Comments on Polémique sur l'utilité des ENS

Stranger-in-the-night (2005-08-24T00:22:33Z)

Les intellectuels du moment ayant, ou non, passé leurs concours il y a bien longtemps, ça me semble bien hasardeux. Et encore faut-il les distinguer les uns des autres, distinguer -intellectuel - de chercheur, de spécialiste universitaire, etc… Dans des domaines où les critères de vérifications sont plus flous, on ne peut s'attendre à autre chose qu'à ces ambiguités. Le problème particulier de la France à ce niveau viendrait plutôt de deux facteurs très distincts 1) Une politisation intempestive et indigente de la vie intellectuelle et littéraire 2)Les conséquences d'un très grand académisme des formations universitaires classiques, qui conduit à la fois au rejet excessif, cela jusqu'à la perte de toute intelligibilité, à une certaine frilosité, à l'inverse, et enfin d'une tendance à traiter n'importe quel thème à partir de certains schémas académiques, dissertatoires, qui donne à tout et n'importe quoi une impression de sérieux. Mais gardons nous des constats hâtifs : sous son verni lamentable, la vie intellectuelle française et une des plus foisonnantes et diverses. Comme me le disait un professeur étranger invité à la Sorbonne, il y a des défauts risibles, mais peu d'endroits au monde où tant de débats peuvent s'entrecroiser. Plus inquiétant est sans doute l'état de la vie littéraire, de plus en plus pitoyable et branchée, mais ça n'est certainement pas une question de niveau d'éducation, mais bien de structure sociale.

phi (2005-08-20T21:36:39Z)

kiki, je suis d'accord sur tout sauf (?):

Comment "le type d'épreuves qu'elle impose" peut-il être changé? Je connais très bien l'exemple du lycée: les épreuves devienbnent de plus en plus scolaires (en gros, pattern matching sur exercices-types) sur un programme de plus en plus allégé, et un élève intelligent y perd des points par inattention, insoumission ou dépression devant tant de débilité. Les TPE qui sont censés épanouïr les élèves (les mêmes!) par l'approfondissement et la recherche (!) ne sont souvent que des copier-coller serviles de pages Internet. Bref, si le système n'était sans doute pas idéal, il est maintenant plus calamiteux qu'il y a un siècle pour les enfants des classes populaires aptes aux grandes écoles.
Certes, l'accession à l'université s'est démocratisée, mais elle n'apporte guère plus qu'un BAC de jadis, et encore, lorsqu'on trouve un emploi adéquat.

Sur l'injustice, je pense qu'il faut d'abord préciser ce qu'on entend par là. Il n'y a évidemment pas égalité des chances à la naissance, pour commerncer là où la Société n'intervient que peu: hérédité, environnement pré-natal, post-natal, petite-enfance; et durant tout ce temps, sur le plan, en particulier, de la nutrition, des stimuli, de l'affection. Les tests sur des jumeaux homo… zygotes séparés jeunes indiquent que plus de 80% de la variance de réussite à des tests de "QI" en relève.
Je pense que la Société doit d'abord s'attaquer aux 20% restant, l'éducation et l'instruction "de la maternelle à l'université" (quoique pas avec les mêmes enseignants, fussent-ils (dé)formés dans nos inénarrables IUFM). Ça paraît peu ambitieux mais c'est le moins difficile et ça ne sert à rien de déboucher en amont si l'aval est bouché. J'entends par "élève capable" un enfant qui a franchi le premier écueil (le pire, le plus injuste, on est d'accord).
Donc, la question que je me pose est: "la Société permet-elle à des élèves *capables* issus des classes populaires (CP) d'accéder grandes écoles (GP) avec les mêmes chances que des élèves *capables* issus des classes supérieures (CS, GS), ou bien leurs places sont-elles prises par des élèves moins capables (voire incapables) issus de ces dernières? Là, les statistiques doivent être maniées avec méfiance: si on rapporte GS/GP à S/P, le constat d'injustice est banal et stérile car la société ne pourra jamais compenser l'hérédité et la "familialité". Or, les grandes écoles sélectionnent à moins de 1%, cad à 2 (voire 1) écart-types pour les S mais à 3 (voire 4) écart-types pour les P. Les proportions correspondantes sont ~ 1/4 1/50 1/30000 1/1000 000 (oui, la courbe de Gauss décroît très rapidement). Autrement dit, on peut s'attendre à ce qu'il y ait jusqu'à 250000 fois plus de chance pour un S de devenir un GS que pour un P de devenir un GP! En fait, le rapport est bien moindre car les S sont parfois (souvent?) des GS qui ne sont pas CS. On voit donc que les statistiques d'admission ne permettent pas d'affirmer l'injustice du système entre CP et CS. Je doute qu'on puisse en tirer quoi que ce soit en affinant le modèle. Néanmoins, l'injustice me semble évidente et massive, et elle me semble s'aggraver depuis plusieurs dizaines d'années.
Les actions volontaristes spécifiques ("affirmative action") me semblent à procrire absolument: on ne récolte pas forcément des CP (voire pas du tout), cela discrédite le statut, c'est injuste vis-à-vis des autres CP, les GS trouvent d'autres moyens pour se faire valoir au détriment des quelques "vrais" GP, etc. Je crois qu'on pourrait améliorer les choses grandement en tuant quelques vaches sacrées du genre "collège unique", qui veut dire en fait collège P. Quand des enseignants radins et athées de l'enseignement Public commencent à mettre leurs enfants dans des écoles privées catholiques et payantes, il y a lieu de s'inquiéter.
Changer les épreuves pour améliorer le taux GP/CP, le sujet de ce dernier rebondissement de la discussion, ne me semble pas évident. En tout cas, il me semble sain de ne pas partir de cet objectif mais plutôt de se poser la question "qu'est-ce qu'un bon G et quelle C? qu'il soit P ou S, peu importe". Je ne connais les concours littéraires que par ce qu'on n'en a dit, cad pas grand chose; le résultat par contre est flagrant: il y a (beaucoup) plus de normaliens P scientifiques que littéraires. Mais là encore, les statistiques ne sont pas à prendre sans précautions: les CP se dirigent prioritairement vers les enseignements scientifiques qui ont des débouchés plus sûrs. Personnellement, issu de P, je n'aimais pas les matières littéraires, qui me semblaient être la culture d'un autre monde où il n'y avait rien à comprendre mais par contre beaucoup à apprendre puisque je n'avais pas le moindre "background". Je ne sais pas si j'étais aussi un CP littéraire (depuis, je me suis rattrapé) mais je suis très circonspect quant aux changements qui auraient, le cas échéant, augmenté mes chances. Pour ce qui est du domaine scientifique, en tout cas, c'est clair: Ulm 84 et Saint-Cloud 85 sont les épreuves que j'ai le mieux réussies et de loin; c'étaient des problèmes peu scolaires, assez originaux, intuitifs, intéressants (Maître, euh pardon, Docteur Ruxor, que convient-il d'en penser?). Ces épreuves n'étaient ni bachoteuses ni culturelles ni anticipables. J'ai vraiment eu de la chance: cela arrive rarement, même en math.
Je crains pour les lettres un problème bien plus grave que la non-sélection des CP: la noyade des C parmi des (non-C)S de plus en plus majoritaires tandis que les CS se détournent vers des formations plus intéressantes (universités américaines?). Je ne sais pas si ma crainte est fondée; elle est suscitée par une impression d'ineptie ou de malhonnêteté révulsante des supposés "intellectuels" du moment.

