Comments on Le monde matériel et le monde enchanté

Marc Autret (2014-04-10T22:58:01Z)

Un pas de plus et on s'apercevrait peut-être que les quarks, gluons, électrons et photons, appartiennent également au monde enchanté. Mon sentiment est que le tropisme de l'identité se réduit un tropisme de l'entité. Et que l'entité est une fiction.

quen_tin (2014-03-31T22:51:10Z)

Je découvre ce blog, très intéressant. Mais je ne partage pas ce dualisme. En effet on peut faire valoir que l'image scientifique du monde fait partie elle aussi du "monde enchanté" notamment parce que les concepts modaux y jouent un rôle central.
A mon avis il n'y a pas de conception convaincante des lois naturelles (du contenu des théories en général) comme pure description d'une mosaïque de faits.
voir <URL: http://plato.stanford.edu/entries/laws-of-nature/ > pour des arguments contre la conception humienne des lois.
Et si l'on tient compte du rôle des probabilités en physique moderne, alors les modalités sont encore plus difficiles à éliminer (vu que les interprétations fréquentistes sont assez peu convaincantes et que les probas s'apparentent plutôt à des quantifications sur les mondes/futurs possibles).
Ce n'est donc pas parce que les objets individuels semblent disparaître de la physique qu'on peut se passer de concepts modaux pour autant.
Donc de deux choses l'une : ou bien le monde réel est une chose inaccessible (il se différencie de la description physique qu'on en fait) mais il n'y a pas de sens à le contraster avec un monde enchanté puisqu'on est dans l'incapacité même d'en parler ou de le décrire, ou bien il fait simplement partie de ce monde enchanté.
Notamment parce que la physique se rapporte à des observations concrètes, interprétées, et qu'on peut douter qu'elle fasse réellement sens si on affranchie nos abstractions de ce rapport au concret (à moins d'entretenir une forme de platonisme mathématique à la Tegmark par exemple). Affirmer l'existence abstraite d'une pure structure mathématique serait finalement une affirmation triviale (au sens de l'existence logique). Or le contenu des sciences est loin d'être trivial.
Donc pour moi, aucune raison de penser qu'il y aurait une limite tranchée entre une hypothétique description fondamentale et complète de l'univers et tout le reste, qui viendrait par dessus de manière indépendante. Pas de raison d'être dualiste.

Régis (2014-03-25T12:22:38Z)

Concernant la résurrection des corps, c'est une promesse déjà présente dans l'Ancien Testament (Ezéchiel)et il était difficilement possible à saint Paul, quand il en parle dans la Lettre aux Corinthiens, de s'en tenir à une simple croyance néoplatonicienne en l'immortalité de l'âme… déjà qu'il manqua d'être lynché à Ephèse…

Vicnent (2014-03-20T10:34:54Z)

En gros, il faut différencier les objets (en soi) de leur instance (contextualisés avec tous les prismes possibles : histoire, expérience, culture, religion,…). Et c'est cette forme de dualisme qu'il faut sauver. (Et je vois pas bien pourquoi [dans ta démonstration], ie, pourquoi cette forme de dualisme et pas d'autres…).

(M'est d'avis que le sujet n'est pas simple non plus).

Dyonisos (2014-03-10T17:54:14Z)

Je sursature le flot des commentaires mais j'ai fait une erreur: l'image manifeste de Sellars n'est pas vraiment ce que ce post appelle l'image enchantée, ce qui rend le rapprochement un peu arbitraire. Ce qui est commun, c'est l'idée d'une dualité de descriptions sur une seul monisme ontologique (dans les deux cas, le monde décrit par la physique suffit à rendre compte de l'ensemble des phénomènes) et l'importance de l'éclairage proprement subjectif dans la constitution d'un de ces deux pôles. Mais le 'manifeste" de Sellars est beaucoup moins chargé d'hypothèses et de considérations "philosophiques" sur l'identité. Le cas du couteau qui a servi à assassiner César est révélateur: pour un sectateur de Sellars, je crois que rien ne s'oppose à dire que cet élément reçoit une description parfaitement possible dans le versant scientifique de l'image. Il suffit de tracer l'histoire de ce couteau et de recenser les différents échanges d'atomes qui conduisent à parler de la persistance de ce couteau (conservation d'une forme, voire d'une fonction si le couteau est encore apte à couper quoi que ce soit). Ce sont des choses nettement moins chargées théoriquement que Sellars a en vue lorsqu'il pointe le décalage des deux images. Mettons par exemple la table "pleine" de la perception par opposition au vide lié à la distance des électrons aux atomes etc..

