Comments on Je persiste à ne pas comprendre la théorie quantique des champs

ooten (2019-06-10T20:10:22Z)

voici une explication sur les tentatives d'unification de la gravitation avec les autres forces à l'échelle microscopique <URL: https://sciencetonnante.wordpress.com/2016/09/02/la-gravite-quantique-a-boucles/#more-8003 >, voir surtout la vidéo.

fred (2018-09-19T17:45:16Z)

Bonjour,

J'éprouve un peu le même genre d'émotions vis à vis de la théorie des champs. Voici ce que j'ai cru comprendre.

Pour la seconde quantification, elle est nécessaire car on ne sait pas obtenir un Hamiltonien défini positif avec un nombre de particules fixé. C'est ce qu'on peut démontrer avec les axiomes de Wightman. On peut aussi démontrer le théorème spin-statistique et le théorème CPT.
Les fonctions de Wightman permettent aussi de calculer les sections efficaces via la formule LSZ. Le truc c'est qu'elles ne sont pas appelées comme ça dans les livres de physiciens.

Pour le côté renormalisation: à cause du pôle de Landau, beaucoup de physiciens pensent qu'il n'est possible de formaliser rigoureusement l'électrodynamique quantique et qu'on ne pourra obtenir qu'un développement asymptotique.
Et depuis des travaux en physique des solides, beaucoup pensent que ce n'est pas grave. En effet, en prenant la limite de réseaux périodiques d'atomes, on a aussi besoin de renormaliser pour faire des développements asymptotiques. D'où l'idée que la théorie ultime serait dans un monde discret, à une échelle probablement comparable à l'échelle de Planck et que toutes les bizarreries de la théorie actuelle viennent d'un passage à la limite un peu trop ambitieux.

Pour le côté linéarité, ce n'est pas tant cette dernière que l'on observe mais la non-commutativité. Pour la physique des particules, c'est essentiellement à travers la quantification du nombre de particules qu'elle apparaît.

Bellon (2018-09-05T09:18:40Z)

J'arrive vraiment après la bataille, mais le sujet est vraiment important pour moi.

La théorie quantique des champs est vraiment un sujet impossible, où tous les aspects ont tendance à se mélanger, ce qui rend difficile un exposé joliment linéaire. Et pourtant elle est indispensable, en particulier pour poser sérieusement des questions comme la non-localité supposée de la mécanique quantique: en effet, pour pouvoir poser la question de la compatibilité d'une procédure de mesure avec les questions de localité, il faut avoir une invariance de Lorentz, et donc exit la mécanique quantique "classique".

En plus, les questions d'infinis qui se rencontrent à divers stades ne sont pas que des problèmes techniques, mais vont mettre en cause ce qui au départ paraît une description raisonnable de la théorie.
Par exemple, la quantification canonique, qui a été historiquement la première approche, pose bien des problèmes: il y a l'aspect pas très pratique que l'invariance de Lorentz, pourtant fondamentale pour toute une série de propriétés de la théorie, n'est pas explicite, mais plus fondamentalement, la construction suppose que l'on peut donner un sens à la trace du champ quantique sur une surface de Cauchy, alors que les champs quantiques ne sont pas suffisamment réguliers pour qu'une telle trace existe, même comme distribution.

Il y a aussi la possibilité de représentations non-équivalentes unitairement des relations de commutations, ou plus généralement de l'algèbre des champs. Même dans le cas non-relativiste de la mécanique statistique quantique, le vide et un état de température ou de densité moyenne non-nulle ne peuvent pas apparaître dans une même représentation des champs quantiques.

Et ce n'est que le début des problèmes rencontrés. Il y a donc une tension entre un exposé qui se développe historiquement, montre les difficultés et la façon dont elles ont pu être résolues et un exposé qui décrit simplement la façon dont la théorie des champs est pratiquée aujourd'hui pour rendre rapidement efficace un étudiant. En particulier, beaucoup de présentations visant d'abord le calcul vont privilégier les théories euclidiennes, où l'intégrale de chemin peut avoir un sens comme une mesure, en négligeant les difficultés de la reconstruction d'une théorie avec un temps, minkovskienne, par le théorème d'Osterwalder et Schröder. Mais du coup, l'aspect quantique de la théorie, avec ses interférences et superpositions d'états, n'est pas du tout explicite.

J'ai déjà été bien long, mais ma conclusion est que le livre de théorie quantique des champs idéal ne peut pas exister, parce que le sujet ne se prête guère à une exposition linéaire, que beaucoup des travaux les plus rigoureux, donc a priori fait pour des mathématiciens se placent dans le cas où aucune particule n'est de masse nulle, ce qui n'est évidemment pas le cas dans notre univers.