Stranger (2005-08-12T18:45:01Z)

Je ne suis pas vraiment d'accord, kiki. J'ai passé le concours BL, j'ai été admissible (deux fios)et ce n'est pas tant l'érudition qu'une certaine pugnacité au moment de l'épreuve, malgré le sujet posé, qui permet de passer. Ensuite, à l'oral, le principe est différent. Bien évidement, comme pour n'importe quel concours littéraire, viser les très bonnes notes autrement que de façon aléatoire (avec les surprises) demande qu'on arrive à démystifier les exigences réelles, en particulier par rapport à la forme, donc qu'on s'habitue à une certaine conformité avec les attentes, une série de trucs, d'astuces, dans lesquels on est éduqué dans les lycée de Paris et pas ailleurs. Mais il n'est pas du tout impossible de passer au forçage, même si c'est un passage sans éclats - et de toute manière, après, quand l'information redevient équitablement partagée, les compteurs sont plus ou moins remis à zéro. Le concours de Lyon est au contraire extrêmement formel, érudit, universitaire… il n'est pas plus culture free, mais favorise seulement un autre éthos, de la même façon que les agrégations, dont celle de lettres modernes. C'est un esprit de spécialiste et de simulâcre malgré tout, parce qu'objectivement, les candidats ne possèdent jamais la compétence voulue. On demande une maturité de pensée qui serait celle d'un homme dplus âgé, une expérience qui ne peut pas s'acquérir et qui ne peut que s'imiter le plus justement possible, avec le plus de conformité implicite entre jury et candidat. Sans compter, concernant Lyon, que le directeur actuel, Sylvain Auroux, ne fait vraiment rien pour ouvrir les choses et se comporte en dictateur imbu de lui-même et de l'élitisme le plus bête et stérile qui soit. Je pense qu'il y a vingt ans, par contre, l'ENS lsh était vraiment une porte ouverte, une bouffée d'air (en philosophie, elle pouvait compter sur Desanti) mais qu'elle s'est claquemurée dans ce qu'il y a de plus désagréable chez les intellectuels français.

Kiki (2005-08-11T14:58:45Z)

Phi, je pense que tu as assez mal compris ce que j'ai dit. Le bachotage, contrairement à ce que tu penses, est bien plus le fait des gens qui présentent Ulm et qui ont, par exemple, un programme en histoire et en philo qui répète celui de la terminale (et de la première pour l'histoire) à ceci près qu'il est tellement peu balisé que ce sont ceux qui s'y sont préparés depuis longtemps, et dans de bonnes conditions, qui y parviennent, pas les autres.
Tu affirme que : "Une épreuve sur un sujet réduit favorise le bachotage, donc ceux qui y sont entraînés depuis des années" mais je rappelle que les programmes de Lyon sont renouvelés tous les ans, ceux d'Ulm sont fixes ! Là est le bachotage : il est indéniable que des fils de profs (surtout lorsque ceux-ci sont normaliens) préparent ce concours bien avant l'hypokhâgne.
Epreuve de culture générale ? Sans doute, mais elle repose, qu'on le veuille ou non, sur des prérequis culturels. Si cette épreuve n'est pas, tu as raison de le rappeler, une épreuve d'académisme, elle ne saurait se passer d'une culture vaste qui fait jouer des différences socioculturelles au profit de certaines catégories.
Ceci est de l'ordre du constat, du fait et de non de la valeur.
Mais, personnellement, je pense réellement qu'un tel concours est injuste et les statistiques le prouvent, car même si elles sont dissimulées, l'ENS Paris se plaint suffisamment de l'uniformité (géographique et sociale) de son recrutement pour qu'on puisse en connaître les tendances générales.
Enfin, si tu affirmes qu'il faut aussi prendre en compte le rôle joué par les correcteurs, je suis évidemment d'accord mais là n'est pas l'essentiel il me semble. Contrairement à toi et Ruxor, je pense que le problème doit aussi beaucoup à l'organisation des concours et au type d'épreuves qu'elle impose.

phi (2005-08-10T18:46:17Z)

Pas d'acc Killy. Une épreuve sur un sujet réduit favorise le bachotage, donc ceux qui y sont entraînés depuis des années, pas ceux qui ne peuvent le faire du fait de conditions médiocres et de problèmes existentiels. Une épreuve de culture généraleord, sur un thème transversal peut ne requérir qu'une culture vraiment très générale et demander un travail d'intégration intense et original, en bannissant l'académisme convenu.
En fait, le problème ne vient pas tant des sujets que de leur évaluation, et des préjugés, quand ce n'est la médiocrité, des correcteurs.

Kiki (2005-08-07T12:00:24Z)

Tu as dit : "En tout cas, on voit mal ce qu'on pourrait reprocher en la matière au concours d'entrée des Écoles normales supérieures "

Je ne suis pas d'accord car je tiens à mettre en relief un point très important, celui des concours littéraires.

Il y a un déséquilibre net entre le concours classique de l'ENS Paris (ou Ulm) et le concours moderne de l'ENS Fontenay/Saint-Cloud (ou Lyon) et ceci pour une raison, l'organisation des concours.

Ulm : sans programme et avec une langue ancienne, il demande par conséquent, non pas ce que tu appelles des "capacités" mais une vaste culture qui ne peut être forgée en 2, 3 ou même 4 ans de CPGE. Comme on le dit souvent, c'est un concours qui se prépare "dès la sixième" (consciemment ou non d'ailleurs, mais c'est en général très conscient du point de vue parental) et ce n'est pas faux : la proportion de fils de profs ou de catégories sociales dont la culture est sensiblement adaptée à celles de concours d'entrée est énorme.

Lyon : concours sur programme et langue ancienne non obligatoire. Ce qui est exigé dès lors, ce n'est pas d'avoir la tête bien pleine, mais de la réflexion et une capacité d'appropriation des théories… Il s'agit donc d'un concours plus équitable. Citons, à ce propos, le rapport du jury de l'Agrégation externe des lettres modernes (concours dont l'organisation est comparable à celle de Lyon) en 2003 : "Bien sûr, il y a des programmes d'Agrégation, et cela est bon, parce qu'ils obligent à approfondir des auteurs, des textes et des questions majeures ; et cela est juste, car le procédé permet de discriminer avec plus d'équité les candidats".

Ne nions pas qu'aujourd'hui, même ce concours est trusté par les fils de profs mais en tout cas le renouvellement annuel d'un programme précis en deuxième année permet :
1/ d'éviter de faire jouer les acquis culturels, tout le monde part du même stade
2/ d'éviter que les cubes (5/2) ou bicarré (7/2) ne soient trop avantagés
Il s'agit donc d'un concours juste dont le recrutement a longtemps été (et continue aujourd'hui mais dans une moindre mesure) bien plus ouvert socialement ET géographiquement que celui d'Ulm.
Conclusion : on peut reprocher des choses aux concours d'entrée en ENS, et notamment à Ulm (j'accorde le fait que des exceptions existent mais, précisément, il s'agit d'exceptions).

Ce qui, dès lors, me paraît scandaleux, c'est que l'organisation d'un concours avantage directement des catégories sociales aisées qui vont être payées 1200 € alors qu'elles pourraient largement les dépenser. Le concours aristocratique d'Ulm (A/L et B/L) est un véritable archaïsme. Sans doute est-il nécessaire de nuancer : ce genre de problème concerne aussi Lyon et aussi des filières non littéraires mais, à tout le moins, ce problème est particulièrement aigu à Ulm : si on souhaite que les ENS soient utiles, c'est au prix d'une modification des concours d'entrée qu'il faut envisager cette utilité.

Anonymous Coward #1259 (Alexandre) (2004-08-05T06:27:05Z)

Excusez, j'ai pas tout suivi
Ce serait intéressant de comparer le nombre de prix nobels en médecine ou en économie (pas de grandes écoles) et le nombre de prix nobels en physique ou chimie, ou de médailles Fields (où les grandes écoles semblent nuir à l'université selon vous). Je crois que c'est en math que les grandes écoles sont les plus présentes.

Anonymous Coward #1258 (killy) (2004-08-04T21:11:37Z)

au fait, quelqu'un peut il me donner le nom (s'il existe) d'un très grand espoir des maths français (style "futur médaillé") qui ne soit passé ni pas l'ens, ni l'x?

Anonymous Coward #1258 (killy) (2004-08-04T19:09:16Z)

Rrose:
a) Voila l'url de l'interview complète de l'interview de Kahane:
www.lacitoyennete.com/magazine/societe/kahanejp.php

De plus, tu as raison, je n’ai cité cette remarque de Kahane que pour illustrer le fait que notre détection des talents n’était aussi extraordinaire que cela :
A mon avis, ce que montre le classement plus que moyen de notre pays c'est que ce système de sélection entièrement orienté vers les grandes écoles - dont ne sortent que les plus précoces, le plus initiés -n'est en rien remarquables.
Bien sur, je pense comme toi que la façon d'enseigner (de faire aimer ?) les maths et les moyens mis en oeuvre est la principale cause. C'est exactement ce que je regrette.

