyant à la place de François Hollande : la France, apparemment, est placée entre la Slovénie et la République tchèque). Ça explique que je n'arrivais pas à me faire une idée de la taille de la salle que j'avais vue en photo : en réalité, il y en a plusieurs.

Ce bâtiment Europa est une extension du « résidence Palace », un immeuble des années 1920 dans un mangifique style art déco belge, et ce qui est frappant, c'est que les deux styles, bien que totalement différents, vont très bien ensemble, la froideur marmoréenne du residence Palace, et la coloration « bonbons acidulés » de l'intérieur de la lanterne.

Le Berlaymont, en revanche, est très moche, au moins de l'extérieur. Mais nous avons pu jeter un coup d'œil au 13e étage, où sont les bureaux de la présidence et du secrétariat-général de la Commission, ainsi que la salle de réunion du collège des Commissaires (que nous avons pu visiter) : la déco est très feutrée, pas du tout à la façon des « ors de la République » que la France affectionne, mais pas non plus pareil qu'au Conseil (pour ce qui est des salles de réunion, celle de la Commission est plutôt austère en comparaison aux couleurs des nouvelles salles du Conseil ; et pour ce qui est des salons à proximité, il n'y a que des drapeaux et des symboles de l'Union, juste du bleu reflex et des étoiles, alors qu'on voit bien que le Conseil représente les États membres). Sinon, Jean-Claude Juncker a une belle vue sur Bruxelles.

Mais je n'ai pas été intéressé que par la déco des salles de réunion. J'ai pu comprendre un peu comment le système d'interprétation simultanée fonctionne, et j'ai longuement discuté avec une interprète (grecque). J'ai pu lui demander toutes sortes de choses sur comment ils s'organisent en pratique, et j'en ai beaucoup appris. Par exemple, les interprètes traduisent normalement vers leur langue maternelle, mais ce n'est pas toujours possible quand la langue à traduire est une langue un peu rare (il ne doit pas y avoir d'interprète capable de traduire du maltais vers le letton) : dans ce cas, ils procèdent par langue pivot, avec un premier interprète qui traduit depuis sa langue maternelle vers une langue pivot (anglais, français ou allemand), on appelle ça un retour, et cet interprète est ensuite repris par les autres. Elle m'a aussi expliqué que ce qui leur posait le plus de problème était souvent les gens qui ne parlaient pas leur langue maternelle ; et que pour ce qui est des gens qui s'interrompent ou se coupent la parole les uns les autres, le fait d'avoir des traducteurs fait que, rapidement, ils prennent l'habitude d'un débat où on laisse le temps aux autres de finir (y compris aux traducteurs qui peuvent avoir un peu de retard). J'ai pu essayer de faire un peu d'interprétation simultanée en « conditions réelles » depuis une cabine de traduction : je ne m'en sors pas trop mal quand quelqu'un parle clairement et pas trop vite, mais c'est vrai que quand quelqu'un a posé des questions en anglais alors que ce n'était pas sa langue maternelle, je n'y arrivais plus du tout.

À part ça, nous avons longuement discuté avec quelqu'un qui s'occupait de la préservation de la biodiversité des espèces d'insectes, et j'en ai appris beaucoup plus sur les abeilles que ce que j'attendais d'une visite à la Commission européenne.

J'esserai de mettre en ligne des photos que j'ai prises quand j'aurai fait un minimum de tri. En attendant, mon poussinet en a tweeté quelques unes où il fait le malin.

Mise à jour : les photos sont ici (cliquer sur le ‘i’ entouré dans le coin pour voir le titre, l'heure et le lieu).

[#] Si comme 99.999% des gens vous le savez pas quelle est la différence entre le Conseil européen et le Conseil, je rappelle que le Conseil européen (qui a Donald Tusk comme président) est la réunion des chefs d'État ou de gouvernement qui sert comme une sorte de chef d'état collégial de l'Union européenne et a un rôle plus politique que juridique ; alors que le Conseil (qui a une présidence tournante tous les six mois exercée par un pays) est la réunion des ministres (de la spécialité dépendant du sujet débattu au Conseil) et sert en quelque sorte de Sénat de l'Union européenne, qui vote les directives et règlements en codécision avec le Parlement. À la fois le Conseil européen et le Conseil représentent les États de l'Union (mais à un niveau différent, comme je viens de le dire), tandis que le Parlement représente ses citoyens, et la Commission est une sorte de gouvernement ou de tête de l'administration européenne. (Enfin, rappelons une fois de plus que le Conseil de l'Europe est, pour sa part, une institution internationale complètement différente, beaucoup plus large que l'Union européenne, malgré le nom très proche et un drapeau identique ; il a son siège à Strasbourg. Le Club Contexte vous remercie de votre attention.)

