Minority report sur l'article 35 des statuts HBO

Pourquoi ce texte ?

Le Conseil d'administration de HBO a adopté le 2003-04-08 une proposition de (modification de) statuts à soumettre à l'Assemblée générale extraordinaire convoquée le 2003-05-14. Cette proposition reprend, en l'amendant en plusieurs points, le projet résultant du travail de la Commission statuts. Un de ces amendements concerne l'article 35 relatif au règlement intérieur : en substance, le texte de la proposition finale prévoit que le règlement intérieur soit voté par le Conseil d'administration, tandis que le brouillon élaboré par la Commission voulait obligatoirement faire ratifier ce règlement par l'Assemblée générale. Il s'agit donc d'une question de procédure, mais qui a son importance car elle concerne l'un des domaines importants d'exercice du pouvoir dans le cadre de l'association.

L'auteur de ces lignes, rédacteur de l'article dans sa formulation d'origine, était dans la minorité opposée à l'amendement. Le but de ce texte est d'expliquer les raisons de cette opposition, et de montrer pourquoi le changement effectué est, à notre sens, inopportun. Il s'agit simplement d'enregistrer très nettement, et par écrit, une opinion dissidente, et non, a priori, de remettre en question le vote de la majorité. On regrette simplement que le manque de temps lors de la réunion n'ait pas permis une plus longue exposition des points de vue.

Présentation

Le règlement intérieur (RI) est défini par l'article 35 des statuts, dont il est question : son rôle est de compléter ou de préciser les statuts, et de régler le fonctionnement ordinaire de l'association. D'après l'article 7 des statuts (2e alinéa), la qualité de membre de l'association implique l'adhésion aux statuts et au RI, du respect desquels le président de l'association est garant d'après l'article 17.

Concrètement, le règlement intérieur fixe le montant de la cotisation annuelle (actuellement 15€, d'ailleurs elle ne peut légalement dépasser 16€), le terme de cette cotisation (un an, d'AG en AG), la périodicité des permanences (hebdomadaire), la signature sur les comptes, le fonctionnement du fonds culturel, des listes de contacts et de diffusion, et du groupe informatique.

L'Assemblée générale (AG), organe souverain qui comprend tous les membres de l'association, est définie au chapitre 3 du titre 3 des statuts, et notamment ses pouvoirs sont précisés à l'article 30. Le Conseil d'administration (CA), qui la représente dans la gestion quotidienne de l'association, est défini au chapitre 2, et notamment ses pouvoirs sont fixés à l'article 21.

Le débat concerne la question de savoir qui a autorité pour modifier le règlement intérieur : la décision du 2003-04-08 donne ces pouvoirs au Conseil d'administration plutôt qu'à la seule Assemblée générale. Le débat n'est pas de savoir si l'Assemblée générale a le pouvoir de fixer ou de changer le RI : elle l'a indiscutablement, en vertu de l'article 30 des statuts. Le débat n'est pas non plus de savoir si les discussions préalables à la modification du règlement intérieur doivent se faire au sein de l'AG ou du CA : si le vote est fait par l'Assemblée générale, c'est tout naturellement au Conseil et au Bureau de présenter un texte à l'AG (notamment en vertu de l'article 16 des statuts, dernière phrase) et d'en inscrire le vote à l'ordre du jour (article 27 des statuts, alinéa 1er), l'AG se réservant cependant le droit d'amendement (en vertu du contrôle général qu'elle exerce sur son ordre du jour). La question abordée ici est de savoir si le vote de l'AG (ou, si on veut, sa ratification) est nécessaire pour établir ou modifier le RI.

Détail de l'amendement

L'article 35 dans sa rédaction initiale était le suivant :

L'Assemblée générale pourra adopter un règlement intérieur pour compléter ou préciser les présents statuts, ou pour régler le fonctionnement ordinaire de l'association.

Amendé pour remplacer « l'Assemblée générale » par « le Conseil d'administration », il se présente ainsi :

Le Conseil d'administration pourra adopter un règlement intérieur pour compléter ou préciser les présents statuts, ou pour régler le fonctionnement ordinaire de l'association.

Simultanément, la deuxième phrase de l'article 5 est modifiée pour tenir compte de ce fait : au lieu de Son adresse est déterminée par le règlement intérieur prévu à l'article 35, ou à défaut par le Conseil d'administration, on lit maintenant Son adresse est fixée, et peut être transférée, par le Conseil d'administration. De même, dans l'article 11, une cotisation dont le montant et le terme sont fixés par le règlement intérieur prévu à l'article 35, ou à défaut par le Conseil d'administration devient une cotisation dont le montant et le terme sont fixés par le Conseil d'administration. Ces modifications sont logiques compte tenu de celle effectuée à l'article 35.

Argumentation

Prééminence de l'Assemblée générale

Avec la rédaction initiale de l'article 35, le règlement intérieur était l'instrument naturel de l'Assemblée générale pour faire valoir sa prééminence exprimée de façon abstraite par l'article 30 : le RI étant de sa compétence exclusive, elle disposait d'un moyen clair pour entériner des décisions qu'elle diposait seule du pouvoir de modifier ou révoquer, et qui lieraient le CA. La modification étant faite, l'AG n'a plus de moyen efficace pour contraindre le CA : même si l'article 21 lui permet implicitement d'adopter des « résolutions » qui s'imposent au CA, le cadre effectif reste à définir ; quant aux statuts, la procédure pour leur modification est lourde, et ils ne sont clairement pas adaptés à une utilisation réglementaire, d'autant plus qu'ils sont opposables aux tiers. Il apparaît donc comme regrettable de retirer à l'AG un moyen d'action naturel vis-à-vis du CA que constituait le règlement intérieur.