"Est-il vraiment prouvé que cela "aggrave le déséquilibre" ? "
C'est effectivement un sentiment personnel uniquement étayé par mon observation et certaines lectures.
Je rappellerais mes arguments:
* Système lisible (il n'y a pas de filière à connaître, pas d'option à prendre pour être dans la meilleure branche).
* La sélection se fait sur la longueur (pas de filières hyper sélectives où il faut en fait être en avance pour s'en sortir).
* Système non centralisé où le prestige d'un établissement dépend beaucoup plus des profs que du niveau des élèves (au usa, on peut faire sa scolarité dans une université dite « noire » et intégrer des grands groupes etc.).

Pour le différentiel de budget, cet argument est venu de C. Allegre (il était encore ministre) dans un de ses livres je crois. Cela dit, penses tu réellement que la prise en compte du salaire des profs puisse changer fondamentalement cette observation (honnêtement je n’en sais rien). Quelque soit le système de calcul, je pense que le rapport en France entre la grande école la plus riche et la fac (c’est forcément une fac !) la plus pauvre est beaucoup plus élevé qu’au usa.

Je partage entièrement ton analyse sur la fac presque devenu une «filière poubelle». Penses tu que le fait qu'aucune filière d'élite ou de prestige soit dans nos facs (mise à part le cas remarquable de la médecine et du droit) soit étranger à cela??

Rrose (2004-08-02T23:01:15Z)

Killy: merci pour les précisions. Mais au sujet de la citation de Kahane, il faudrait voir le contexte (je n'ai pas lu l'interview d'origine): il me semble qu'il se plaint plutôt d'un faible niveau des mathématiques en lycée à l'heure actuelle, et que ça n'a pas grand-chose à voir avec l'existence ou pas des ENS (et il faudrait savoir si c'est une question de "détection des talents", ou plutôt une question de programmes mathématiques du secondaire, et de baisse des horaires de maths ces dernières années).

Par ailleurs, tu as écrit:
"Aucun autre pays n’aggrave le déséquilibre en créant des institutions théoriquement ouvertes à tous qui payent leurs élèves et qui sont paradoxalement trustés par les enfants des milieux aisés."

Est-il vraiment prouvé que cela "aggrave le déséquilibre" ? Je doute que ça le compense vraiment, mais il se pourrait fort que ça se contente de reproduire les déséquilibres préexistants (et le problème est qu'on ne dispose pas d'un système similaire au système français en tous points sauf en ce qui concerne les ENS pour pouvoir faire des comparaisons valables…) Si j'avais quelque chose à reprocher au système français avec fac/ "grandes écoles", ce serait surtout le sous-financement chronique des facs (rappelons-nous une certaine fermeture de fac parisienne l'an dernier pour cause de dépenses de chauffage, hum hum), et par ailleurs le fait que les amphis de DEUG se retrouvent bien souvent dépourvus de vraie "tête de classe" vu que les bons élèves vont en général en prépa (et par ailleurs, d'après ce que j'en connais par quelques personnes de mon entourage, j'avoue être assez dubitative devant la qualité de l'enseignement dans certaines écoles d'ingénieurs, sans parler du côté "j'ai bossé deux ans, donc maintenant je peux en foutre le moins possible" chez certains…)

Ca m'intéresserait d'avoir des précisions sur les chiffres que tu cites: "Un exemple le différentiel entre la fac la plus riche et la plus pauvre aux usa est de 1 à 3 ; il est de 1 à 500 en France…" (est-ce que tu comptes aussi les "community colleges" aux Etats-Unis, par exemple ? Et qu'est-ce que tu comptes dans les budgets, sachant qu'en France les enseignants sont rémunérés par l'Etat avec des salaires indépendants de la fac, ce qui n'est pas le cas aux Etats-Unis ?)

Anonymous Coward #1241 (2004-07-30T21:20:09Z)

Killy bosse pour 1187 ?
Mieux (ou pire) Killy = 1187 ?
Axel (le bidon) après un teasing de la mort a disparu

waves (2004-07-29T22:05:57Z)

Nepo:

Je pense que l'enseignement supérieur tente de bouger et de s'adapter aux nouvelles exigences européennes mais aussi aux nouvelles demandes des employeurs. La flexibilité est une valeur plus qu'une tare et, si elle a des effets négatifs, elle demeure une nécessité à l'heure d'aujourd'hui où l'enseignement littéraire, tel qu'il se fait à l'ens ulm par exemple , reste très en retard et tributaire d'une conception héritée de deux siècles de jacobinisme.

Anonymous Coward #1233 (Killy) (2004-07-29T14:23:51Z)

1217 à Rrose

Si je cite Kahane, c'est parce que l'un des arguments les plus utilisés pour promouvoir les ens est le nombre d'écrivains célèbres, de prix nobels et en ce qui nous concerne (c'est même le plus éclatant) le nombre de Médailles Fields (on doit sûrement avoir le meilleur ratio "nombre de Médailles Fields par habitant").
Et la citation de Kahane montre que notre détection des talents (les candidats des olympiades sont en terminale et en prépa) n’est pas si bonne que cela (nos classements sont plus que moyens).
Tu as raison, les ens ne sont pas totalement (elles pourraient cependant de leur propre chef envisager des actions) responsables des échecs du système. Mais elles en sont des preuves éclatantes (avec l’X ,l’ena, hec etc.).
Une remarque, par rapport aux succès de l'école mathématique française:
- On n'a pas attendu l'existence de Normale sup ou Polytechnique pour avoir de remarquables mathématiciens (D’Alembert, De Fermat, Descartes, Pascal etc)
- Que les Médailles Fields soient tous (sauf une exception, mais on peut ajouter Bourgain) est aussi du au fait que ce prix n’existe que depuis 1932 : En effet, certain polytechniciens comme Cauchy, Poincaré (voire Lévy) l’auraient sans doute obtenu.
- A l’inverse que seraient devenu nos médaillés si l’ens n’existait pas ?
Pour reprendre la phraséologie de Ruxor « Pour pouvoir parler d'utilité absolue des ens il faut regarder non pas l'écart entre la proportion de médailles fields obtenues par la France et la proportion de médailles fields obtenues par les autres pays, mais entre le nombre de médailles fields obtenues par la France et le nombre de médailles fields que la France aurait obtenues sans l’existence des ens ; et là, je demande à voir des vraies statistiques ».
- L’inégalité des chances selon son milieu est présente dans tous les systèmes scolaires du monde. Sur ce point, je suis entièrement d’accord avec toi, mais aucun autre pays n’aggrave le déséquilibre en créant des institutions théoriquement ouvertes à tous qui payent leurs élèves et qui sont paradoxalement trustés par les enfants des milieux aisés.

Paradoxalement ; que les études soient payantes fixe plus clairement et rapidement les règles du jeu :
- Les riches peuvent quelque soit leur niveau étudier (mais c’est également le cas en France).
- Seul les plus brillants éléments issus des milieux les moins favorisés peuvent étudier à la faculté. Mais ils bénéficient alors de bourses infiniment plus importantes qu’en France, de tutorat et cela dans un système plus lisible. Toutes les élites vont à la fac, et même si Oxford, le Mit et autres sont plus prestigieux, le nom des diplômes n’est pas aussi décisif qu’en France. De plus la sélection se fait sur le long terme, et l’on est pas assuré à vie d’avoir une meilleure carrière (cela ne marche pas pour les chercheurs il est vrai) juste parce qu’on était plus parmi les plus brillants à 18, 19 ou 20 ans.
Je me suis toujours demandé pourquoi les ens recrutaient à partir de la prépa. Je pense qu’elles devraient sélectionner à partir de la maîtrise minimum.

En ce sens, notre système est plus hypocrite, plus latent : Il est censé permettre aux élèves moyens des milieux modestes de s’épanouir, mais quand on regarde la boucherie des deug et les principales victimes, on peut s’interroger sur notre système.

- La césure fac – prépas +grandes écoles hyper centralisés et « sur hiérarchisés » crée un déséquilibre qui n’existe qu’en France (déséquilibre de budgets et déséquilibre de perspectives). Un exemple le différentiel entre la fac la plus riche et la plus pauvre aux usa est de 1 à 3 ; il est de 1 à 500 en France…

Conclusion : Je n’ai rien contre les ens et je suis sur que le système hyper sélectif produit de remarquables spécimens. Cependant, je m’interroge dans l’absolue sur l’efficacité (cf mon 1er post ) de ce système qui perd en route tant de Ruxor.

