Comments on L'amphibologie fondamentale du droit

Apokrif (2020-10-20T17:27:28Z)

@sbi: le point de vue du juge administratif en chef:

« pour le juge, rester sur cette ligne de crête entre politique et scientifique, conscient de ses pouvoirs et de ses limites, était d’autant plus délicat durant la crise que le droit – la loi, les règlements – ne prévoit pas précisément comment contrer une épidémie et allouer des ressources rares. Les notions de droit à la vie et de droit à la santé systématiquement mobilisées, aussi symboliques soient-elles, sont quant à elles loin d’être univoques, surtout quand le droit à la vie de certains doit être concilié avec celui de tous. Dernier écueil, enfin, auquel le juge doit faire attention : c’est celui de voir son prétoire se transformer en perchoir , comme en attestent les prises de positions qui, pendant l’état d’urgence sanitaire, ont invité le juge des référés à substituer son contrôle à celui du Parlement défaillant ou les requêtes fantaisistes – car il y en a eu – émanant de justiciables souhaitant principalement donner un écho à leur opinion sur la gestion de la crise. Comme cela a pu être relevé, le juge des référés doit prendre garde à la « confusion des rôles » et ne pas se mettre à juger l’opportunité des décisions prises par les autorités politiques. »

https://www.conseil-etat.fr/actualites/discours-et-interventions/le-conseil-d-etat-face-a-la-crise-sanitaire-du-covid-19-par-bruno-lasserre-vice-president-du-conseil-d-etat

sbi (2020-10-17T19:05:33Z)

Le gap culturel que tu dénonces ne peut-il pas aussi expliquer que des juges valident des mesures prises dans la panique, qui changent tous les jours, parce que mieux vaut faire quelque chose, y compris n'importe quoi (et dont on peut comprendre que c'est même pire que rien, où rien n'est chiffré ou pas de façon opposable et contradictoire), parce qu'elles ne veulent pas s'humilier en descendant dans l'arène face aux gens qui Font et qui Savent?

Ruxor (2018-08-27T12:18:10Z)

@Eric B: Traquer les liens cassés sur un blog ressemble à une course de la reine rouge, où il faut toujours courir plus vite pour rester sur place, mais bon, c'est corrigé.

Eric B (2018-08-27T10:56:44Z)

Petite mise à jour du premier lien de ce post, 12 ans après: http://www.maitre-eolas.fr/post/2006/03/03/300-la-cour-de-cassation-promulgue-la-loi-dadvsi#c6779

Hélène (2010-04-28T16:32:58Z)

Lu sur le blog d'Eolas, en réponse à un commentaire <URL: http://www.maitre-eolas.fr/post/2010/04/28/Peut-on-conduire-habill%C3%A9#c122505 > :

Eolas: « Le ET juridique n’est pas cumulatif. Il correspond au OU logique. »

Le club Contexte a fait très fort, sur ce coup-là.

Apokrif (2008-02-13T01:24:11Z)

"Les individus sont égaux en droit mais l'action en justice demande une avance financière (si ce n'est une dépense) considérable (les avocats commis d'office, c'est seulement quand on est accusé et dans certains rares cas seulement)"

Il me semble que la commission d'office ne concerne que le cas où le bénficiaire de l'aide juridictionnelle (laquelle existe pour le demandeur comme pour le défendeur au pénal, au civil et en contentieux administratif) n'a pas choisi d'avocat (ou autre professionnel du droit), et donc ne concerne pas le principe de l'égalité devant la justice:
http://www.senat.fr/rap/r07-023/r07-023_mono.html

Reste évidemment la question des modalités de l'AJ…

phi (2006-03-17T08:55:24Z)