Importance du règlement intérieur

Le règlement intérieur doit jouer, en-dessous des statuts, un rôle structural important dans l'association. L'article 7 des statuts prévoit explicitement que les membres souscrivent au règlement intérieur. Il semblerait donc naturel qu'un texte aussi important soit au moins soumis à l'approbation de tous les membres, c'est-à-dire de l'Assemblée générale. C'est-à-dire qu'à notre sens, seule l'Assemblée générale peut oindre le texte de la solennité nécessaire au règlement intérieur.

De plus, dans une hiérarchie des normes interne à l'association, le règlement intérieur se place naturellement entre les statuts et la simple décision du Conseil d'administration (éventuellement prenant la forme d'un règlement non qualifié d'« intérieur »). Il apparaît donc comme compréhensible de lui donner une origine intermédiaire entre le vote de l'AG à la majorité des deux tiers nécessaire pour une révision des statuts et le vote simple du CA.

Nécessité de consensus

Au-delà de ces considérations juridiques, le RI fixe un nombre de règles importantes du fonctionnement quotidien de l'association. Il s'agit de points sur lesquels on a toujours consulté l'ensemble des membres de l'association, les anciens statuts l'exigeant d'ailleurs expressément. Par exemple, il semble clair que la suppression des permanences hebdomadaires ou du fonds culturel, ou encore le modification du montant de la cotiation, ne devrait se faire que par une décision impliquant l'ensemble des adhérents, et non seulement de leurs représentrants au Conseil d'administration : même si ceux-ci sont choisis pour recevoir délégation de pouvoir, il semble naturel que les décisions importantes soient référées à l'origine de ce pouvoir. De même, certaines règles telles qu'un article sur la nécessité de présenter des reçus pour pouvoir prétendre à un remboursement de frais encourus, ou un autre sur la signature sur les comptes bancaires, dont le rôle est aussi d'éviter la fraude au sein même du Conseil, devraient être hors du contrôle de ce dernier.

Multiplicité des Assemblées générales

L'Assemblée générale ordinaire, qui selon les anciens statuts, était annuelle, est bisannuelle selon les nouveaux. Il apparaît donc comme d'autant plus envisageable d'attendre, pour modifier le règlement intérieur, la tenue de la prochaine Assemblée. D'ailleurs, ce point n'a pas posé problème par le passé. Dans le pire des cas, il est toujours possible soit de convoquer une Assemblée générale extraordinaire (comme le Conseil d'administration en a le pouvoir), soit de placer une règle dans un règlement simple (voir ci-dessous) en attendant de l'entériner dans le règlement intérieur.

Existence de moyens d'action du Conseil d'administration

La lecture de l'article 21 confère clairement au CA des pouvoirs très étendus, et il peut notamment prendre des résolutions ou règlement écrits qui ne sont pas le règlement intérieur, sur tous les sujets concernant l'association, par exemple s'il survient un élément nouveau dans son fonctionnement, ou pour préciser des règles diverses. Le règlement simple adopté par le CA n'a que ceci de différent par rapport au règlement intérieur qu'il n'a pas l'onction de l'Assemblée générale, et qu'il est plus volatil en ce que le CA peut le modifier à tout moment. Dès lors que cette possibilité existe toujours, la modification de l'article 35 revient à vider ce dernier de sa substance.

Tradition

Une recherche sur le Web montre qu'une écrasante majorité d'associations « Loi de 1901 » imposent au règlement intérieur d'être ratifié par l'Assemblée générale. C'était aussi le cas de HBO selon les anciens statuts. L'expérience de diverses associations et modes de fonctionnement semble montrer que ce fonctionnement ne pose guère de problème, et que la lourdeur procédurière apportée n'est que très rarement gênante.

Une note technique de procédure

On pourrait arguër qu'il est possible pour l'Assemblée générale d'adopter un article de règlement intérieur (ce qui est son droit d'après les statuts, comme on l'a déjà noté) et de le « verrouiller » en précisément expressément dans sa formulation qu'il ne peut pas être modifié par un simple vote du CA (en vertu du pouvoir du RI de préciser ou de compléter les statuts). La possibilité de « verrouiller » des articles du RI répondrait à la plupart des objections formulées dans le présent rapport. Cependant, il subsiste un doute sur le fait que la procédure soit conforme aux statuts : en effet, ceux-ci prévoient expressément (dans leur version amendée, justement) le pouvoir du CA d'adopter (et donc de modifier) le RI, et l'AG ne peut s'arroger le pouvoir statuant nécessaire pour modifier ces dispositions que dans les formes prévues par les statuts eux-mêmes.

Principe de l'amendement des statuts

Finalement, il y a lieu de faire la remarque suivante : il est curieux que la question de savoir « le règlement intérieur doit-il être de la compétence de l'AG ou du CA ? » soit tranchée… par le CA ! Même si techniquement la procédure est valable (puisque l'AG ratifiera les statuts s'ils doivent être adoptés), il y a au moins un doute léger sur la façon qu'a le CA de s'auto-attribuer un droit dont il ne disposait pas préalablement.

Conclusion

Ces différentes raisons nous conduisent à penser que la procédure d'adoption du règlement intérieur par simple décision du Conseil d'administration est peu judicieuse, et que les considérations de souplesse associée à cette procédure ne sont pas pertinentes, ou du moins insuffisantes pour justifier ce choix.

Néanmoins, sauf si d'autres se montrent également préoccupés par la question, il ne semble pas idoine de proposer un contre-amendement aux statuts en même temps que ceux-ci seront déposés devant l'Assemblée générale pour leur adoption définitive. On s'en tiendra donc à enregistrer ce rapport de minorité à toutes fins utiles, éclaircissant l'opinion opposée à l'amendement et le sens original du projet.


David Madore