Anonymous Coward #1228 (GG) (2004-07-29T07:27:10Z)

Rrose wrote :"Par ailleurs, ça n'a pas de sens d'aller se limiter à considérer les ENS qui ne scolarisent que quelques dizaines d'individus chaque année, les problèmes d'inégalités selon le milieu de naissance ont lieu me semble-t-il à un niveau bien plus précoce (primaire, collège, lycée) et le concours des ENS se place à un niveau où la sélection a déjà eu lieu auparavant…"

Y'a comme un écho dans ce débat…

Anonymous Coward #1227 (Népomucène) (2004-07-29T06:57:01Z)

"de vraies questions, de la réponse desquelles je ne préjuge pas": mon Dieu, que c'est laid! On va oublier, vu qu'on a compris, et on va faire comme si j'avais écrit "de vraies questions, dont je ne préjuge pas de la réponse" (toujours moche, mais un peu moins)

Anonymous Coward #1225 (Népomucène) (2004-07-29T04:33:35Z)

Waves, je n'ai pas vraiment d'objections mais juste deux questions (qui ne sont pas de pures questions oratoires, mais de vraies questions, de la réponse desquelles je ne préjuge pas): la réformite dont est affectée Sciences Po est-elle vraiment le signe d'autre chose que d'une réformite aiguë? Ne pourrait-on même faire l'hypothèse inverse, à savoir que la réformite de Sciences Po indique sa difficulté à "se poser" ou "se trouver"?

Rrose (2004-07-28T22:14:13Z)

phi: merci pour la précision, j'avais mal compris. Mais à vrai dire je ne sais rien sur la rémunération éventuelle ou non des jeunes sportifs. Et je précise que ces questionnements sur la rémunération des normaliens m'étaient venus à l'esprit il y a quelques années après une discussion avec une magistérienne de bio qui avait raté le concours de 2 ou 3 places et qui avait des problèmes financiers suite à une situation familiale difficile (famille nombreuse, père qui ne payait plus sa pension alimentaire, etc.) et je m'étais dit qu'elle aurait sûrement eu plus "besoin" d'argent que beaucoup de personnes mieux classées qu'elle.
A côté de ça, il ne faudrait pas non plus aller jeter le bébé avec l'eau du bain (et #1217, je ne vois pas trop le rapport entre l'interview de Kahane que tu cites et tes arguments précédents… Et au sujet des médailles Fields, je ne sais pas comment tu définis le "potentiel", mais le fait est qu'il n'y en a pas le même nombre selon le pays, et que le système éducatif et de recherche y est probablement pour quelque chose… Par ailleurs, si le système français est loin d'être égalitaire, il y a pas mal de pays où il n'y a certes ni prépas ni grandes écoles, mais où les inégalités sont au moins aussi fortes, en particulier pour des questions de droits d'inscriptions élevés dans le supérieur et de faible qualité des établissements publics dans le primaire et le secondaire. Par exemple, il me semble avoir lu qu'à Oxford et Cambridge, une majorité des élèves viennent de lycées privés, qui pourtant ne scolarisent qu'une petite partie des élèves). Par ailleurs, ça n'a pas de sens d'aller se limiter à considérer les ENS qui ne scolarisent que quelques dizaines d'individus chaque année, les problèmes d'inégalités selon le milieu de naissance ont lieu me semble-t-il à un niveau bien plus précoce (primaire, collège, lycée) et le concours des ENS se place à un niveau où la sélection a déjà eu lieu auparavant…

waves: ça va les chevilles ? :-) Peut-être que personne n'a répondu parce que personne parmi les lecteurs ne connaît bien la situation dans les ENS littéraires et à Sciences Po (et en sciences, le problème de la "faible reconnaissance internationale" des ENS ne se pose guère actuellement il me semble- en tous cas moins que pour la plupart des écoles d'ingénieurs…)

waves (2004-07-28T20:31:12Z)

Personne n'a vraiment répondu à mes critiques, je suis déçu, enfin je m'attendais à plus de répondant, mais non décidemment je dois avoir raison.

Anonymous Coward #1217 (2004-07-28T19:58:28Z)

à Ruxor,Phi et #1198 (dont l'intro lèche botte restera dans les annales…)

Le principe d'une formation est de détecter les talents (où qu'ils soient, visiblement il faut le préciser) puis de leur donner tous les moyens pour faire éclore leur talent.

Dès ce point, on peut affirmer que les écoles normales supérieurs (je n'ai pas compris pourquoi vous focalisez tous sur Ulm) ont échoué.
En effet, Les ens ne recrutent que dans un vivier tellement restreint que notre société le paiera un jour.
Je me risquerai à une métaphore géographique:C’est exactement comme si les ens ne recrutaient que dans la région parisienne…
Pourquoi est ce problème, si le déséquilibre énorme en faveur des fils de profs dans l'enseignement et la recherche est incontestable ?
C’est un problème moral parce que nous sommes en France, dans un pays où la devise comporte entre autre, le mot « égalité » (qu’est ce que l’égalité ? il faudrait une notion morale claire ; -) )
C’est ensuite, un problème …pratique, en effet, un système qui « loupe autant de bons sujets est tous simplement défectueux !
Combien de merveilleux chercheurs et profs a-t-on perdu ? L’argument des promotions entières perdues (de 1187) m’a d’abord laissé perplexe, mais en y réfléchissant…
De plus, étant dans un système de sélection, il nous importe que notre élite soit la plus forte possible.
Les succès indéniables des ens ne doivent pas masquer cela (au fait, est ce parce qu’ils sont passés par Ulm qu’ils ont eu la médaille Fields ou est ce parce qu’ils avaient le potentiel pour avoir ce prix qu’ils sont naturellement passés par l’ens ?). Si on obligeait les ens à ne recruter que dans les milieux défavorisés (ce que je n’approuverais pas) on aurait des promotions aussi bonnes après quelques années de rodage. En effet, le système s’orienterait exclusivement autours d’eux, et les collèges, lycées, et prépas se battraient pour détecter les brillants potentiels issus des banlieues.
Que les grandes écoles et les prépas n’existent qu’en France (argument je crois déjà évoqué) montrent que ce système n’est pas incontournable et qu’il n’a jamais été suffisamment productif pour être copié, pire, ce système semble s’essouffler …(voir les propos de Kahane)
L’origine du débat est je crois les propos de Ruxor sur les dossiers pour le magistère d’Ulm. Aussi, pourquoi ne pas créer une filière normalienne (accessibles sur différents concours, sur le modèle du magistère) ayant des antennes dans toutes les facs et ne réserver les places d’étudiants logés et payés qu’à ceux qui viennent des milieux les moins favorisés ?

Extrait sur le site internet lacitoyennete.com
Montpellier - Le 8 Novembre 2000

La Citoyenneté : Au niveau de l'école, nous assistons à un niveau bas des résultats des élèves. Cependant, la France a reçu de nombreuses médailles Fields (équivalent du Prix Nobel). Comment expliquer ce phénomène ?
Jean-Pierre Kahane : Lorsque vous parlez des médailles Fields, la plupart d'entre eux ont au moins 40 ans. Les médailles Fields actuelles, ce sont des gens qui ont fait leurs études secondaires il y a au moins 25 ans. Il ne faut pas comparer "les médaillés Fields" actuels et l'enseignement secondaire actuel; il faudra regarder les médailles Fields dans 25 ans. Il n'y aura pas de médailles françaises dans 25 ans si on ne remonte pas le niveau actuel des mathématiques en France. Par exemple, aux Olympiades des Mathématiques Internationales, quel était le rang de la France ? Lors de ce concours, qui est une grande référence internationale, nous étions classés 57e sur le plan mondial cette année, alors que nous étions 33e l'an dernier. Au niveau de la sélection des jeunes mathématiciens, nous sommes en ce moment en défaillance sur le plan international.

Anonymous Coward #1214 (2004-07-28T13:59:58Z)

Ruxor
Pourquoi arreter ce débat?
Mis à part les derniers posts que tu aurais sans doute pu refuser (ils sont limites orduriers #1201,#1203, #1205, #1206 et #1207)Je trouve que la discussion était de haute tenue et que les arguments exposés donnaient à réfléchir.

Ruxor (2004-07-28T00:22:36Z)

Oui, là ça commence à devenir vraiment n'importe quoi. Je n'aime pas modérer vers le bas (et en plus on m'engueule quand je le fais…), donc je limite ça à des messages complètement hors-sujet (salut, Fred le Marin !). Mais pour le coup… Bon, enfin, de toute façon, je crois que chacun a dit ce qu'il avait à dire, et qu'on peut s'en tenir là.