moi non plus je n'ai jamais apprécié (c'est peu dire) ces raisonnements chimistes où l'on suppoose que X est en concentration négligeable pour déduire d'azutres paramètres et à la fin constater que l'hypothèse X négligeable est vérifiée… Mais là, on a un test de cohérence, incomplet certes, mais qui au moins apporte quelque chose.
La logique du juriste semble être restée au niveau du syllogisme, malgré l'introduction de notions de logique dans le cursus des étudiants. Et encore, quand ce n'est pas tout simplement une affaire de rhétorique, de manipulation ou de gros sous.
Mais ce qui me choque le plus, c'est qu'on en soit resté à une justice moraliste bien pensante, héritière de la justice moraliste bourgeoise qui condamnait le voleur qui voulait manger mais ne voyait rien à redire au commerce des esclaves. Ainsi, on envoie en prison des gens vaguement soupçonnés de pédophilie mais on laisse en liberté des gens qui détournent des millions d'€. Et pour ces derniers, non seulement pas de détention préventive mais uun système de recours indéfinis qui leur permettent, ou plutôt à leurs avocats, de tenir jusqu'à extinction des plaintes et des plaignants.
Le raisonnement en justice, pour approximatif qu'il soit, est malgré tout ce qui marche le moins mal. Ces défaillances me semblent bien dérisoires face au problème de la définition des délits et celui de l'application des décisions. Je remarque, comme avec la "constitution européenne" qu'on va nous refourguer à la prochaine occcasion, que la définition des délits est beaucoup plus efficiente dans certaines situations que dans d'autres: l'individu est de plus en plus ligoté tandis que les entrprises ont de plus en plus d'échappatoires. Il y a quand même quelques timides progrès, notamment dans le droit de la pollution, peut-être grâce à l'Europe. Quant à l'application des décisions, elle ne tient pour commencer aucun compte des moyens d'évasion des coupables. Et la plupart des peines sont disproportionnées vers le bas (évidemment) par rapport aux gains engrangés par le délit et la probabilité de se faire prendre/condamner. Autant dire que ce n'est pas la peine de gaspiller l'argent du contribuable pour un résultat aussi médiocre.

Sur le point précis soulevé par David, le droit n'est intéressant que dans la mesure où l'autre ne peut pas l'empêcher trop facilement. Un éditeur ne pouvait pas interdire la reproduction privée et la faire condamner par la Loi. Mais il pouvait imprimer sur un supoort non photocopiable. Cela peut sembler équilibré… Ainsi, la liberté de la presse est reconnue mais rien n'interdirait qu'un syndicat bloque l'impression du journal? Les individus sont égaux en droit mais l'action en justice demande une avance financière (si ce n'est une dépense) considérable (les avocats commis d'office, c'est seulement quand on est accusé et dans certains rares cas seulement). À partir de quand s'agit-il d'un empêchement et non plus d'une non-aide?

Thomas (2006-03-16T18:41:18Z)

En fait, en développant un peu plus ce que je disais, ce que tu dis sur le droit (qu'il contredit la logique mathématique) est vraiment tout à fait transposable à certains raisonnements chimiques.

D'ailleurs, j'ai l'impression que c'est encore la même chose dans toutes les disciplines où des gens absolument non mathématiciens prétendent établir des règles.

(En fait j'ai posté en voyant ton article pasque je venais de poster au sujet de la chimie sur un forum : http://forums.futura-sciences.com/showthread.php?p=549984#post549984)(j'y détaille plus le problème de la chimie)

Je veux dire par non mathématicien des gens qui n'ont pas reçu de réel enseignement mathématique, ou alors qui ne l'ont pas apprécié comme il se doit ( :) ) (par exemple en ne retenant qu'un tas de formules prêtes à être rebalancées dans des sujets faits dans cette optique).

Le problème c'est que dans ces disciplines, le but des gens n'est pas d'être correct mathématiquement, mais d'être correct vis-à-vis des principes qui sont admis par ceux qui pratiquent ces disciplines.
Et je pense que lorsqu'un mathématicien va leur dire "là votre raisonnement n'est pas correct au sens de la logique", c'est un peu comme si quelqu'un venait poster en réponse à mon présent post pour me dire "tu as mis deux textes entre parenthèses à la suite, c'est incorrect": je lui dirais qu'on s'en fout que ça ne soit pas grammaticalement correct, tout le monde comprend. Pourtant dans les règles de la langue française c'est incorrect et je prétends parler selon les règles de la langue française. Bon mon exemple est nullissime je l'admets (je sais même pas si c'est vraiment incorrect de faire un double parenthésage :)) mais c'est pour montrer que les gens n'ont pas tous la même logique et une faute mathématique de raisonnement, qui pourra paraître très grave au mathématicien, pourra sembler être un détail à celui qui pratique sa discipline non mathématique et qui sait qu'il sera compris au sein de sa communauté (alors que le mathématicien sera sans doute incompris).