[#2] Ce qui est effectivement la chose relativement raisonnable à faire si on commence à craindre que la longue queue occasionnée par un contrôle de sécurité ne devienne à son tour une cible potentielle d'attentats.

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(jeudi)

Dimanche, je vote pour Angela Merkel

Je remercie Madame Le Pen de m'avoir fourni le moyen de voter pour son adversaire sans trop avoir la nausée : je vais imaginer que le bulletin que je mettrai dans l'urne portera la mention Angela Merkel. Elle n'a certainement pas les idées politiques de mes rêves, mais au moins elle est sérieuse, compétente, intelligente et pas cinglée, ce qui est apparemment mieux que ce l'ensemble de la classe politique française est capable de fournir en ce moment.

(Je mettrais bien Angela Merkel présidente sur un tee-shirt, mais j'ai peur que ce soit interprété sarcastiquement.)

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(mercredi)

Sur l'anglais de Theresa May

J'ai déjà dû raconter que je suis avec la phonétique un peu dans la situation de Donald Knuth qui racontait quelque part qu'une fois qu'il a commencé à s'intéresser à la typographie,

I can't go to a restaurant and order food because I keep looking at the fonts on the menu.

Il y a plein de gens dont je n'arrive pas à écouter ce qu'ils disent tellement je suis occupé à écouter la manière dont ils prononcent. Je m'en plaignais par exemple ici à propos de Nicola Sturgeon, qui est à la tête du gouvernement dévolu d'Écosse. (Soit dit en passant, la phrase précédente contient une périphrase tordue parce que je n'arrive toujours pas à me décider entre la Première ministre, la Premier ministre, ou le Premier ministre.)

Voilà qu'il m'arrive la même chose avec Theresa May : en écoutant cette interview et cette allocution, je remarque qu'elle prononce /nɪˈgəʊsieɪt/ pour negotiate et /ˈkwestjən/ pour question (ce que je souligne est le phonème /s/ plutôt que /ʃ/, autrement dit, le son de sin et pas de shin), mais elle prononce /ˈɪʃuː/ pour issue. Toutes ces prononciations sont possibles (chez les Américains, /ˈɪʃuː/ est presque universel, et même chez les Anglais, il doit être majoritaire), mais compte tenu des deux mots que je viens de mentionner, je pensais qu'elle dirait /ˈɪsjuː/ : la combinaison m'étonne par son manque de cohérence, à tel point que j'en viens à me demander si elle ne force pas exprès son accent dans un sens ou dans l'autre.

De même, quand elle dit it's either going to be me, or Jeremy Corbyn, et pas it's either going to be I, je me demande dans quelle mesure c'est spontané ou si elle ne veut pas paraître trop posh.

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(lundi)

Fragment littéraire gratuit #158 spécial élections (cinquante nuances de bleu-blanc-rouge)

Il la regarde entrer. L'angoisse lui serre déjà la gorge. Non par peur d'elle, bien sûr : il l'a déjà rencontrée, déjà affrontée et, dans sa tête, déjà vaincue ; elle ne l'intimide plus. Mais de la trahison qu'ils commettent l'un et l'autre à cet instant. L'anxiété est réciproque, mais pas plus que lui elle ne sera prête à l'admettre. Ils se regardent superbement, comme s'ils se provoquaient à consommer cette traîtrise — folie qui devient fierté, qui devient excitation.

Qu'ont ressenti Roméo et Juliette quand ils se sont déclaré leur amour ? Ont-ils savouré un instant le défi qu'ils lançaient au destin ? Ont-ils goûté à l'euphorie de celui qui brave l'interdit et brûle le tabou ?

Si un journaliste, malgré leurs précautions… Aucun mot n'est assez fort pour décrire le scandale qui s'ensuivrait. Le monde entier s'en émouvrait. L'Europe tremblerait. La France vacillerait.

La France, qu'ils adorent l'un et l'autre de façon si différente. Il semble qu'elle est là, dans cette pièce, elle les regarde, consternée. C'est une sorte de jeu à trois qui va se jouer : elle, lui, et la France. Chacun éprouve pour les deux autres un amour si profond et pourtant si insensé. Chacun aime les deux autres, mais le triangle est impossible. Absurde. Et en même temps si drôle.

Il ferme les yeux et pense à la France.

Il ferme les yeux et ne pense plus qu'à elle.

Il l'imagine sous les traits de Jeanne d'Arc. Il l'imagine en Marianne, dont le prénom est si proche de celui qu'elle a adopté. Il l'imagine comme la Liberté du tableau de Delacroix. Le voit-elle dans le même temps, comme un Gavroche, à cause de son âge ?

Dans quelques jours, l'un d'entre eux sera président. Ce soir, ils ne seront qu'amants.

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