Anonymous Coward #1207 (2004-07-27T23:44:34Z)

ref les derniers msgs

il y a les forums du Monde pour des arguments de cette qualité…

Anonymous Coward #1206 (2004-07-27T22:47:34Z)

l'opposition 1187 vs Ruxor est en fait assez classique:

- D'un coté 1187, un prof issus d'un milieu modeste qui a du trimer dix fois plus que les autres et qui trouve de l'intérieur, le système injuste. je l'imagine LCR, commençant ses cours par des prêches enflammées sur les inégalités sociales.
- De l'autre, Ruxor fils de chercheur à la fac, pour qui la scolarité n'a été qu'un long ennui avant de "thurner" à la rue d'Ulm. Cynique (un peu quand même!) je l'imagine développant parfois un discours qui ne déplairait pas quelque fois à l'extrême droite, voire pire (le coup de l'injuste qui n'est pas défini est édifiant).
Sans vouloir jouer au sage au dessus de la mêlée, je les trouve tous les deux engoncées dans leurs certitudes.

Anonymous Coward #1205 (2004-07-27T22:44:43Z)

Entre Ruxor et le famous coward 1187 cela va se terminer à coup de batte de base ball !!
J'imagine la scène(un peu d'humour):

1187- Salaud de fils de prof, qui t’a fait normalien?
Ruxor- abruti de fils d'ouvrier, t'avais qu'à t'intéresser aux tenseur !! et quand je dis tenseurs, je veux bien sur parler de tenseurs de Riemann !!

Autre délire : Ruxor et 1187 sont profs au lycée ou au collège.

Chez Ruxor

Ruxor – Bonjours, nous allons commencer cette année de cinquième par un exercice très simple, nous allons calculer des tenseurs.
Incrédulité dans la classe, sauf trois élèves (Alain Yoccoz, Jean Lions et Daniel Lafforgue fils de célèbres matheux) qui lèvent le doigt.
A. Yoccoz – Des tenseurs de Riemann au moins ?
Ruxor (avec un large sourire) – Bien sur !

Chez 1187.

1187 – Nous allons commencer cette classe de terminale en vous mettant en garde contre un danger sournois qui vous guette dans l’ombre : Le fils de profs.
Cris d’épouvante dans la classe.
Au fait, il y en a-t-il dans la classe ?
Evariste Ruxor lève le doigt.
1187 (découvrant le nom) – Mr Ruxor…Je le jure devant dieu, vous ne piquerez pas une place à un enfant du peuple !!

Anonymous Coward #1204 (2004-07-27T22:07:03Z)

1187 a tort de critiquer les ens qui sont pour moi au contraire les seules grandes écoles qui remplissent leur rôle. En effet, contrairement à toutes les autres pépinières à élites, l’ens accueille via le concours le plus dur de toutes (avec peut être l’ena) les grandes écoles, des élèves réellement motivés et doués pour une matière. Ensuite, cette école leur offre des années de tranquillité où ils n’ont comme seule tache, de s’adonner à l’épanouissement de leur talent. De plus, devant obtenir des diplômes qui ne sont pas délivrés par l’école et se destinant en majorité vers la recherche, ils sont obligés de fournir un travail minimum. En comparaison, différents rapports montrent que seul les 100 premiers polytechniciens ont le niveau que l’on attendait d’eux à l’entrée. Par contre, 1187 marque un point indéniable en regrettant la forme hypocrite de la sélection prétendument accessible à tous et qui dans les faits sont « réservés » à une certaine classe. Ruxor abuse en parlant d’ouvriers qui devraient orienter leurs enfants vers la recherche (c’est au mieux de la naïveté). Ruxor pense également que le concours est anonyme et gratuit. je lui conseille la lecture attentive du rapport Attali pour qu’il se rende compte à quel point le système des classes prépa sélectionnent (entre autres) par l’argent.
Les propos de phi ?no comment… il aurait beaucoup plus à un petit moustachu allemand dans les année 30 (c’est infiniment excessif, je le sais).

Anonymous Coward #1203 (Procuste) (2004-07-27T21:42:18Z)

Si ce n'est toi, ces't donc ton frère!

Ruxor (2004-07-27T19:25:49Z)

*Pardon* ? J'ai censuré quoi que ce soit, moi ? Où, comment, quand ?

Anonymous Coward #1201 (2004-07-27T18:45:27Z)

"Les arguments de Ruxor me paraissent difficiles à contester …."
surtout lorsque l'on censure les posts qui apportent de la contradiction…(#1180 is back)

Anonymous Coward #1198 (2004-07-27T15:22:55Z)

Les arguments de Ruxor me paraissent difficiles à contester, en particulier : 1 sur le fait que l’injustice de la sélection opérée par les ENS ne peut s’évaluer qu’en examinant l'écart entre la proportion de fils de profs qui voudraient devenir profs et qui le deviennent et la proportion de fils d'ouvriers immigrés qui voudraient devenir profs et qui le deviennent. Il reste toutefois que si cette envie vient aux uns et pas autres, la cause ne semble pas totalement étrangère à leurs milieux d’origine respectifs : la question reste donc posée. 2. Sur la nécessité d’accéder à une communauté scientifique pour faire de la recherche, l’ENS représentant, à cet égard, autant par le milieu que par les moyens, une condition très favorable.
Sur la question restée en plan, voici mon argumentation. La sélection est à la base de tout enseignement scientifique et l’élitisme lui-même est inhérent à toute science et à toute pratique scientifique : on peut bien souhaiter que n’importe qui puisse accéder en maths au niveau où se trouve Ruxor ; il n’existe aucun argument pour penser que ce souhait soit jamais réalisé. Les raisons qui expliquent les succès des uns et l’échec des autres sont complexes. On les assigne en général à trois séries de causes : l’hérédité, le milieu socio-familial, le développement personnel, dans lequel prennent place les rencontres, les stratégies, l'état de la vie affective, le hasard, etc. L'envie résulte d'une combinaison de ces trois facteurs. A partir de là, est-il bien nécessaire de se demander si le résultat de la sélection est juste ou injuste ? Dans l’absolu, il est forcément injuste puisque parmi ceux qui souhaitent être admis, certains le sont et d’autres non, pour des causes dont on peut supposer qu'ils ne sont pas en totalité responsables. La seule question valable est, à mon sentiment : dans l’hypothèse où le milieu socio-familial joue un rôle dans la situation finale et où ce rôle n’est pas négligeable – et, après tout, on confond peut-être ici coïncidence et causalité - peut-on utilement agir pour que ceux qui sont pénalisés par un environnement jugé moins favorable par rapport aux autres bénéficient d’une compensation ? Et de quelle nature serait cette compensation ? Dans un certain nombre de secteurs d’enseignement, on semble s’orienter vers une forme dite de discrimination positive. Il est manifeste que cette solution en maths est inappropriée, voire absurde : on doit du reste se demander si elle ne l’est pas ailleurs, le cas extrême des maths rendant seulement l’absurdité plus évidente. L’autre compensation qu’on préconise d’ordinaire est une aide matérielle accrue de la collectivité au moment des études ; mais une réponse matérielle à cette question est-elle adaptée et, si elle l’est, dans quelle mesure ? Il est clair que personne ne sait répondre à cette question. Les enfants d’enseignants ne réussissent pas mieux les concours des ENS parce que leurs parents sont matériellement aisés – ils appartiennent à ce que les Britanniques appellent la upper middle class - mais parce que leur milieu familial est formateur. Alors faut-il contraindre par la force tous les enseignants à adopter de petits immigrés (mot qui semble avoir rempacé celui d’ouvriers dans la fastidieuse phraséologie marxiste) ? Les parents de ceux-ci seront-ils d’accord ? La réponse est non. Mon avis est donc qu’il vaut mieux :
1 Se résoudre définitivement au caractère élitiste des maths et de la plupart des disciplines savantes (sciences exactes et sciences humaines)- et littéraires aussi, en définitive.
2. Éviter absolument de handicaper (y compris par la culpabilisation) ceux qui ont bénéficié de conditions éventuellement favorables, indépendamment du fait que ce bénéficie a été «justement » ou « injustement » acquis.
3. Diminuer autant que possible le handicap social des autres, dans les limtes de la précédente observation, en restant conscient du caractère limité et incertain de ce type d’intervention. Les ENS, qui reposent sur une sélection jusqu’ici sans concession, sont, en particulier, bien adaptées à la formation de mathématiciens de haut niveau : le quart des médailles Fields (11 sur 44) est allée à la France depuis 1936, dont à une écrasante majorité de normaliens. Il est raisonnable de penser que, plutôt que dans un talent congénital des Français pour les maths, c’est dans le système éducatif mis en place pour l’enseignement de cette discipline, et qui tend tout entier vers l’ENS, qu’il faut en chercher la cause.

waves (2004-07-27T13:22:13Z)

Le lien parle de lui-même.

http://forums.sciences-po.fr/read.php?f=36&i=2141&t=2141

phi (2004-07-27T00:35:40Z)

Rrose:
je ne pensais même pas aux gains des footballeurs qui sont rémunérés par des clubs subventionnés (ce qui est peut-être idiot: en Italie, c'est privé) mais aux autres sports qui mobilisent beaucoup moins les foules. Peut-être aussi que certains jeunes sportifs sont rémunérés?