L'armée des douze singes et plus si affinités (2014-03-09T14:24:23Z)

J'aime bien l'image de Borel : l'armée de singes qui tape sur des machines à écrire jusqu'à ce que l'oeuvre de Shakespeare soit entièrement réécrite ; eh bien voilà ! ton identité c'est cette armée de singes qui font signes …

Dyonisos (2014-03-09T12:27:56Z)

Ok pour la mise au point. La forme de ma remarque était peut-être trop gratuitement érudite. Mais le tout début du post y incitait un peu dans la mesure où une première lecture (peut-être non suffisamment charitable) donne l'impression qu'on y dresse un rapide tableau de l'état du dualisme dans les discussions philosophiques contemporaines et semble avancer l'idée qu'il y a un pourtant un sens à défendre le dualisme, mais comme si cet aspect avait été négligé. Or, la suggestion formulée correspond d'assez près (suffisamment pour qu'il ne s'agisse pas d'une simple analogie lâche qui rendait ma remarque inutile et non pertinente) a un élément extrêmement classique qui a nourri des échanges depuis des décennies ! Le dualisme au sens des deux images manifeste et scientifique n'est PAS généralement remis en question par l'ensemble des physicalistes. Le "je prétends" du post enfonce un peu des portes ouvertes. Ce n'est pas tant le fait qu'un philosophe a eu une idée voisine qui est en jeu que celui que sa contribution s'est imposée comme un nœud classique, quasiment un topos, des discussions sur le réductionnisme, le dualisme etc.

xavier (2014-03-08T23:55:17Z)

Comme toujours avec la philosophie, on peut blablater à l'infini sur des trucs plus ou moins fumeux du genre "Le virtuel ne s'oppose pas au réel mais seulement à l'actuel. Le virtuel possède une pleine réalité, en tant que virtuel"; tout ça car on ne définit jamais clairement les termes. On peut donc jouer avec les mots à l'infini…mais le charme est vite rompu dès qu'on pose des définitions propres et nettes.

Ruxor (2014-03-08T13:08:10Z)

@Dyonisos: J'ose bien espérer que l'idée que j'exprime est venue à l'esprit d'un nombre incalculable de gens au cours de l'Histoire (au moins depuis qu'on a une science un peu prédictive, mais sans doute même avant), tant elle est simple. Du coup je ne vois pas bien l'intérêt de me signaler que tel philosophe américain du XXe siècle l'a exprimée (sauf si son exposition est particulièrement plus claire ou frappante que les autres, mais alors il faut le dire). Ce que je raconte sur ce blog n'a normalement pas de prétention à l'originalité : je me doute bien que des gens avant moi se sont posés la question de l'héritier patrilinéaire d'Adam, que les historiens des idées savent très bien comment la formule E=mc² est devenu célèbre, que d'autres gens ont fait des exemples parlants d'analyse pas à pas de grammaires hors-contexte simples, que ma façon de souligner les surprises de la géométrie hyperbolique n'a rien de nouveau, etc.

Dyonisos (2014-03-07T20:22:13Z)

Petit commentaire sur la note de bas de page du post: oui, l'assimilation de l'âme à la conscience est une déformation historique. Le concept de conscience n'apparaît d'ailleurs qu'avec Locke et, comme cela a été pointé mille fois, c'est solidaire de la révolution cartésienne (envisagée pas seulement en référence à Descartes mais à l'essor de la science de l'époque) qui cantonne l'âme à la pure pensée en préconisant une approche mécaniste des fonctions du corps qui sollicitaient auparavant l'âme en tant que souffle expliquant les propriétés du vivant (les trois âmes d'Aristote avec les fonctions de régénération/croissance, locomotion et pensée). Il y a néanmoins des tendances dès les premiers interprètes d'Aristote à prendre appui sur certains de ses textes pour considérer que la partie intellective de l'âme (le nous) a un statut particulier en ce qu'à la différence des âmes végétatives et animales, il jouit de la possibilité d'avoir une existence séparée du corps.

