Comments on Le droit administratif, c'est fou

Apokrif (2009-04-07T23:05:32Z)

"notamment, je me suis toujours demandé ce qui se passerait si la France adhérait à un autre organisme international que l'Union européenne — je ne vois pas pourquoi ce lui serait interdit — et que cet organisme émettait des directives qui soient contradictoires avec celles de l'Union européenne"

Le problème général n'est pas celui de l'adhésion à des organisations, mais la coexistence de différentes normes (l'adhérence aux organisations n'est qu'une raison possible, parmi d'autres, de la soumission à de telles normes: les Etats peuvent conclure des traités sans pour cela appartenir à une quelconque organisation). Donc d'une part l'Etat résout le conflit de normes selon les règles de son droit interne, pour savoir quelle règle doit être appliquée (par exemple: la plus récente, qui est supposée abroger implicitement les précédentes), et d'autre part les autres personnes de droit international (organisations internationales et autres Etats concernés) résolvent le même conflit de leur côté à elles, selon leurs règles à elles, règles qui, on l'espère (car sinon ce n'est pas assez amusant) ne seront pas les mêmes que celles du droit interne (en gros: les Etats aiment dire que leur Constitution prime sur tout, les organisations internationales aiment dire que leurs règles à elles priment sur tout, et les autres Etats vont dire que chaque Etat qui s'est lié par un traité doit le respecter, et que s'il découvre tardivement que
l'application de ce traité viole sa Constitution, c'est son problème et pas celui des autres).

Par ailleurs, une organisation peuvent éviter de créer un conflit en considérant, dans la mesure du possible, que les règles émises par l'organisation d'en face ne sont pas contraires à ses règles à elle:
http://www.echr.coe.int/Fr/press/2005/juin/Arr%C3%AAtdeGrandeChambreBosphorusAirwayscIrlande.htm

Pour la définition de la personnalité, il me semble qu'il vaut mieux se tourner vers des ouvrages de droit civil.

Attention à la notion d'« ester en justice », qui est à géométrie variable: une association non déclarée (donc sans personnalité) peut former un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif (type de contentieux dont
certains aiment affirmer qu'il ne comporte pas de parties, pour des raisons pas très claires, et qui de plus a un nom piégeux, car l'expression signifie, en fait et en gros, "recours en annulation" et n'a rien à voir avec l'"excès de pouvoir" au sens de la procédure civile, par exemple). II me semble vaguement que les futures et ex-personnes privées peuvent aussi agir en justice, comme si elles avaient la personnalité, pour contester les actes qui les empêchent justement d'avoir cette personnalité, mais je n'ai pas de documentation sous la main.

DM (2008-02-12T08:44:37Z)

Je pense qu'on ne peut pas comprendre le droit en faisant abstraction qu'il découle d'un processus incrémental et, en partie au moins, de décisions politiques (lire ici : décisions motivées non pas par la qualité finale de la loi produite, mais par des considérations de promotion politique, comme le désir de surfer sur telle ou telle vague médiatique).

Le processus incrémental implique une certaine « sédimentation ». Certaines lois contiennent des prescription surrannées, qui ne nous sont compréhensibles que remises dans leur contexte historique. L'accumulation favorise également la complexité. Enfin, l'aspect « écriture à plusieurs mains » nuit à la cohérence.

D'autres domaines souffrent des mêmes tares. Il y a tout un tas de choses en informatique qui ne sont pas forcément des plus logiques, mais on fait comme ça parce que quelqu'un dans les années 50 ou 70 a décidé que c'était une bonne idée pour son projet de l'époque qui n'a pas grand chose à voir avec les usages actuels (voir par exemple la syntaxe du "cast" en Java ou C++, reprise de celle du C). Comme il est dur de changer les habitudes, on continue comme ça. Le "design by committee" (écriture à plusieurs mains où chacun veut caser ses marottes) est une plaie des normes techniques. Enfin, l'accumulation fait qu'on peut avoir plusieurs mécanismes censés résoudre le même problème (cf Linux, où le contrôle d'accès repose sur les permissions Unix, les ACL, les capabilities, SELinux, etc., le tout étant incompréhensible).