Rrose (2004-07-26T23:20:30Z)

Au sujet du LMD: au vu des mails collectifs que j'ai vu circuler dans mon ancienne fac, ça a l'air d'être un joyeux bordel dans pas mal d'endroits (et beaucoup de choses ont plutôt été bâclées pour être finies dans les temps…)

phi: si, il y a régulièrement des gens qui s'indignent du salaire des sportifs (ou des animateurs télé…) Mais il y a aussi le fait que dans un cas il s'agit d'argent public (par ailleurs, on peut toujours réfuter n'importe quelle injustice en trouvant "plus injuste" ailleurs…)

Dimitri a écrit: "Je prends mon exemple. Quand j'étais en terminale, je n'avais aucune idée de ce qu'était l'ENS. Je n'avais pas envie de faire ingénieur et je croyais que c'était le but exclusif de la prépa. Je voulais faire de la recherche et je pensais que la fac était l'endroit idéal pour ça."
C'est effectivement un bon exemple du manque d'information dans le système scolaire (et aussi d'une certaine hypocrisie ou incohérence, puisqu'effectivement, il serait logique que la fac soit "l'endroit idéal" pour faire de la recherche…) Il y aurait des progrès à faire au niveau des conseillers d'orientation, et aussi de l'information des enseignants à ce sujet… D'ailleurs j'ai une amie qui a failli se retrouver dans la même situation que toi (ses parents n'ont pas le bac et n'étaient pas les mieux placés pour l'aider, même s'ils y mettaient de la bonne volonté) et heureusement ses profs de terminale, puis de taupe, l'ont bien conseillée
(et elle est rentrée dans une ENS et a été recrutée MCF en maths par la suite).

Persano: effectivement, quand on voit certains élèves de DEUG qui se retrouvent à devoir bosser pour vivre les soirs et week-ends, ou à loger à plus d'1h30 de la fac faute de chambres disponibles en cité U, ça n'aide guère à la réussite scolaire…

axel le détective: je trouve que tes commentaires font très "petits règlements de compte personnels", d'autant plus que tu n'as aucune preuve que ce soit bien la personne dont tu parles…

waves: j'ai l'impression que la situation varie énormément selon les disciplines, par exemple on ne peut guère dire qu'en maths l'ENS ait une "faible reconnaissance internationale voire européénne"…

Anonymous Coward #1196 (Persano) (2004-07-26T22:12:06Z)

La réforme LMD, sur un plan plus général, pose énormément de problèmes. Elle s'avèrerea peut-être, dans l'avenir, comme une bonne chose (pour la mobilité géographique essentiellement) mais vous n'avez peut-être pas idée à quel point elle commence à compliquer l'existence quotidienne de centaines (et bientôt de milliers) de personnes, administratifs et enseignants au moins, pour les premières années de sa mise en place (refonte totale des "maquettes de diplômes", sans parler des fameux "crédits européens"). Dans un premier temps, je pense que les principaux bénéficiaires en seront les labos pharmaceutiques fabricant des psychotropes :-)!

waves (2004-07-26T22:03:16Z)

Ca ne suffit pas de se mettre au lmd ( sur le tard c'est le moins qu'on puisse dire, même l'Université Charles de Gaulle Lille 3 l'a déjà adopté et sciences po il y a pres de dix ans ), il faudrait réformer le concours d'entrée qui à bac plus deux n'a plus aucun sens, interroger la nécessité qu'ont la plupart des étudiants de passer l'agreg, penser des nouveaux débouchés, un diplome en cinq ans et pas en deux plus quatre, bref harmoniser le tout en fonction des nouvelles exigences. Or l'ens vous m excuserez mais ça ne connait pas la meme flexibilité que sc po par exemple qui change son concours d entrée d'année en année, réforme sa scolarité en permanence et tente toujours d'assumer ses ambitions internationales….Cette absence de flexibilité gêne et encroute l'école qui, force est de le constater, perd en compétitivité et donc en légitimité en tant qu'école " supérieure".

Anonymous Coward #1195 (Persano) (2004-07-26T22:02:13Z)

Je ne me considère pas comme suffisamment qualifié pour participer à ce débat. Je me permets simplement de rebondir en apportant mon témoignage - et je me serais reproché de ne pas l’avoir fait - d’”administratif” dans une université. Si, si, ça existe, je vous assure…! (j’écris cela car , 9 fois sur 10, lorsque je me présente comme travaillant dans une université, on croit que je suis enseignant… remarquez, j’aurais rien contre, mais tel n’est pas le cas…).
Bref, je voulais donc simplement préciser qu’étant affecté dans un service de “Scolarité générale”, je reçois régulièrement des étudiants et peux affirmer que bon nombre vivent et étudient dans des conditions réellement effrayantes. A mon avis, le “Système éducatif” (en 1ère ligne le CROUS et cie) ne fait pas grand-chose pour remédier à cela et ce ne sont pas les “petits boulots”, ni même une bourse annuelle d’un montant pouvant aller jusqu’a 3500 euros et des chambres de 10 m2 qui changeront grand-chose. Mais bon, on n’a jamais vu vraiment un systéme chercher à s’auto-détruire et, en relisant ce post, j’ai l’impression de lire un tract de revendication des étudiants de l’UNEF que j’ai cotoyé ces dernières semaines sur la chaine d’inscription… Je crois cependant bien qu’ils réclament, parmi leurs revendications, une sorte de “salaire étudiant”, qui serait peut-être du montant du RMI. A mon avis, et sans savoir si la chose est budgétairement envisageable, ce ne serait pas “du luxe”, car je connais des étudiants qui vivent uniquement de leur bourse ou “allocation d’études” (une aide équivalente accordée, après enquète sociale serrée en cas de rupture parentale totale ou autres problèmes gravissimes) et je pense que, dans de telles conditions, même la personne la plus brillante doit avoir du mal… Hum… Enfin, pour terminer sur une note plus gaie, au moins, les étudiants qui se sont inscrits en ce mois de juillet auprès de l’établissement où j’accomplis mon apostolat quotidien (enfin là, je suis en vacances !) seront les tous premiers de notre beau pays à posséder - gratuitement mais 10 euros en cas de perte pour le renouvellement - la fameuse carte à puce “CUMUL” qui leur permettra aussi bien d’éditer certificats de scolarité et relevés de notes que de prendre un café ou un repas à la cafet’… à condition, bien évidemment de l’alimenter en argent. Y z’ont pas encore ça, à l’ENS :-)! Heu… c’est pas de la pub, hein, promis mais le modérateur peut couper si il veut ;-)!!!

Ruxor (2004-07-26T21:54:02Z)

L'ENS est en train de se doter d'un diplôme. Contre l'avis de la majorité de ses élèves (consultés par referendum), et de manière à mon avis parfaitement injuste pour les anciens élèves d'une part (qui n'auront pas ce diplôme de façon rétroactive et ne pourront pas en passer un équivalent) et pour les magistériens d'autre part (qui n'auront pas le droit non plus au titre de diplômé de l'ENS). Et par ailleurs les masters sont en train de se mettre en place (mais là aussi je suis mécontent de la façon dont la réforme LMD ne prévoit pas une possibilité d'équivalent des diplômes anciens sur des diplômes nouveaux, donc de nouveau c'est injuste pour ceux qui sont passés avant la réforme).

waves (2004-07-26T21:45:22Z)

Mes critiques ne portent pas sur l'injustice du système élitiste français ou sur son incapacité à débusquer des "élites", mais sur sa pertinence dans l enseignement supérieur tel qu il se concoit aujourd'hui.