Il y a néanmoins un livre que j'ai beaucoup apprécié, c'est celui de Rudolf Haag, parce qu'il décrit bien ce que doit être le cadre pour un traitement rigoureux de la théorie quantique. Mais c'est évidemment très frustrant, parce que l'on est bien loin de pouvoir calculer le moment magnétique anormal de l'électron ou le Lamb shift, ces effets qui ont montré que l'électrodynamique quantique renormalisée avait quelque chose d'important à dire sur notre univers. La séparation entre algèbre d'observables, qui sont localisables, indépendantes de l'état physique, et l'espace de Hilbert de représentation où vivent les états physiques qui, eux, ne sont pas totalement localisables, est essentielle pour avoir une idée de certaines des difficultés conceptuelles.

Le moyen de mettre les choses sous une forme calculable, ce serait probablement la hiérarchie de Schwinger-Dyson reliant les différentes distributions de corrélations, mais elle est infinie, a des relations compliquées avec la renormalisation…

Si je devais faire un blog, il ne parlerait que de théorie quantique des champs, et il y aurait matière à des posts interminables et incompréhensibles pour ceux qui ne sont pas dans l'approche considérée de la théorie!

Bob (2018-08-18T15:22:12Z)

Merci pour ces réflexions, c'est très intéressant comme toujours ! Et je m'empresse de confirmer que les physiciens ressentent aussi ce malaise à l'idée de manipuler un objet (une QFT) mal définie et assez insaisissable.

Mais il y a des cas où les choses sont beaucoup plus sous contrôle. Deux cas qui me viennent à l'esprit sont les théories conformes en deux dimensions et les théories supersymétriques.

Ton article me donne une motivation pour essayer d'écrire une réponse un peu longue et détaillée, je reviendrai la poster ici quand elle sera prête.

jonas (2018-08-16T11:37:39Z)

Ok, so after reading basically the whole of this writeup, I think you described quite well which part of quantum field theory and second quantization you don't understand, so now I can only hope that some physicist will read this and can help you with some good pointers.

Cigaes (2018-08-15T20:17:27Z)

Puisque ça tourne autour des thèmes qui t'intéressent en ce moment, je mentionne l'article « What Is Spacetime? » publié dans Scientific American de juin dernier. Il ne répond pas du tout à la question précise que tu poses ici, mais il souligne à quel point il manque une grosse pièce du puzzle juste au milieu.

(Accessoirement, certaines des théories évoquées semblent compatible avec ma lubie d'univers fractal.)

L'article qui suit, « What Is Dark Matter? », va probablement être en lien également, mais je ne l'ai pas encore lu.

Ilia (2018-08-15T16:14:50Z)

Je confirme qu'Andrei Smilga est mon père :-)

Ruxor (2018-08-14T21:50:16Z)

@jonas: Indeed! The G>0 problem is a problem for everyone, that's a known limitation of our knowledge; my problem is that I already can't understand [G=0] quantum field theory. (I had some slight hope that the [G>0] quantum gravity theories might actually be mathematically better-defined than [G=0] quantum field theory, but string theory doesn't seem any better and now I don't understand what the situation is with LQG either.)

jonas (2018-08-14T16:02:31Z)

> Je n'ai même pas vraiment l'impression que mon principal problème porte sur les fameux infinis qui apparaissent partout quand on essaie de faire de la théorie quantique des champs (et qu'on fait disparaître avec un tour de passe-passe appelé "renormalisation") ; je ne suis pas non plus persuadé que ce soit à cause des intégrales de chemin (qu'on ne sait notoirement pas formaliser mathématiquement) que je suis tout perdu :

And just to get the third obvious possibility out of the way, it's also not $ G > 0 $ in the sense of <URL:http://www.madore.org/~david/weblog/d.2014-02-10.2192.meditations-physique.html > that bothers you, right?

Benoit (2018-08-14T11:41:19Z)

…mon commentaire précédent est redondant avec celui d'A-Thom, je pense qu'on pense à la même chose.