On pourrait croire que les normes techniques ne contiennent pas de décisions politiques. Or, la norme technique est le plus souvent un compromis entre différents industriels et experts. Chaque industriel, et on le comprend, veut pouvoir prétendre que son produit répond à la norme au moindre coût. De là les quantités de spécifications optionnelles, de choix multiples, etc.

Pour finir, le droit s'intéresse souvent à des situations humaines où des règles strictes seraient inadaptées. Ainsi, on va par exemple considérer si une personne a agi prudemment ou imprudemment, en appelant même à la notion de « bon père de famille ». Ceci dit, les normes techniques font également usage d'un concept semblable : l'impératif conditionnel ('should'), qui exprime non pas des prescriptions impératives, mais de fortes recommandations.

Je me suis demandé si dans certains cas très formalisés, on ne pourrait pas appliquer des techniques de model-checking au droit. Il faudra que j'y réfléchisse… mais il faudrait que j'ai des contacts avec des experts du domaine.

Apokrif (2007-10-13T21:23:02Z)

A ma connaissance, les ministres ne prennent pas de décret. Le PM (je nes sais pas pour le Président) prend non seulement des décrets mais aussi des arrêtés. Je me souviens d'un débat sur un forum ou un blog où on s'interrogeait sur la définition exacte du terme: il me semble (aucune certitude) qu'on n'utilise ce texte que quand un texte dit qu'une décision doit être prise sous forme de décret, et que sinon c'est un arrêté.

"sur la raison qui fait que certains décrets sont simples, d'autres pris en Conseil des ministres, d'autres en Conseil d'État"

Je crois que les décrets en Conseil des ministres concernent les décisions les plus importantes, qu'en dessous il y a ceux en CE et les simples. Il y a aussi des décrets sur avis conforme du Conseil d'Etat.

A côté de la question de la personnalité, il y a celle de savoir si tel organisme est ou n'est pas une juridiction. Ainsi que la définition du mot "magistrat", qui varie selon le contexte.

BN (2007-10-07T19:57:29Z)

ivo, non, il y a un domaine réglementaire autonome.

ivo (2007-10-06T17:15:08Z)

loi, décret, arrêté, circulaire, note de service; dans l'ordre en quelque sorte. la note de service met en oeuvre la circulaire qui met en oeuvre l'arrêté qui met en oeuvre le décret qui met en oeuvre la loi qui seule est législative.
Le droit constitutionnel je pense doit préciser le niveau auquel intervient le décret. (je ne suis pas juriste, c'est juste un avis)

Touriste (2007-10-03T18:36:08Z)

Oups j'avais mal lu le commentaire auquel je répondais, je n'avais pas fait gaffe au "Autres que le Premier ministre". Je n'ai plus, honteux, qu'à retirer mon commentaire hâtif.

Ruxor (2007-10-03T12:28:48Z)

Ah, je pensais que les décrets autonomes étaient pris par le Premier ministre (mais cosignés par les ministres chargés chacun pour leur part de le faire appliquer) — ce n'est pas le cas ?

Toujours est-il que je maintiens ma remarque : c'est largement incompréhensible, et on s'attendrait à trouver des explications claires dans un livre de droit administratif, or elles n'y sont pas, pire, les auteurs semblent présupposer connue la notion de décret et d'arrêté.

Touriste (2007-10-03T09:12:08Z)

Ah non au dernier commentaire tu oublies l'article 37 de la Constitution et des "décrets autonomes" pris en son application. Voir par exemple à <URL: http://www.les-infostrateges.com/article/0609108/hierarchie-des-normes-dans-le-systeme-juridique-francais#N17 > quelques éclaircissements à ce sujet.

Ruxor (2007-10-02T15:56:13Z)

Les ministres (autres que le Premier ministre) prennent parfois des décrets parfois des arrêtés. Je crois comprendre qu'ils ne prennent des décrets que dans des circonstances expressément prévues par la loi (normalement c'est le Premier ministre qui prend des décrets, ou le Président de la République dans certains cas) et que dans tous les autres cas (pour la gestion normale de l'administration qui leur est confiée) ils prennent des arrêtés. Reste qu'un manuel de droit administratif devrait expliquer ça, quand même…

phi (2007-10-02T12:27:59Z)

y'a rien à comprendre, comme d'hab…
décret: par ministre ou président
arrêté: par une autorité secondaire
un prof au Collèfe de France est nommé par décret, un MCF par arrêté.

cavalier sans tête (2007-10-01T09:12:42Z)

> le choix d'un système de gestion de contenu

Le contenu en question impose peut-être la programmation ex nihilo, en Fortran, dudit systeme.