L'ens est une école qui n'est pas diplomante, avec une faible reconnaissance internationale voire européénne, qui rivalise très mal avec les grandes universités américaines par exemple ( notammment en matière de budget alloué à la recherche ).

Mais surtout elle est complètement inadaptée au nouveau système européen ( le cursus du normalien est très loin du LMD et on constatera l absence criante de masters en lettres).

Ces critiques sont d'ailleurs aussi partagées par des normaliens ( littéraires surtout ) qui partent en masse ( j'exagère à peine ) à sciences po paris, symptôme s'il en est d'une école incapable de remplir son rôle

En clair, l ens est une obsolescence d'un système éducationnel français périmé et en cours de rénovation . Il faut la supprimer ou la réformer pour enfin redonner de l'envergure et du dynamisme à l'enseignement supérieur français ( je partage les critiques de Philippe Aghion, normalien qui a décidé d'enseigner à Harvard, sur ce point ) .

Je rajoute que les logements laissent rue d'ulm beaucoup à désirer ( logements trop anciens, insonorisation très mauvaise, problemes d'évacuation des eaux usées etc ) et que les avantages du cadre de vie sont, aujourd'hui, largement à nuancer.

Ces critiques écartées, il est clair qu etre indépendant financièrement est un atout non négligeable quand on a 20 ans, que les ens préparent particulièrement bien à l'agrégation ( enfin faut en avoir envie de l agreg ) et à l'enseignement de façon générale ( chacun ses ambitions…).

Mon avis : c'est trop dur pour trop peu. Mais bon je respecte l'avis des autres d'autant plus cette école ( enfin le salaire serait plus juste ) m'a à un moment intéressée.

Anonymous Coward #1193 (axel le detective) (2004-07-26T19:19:42Z)

je crois savoir (i.e. connaitre le visage) qui est 1187 (alias 1180)(si je ne me trompe pas, c'est une bombe)

Je crois que c'est un magistère d'Orsay entré à Cachan (donc normalien!!!)par le concours de la 3ème année.

En effet, son discours et certain faits me font irrésistiblement penser à lui.

Quand j'ai appris qu'il était normalien (il était en résidence u à Orsay), je l'ai félicité et cru qu'il était d'Ulm. Sa réponse est savoureuse:"Bof!en fait j'aurais préféré entrer à l'X" suivi par une tirade sur le fait qu'il n'y ai pas la meme filière pour entrer à polytech puis il a terminé par "au fait, je suis le fils d'une secretaire qui à élevé seul ses 4 enfants, je ne pourrais etre d'ULm. C'est déja un scandale que Cachan m'ait laissé entrer!"

Une autre fois, au foyer d'une résidence où il est passé, je l'ai entendu dire (en gros) "ces cons, tous fils de profs, je les enverrais bosser à l'usine comme stage, et pas des mois, une bonne année !!"

Enfin, si je ne le connaissais pas personnellement, je l’ai souvent croisé (r.u., résidence universitaire, etc) je me souviens enfin de l’avoir (en 2000) feter son agreg et il disant entre autres « vu mon classement, j’en ai niqué des fils de profs !

N’étant pas sur, et ne connaissant d’ailleurs pas son nom, je poursuivrai mon enquete.

Dimitri (2004-07-26T19:15:21Z)

Il y a deux types d'inégalités scolaires bien distinctes.

Les premières sont dues à l'éducation. Les parents cultivés, qui ont fait des études longues, qui sont profs, etc., vont généralement plus pousser leurs enfants et surtout vont leur transmettre le goût de la connaissance. Ce type d'inégalité est inévitable.

Les secondes sont dues à une méconnaissance du système scolaire. Les parents qui n'ont pas fait des études longues sont, dans le meilleur des cas, perdus pour conseiller leurs enfants, et dans le pire, ne s'intéressent pas vraiment aux études de leurs enfants car ils n'en réalisent pas l'importance. Les enfants de ces parents vont plus facilement faire des erreurs d'orientations qui ont souvent de grosses conséquences vu la rigidité de notre système. C'est ce type d'inégalité qu'il faut combattre.

Je prends mon exemple. Quand j'étais en terminale, je n'avais aucune idée de ce qu'était l'ENS. Je n'avais pas envie de faire ingénieur et je croyais que c'était le but exclusif de la prépa. Je voulais faire de la recherche et je pensais que la fac était l'endroit idéal pour ça. Je me suis malheureusement fermé des portes en allant à la fac par manque d'information (et ce n'est pas faute d'être aller voir des conseillers d'orientation).

Ensuite (mais là on passe en mode utopique), il faudrait repenser la complémentarité entre la fac et la prépa. Par exemple (je n'ai pas vraiment réfléchi au problème, c'est juste une proposition qui me vient à la tête à l'instant), la fac et la prépa pourraient partiellement fusionner. La première année serait commune (ou peut-être seulement le premier trimestre). Ensuite en deuxième année, on choisirait entre une deuxième année de type fac ou une deuxième année plus intensive. Cette organisation a, à mon avis, pas mal d'avantages. Les élèves ne sont pas sélectionnés après le bac mais après une année universitaire où ils ont vraiment touché le coeur de la matière qui les intéresse. Ils ont déjà passé une année universitaire quand ils font leur choix et ils sont donc plus informés. Les élèves peuvent plus facilement passer de la filière type fac à la filière type prépa car l'université gère les deux.

phi (2004-07-26T16:59:57Z)

Une façon de se déculpabiliser est de regarder la situation du sport, où l'on paie royalement des gens extrêmememnt sélectionnés, à un moment de leur vie, alors qu'il serait plus juste de financer les clubs de quartier pour développer le sport là où c'est vraiment nécessaire… Curieusement, comme le suggérait David, cette injustice-là n'offusque personne.

Rrose (2004-07-26T16:12:06Z)

Et quelques autres remarques:
-il me semble que faire découvrir aux élèves d'autres études et d'autres métiers que ce qu'ils connaissent dans leur famille fait aussi partie des missions du service éducatif, et que justement il y a des problèmes à ce niveau-là…
-on peut aussi se poser la question en termes d'"efficacité": est-ce que n'est pas une "perte" pour la société qu'il puisse y avoir un certain nombre de gens potentiellement doués pour tel ou tel type d'études mais qui se retrouvent avec des emplois bien moins qualifiés pour cause d'erreur d'orientation, de manque de modèles, etc. ?

A part ça, au sujet des ENS, cette discussion m'a fait s'interroger au sujet du statut de normalien. Que les ENS soient utiles en tant que "pépinières de talents", c'est une chose (et en réponse à un message précédent de #1187, je préciserai que ce n'est pas une voie nécessaire pour devenir chercheur en France- on peut aussi le devenir en ayant fait toutes ses études à la fac de telle ou telle ville, même si c'est moins courant…- ni d'ailleurs une voie suffisante…), mais je me demande si le statut de normalien (fonctionnaire stagiaire, payé) se justifie à l'heure actuelle. Bon, je reconnais que j'en ai bénéficié et que c'était bien agréable d'être indépendante financièrement à 19 ans, et que ça aide aussi en termes de retraite (enfin, si ce mot veut encore dire quelque chose dans 30 ou 35 ans…) Mais étant donné que la majeure partie des normaliens vient de milieu plutôt favorisés, est-ce que ça se justifie vraiment d'aller verser un salaire sur la base d'un classement, plutôt que par exemple des bourses sur critères sociaux (un auditeur libre ayant raté le concours de quelques places se retrouvera non payé alors qu'il en avait peut-être plus "besoin")? Même question pour les X, d'ailleurs. Bon, les salaires de normaliens et des X ne sont qu'une goutte d'eau par rapport au bugdet
de l'Education Nationale, et les supprimer ne permettrait de toute façon pas de remédier aux problèmes qui se posent (dont d'ailleurs le nombre choquant de thèses non financées ou sous-financées dans certaines matières). Mais je trouve que la question mérite d'être abordée…

Rrose (2004-07-26T14:57:13Z)

Marc a écrit:
"Hm, le seul vrai inconvénient avec les ENS, c'est qu'elles recrutent à un moment de la vie (20, 21 ans) unique."

Je dirais que ce problème dépasse largement le cadre des ENS et des futurs enseignants et/ ou chercheurs: il me semble que, dans l'ensemble, le système scolaire français et le milieu professionnel sont assez rigides et qu'il y a pas mal de limitations (officielles ou officieuses) d'âge qui font qu'un changement de parcours est souvent difficile… Donc la moindre erreur d'orientation (ou le moindre passage à vide) peut se payer cher, et il me semble que c'est un peu dommage.

