Comments on Resistance is futile: you will be established

phi (2005-07-08T21:09:32Z)

Bourdieu disait (La distinction, p123):
Le vieillissement social n'est pas autre chose que ce lent travail de deuil ou, si l'on préfère, de désinvestissement (socialement assisté et encouragé) qui porte les agents à ajuster leurs aspirations à leurs chances objectives, les conduisant ainsi à épouser leur condition, à devenir ce qu'ils sont, à se contenter de ce qu'ils ont, fût-ce en travaillant à se tromper eux-mêmes sur ce qu'ils sont et sur ce qu'ils ont, avec la complicité collective, à faire leur deuil de tous les possibles latéraux, peu à peu abandonnés sur le chemin, et de toutes les espérances reconnues comme irréalisables à force d'être restées irréalisées.

Audrey Hepburn (2005-06-29T21:06:21Z)

> Stranger-in-the night
Alors moi à vingt ans, je devais souffrir ou être malheureuse. Je n'ai jamais rêvé comme cela, de refaire le monde. Pourtant il paraît que tous les gens ou presque passent par là.
Cela fait comparativement très peu de temps que je suis capable de me projeter dans l'avenir: un peu plus d'un an, guère plus. Je suis sûre qu'aucun médecin ne me croirait, mais c'est la plus stricte réalité. Le fait d'avoir le courage de rêver à une vie meilleure ou plus belle, c'est maintenant que je le vis de toutes les fibres de mon être, comme un enfant qui renaît à la vie…

Dunraven (2005-06-29T18:40:18Z)

Dans ta nouvelle, effet dramatique oblige, le retournement n'est effectivement qu'un dilemme de quelques secondes. Dans la vie, c'est très lent et bien plus insidieux que ça. La progression du "bourgeois" dans le corps de l'ancien "rebelle" est assez bien expliquée dans le film allemand "The educators" (en vo: Die fetten Jahre sind vorbei, C'est la fin des vaches grasses). De jeunes alternatifs s'y retrouvent contraints, malgré eux, à kidnapper celui qu'ils croient être un grand-patron, conservateur bien établi, et qui est en fait un ancien soixante-huitard, pote du meneur étudiant Rudi Dutschke, etc.

Dans la tirade de ce bourgeois, ce qu'il souligne surtout, c'est le poids de la famille: une fois qu'on a une femme et surtout des enfants, le besoin se fait sentir de poser un peu le train de vie, d'être sûr de l'avenir, etc.

Confronté sur le marché du travail à la bêtise quotidienne, on se dit: "mais pourquoi je me ferais chier pour améliorer le sort des autres, cherchons plutôt à acheter un appart plus grand pour les enfants".

Question: est-ce que les célibataires ou les couples sans enfants s'embourgeoisent moins vite? Un peu moins, sans doute.

Stranger-in-the-night (2005-06-29T15:34:01Z)

D'ailleurs, ceux de vingt ans font plutôt surenchère de soi-disant cynisme…

Stranger-in-the-night (2005-06-29T15:33:32Z)

Non, je disais même ça au sens large…

Ruxor (2005-06-29T14:55:08Z)

Faudrait pas prendre “communiste” trop au sens propre, non plus…

Stranger-in-the-night (2005-06-29T14:20:18Z)

J'ai l'impression que ceux qui à vingts ans sont les moins communistes, c'est justement ceux qui souffrent le plus, ce qui sont ou vraiment pauvres, ou malades, ou vraiment malheureux. Parce qu'alors on arrive pas à entrer dans des espoirs abstraits, on en veut presque à ceux qui les scandent (ceux qui sont pleins d'illusions altruistes à vingts ans aiment beaucoup les autres abstraitement et les rejettent beaucoup au cas par cas).

Vince (2005-06-29T13:20:37Z)

J'aime bien, je me reconnais un peu là : "ces profs, tous des cons", et qui finalement ne s'y reconnait pas. "Ces profs, tous des cons" et pourtant on se dit que finalement, à notre âge ils ont dû être comme nous… qu'a t-il bien pu leur arriver !? Suis-je condamné à devenir comme eux ? horreur ! lol.
Et puis plus on vieilli, mieux on les comprend, plus on devient comme eux, ces personnes que nous n'avons pas su comprendre plus tôt. La révolte et les jeunes ardeurs passionnées commencent à se calmer en nous et la société s'accapare de nous.
Pour ma part, j'en suis à un âge ou je me sens un peu déchiré entre la révolte et l'embourgoisement…

Saint-Placide (2005-06-29T10:31:05Z)

Est-ce vraiment une mauvaise chose ? Dans ta nouvelle le Sénat finit quand même par prendre acte des défauts du ministre des Provinces et le remplace par quelqu'un qui semble plus prometteur.

Te souvenir que quand tu étais lycéen tu étais persuadé que tous les profs étaient des cons fera peut-être de toi justement un meilleur prof. Du moins il est raisonnable d'imaginer que tu ne tomberas pas exactement dans les mêmes erreurs que celles que tu leur reprochais. Dans d'autres peut-être, mais ça c'est le problème de la génération suivante de lycéens.

Il me semble que c'est au contraire un signe de vitalité de la société que de se montrer capable d'absorber les éléments qui l'ont critiquée.

bidibulle (2005-06-29T09:56:08Z)

Tiens as tu lu "La Conspiration" de Paul Nizan?

Pour moi c'est l'un des meilleurs roman politique francais.

phi (2005-06-29T07:59:53Z)

L'embourgeoisement a au moins trois composantes bien distinctes: d'une part la perte de moyens intellectuels, que ce soit dans en quantité (temps saturé par la profession, la famille…) ou en qualité (vieillissement neuronal, déficiences endocriniennes, "maturation"…), d'une deuxième part l'altération du jugement par mimétisme (voire finlandisation) et d'autre part enfin la perte de combativité devant un monde qu'on finit par admettre comme non-réformable.
Ce qui frappe quand on observe le monde du travail, c'est l'omniprésence de la bêtise: tâches inutiles, prérogatives absurdes, chefs incompétents voire parasitiques, gestion pédagogique du crétinisme (en plus d'autres défauts humains, malhonnêteté, personnalité difficile), gratification aberrante… Le jeune contestataire, s'il n'est pas aveugle, se rend rapidement compte qu'avec ces gens, ses idées ont toutes les chances d'aboutir (ou de devoir aboutir) à un système stalinien. À partir de là, on peut devenir pervers-cynique ou névrosé-dépressif ou prépsychotique-indifférent selon sa composition, et la réussite sociale qui en découle plus ou moins…
Quant à l'altération du jugement, elle conduit à substituer à ses préférences personnelles les jugements de valeur de la société ambiante (c'est bien pire que la simulation d'un nouvel habitus): on ne parle plus d'égal à égal, parfois plus du tout, à des gens qui sont devenus moins égaux que soi (ah, l'égalitarisme!).
Enfin, restons confiants: David ne s'est pas encore mis à la cravate, a encore un peu d'humour, est encore capable d'écrire sur autre chose chose que les maths, et il est dans un milieu qui résiste encore relativement à la bêtification.


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