Dionysos (2007-10-01T08:11:12Z)

je n'avais pas vu la syntaxe intiale. Je propose simplement "source de confusions".

Dionysos (2007-10-01T08:07:26Z)

Quoi, confusément, c'est pas français ?

Ruxor (2007-09-30T23:29:25Z)

JyBy → Souvent je fais des anglicismes (en l'occurrence j'en étais bien conscient) quand je ne trouve pas de mot satisfaisant équivalent en français. (En l'occurrence, “confus” peut signifier “obscur, embrouillé, caractérisé par la confusion”, mais on ne sait pas si cette confusion est subie ou causée, et je ne sais pas dire clairement, en français, que quelque chose *cause* de la confusion.)

Anonymous Coward (2007-09-30T19:58:55Z)

@ Fred le Marin

"Be careful about reading health books. You may die of a misprint" (les sources semblent se contredire quant a l'origine de la citation).

De la meme facon, j'aimerais pas me retrouver en prison parce qu'un incompetent de legislateur n'a pas correctement redige un article de loi, n'as pas vu une contradiction, n'a pas percu une autre interpretation possible du texte, etc.
Pas plus que je n'ai pas envie de dependre de l'appreciation souveraine d'un juge [qui est la solution magique pronee par Eolas contre tous les maux dont souffre le droit].

Le probleme est que le droit actuel est en deca de ce que l'on pourrait faire en termes de clarte et de simplicite, pour un resultat equivalent, sinon meilleur.

Alors quand en plus on vient me baratiner que si, si, le droit est une science…

pankkake (2007-09-30T17:43:48Z)

Comme système de gestion de contenu (type blog, sinon les usines à gaz sont légion) qui ne soit pas PHP/MySQL, tu as Typo (en Ruby) <URL: http://www.typosphere.org/ > et sans base de données (et très orientés geek) Blosxom (en Perl) et son copain PyBlosxom (en Pyton).
Avec Typo (et probablement les deux autres) tu peux utiliser la syntaxe Markdown ou Textile.

TARTAGLIA (2007-09-30T12:41:05Z)

Deux commentaires:
1/ nous vivons dans un pays de droit écrit: héritier de l'Empire Romain (code romain, code Justinien) de l'Eglise (droit canon) et de la Révolution (Code Civil) sans oublier l'héritage germanique (code Franc), à l'opposé des anglo-saxons qui ont un droit majoritairement basé sur la jurisprudence. Qu'est-ce qui défend le mieux les libertés? la question est toujours ouverte. Les Anglais ont eu l'Habeas Corpus un siècle et demi avant la Déclaration des Droits de l'Homme; cela dit, aux Etats-Unis, ce droit de jurisprudence n'empêche pas d'inquiétantes hétérogénéités en particulier dans la punition des crimes.
2/A tout prendre, mieux vaut avoir un droit que pas du tout: stratégie individuelle d'accommodement. D'accord donc avec le message d'indulgence de Fred le Mataf, bien que sa comparaison droit/Enfer soit excessive. La devise de l'Enfer est: lasciate ogni speranza.
Un non-commentaire: depuis Knock la lecture du Code Civil est un moyen non médicamenteux de traiter les insomnies, et ce n'est pas la moindre vertu de ce remarquable ouvrage. Il faut constater, David, que tu ne fais jamais comme les autres et que les soporifiques les plus puissants activent tard dans la nuit tes capacités intellectuelles. Cambaceres doit se retourner dans sa tombe, le pauvre homme.

JyBy (2007-09-30T11:19:13Z)

"Confusant"? Tu fais des anglicismes, ou c'est moi qui ai oublie mon francais?