Dyonisos (2014-03-07T20:10:07Z)

J'ai la désagréable impression que ce post se borne, sans en avoir conscience, à faire écho à l'utra-célébrissime et influente distinction entre l'image manifeste et l'image scientifique du monde héritée des écrits de Sellars. C'est je crois accepté par la quasi-totalité des (nombreux) philosophes physicalistes contemporains et c'est un dualisme qui est un meme on ne peut plus répandu !
http://selfpace.uconn.edu/class/percep/SellarsPhilSciImage.pdf
Mutatis mutandis, ça me fait l'effet d'un post d'un philosophe littéraire qui dirait aujourd'hui : on a eu tendance à considérer jusqu'à présent que la matière se distribuait soit en onde soit en corpuscule mais attention je propose l'idée qu'il y a une dualité entre les deux !

Fred le marin (2014-03-07T19:47:52Z)

La Philosophie n'est plus qu'une usine à concepts : l'on peut s'en moquer.

Comment ne pas citer, en cette superbe occasion, "Comment je vois le monde" d'Albert Einstein lui-même ?
(cf. une entrée précédente. Je lus ce livre en diagonale, étant alors étudiant)
Sinon, il y a aussi "L'espace prend la forme de mon regard" d'Hubert Reeves (non lu, pour le coup).
La Terre fut modelée, en deux temps trois mouvements, sous l'impulsion du monde (imaginaire/enchanté [!?]) des Hommes.
Et aujourd'hui, en gros, la menace (réelle) gronde…
Quelles sont les consignes (pour les masses), professeur ?

zEgg (2014-03-06T06:26:12Z)

"(Après, tout, avec cette façon de penser, si un papillon en Australie avait battu les ailes de façon légèrement différente une semaine avant ma naissance, « je » ne serais certainement pas né, tant la rencontre d'un spermatozoïde donné et de l'ovule est un événement improbable. Ou alors il faut encore revenir à la question de ce qu'est l'identité entre ces mondes parallèles.)"

*conception

Ruxor (2014-03-05T22:17:46Z)

@Grasyop: Si on retire de mon texte l'impression que je traite le monde enchanté de ridicule ou d'illusion, c'est vraiment qu'il y a un malentendu, car mon intention était précisément de dire le contraire. Je dis qu'il se ramène à une réalité physique : ceci n'a rien de « ridicule », pas plus que de dire que la musique de Bach est une vibration de l'air ou que la sculpture de Michel-Ange est formée de molécules de marbre — ça ne rend pas l'œuvre d'art ridicule, ou moins sublime, pour un sou. Et ce n'est pas plus une « illusion » que le fait de lire un sens dans le texte que j'écris serait une « illusion » : non, ce n'est pas une illusion, le sens est bien réel, ceci n'a rien de contradictoire avec le fait qu'il soit basé sur le monde matériel comme ce texte peut apparaître comme des pixels sur un écran !

[Je vais ajouter une note à ce sujet, parce que je trouve que c'est un malentendu grave et qu'il est peut-être de ma faute.]

Par contre, je trouve effectivement assez incompréhensible l'idée de vouloir que l'esprit humain soit régi par une sorte d'exception spéciale aux lois de la physique, si c'est ce que tu proposes. Outre qu'il n'y a rien de tangible qui aille dans ce sens et que l'idée se heurte à toutes sortes de difficultés (comme la question de ce que cette exception spéciale faisait, à quoi elle servait, pendant les milliards d'années entre le Big Bang et l'apparition de la vie), je ne vois surtout pas à quoi ça peut servir de vouloir que notre esprit soit défini par autre chose que des lois mathématiques — je ne vois pas en quoi ça fait avancer d'un microchouïa un problème quelconque que de postuler ça, cette exception spéciale. Il en va de même du déterminisme : de toute façon, on peut toujours dire que l'Univers est tautologiquement déterminisme en appelant « loi de la physique » une description longue et minutieuse de tout ce qui se produit dans l'histoire de l'Univers, qui par définition existe et est unique — manifestement ça ne change rien au schmilblick, et je vois mal ce que ça changerait au problème de la conscience ou des décisions qu'on a à prendre dans la vie qu'au lieu d'avoir une loi qui est une longue description factuelle de tout ce qui se passe on ait une loi mathématiquement simple. Mais bon, toutes ces choses sont expliquées dans The Mind's I bien mieux que je ne saurais le faire ici, donc je vais surtout renvoyer à ce bouquin pour toute discussion ultérieure.