Un livre peut-être à rajouter à ta liste: Robert M. Wald, "Quantum Field Theory in Curved Spacetime and Black Hole Thermodynamics". Il contient une introduction à la QFT du point de vue "second quantization" le plus algébrique/géométrique possible, le but étant d'étendre ça au cas où l'espace-temps sous-jacent n'est pas simplement un R^n plat. Ça donne lieu au traitement le plus clair et conceptuellement satisfaisant que j'ai pu lire de ces sujets, et ça couvre le formalisme "algèbres d'opérateurs" qui est le formalisme conceptuellement le plus solide de la QFT. (Ce formalisme est utile pour les questions de thermodynamique qui intéressent l'auteur, mais n'est malheureusement pas aussi utile pour les questions sur des particules individuelles, où les phases rentrent en jeu. Autrement dit, même si au niveau fondamental on n'a pas de théorie satisfaisante, au niveau de la mécanique statistique ça va mieux).

Benoit (2018-08-14T11:02:06Z)

N'y a-t-il pas déjà quelque chose de fondamentalement incomplet dans la mécanique quantique elle-même, indépendamment de la théorie quantique des champs? Je parle de la question de la "réduction du paquet d'ondes". Différentes interprétations existes est sont considérées comme satisfaisantes par différents physiciens. Et si le caractère incomplet des formulations/interprétations de la mécanique quantique reflétait une lacune dans notre compréhension de la nature, et non une caractéristique de la nature elle-même, comme seuls les physiciens quantiques parmi tous les scientifiques semblent s'autoriser à le croire? Je dois admettre que j'ai lu "The Road to Reality" de Roger Penrose et que je suis sous l'influence de sa pensée "réaliste" dans la lignée d'Einstein.

En parlant d'Einstein, comme tu donnes l'exemple de la relativité générale, je voudrais proposer qu'on peut voir l'équation d'Einstein comme une définition de l'énergie-impulsion et non comme une relation entre énergie-impulsion et courbure, et donc on peut voir la RG comme une théorie purement géométrique ("l'espace-temps est une variété pseudoriemannienne (3,1) dont la courbure d'Einstein contractée satisfait une condition de positivité; on appelle "énergie-impulsion" cette courbure d'Einstein contractée"). Faire des prédictions en RG devient un problème géométrique de décrire la géométrie de cette variété à partir seulement d'une description d'une partie ("conditions initiales").

ooten (2018-08-13T18:46:57Z)

Je suis tombé sur ce cours qui prétend expliquer en préambule le pourquoi de cette théorie : <URL: https://npac2013.lal.in2p3.fr/ARCHIVES/npac-OLD/docsnpac0708/cours0708/TQC_1.pdf >.
Pourquoi ne pas rechercher du côté de R. Feymann, il paraît que c'est un très bon pédagogue et en plus il est l'un des fondateur de cette théorie. J'avais déjà trouvé ces cours en ligne excellents : <URL: http://www.feynmanlectures.caltech.edu/I_toc.html > mais ils ne parlent pas de la théorie quantique des champs même si le volume 3 traite de la mécanique quantique.
Si on a trouvé le boson de Higgs (théoriquement et pratiquement), on a donc aussi trouvé la raison pourquoi la matière a une masse et on n'arriverait pas ainsi à quantifier la gravitation (bon ma question est naïve, je le sais, en relativité générale on parle d'objet macroscopique, d'espace courbe et de force d'inertie, des notions qui sont absentes de la mécanique quantique) ?

A-Thom (2018-08-13T17:02:40Z)

Tu touches quelque chose d'à mon avis fondamental et trop souvent mis de côté dans ce domaine de la physique. Personnellement, cet état de flou permanent (accepté comme parfaitement normal) m'a fait fuir ce domaine et je travaille essentiellement en mathématique maintenant.
Je peux en tout cas te confirmer que tout ce que tu es très loin d'être le seul de penser tout ça sur la QFT.

Personnellement, (mais c'est discutable sans doute), je pense que le problème commence déjà dans l'approche "Copenhaguienne" de la MQ à partir du moment où on est plus vraiment clair sur ce qui "existe" vraiment, ou plus exactement sur ce que les objets mathématiques qu'on manipule correspondent (directement ou indirectement) sont censés représenter de la réalité. Et aussi (à l'inverse) à partir du moment où la notion d'observateur n'a pas de modélisation interne à la théorie qui pourrait servir de définition précise.

La QFT est une amplification extrême de ce flou, et ce qui est dommage est que beaucoup de physicien acceptent ce flou comme un état de fait de la nature (avec la satisfaction de comprendre quelque chose d'incompréhensiblement confus), et pas comme un défaut inhérent d'incomplétude de la théorie.

ayoub (2018-08-13T16:28:15Z)

Eh bien, voilà un excellent prétexte pour écrire ce livre manquant en question ! Tu as déjà la préface. ;-)


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