Linca (2007-09-30T10:58:39Z)

Attention au concept d'édition en droit ; si il y en a eu 21, ce n'est pas grâce à des ventes faramineuse, mais parce que le droit change très souvent, et l'éditeur doit suivre…

Accessoirement, éditeur de livres de droit, c'est une bonne planque : les utilisateurs des codes doivent pratiquement renouveler leur bibliothèque tous les trois-quatre ans, et c'est pas donné…

BN (2007-09-30T10:48:05Z)

Les organisations internationales ne peuvent édicter de normes que sur une base juridique précise (c'est à dire un domaine de compétence définit par un article du traité). La France ne pourrait pas transférer une compétence juridique (exclusive) qu'elle a déjà transféré à l'UE à une autre organisation sans se désengager de l'UE avant (idem pour compétence partagée pour la part déjà transférée).

De plus, la primauté du droit des communautés européennes sur le droit interne est d'une toute autre nature que celle des autres organisations internationales (sauf la CEDH) ce qui fait que la question ne se poserait même pas. Les normes UE primeraient.

Dans le cas de la CEDH, il y aurait pu avoir des contradictions dans le cadre de la jurisprudence (qui d'ailleurs ne s'impose pas nécessairement au juge en théorie) CEDH/CJCE mais justement, la CJCE a exclu le domaine CEDH en indiquant qu'elle n'avait pas la compétence sauf si l'UE adhérait elle-même à la convention (façon de refuser une primauté de la CEDH).

Enfin, pas la peine d'aller chercher les contradictions normatives dans le droit international (encore une fois le droit UE n'est pas un droit international désormais Vabre Cour Cass /Nicolo CE), il suffit de regarder le droit produit en France ! mais bon, c'est inévitable, c'est un peu comme un immense programme informatique qu'il faudrait maintenir en permanence en le faisant évoluer tout en continuant l'exploitation.

sinon pour tous les items que tu évoques, pour le partage droit public/droit privé, c'est un pont-aux-ânes de tout étudiant en droit, et il n'y a pas d'explication autre qu'historique (lire le que sais je de Prosper Weil qui traite cela sur 3 pages très bien faites)

Imothep (2007-09-30T07:55:06Z)

Dis moi David, j'ai l'impression que tu lis beaucoup de manuels de droit. Est-ce que c'est pour ta propre culture générale ou est-ce vraiment pour tiquer contre les absurdités logiques qui pointent le bout de leur nez à chaque page ?
En tout cas, David, tu m'impressionnes chaque jour/entrée un peu plus. Et si tu me dis que tu retiens beaucoup de choses de ces bouqins, même plusieurs mois après leur lecture, chapeau bas, parce que j'ai lu Introduction générale au droit pour m'instruire pendant les vacances, et je serais bien en mal de jeter sur un bout de papier les choses que j'ai retenues de manière rigoureuse.

P.S. : puisque tu lis le blog d'Eolas de temps en temps j'imagine, j'espère qu'un jour il nous pondra une entrée sur l'apparent illogisme du droit, comme ça tu pourras défendre ton point de vue, et tu seras alors peut être la première personne à vaincre Eolas par tes arguments !

Fred le marin (2007-09-30T05:47:38Z)

Professeur-qui-pense-trop-tard-le-soir,
La logique humaine, exacte ou non (comme celle des ordinateurs d'ailleurs [ex: bugs d'Excell]), finit toujours par se briser quelque part dans le temps (parfois bien trop court), à l'instar d'une vague sur les rochers.
C'est dire que les maux naturels qui nous accablent sont forts et structurés. A quoi bon tant d'exactitude de notre part ? Pour l'honneur de l'Esprit Humain ?
Aussi je développe - en parallèle - des qualités de patience et de pardon (voire de compassion) pour éviter la folie de trop de rationnalité (à juste titre, il est vrai).
Soyons déjà fiers de constater que notre espèce forge des défenses lourdes (le Droit) contre les diverses injustices de ce bas monde.
Maintenant, si l'on peut encore hausser un peu le ton face à l'Enfer, c'est excellent. En tout cas bravo pour le travail fourni ici (tant la quantité que la qualité) et bon repos…

Anonymous Coward (2007-09-30T03:50:06Z)

> Je me suis toujours demandé ce qui se passerait si la France
> adhérait à un autre organisme international que l'Union
> européenne […] et que cet organisme émettait des
> directives qui soient contradictoires avec celles de
> l'Union européenne.

C'est tres simple, il y aurait CONTRADICTION. Voila ! Ce n'est pas pour rien qu'un des blogueurs les plus connus de France clame haut et fort que le droit est une science (au meme titre que les mathematiques).


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