Maintenant c'est vrai que dans le cas de la chimie (ou de la bio si on en croît ce qui est dit), personne n'est forcé d'accepter ce qui est dit (pas après l'école en tout cas) alors que dans la loi ça pose un autre problème comme tu dis …

Apokrif (2006-03-16T16:50:22Z)

"Par ailleurs, les juristes semblent avoir développé tout un arsenal de processus mentaux leur permettant d'éviter de se heurter aux contradictions de leur système"

N'oublions pas que les juristes sont des humains, pas des ordinateurs, qui ont la prétention de remplir des tâches un peu plus intelligentes que celles qu'on peut faire accomplir par une machine (ou modéliser mathématiquement). D'où, par exemple, l'article 4 du Code civil.

Nex (2006-03-14T16:26:54Z)

Ah ! Comme ce post me fait plaisir, moi qui aie abandonné (temporairement..?) mes études de droit, qui me mettaient le cerveau sens dessus dessous.
Je ne pense pas qu'il faille s'exténuer à chercher une véritable logique au droit, étant donné que ce qui importe en matière de droit est la solution. Le reste n'est le plus souvent qu'interprétation des termes de la loi. Et au besoin, on divise et subdivise les termes afin de faire rentrer les interprétations nécessaires. Rhétorique.
Une fois que l'on a l'interprétation qui convient (faire a contrario, ou par exception, et j'en passe…), un bon vieux syllogisme fera office de logique pour appliquer la loi.
Fantastique.

Ruxor (2006-03-14T15:51:26Z)

Jérôme → Oui, je sais que les linguistes, philosophes du langages, classificateurs de figures de style, etc., utilisent le mot “amphibologie” dans un sens légèrement différent. Mais ici je me place plutôt du point de vue du classificateur d'erreurs de logique et de raisonnement, cf. par exemple <URL: http://www.infidels.org/news/atheism/logic.html#amphiboly >, et dans ce cas le sens est plus large (à peu près toute ambiguïté volontaire de langage qui sert à justifier un raisonnement douteux est ainsi qualifiable). Je préfère un mot plus précis que simplement “ambiguïté”, parce que si je parlais de l'“ambiguïté fondamentale du droit”, on penserait plutôt à ambivalence ou quelque chose comme ça, en tout cas ça évoque tout autre chose.

Natura non facit saltum (2006-03-14T14:58:17Z)

Bidibulle:
>Si tu remplace par biologistes ou enfants de moins de 5 ans, c'est pire…

Autrement dit:
>"Il est notoire que les gens qui ont un sens de la logique un peu développé ont presque toujours des difficultés considérables à comprendre les biologistes."

Ca ressemble a du troll classique ca. Que tu ne comprennes pas les biologistes est une chose, que tu pretendes que les personnes logiques ne le peuvent pas, c'est troller.

Le vivant obeit a des regles logiques, accessibles par la science. Si tu n'arrives pas a comprendre que les mathematiques peuvent repondre a des problemes "totaux", en donnant l'ensemble des reponses possibles, mais que seules certaines sont accessibles en tant qu'etats existants dans les systemes physiques, chimiques et biologiques, je ne suis pas persuade que celui qui manque de logique soit celui qu'on croit.

Copieur (2006-03-14T14:46:36Z)

"J'ai le droit de copier un CD-audio à partir de l'original dans le cadre de la copie privée, mais je n'ai pas le droit de prêter, donner, vendre ou louer copie. D'un autre coté je peux prêter un graveur CD. Imaginez donc que je fasse une société qui vous prête l'original et un graveur (tout en les gardant dans ses locaux) le temps d'une copie (1 minute), vous déclenchez vous-même la copie (par internet) et une fois le CD gravé on vous envoie le DVD par la poste."

Oh oui ! Et ça existe : <URL:http://www.AllOfMP3.com> ! L'original reste dans leurs locaux, et c'est *toi* qui déclenches l'encodage à distance pour le copier dans le format de ton choix avant de le rapatrier sur ton HD. Au final on a téléchargé un album entier pour moins de $1 de manière entièrement automatisée grâce à leur logiciel qui t'épargne la tâche fastidieuse de la recherche, du tri, et du remplissage des tags…

Jérôme (2006-03-14T13:37:23Z)