J'ajoute cependant que je compte écrire un texte pour détailler ce que j'avais déjà commencé à esquisser ici : <URL: http://www.madore.org/~david/weblog/philo.html#d.2010-05-27.1758 > — et ceci propose une vision un peu approche, et un peu panthéiste, du « problème » de la conscience.

ooten (2014-03-05T20:44:45Z)

Je trouve que l'exemple que tu prends, dans ton post Ruxor, pour illustrer ce qu'est le monde matériel est mal venu car que sont les quarks, les gluons, les électrons et les photons à part des théories et des concepts physiques qui n'ont aucune réalité sensible en dehors des expériences compliquées qui les fondent et dont surtout les interprétations sont multiples et contradictoires : particules microscopiques, ondes ou encore les deux à la fois.
En outre je ne crois pas que les Sciences Physiques au sens des théories et de leurs concepts associés ne sont pas des mondes enchantés car ils sont déjà une interprétation et une transcendance du monde matériel si ce n'est qu'elles doivent être toujours réfutables par l'expérimentation qui caractérise exactement ce qu'est le monde matériel.

Grasyop (2014-03-05T20:44:06Z)

Bonsoir.

Je ne partage pas le point de vue purement matérialiste qui sous-tend (ou domine) ce billet (puisque ton "monde enchanté" se ramène à une construction psychologique, neurologique, et donc finalement à la matière, aux lois physiques). Je ne partage pas non plus la conviction déterministe censée rendre ridicules les interrogations de type "histoire-fiction". J’ai un point de vue qu’on peut sans doute qualifier de mystique, alors même que je suis athée et attaché à une approche rationnelle du monde. J’ai envie de dire : « l’esprit existe, je le sais, j’en ai un ».

Il me semble que tu balayes en fait d’un revers de main la notion que le monde soit fait d’autre chose que ce que l’on peut en décrire mathématiquement (en termes, par exemple, de points ou de sphères dont les mouvements dans l’espace sont régis par des lois), et que tu balayes en particulier la notion d’esprit comme étant une illusion. Mais si l’esprit n’est qu’une illusion, qu’est-ce donc qui fait l’objet de cette illusion ? Il faut quand même qu’il y ait un esprit qui subisse, qui soit la "victime", de la dite illusion.

Tu présentes ensuite des éléments de psychologie, comme la valeur sentimentale que l’on attache à un objet, qui relèvent certainement bien, eux, de l’illusion, de la construction psychologique, mais il me semble que tu tires là sur des hommes de paille, que ce ne sont là que des éléments secondaires de l’esprit (et qui nécessitent déjà une forme plus fondamentale d’esprit).
Je n’ai à peu près rien lu de Dennett, mais j’ai tout de même lu un passage où il dit, en gros, que quand j’écoute une musique de Bach (je crois), toutes mes sensations sont des conséquences de ma culture, de mon "background", bref, il ramène toutes mes sensations à une forme de connotations. Je déforme peut-être, je ne me rappelle pas bien, mais ça ne m’avait pas convaincu du tout. En fait, je pense que ma culture explique certainement la connotation que j’attache à la musique que j’écoute, mais la connotation seulement, pas la sensation sonore elle-même. Pareil pour la valeur sentimentale que tu peux attacher au poignard ayant tué César : c’est une construction psychologique, je n’ai aucun doute là-dessus. Mais si on me poignarde avec, ma douleur ne sera certainement pas une construction psychologique !

Je veux bien imaginer un monde de sphères insensibles qui s’entrechoquent selon des lois descriptibles mathématiquement, mais si une sphère toute seule est un objet insensible, deux le sont aussi, trois aussi, un gogol aussi, et d’où provient alors, par exemple, ma sensation visuelle magenta ? Bref, je suis tenté de me dire panpsychiste, par défaut, faute d’autre explication.

Pareil, pour le déterminisme : si le monde est déterministe, je ne peux rien y changer et n’ai donc pas à me fatiguer à prendre des décisions, je n’ai qu’à retourner me coucher et tout se passera bien (enfin, pareil). Sur ce, bonne nuit !

bororo (2014-03-05T14:46:55Z)

Voir aussi la distinction actuel / virtuel chez Deleuze notamment : "Le virtuel ne s'oppose pas au réel mais seulement à l'actuel. Le virtuel possède une pleine réalité, en tant que virtuel".


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