A part ça, pour l'anecdote, la photo
http://www.ens.fr/concours/images/priere.gif
représente effectivement la personne à laquelle je pensais (et il paraît qu'elle a été prise lors du concours 1994 et publiée dans "Le Monde de l'Education" par la suite).

Anonymous Coward #1190 (Marc) (2004-07-26T11:53:46Z)

Hm, le seul vrai inconvénient avec les ENS, c'est qu'elles recrutent à un moment de la vie (20, 21 ans) unique. Ce moment supposant qu'une certaine capacité était déjà présente en 1ère, voire 2nde (pour pouvoir entrer en prépa). Or il me semble que des gens peuvent se "révéler" plus tard, par exemple à 21 ans, mais du coup l'accès en prépa n'est plus possible, ethonnêtement, intégrer en candidat libre ("vraiment" libre, càd sans être passé dans une prépa) est quasi-impossible, il y a trop de codes, surtout à l'oral semble-t-il.
Je sais qu'en science il est possible de rentrer via la fac, et en lettres c'est possible dans les textes, l'âge maximum étant 23 ans pour le concours. Mais c'est assez hypocrite, puisque même si une sous-admissibilité est possible, voire une admissiblité, à l'oral les chances sont très, très amoindries (si on n'est jamais passé par une prépa s'entend).
Je prends mon exemple : pendant ma 2e année de DEUG dedroit j'ai bossé pour le concours A/L parallèlement (pitié par d'interprétation psy : oui, je voulais me "prouver" qqch !). J'ai été sous-admissible (c'était l'objectif inavoué), mais bien entendu, même si j'avais été admissible, l'oral ruinais toute chance.
Donc oui, des entrées pour des gens de la fac, avec bien sûr un niveau d'exigeance élevé, mais un concours moins "codé" classe prépa, pour permettre à des gens de la fac, qui par exemple ne s'étaient pas "révélés" dès la Première, de ne pas se sentir toujours un peu en-dessous (disons le, c'est comme ça que les choses sont présentées, et sont dans la plupart des cas), et de tenter leur chance en pouvant réellement y croire.
(Pas de remarque sur le ton "expérience personnelle" de ce commentaire, merci ;-)

phi (2004-07-26T09:40:00Z)

GG
Mais qui croit à "l'égalité des chances"? Les bons sentiments politiquement corrects, c'est au mieux de la rhétorique politique. On a plus de chances de réussir dans la vie si on est riche, beau, de bonne famille, homme hétéro blanc, voire (en plus) intelligent que si on est tout le contraire. Dans les études de Bourdieu, l'hérédité est bien plus forte, par exemple, pour le notariat. je ne vois pas trop ce qu'on pourrait reprocher au concours de l'ENS en lui-même sauf parfois un côté culturel trop connexe au programme, favorisant les simples bachoteurs.

C'est amusant cette pudeur de David sur les capacités… et ça élude la question que voudrait poser GG, lui aussi retenu… Donc phi va se dévouer (comme d'hab):
un fils d'ouvrier non qualifié, immigré etc. peut fort bien avoir les capacités d'être normalien, de faire de la recherche au plus haut niveau, et que ce soit pour lui la seule voie d'épanouissement possible pour ses capacités (car tout le monde n'a pas la capacité morale à utiliser son intelligence pour seulement gagner de l'argent). Dès lors, le système scolaire lui laisse-t-il toutes ses chances (cad bien peu) ou les réduit-il encore davantage?

Anonymous Coward #1188 (GG) (2004-07-26T08:47:38Z)

Salut,

David, tu écris : "Pour pouvoir parler d'injustice il faut regarder non pas l'écart entre la proportion de fils de profs qui deviennent profs et la proportion de fils d'ouvriers immigrés qui deviennent profs, mais entre la proportion de fils de profs qui voudraient devenir profs et qui le deviennent et la proportion de fils d'ouvriers immigrés qui voudraient devenir profs et qui le deviennent ; et là, je demande à voir des vraies statistiques. (Alors que si on met riche à la place de profs, comme je le dis, les deux statistiques diffèrent peu, donc on peut ignorer cette subtilité, et il y a bien un déséquilibre."

Je perçois dans ton raisonnement une excessive finesse intellectuelle : la surreprésentation des fils de profs (ou dont les parents sont issus du milieur "supérieur" cf. les différents rapports existants sur le sujet) est clairement le symptôme de quelquechose qui CLOCHE. Cette surreprésentation n'est pas normale et ceci est critiquable en soi, surtout quand on entend proclamer "l'égalité des chances".

Je n'ai pas de grandes références philosophiques ni sociologiques, mais toujours est-il que l'enfant né dans un milieu socioprofessionnel favorisé aura accès à plus de possibilités dans sa vie. Il y a "plus de chances" que des parents-profs donnent "plus de chances" à leurs enfants pour réussir, dû moins scolairement.

Tu écris aussi : "Ce serait assez absurde de fustiger les intellectuels parce qu'ils donnent à leurs enfants le goût de faire des études : chacun a envie de transmettre à la génération suivante ce qu'il a aimé, c'est assez normal".

Personne ne doit être fustigé ; il est clair aussi que le problème serait moins grave s'il concernait uniquement le goût pour la musique classique ou le badminton…mais il est question ici de l'enseignement scolaire. Est-il nécessaire de préciser que pour un individu la qualité de son parcours scolaire (au sens général et neutre) déterminera sa VIE ? L'Ecole avec un grand E, c'est dans une large mesure là où tout se joue professionnellement, non ?

Attention, mon discours n'est pas un discours haineux contre une quelconque "élite". Je ne nie pas le mérite personnel et la notion de responsabilité : "c'est la motivation qui fait l'homme", OK : nous devenons ce que nous voulons être. Soit.

Mais il y a une vérité incontournable : ce sont tes parents qui t'ont insufflé et surtout qui t'ont donné la possibilité d'exprimer cette motivation, que ce soit une possibilité d'ordre financier ou d'ordre intellectuel… En regard de ce constat ET si l'on croit dur comme fer à "'égalité des chances", cette situation n'est-elle pas INJUSTE ? "C'est comme ça, c'est le système" : sorry, mais ce genre de réponse que j'ai souvent lu, c'est un peu court.

Personnellement, (ce que je n'hésite pas à nommer) l'injustice scolaire me force à relativiser, à replacer les choses à leur juste place : si je suis devenu ce que je suis, c'est grâce à moi-même (évidemment) mais aussi grâce au milieu socioprofessionnel où je suis né. Et oui, faut bien avoir cette petite lumière de lucidité…Sans rire, a-t-on des difficultés à se l'avouer ? En tout cas je ne peux m'empêcher de sourire quand Phi écrit ceci : " Il y a des concours nationaux, anonymes, objectifs, dans le plus pur idéal républicain, qui confèrent des avantages à certains étudiants. Ces concours, tu pouvais les passer, comme moi, boursier et simple fils d'ouvriers". La sélection sociale a déjà opéré bien AVANT le présentation à ces concours nationaux, elle a déjà bien eu le temps d'écarter bon nombre d'individus tout aussi capables que toi, que moi, que n'importe qui.

Si quelqu'un a pris une autre voie que la mienne, en vertu de mon état d'esprit, je n'aurais jamais cette condescendance de lui dire que ma voie est supérieure à la sienne. L'égalité des chances est une utopie, une belle idée à ranger sur une étagère pour faire joli. Phi, "Le plus pur idéal républicain", tu y penses entre la poire et le fromage…

Aux oubliés.

Tiens un touriste (2004-07-26T07:15:26Z)

(Je commençais à jouer avec le troll, mais non j'abandonne, j'étais en train d'aligner trop de banalités). Je conserve néanmoins :

une suggestion en passant - je ne suis pas du tout gêné par l'anonymat de certains commentateurs (savoir si AC1187 s'appelle Jacques ou Jules m'importe peu). En revanche, il pourrait être utile de rentre le "Nick" obligatoire (et non vide) pour les Anonymous Cowards ; ce qui est un peu pénible en effet, c'est de ne pas pouvoir avec certitude reconnaître le retour d'un même commentateur (ou de devoir gérer des informations comme "#1187=#1180"). Évidemment, qui le souhaite pourrait changer de pseudo à chaque intervention, mais en pratique cela arriverait rarement et les lecteurs apprécieraient le gain de lisibilité des commentaires.


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