Article intéressant, voire brillant.
Une petite observation cependant : il ne me semble pas s'agir ici d'amphibologie au sens strict.
L'amphibologie désigne un défaut de style, volontaire ou involontaire, qui rend ambigu le sens d'une phrase, et ce par la construction grammaticale, l'ordre des mots, ou des astuces de combinaisons.
En ce sens l'ambiguïté qui siège dans une amphibologie peut être levée très facilement en reformulant la phrase dans un ordre différent. Ou, au pire, en explicitant le sens par une autre phrase qui apporte la précision nécessaire.
Or, l'ambiguïté qui siège dans la phrase "les bénéficiaires de droits ne peuvent interdire la copie privée" ne peut être levée de façon aussi simple : pour lever et expliciter cette ambiguïté, il a fallu ce long article. Il s'agit donc d'une phrase qui peut certes donner lieu à plusieurs interprétations, en l'occurrence deux, aux sens respectifs faible et fort, mais dont l'ambiguïté n'est pas le résultat d'une tournure de style défecteuse ou ludique. Il s'agit plus "simplement", oserais-je dire, d'une difficulté d'interprétation comme il en existe beaucoup. Dans ce cas, la plus modeste qualification d'"ambiguïté" me semble beaucoup plus adaptée qu'"amphibologie".

DomQ (2006-03-14T10:32:11Z)

Félicitations Ruxor, tu viens de mettre au grand jour la formidable hypocrisie du droit (qui n'est pas la Justice) avec une éloquence dont je ne suis pas forcément capable moi-même et pourtant j'ai un DEUG de droit :-). Une seule précision : les avocats compétents (il y en a) sont parfaitement conscients de la présence de ce blind spot chez les juges, et en tirent habilement parti. Avec un bon avocat, tu es donc en mesure de tordre la règle à ton profit…

bidibulle (2006-03-14T10:28:01Z)

<<Pas que les juristes, si tu remplaces par chimiste c'est encore tout à fait vrai :)>>

Si tu remplace par biologistes ou enfants de moins de 5 ans, c'est pire…

Vicnent (2006-03-14T10:25:11Z)

principe de base : la lecture de la loi se fait à contrario. La cour de cassation la précise.
Raphaële va t'expliquer cela mieux que moi…

Koko90 (2006-03-14T09:25:53Z)

Moi ce qui me gène le plus avec la loi c'est son imprécision vis à vis du quantitatif. Voilà deux exemple :

La loi "Informatique et liberté" réglemente l'utilisation des fichiers informatiques. Disons par exemple que je suis une prestataire de service : je n'ai pas le droit de garder un client dans un fichier s'il me demande explicitement à être enlevé du fichier. D'un autre coté j'ai le droit - et j'ai même peut-être l'obligation, de conserver ses factures et bons de commande sous forme "papier" (disons sous forme non informatique).
Admettons que je transfert sur microfilms tout ces papiers - je pense que je reste hors du cadre informatique et liberté. Si je décide d'écrire un double de ces papiers en binaire j'ai le droit (ça reste de papiers). Maintenant je fais une machine lisant automatiquement des microfilms en binaire et faisant le l'OCR (pas difficile). Je me retrouve avec un truc qui n'est pas un fichier client mais qui en as toutes les caractéristiques, parcequ'il n'existe pas en fait de différence fondamentale entre un fichier et un papier.

J'ai le droit de copier un CD-audio à partir de l'original dans le cadre de la copie privée, mais je n'ai pas le droit de prêter, donner, vendre ou louer copie. D'un autre coté je peux prêter un graveur CD. Imaginez donc que je fasse une société qui vous prête l'original et un graveur (tout en les gardant dans ses locaux) le temps d'une copie (1 minute), vous déclenchez vous-même la copie (par internet) et une fois le CD gravé on vous envoie le DVD par la poste.

Ruxor (2006-03-13T23:50:36Z)

Ah oui, *A Formal Model for Legal Argumentation* (Ratio Juris 7 (1994), 212–226), ça a l'air prometteur, comme titre, par exemple. Difficile de dire a priori si c'est du pipo en boîte ou si c'est sérieux.

Nicklaus (2006-03-13T23:26:05Z)

Loi et logique : Sartor a écrit pas mal de choses là-dessus… Ce que ça vaut ???

http://www.cirfid.unibo.it/~sartor/

Thomas (2006-03-13T21:55:39Z)

"Il est notoire que les gens qui ont un sens de la logique un peu développé ont presque toujours des difficultés considérables à comprendre les juristes."

Pas que les juristes, si tu remplaces par chimiste c'est encore tout à fait vrai :)


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